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Les paradoxes de la Protohistoire française

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Anne Lehoërff*
Affiliation:
Université de Lille 3 / Institut universitaire de France

Résumé

Au XIXe siècle, alors que l’archéologie se constitue progressivement en un champ disciplinaire en Europe, la France choisit une voie particulière qui marque encore aujourd’hui les recherches et l’enseignement universitaire. Refusant la périodisation des trois âges mise au point en Scandinavie, ellemilite pour une origine méditerranéenne de son histoire et associe l’archéologie à l’histoire de l’art. La Préhistoire trouve sa légitimité dans le cercle des naturalistes, qui reste néanmoins marginal dans les structures académiques liées au champ historique. Dans les années 1880, Gabriel de Mortillet propose une « Protohistoire » destinée à combler une lacune en termes de période. Pendant des décennies, cette « quatrième voie » chronologique n’a pas bénéficié d’un grand dynamisme en France et n’a reçu aucune reconnaissance, tandis que le reste de l’Europe faisait progresser la connaissance sur le Néolithique, l’âge du Bronze et l’âge du Fer. Dénoncé dès les années 1950, ce retard n’a commencé à être comblé qu’à partir de la fin des années 1960 en France. La question de la Protohistoire n’y est toujours pas réglée à l’aube du XXIe siècle alors que le reste de l’Europe, sans toujours adopter le terme, a depuis longtemps légitimé cette période historique.

Abstract

Abstract

During the nineteenth century, when archaeology gradually became a disciplinary field across Europe, France took a direction of its own which even today shapes university research and teaching. It rejected the periodization into three ages developed in Scandinavia, championed a Mediterranean origin for its history, and coupled archaeology with art history. The “national antiquities” defended by Napoleon III placed the emphasis on a glorious pre-Roman past, but they are of little value to a longue durée history which a non-Mediterranean archaeology could provide. French Prehistory gained its legitimacy among the circle of naturalists, one that remained marginal in the academic structures connected to the discipline of history. During the 1880s, Gabriel de Mortillet proposed a “Protohistory” that was designed to fill a gap in relation to periodization. For many years this chronological “fourth way” did not exhibit very much dynamism in France and received no real recognition, while the rest of Europe was rapidly advancing our knowledge of the Neolithic, the Bronze and the Iron Ages. This delay, which was denounced as early as the 1950s, only began to be made up for in the late 1960s. In France, the question of what is Protohistory remains to be settled at the beginning of the 21st century, while the rest of Europe has for a long time, without always adopting the term itself, accepted the legitimacy of this historical period.

Type
Qu’est-ce que la Protohistoire ?
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2009

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References

1- Retranscription d’un échange oral entre Guy Caudron et Franck Bourdier dans Bourdier, Franck, « Sur la définition de la protohistoire », Bulletin de la Société préhistoriquefrançaise (dorénavant BSPF), 47-5, 1950, p. 211213, ici p. 211CrossRefGoogle Scholar.

2- La position de Raymond Lantier, antiquisant mais lié aux préhistoriens, est moins clairement affirmée que celle de Gaudron : Lantier, Raymond, « Un siècle d’étuded’archéologie protohistorique », XCVII e session du Congrès archéologique de France, t. II,La société française d’archéologie et les études archéologiques en France, 1834-1934, Paris, A. Picard, 1934, p. 85126 Google Scholar. Malgré le titre, le fond de cet article ne porte pas sur unequelconque définition de la Protohistoire. L’auteur y fait le bilan des découvertes archéo-logiques en France à l’occasion du centenaire de la Société d’archéologie, dans les-quelles il inclut d’ailleurs les monuments mégalithiques néolithiques. Cet article a pourobjet surtout de dénoncer l’absence d’une législation en France en matière de fouillearchéologique. Ce problème n’a d’ailleurs été réglé que partiellement en 1941, et demanière plus aboutie en 2001 et 2003.

3- Winckelman, Johann Joachim,Geschichte der Kunst des Altertums, Dresde, Waltherischen Hof-Buchhandlung, 1764 Google Scholar.

4- Sur l’archéologie des antiquaires et les débuts de l’archéologie, voir Schnapp, Alain,La conquête du passé. Aux origines de l’archéologie, Paris, Carré, 1993 Google Scholar ; Id., « Archéologie ettradition académique en Europe aux XVIIIe et XIXe siècles », Annales ESC, 37/5-6, 1982,p. 760-777.

