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Les Shiv Sena(s). Des bureaux de chômage au national-hindouisme ? Réflexions à partir d'une étude de cas au Madhya Pradesh en 1991

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Gérard Heuzé*
Affiliation:
CNRS

Extract

La situation présente de l'Asie du Sud illustre de manière particulièrement significative l'importance des problématiques de recomposition religieuse de la modernité. En Inde, c'est un puissant mouvement hindou qui retient le plus l'attention depuis 1980. Comme il vise le pouvoir et identifie la nation et la religion nous parlerons d'hindouisme nationaliste. La spécialisation des études (et des chercheurs) a longtemps empêché que les faits qui s'y rattachent fussent mis en relation avec l'évolution des données socio-économiques. Comme le chômage est l'une des tendances les plus marquantes de la période à ce niveau, et que nombre d'hindouistes nationalistes lui attribuent une place essentielle dans leur propagande et leur analyse, il nous semble important d'essayer de dépasser les frontières de champs pour tenter de mieux discerner les rapports qui existent entre les deux ensembles de réalités. Les faits économiques se trouvent-ils réellement subordonnés ou étroitement liés aux logiques identitaires, ou le chômage n'est-il qu'un prétexte à la réinterprétation et à la modernisation du religieux, qui pourrait se voir remplacé par d'autres éléments? En quoi les discours hindouistes bâtis par rapport au chômage restent-ils par ailleurs typiques de la culture à laquelle ils se réfèrent ?

Summary

Summary

The second human group of the planet, the Indian Federation has been shaken for a decade by a wave of militant Hinduism that does not easily fit in whith the usual framework of “integrisms ” and “fondamentalisms ”. This national-Hinduism was born more than a century ago. Currently it assumes shifting forms and new proportions. Past organizations addressed culture, nation and politics, elaborating programs, rituals and complex structures. Current organizations, born in the 1960s, address unemployment and scarcely theorize. The present article attemps to define these new organizations, front the results of a case study carried out, in 1991, in a small city of the Madhya Pradesh (center of lndia). It seeks to shed light on the relations between their practices and social problems, particularly unemployment, by showing how they meet the aspirations of certain young people and simplify the world while enhancing the values of people on the fringe.

Type
L'Invention de la Tradition : Le Cas Indien
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1992

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References

Notes

1. Voir, du même auteur, « Marché du travail, données communautaires et stratégies individuelle, un exemple dans l'Inde contemporaine », Sociologie du Travail, n° 2, 1990 ; « Les paysans et l'emploi industriel dans l'Inde contemporaine», Annales ESC, 1991, n° 1, pp. 53-78; «Problèmes de l'emploi, conscience du chômage », Sociologie du Travail, n° 1, 1992.

2. La notion de haute caste est assez mouvante, dès que l'on sort des schémas idéologiques qui prennent pour référence les varna (sorte «d'ordre” de prêtres, guerriers, marchands et serviteurs) et non les jati (castes) concrètes qui se comptent par milliers. Il ne s'agit pas d'une élite minuscule puisque de 5 % à 30 “la de la population entre dans cette catégorie, le pourcentage variant selon les régions.

3. Le système de quotas à l'intention des très basses castes hindoues et des aborigènes (hindous aussi) devait être abrogé au bout de dix ans. Il a été régulièrement reconduit depuis et des quotas ont été mis en place dans plus de la moitié des provinces à l'intention d'autres groupes, moins infériorisés. Il existe aussi des quotas dans l'éducation. S. R. Maheshavari, The Mandai Commission and Mandalisation, New Delhi, Concept Publishing Company, 1991.

4. Heuzé, G., « Les anthropologues dans la tourmente : la controverse sur les quotas d'embauché en Inde», Journal des Anthropologues, n° 43-44.Google Scholar

5. Sena est féminin en hindi mais on utilisera le masculin pour l'ensemble.

6. C'est une pratique générale en Inde. Les rapports dans l'entreprise sont presque partout intimement et complexement associés à l'enracinement. Heuzé, G., Ouvriers d'un autre monde, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l'Homme, 1989.Google Scholar

7. Les discours anti-musulmans ont été suivis de programmes dès 1968. Des émeutes graves ont ravagé Bhivandi (dans la banlieue de Bombay) en 1970 et 1984. Les affrontements de 1984, complètement organisés par le Shiv Sena, ont fait 260 tués et 3000 blessés. A leur suite, le parti a emporté la municipalité de Bombay.