5- Gerhard, Eduard, Archäologischer Anzeiger zur archäologischer Zeitung, VIII, 1850, extrait de l’article 1, p. 203 Google Scholar.

6- Burckhardt, Jacob, Die Cultur der Renaissance in Italien, Bâle, Schweighauser, 1860 Google Scholar.

7- Le texte est cité par Hartog, François, Le XIX e siècle et l’histoire. Le cas Fustel deCoulanges, Paris, Le Seuil, [1988] 2001, p. 356 Google Scholar.

8- F. Hartog, Le XIX e siècle et l’histoire…, op. cit. ; Coulanges, Numa-Denys Fustel De, Leçon inaugurale, Paris, s. n., s. d., p. 363364 Google Scholar.

9- Therrien, Lynne, L’histoire de l’art en France. Genèse d’une discipline universitaire, Paris, Éd. du CTHS, 1998 Google Scholar. Le titre est le reflet de l’association entre histoire de l’art et archéo-logie car l’ouvrage concerne en fait les deux domaines. En revanche, la Préhistoire enest exclue.

10- A. Schnapp, « Archéologie et tradition académique… », art. cit., p. 770. Voir égale-ment L. Therrien, L’histoire de l’art en France…, op. cit.

11- L. Therrien, L’histoire de l’art en France…, op. cit., p. 599.

12- Ibid., p. 604.

13- Propos rapportés par Seger, Hans, « Eröffnungsrede über die Stellung der Urges-chichte zu den nächsterwändten Disziplinen », Korrespondenzblatt für Anthropologie, Ethno-logie und Urgeschichte, 42, 1911, p. 5759, ici p. 58Google Scholar.

14- Les débats sur la terminologie à adopter ont lieu en particulier dans les congrèsinternationaux d’anthropologie et d’archéologie fondés en 1865 à La Spezzia. On ypropose les termes de « Paléoethnologie », d’« Antéhistoire ». En 1867 lors du congrèsde Paris, celui de Préhistoire s’impose.

15- Le paradoxe est que Boucher de Perthes est arrivé à un résultat juste en suivantun raisonnement faux qui s’inscrit sur les thèses catastrophistes puisant leurs origineschez Cuvier. Sur ces questions, voir Coye, Noël, La préhistoire en parole et en acte. Méthodeet enjeux de la pratique archéologique, 1830-1950, Paris, L’Harmattan, 1997 Google Scholar ; Kaeser, Marc-Antoine, L’univers du préhistorien. Science, foi et politique dans l’œuvre et la vie d’ÉdouardDesor (1811-1882), Paris, L’Harmattan, 2004, p. 239251 Google Scholar ; Richard, Nathalie, Inventer laPréhistoire. Les débuts de l’archéologie préhistorique en France, Paris, Vuibert/ADAPT-SNES, 2008 Google Scholar.

16- Ce que fit d’ailleurs Boucher de Perthes lui-même dans ses travaux.

17- A. Schnapp, « Archéologie et tradition académique… », art. cit., p. 763 : « Si l’archéo-logie a un état civil, c’est en Scandinavie et non sur les bords de la Méditerranée qu’ilfaut aller le chercher. »

18- A. Schnapp, La conquête du passé…, op. cit., p. 156-177.

19- Ce terme est introduit en France par Édouard Lartet (1801-1871).

20- Sacken, Eduard Von,Das Grabfeld vonHallstatt in Oberösterreich und dessen Alterthümer, Vienne, W. Braumüller, 1868 Google Scholar, pour la première synthèse avec des illustrations aquarelléesde J. G. Ramsayer peintes entre 1846 et 1863 au fur et à mesure des découvertes.

21- La première publication alors que l’on pensait encore à une datation étrusque futcelle de Gozzadini, Giovanni, Di un sepolcreto etrusco scoperto presso Bologna, Bologne, Societa Tip. Bolognese/Ditta Sassi, 1854 Google Scholar. Une synthèse fut publiée en français par Grenier, Albert, Bologne villanovienne et étrusque, VIII e-IV e siècles avant notre ère, Paris, Fontemoing, 1912 Google Scholar. Admis par tous, les sites de l’âge du Fer en Italie ne soulèvent pasde polémiques en Europe.

22- Ce sont des habitats de l’âge du Bronze, localisés dans la partie sud de la plainepadane. Sur l’histoire des découvertes et pour une synthèse récente, voir Brea, Maria Bernabo, Cardarelli, Andrea et Cremaschi, Mauro (dir.), Le Terramare. La più antica civiltàpadana, Milan, Electa, 1997 Google Scholar.

23- Les stations lacustres ou « palaffites » sont découvertes par hasard, grâce à l’abaisse-ment exceptionnel du niveau du lac de Zurich près du village d’Obermeilen. Desmilliers de pieux et du mobilier rarement conservé en bois ou textile sont mis au jour,suscitant de grands débats. Keller les imagine rapidement très anciens et, utilisant lesystème des trois âges de Thomsen, les place plutôt à l’âge de la pierre tout en étantperplexe face à une coexistence des matériaux placés à des âges différents chez Thomsen.Ces découvertes entraînent bientôt une véritable fièvre lacustre, scientifique et roman-tique enEurope, nationaliste aussi en Suisse. On imagine pendant longtemps les villagesau milieu des lacs, on sait aujourd’hui que ce sont des habitats néolithiques de bord delac. Sur ces questions, voir en particulier M. -A. Kaeser, L’univers du préhistorien…, op. cit.,p. 239-251.

24- Ibid., p. 90, sur Desor et Sven Nilsson.

25- Vogt, Carl, « Discours », Congrès international d’anthropologie et d’archéologie préhisto-riques. Compte rendu de la 2 e session, Paris, 1867, Paris, Reinwald, 1868, p. 5559, ici p. 59Google Scholar.

26- Il s’ouvre en 1867 et la première visite officielle est effectuée le 21 août par lescongressistes, sous la conduite de Gabriel de Mortillet et Alexandre Bertrand.

27- L’un provient du musée de Falaise (Calvados) où il est actuellement conservé,l’autre appartient à M. de Glanville (Rouen) qui fut vendu en 1902 à Ladislao Odescalchi,prince italien et grand collectionneur d’armes, majoritairement médiévales et modernesmais qui constitua dans ces années-là une « collection archéologique » aujourd’hui rever-sée dans les collections publiques romaines et conservée au palais de Venise (Rome).Sur cette collection, voir Barberini, Maria Giulia, « La collezione Odescalchi di armiantiche: storia della raccolta del principe Ladislao », Bollettino d’Arte, 137-138, 2006, p. 101114 Google Scholar, et Anne LehoËrff, «Les armes anciennes de la collection Odescalchi (Palaisde Venise, Rome) », Jarbuch des RGZM, à paraître.

28- Il en fait un petit livret : Mortillet, Gabriel De, Promenades préhistoriques à l’Exposi-tion universelle, Paris, Reinwald, 1867 Google Scholar.

29- G. De Mortillet, Promenades préhistoriques…, op. cit. : « on dote les Gaulois de cescasques parce qu’on ne sait pas à qui les attribuer ». Ils sont en fait de la fin de l’âgedu Bronze, datables vers 900 avant notre ère. L’ouvrage de Joseph Déchelette, quelquesannées plus tard, les replace dans un cadre chronologique correct, proposé par Déchelettelui-même, qui n’est envisageable que si l’on accepte l’existence d’un âge du Bronze.

30- Bertrand, Alexandre, « Discussion », Congrès international d’anthropologie et d’archéo-logie préhistoriques. Compte rendu de la 7e session, Stockholm, 1874, Stockholm, P. A. Norstedt & Söner, 1876, p. 423429, ici p. 424Google Scholar.

31- La publication des actes des colloques se fait dans l’ordre d’intervention, avec laretranscription des débats, ce qui permet de suivre assez précisément les interventionsde chacun.

32- A. Bertrand, «Discussion », art. cit., p. 426.

33- Ibid., p. 427.

34- Ibid.