8. Savarkar, V. D., Hindutva, Bombay, Veer Savarkar Prakashan, 1969 Google Scholar (première édition 1923).

9. Des familles venues du Rajasthan au xve siècle. On conserve toujours les généalogies.

10. Cette tendance marquante paraît pouvoir être reliée au mode de socialisation infantile. Kakar, Lire S., Moksha, le monde intérieur, Paris, Les Belles Lettres, 1985.Google Scholar

11. Lire à ce propos Kumar, Nita, The Artisans of Banaras, Princeton, Princeton University Press, 1988 Google Scholar ; « Changing Education and the Stubborn Concept of Work », dans Travailler en Inde, collection Purusartha, 1992.

12. C'est-à-dire les grandes compagnies privées, le secteur public et l'administration. Ce n'est pas la définition juridique du terme (qui inclut nombre de petites entreprises) qui est prise en compte.

13. Les comités depuja organisent les fêtes religieuses comme le Dassara (adoration de Durga) ou la Shivaratri (adoration de Siva). Leur composition est variable, mais on y compte de plus en plus de jeunes des collèges, organisés en clubs.

14. Le Bhagwa Dwaj (drapeau safran) sert d'emblème à l'ensemble des hindouistes nationalistes.

15. C. Jaffrelot a comparé le RSS à une secte hindoue, « La place de l'État dans l'idéologie traditionalistes hindoue», Revue française de Science politique, vol. 39, n° 6, 1989.

16. En 1982 on a créé un « Parti pan-indien de la puissance de Siva», Akhil Bharatya Shiv Shakti Dal, surtout implanté en Uttar Pradesh et au Bihar.

17. Le cas le plus célèbre de la période récente a pris place à Minakshipuram au Tamil Nadu en 1981, quand 2 000 hindous de basse caste ont rejoint l'islam. Cet événement a donné une grande impulsion aux mouvements de « défense de l'hindouisme ».

18. C. Jaffrelot, op. cit.

19. J. P. Narayan (1902-1979), homme politique congressiste, puis socialiste, du Bihar, qui a mené, en 1974, le Mouvement pour une révolution totale, soulèvement des étudiants contre la politique d'Indira Gandhi.

20. Une primitivité construite et appréciée dans un cadre culturel et idéologique précis.

21. Biardeau, M., L'hindouisme, anthropologie d'une civilisation, Paris, Flammarion, 1981.Google Scholar

22. C'est une tendance que la Bhakti ne récuse pas. Il ne s'agit pas d'un mouvement émancipateur au sens où nous l'entendons en Europe contemporaine.

23. Le premier parti Janata (populaire) est né en 1977. Cette coalition de partis d'opposition a dirigé l'Inde jusqu'en 1980 puis elle s'est dissoute peu à peu. Un nouveau Janata Dal (parti populaire) a été créé en 1988 sous la direction de V. P. Singh. Il s'est associé à trois partis régionaux pour créer le Front national, qui a remporté les élections de 1989.

24. La polygamie est rare chez les musulmans en Inde. En chiffres absolus, les hindous polygames sont plus nombreux que les musulmans. Le thème sert pourtant énormément dans la propagande.

25. Imam de la grande mosquée de Delhi. Il a tende de fonder une milice musulmane (Adam Sena) pour s'opposer aux milices hindoues, mais le projet n'a pas été réalisé.

26. On vendait effectivement des vêtements à l'effigie du dirigeant irakien dans les quartiers musulmans de Raipur durant la guerre du Golfe.

27. Pour reprendre la typologie dualiste de Tonnies, sans lui attribuer d'autre valeur qu'heuristique.

28. Les Brahmanes et autres non bénéficiaires de quotas, en Inde, et les « Petits blancs » aux États-Unis tiennent cette année des discours remarquablement concomitants pour dénoncer ce qu'ils appellent les « privilèges des minorités ».

29. Heuzé, G., «Ayodhya, le symbole et l'instrument», Journal des Anthropologues,n” 1-2, 1992.Google Scholar

30. Les relations du Shiv Sena et de la médecine moderne mériteraient une approche spécifique. Le rapport au corps malade présente partout en Inde des relations profondes et complexes avec la politique. Le «Front de Libération du Chhattisgarh», organisation d'extrême-gauche novatrice, assez populaire dans les campagnes et les centres industriels a aussi fondé sa stratégie sur l'accès aux soins, en créant un hôpital qui accapare une grande part de son énergie militante. S. S. Nyogi, le dirigeant de cette organisation, était aussi un syndicaliste. Il a été assassiné en septembre 1989 à Bhilai par les hommes de main d'un entrepreneur.