35- Luigi Pigorini (1842-1925) est considéré comme l’un des fondateurs de la « paletno-logia » italienne. Originaire du Nord, il travaille sur les habitats de l’âge du Bronzeappelés « terramares » et qui sont mis au jour dans les années 1860, bousculant lescadres. Il parvient à promouvoir les études de ces périodes y compris dans des cerclesdédiés à l’archéologie classique comme l’Institut de correspondance, crée à Rome en1876 le musée de Préhistoire et d’Ethnologie qui porte aujourd’hui son nom, parvientà faire créer la première chaire universitaire de Préhistoire à Rome en 1877 et participeactivement à l’organisation de l’archéologie dans les instances nationales. L’Italie estdonc largement en avance sur la France, y compris avec une archéologie classiqueomniprésente. Les découvertes du nord de l’Italie (terramares, habitats lacustres) jouentun rôle un peu similaire à celles des lacustres de Suisse.

36- A. Bertrand, «Discussion », art. cit., p. 423.

37- Cette méthode de typologie est basée sur un principe de rapprochements à lafois de formes (le type) et de dates entre des objets trouvés dans différentes régionseuropéennes et des objets trouvés dans des civilisations utilisant l’écriture et offrantdes datations. C’est ce que l’on a appelé le cross dating qui a été utilisé jusqu’auxdatations radiométriques et en particulier le radiocarbone à partir des années 1950.

38- Voir en particulier Nicolet, Claude, La fabrique d’une nation. La France entre Romeet les Germains, Paris, Perrin, 2003 Google Scholar.

39- C’est une opinion que l’on trouve dans les travaux de Coye, Noël, « Remous dansle creuset des temps : la Préhistoire à l’épreuve des traditions (1850-1950) », BSPF, 102-4, 2005, p. 701707, ici p. 704.CrossRefGoogle Scholar Voir également dans le même volume : Virginie Guillomet-Malmassari, « Le développement de la Préhistoire au 19e siècle : un apprivoisementdu temps », ibid., p. 709-714, et Oscar Moro Abadìa, « Pour une nouvelle histoire dessciences humaines : Lartet, Mortillet, Piette et le temps de la Préhistoire », ibid., p. 715-720. Pour un bilan d’ensemble en France, voir Évin, Jacques (dir.), Un siècle de constructiondu discours scientifique en préhistoire, Paris, Société préhistorique française, 2007 Google Scholar.

40- Voir note 35.

41- Mortillet, Gabriel De, Le préhistorique. Antiquité de l’homme, Paris, Reinwald, [1883] 1885, p. 3 Google Scholar.

42- Pour un article récent, Guilaine, Jean, « Du Proche-Orient à l’Atlantique. Actualitéde la recherche sur le Néolithique », Annales HSS, 60-5, 2005, p. 925952 CrossRefGoogle Scholar. Pour dessynthèses récentes sur le Néolithique qui intègrent justement cette dimension écono-mique aujourd’hui acquise, Cauwe, Nicolas et al., Le Néolithique en Europe, Paris, Armand Colin, 2007 Google Scholar ; Carter, Susan F. Mc, Neolithic, Londres/New York, Routledge, 2007 Google Scholar ; Thomas, Julian, Understanding the Neolithic, Londres/New York, Routledge, [1991] 2005 Google Scholar ; Whittle, Alasdair, Europe in the Neolithic: The creation of new worlds, Cambridge, Cambridge University Press, [1996] 1999 Google Scholar.

43- Pour une biographie de Joseph Déchelette, voir Marie-Suzanne Binétruy, , JosephDéchelette. De l’art roman à la préhistoire, des sociétés locales à l’Institut. Itinéraires, Lyon, Lugd, 1994 Google Scholar.

44- À cette date, les synthèses sont plus régionales qu’européennes, en dehors destravaux de synthèse typologique de ces années qui englobent nécessairement un secteurlarge, à l’image de celui d’ Montelius, Oscar, Die älteren Kulturperioden im Orient und inEuropa, Stockholm, Selbstverlag der Verfassers, 1903-1923Google Scholar.

45- Voir en particulier les échanges épistolaires entre les deux hommes dansM. -S. Binétruy, Joseph Déchelette…, op. cit., p. 138-143.

46- Voir l’ouvrage dont le titre est d’ailleurs évocateur : Duval, Alain (dir.), La préhistoireen France. Musées, écoles de fouilles, associations du XIX e siècle à nos jours, Paris, Éd. du CTHS, 1992 Google Scholar.

47- Voir parmi les synthèses récentes, Hurel, Arnaud, La France préhistorienne de 1789à 1941, Paris, CNRS Éditions, 2007 CrossRefGoogle Scholar ; N. Richard, Inventer la Préhistoire…, op. cit.

48- L’archéologie est souvent « chargée » d’un poids idéologique lourd dans la mesureoù il renvoie à la question des origines. Les années 1920 et 1930 en Europe continentale sont ainsi marquées par des recherches archéologiques dont le but est identitaire etpolitique. En Allemagne, Gustav Kossinna (1858-1931) incarne une des figures clefsd’une archéologie nationaliste. Voir Klein, Léo, « Gustaf Kossinna, 1858-1931 », in Murray, T. (dir.), Encyclopedia of Archaeology: The great archaeologists, Santa Barbara, ABC-CLIO, 1999, p. 233246 Google Scholar ; pour une vue plus large, Härke, Heinrich (dir.), Archaeology,ideology, and society: The German experience, Francfort/New York, P. Lang, 2002 Google Scholar ; pour unpoint de vue du côté français, Olivier, Laurent, « L’archéologie du IIIe Reich et laFrance. Notes pour servir à l’étude de la ‘banalité du mal’ en archéologie », in Leube, A. (dir.), Prähistorie und Nationalsozialismus. Die mittel- und osteuropäische Ur- und Frühges-chichtsforschung in den Jahren 1933-1945, Heidelberg, Synchron, 2002, p. 575601 Google Scholar. L’adjec-tif s’y trouve parfois utilisé, associé à une conception nationaliste de l’archéologie, quien fait un terme d’autant plus facilement rejeté qu’il ne correspond pas à ce « besoin »français puisqu’en Allemagne la réalité d’un Néolithique et d’un âge du Bronze n’a pasposé de difficulté pour être admise.

49- Des travaux essentiels ont été réalisés pour les âges des métaux et l’établissementdes typo-chronologies, dès le début du XXe siècle avec des archéologues allemandscomme Paul Reinecke ou Wolfgang Kimmig pour la fin du IIe millénaire avant notreère. Cependant, la Protohistoire en Allemagne est restée sous-représentée dans lesuniversités, cantonnées aux sociétés savantes et structures locales, comme un prolonge-ment de la sentence de Mommsen.

50- Luigi Bernabo Brea (1910-1999) fut pionnier pour la mise en place des fouillesstratigraphiques sur le site des « Arene Candide » en Ligurie, sa terre natale, en Sicileet en Italie méridionale. Il publie Sicily before the Greeks, Londres, Thames and Hudson,1957, qui signe une archéologie différente en Méditerranée.

51- La Société préhistorique française est créée en 1904. Elle devient rapidement latribune d’expression de l’archéologie métropolitaine et non classique. Elle resteaujourd’hui, en particulier via son Bulletin, un relais important de l’archéologie enFrance. Son audience est celle de la communauté des archéologues.

52- Hatt, Jean-Jacques, « De l’Âge du bronze à la fin du premier Âge du fer. Problèmeset perspectives de la protohistoire française », BSPF, 51-8, 1954, p. 101110, ici p. 101CrossRefGoogle Scholar.

53- Hatt, Jean-Jacques, « Préhistoire, Protohistoire, Histoire », BSPF, 51-1/2, 1954, p. 5557, en particulier p. 56CrossRefGoogle Scholar.

54- Il fut en particulier l’élève de Schaeffer, Claude F. A. qui publia Les tertres funérairesde la forêt de Haguenau, Haguenau, Impr. de la Ville, 1926-1930Google Scholar. Il fut à la fois professeurà l’université de Strasbourg dans le cadre des cours « d’Antiquités nationales » et conser-vateur au musée.

55- Varagnac, André, « Pour une Protohistoire française », Annales ESC, 14-4, 1959, p. 750755 Google Scholar. André Varagnac (1894-1983) fit des études de philosophie avant de se tournervers l’ethnologie. Il fut adjoint au musée des Antiquités nationales dans les années1950, se spécialisa dans les études de costumes avant de proposer dans les années 1970des théories discutables sur les pouvoirs supposés des sociétés anciennes qui le margina-lisèrent au sein de la communauté scientifique. Varagnac, André, De la Préhistoire aumonde moderne. Essai d’une anthropodynamique : Préhistoire, protohistoire (première Révolutionindustrielle), machinisme (seconde Révolution industrielle), Paris, Plon, 1954 Google Scholar ; Varagnac, André et Fabre, Gabrielle, L’art gaulois, Pierre-qui-Vire, Zodiaque, 1956 Google Scholar. Ces propos sont icifondamentaux car si l’homme devint peu à peu marginalisé, la tribune éditoriale qu’ilchoisit est centrale.

56- Il s’agit essentiellement de l’ouvrage de synthèse sur la Sandars, France de Nancy K., Bronze Age cultures in France: The later phases from the thirteenth to the seventh century B.C., Cambridge, Cambridge University Press, 1957 Google Scholar ; pour l’Europe, en 1959 de grandessynthèses existent mais aucune n’est française depuis Déchelette : Åberg, Nils, Bronze-zeitliche und Früheisenzeitliche Chronologie, Stockholm, Verl. der Akad., 1930-1935Google Scholar ; Id.,Vorgeschichtliche Kulturkreise in Europa, Stockholm, Generalstabens Litografiska Anst.,1936 ; Childe, Vere Gordon, The Prehistory of European Society, Londres, Penguin Books, 1958 Google Scholar ; Clark, Grahame,PrehistoricEurope, the economics basis, Londres, Methuen, 1952 Google Scholar, quiinclut le Néolithique et les âges des métaux selon la tradition anglo-saxonne ; Müller-Karpe, Hermann, Beiträge zur Chronologie der Urnenfelderzeit nördlich und südlich der Alpen,Berlin, De Gruyter, 1959 Google Scholar.

57- A. Varagnac, « Pour une Protohistoire française », art. cit., p. 750-751.

58- C’était en particulier la thèse de Gordon Childe, qui renouvela par ailleurs consi-dérablement les travaux sur ces périodes anciennes, en particulier en y introduisantdes approches sociales et économiques : Childe, Vere Gordon, The dawn of Europeancivilization, Londres, Kegan Paul, 1925 Google Scholar et Id., Prehistoric migrations into Europe, Oslo, H. Aschehoug & Co., 1950.

59- On peut citer en particulier celles de J. Arnal, G. Bailloud, J. Briard, J. Guilaine, J. -P. Millotte qui n’ont pas toutes abouti à une monographie. Parmi les publicationsessentielles de ces auteurs durant cette période, Arnal, Jean, « À propos de la néolithisa-tion de l’Europe occidentale », Zephryus. Cronica del Seminario de Prehistoria, Arqueologiay de la Seccion Arqueologica del Centro de Estudios Salmantinos, I, 1950, p. 2327 Google Scholar ou Id., «Lastructure du néolithique française d’après les récentes stratigraphies », Zephryus. Cronicadel Seminario de Prehistoria, Arqueologia y de la Seccion Arqueologica del Centro de EstudiosSalmantinos, IV, 1953, p. 311-344 ; Bailloud, Gérard, Le Néolithique dans le Bassin parisien, Paris, CNRS, 1964 Google Scholar ; Bailloud, Gérard et Boofzheim, Pierre Mieg De, Les Civilisationsnéolithiques de la France dans leur contexte européen, Paris, A. et J. Picard, 1955 Google Scholar ; Briard, Jacques, Les dépôts bretons et l’âge du bronze atlantique, Rennes, impr. Becdelièvre, 1965 Google Scholar ; Guilaine, Jean, L’âge du bronze en Languedoc occidental, Roussillon, Ariège, Paris, Klincksieck, 1972 Google Scholar ; Millotte, Jacques-Pierre, Le Jura et les plaines de Saône aux Âges des métaux, Paris, Les Belles Lettres, 1963 Google Scholar.

60- L’ambiguïté se manifeste d’ailleurs dans les publications scientifiques ; ainsi, Guilaine, Jean (dir.), Les civilisations néolithiques et protohistoriques de la France, Paris, Éd. du CNRS, 1976 Google Scholar, traite des « civilisations néolithiques et protohistoriques » que l’on rassemblepour les analyser ensemble car elles ont d’évidentes affinités, mais pas sous un seul intitulé.

61- Millotte, Jacques-Pierre, « Réflexions théoriques sur la Protohistoire », Dialoguesd’Histoire ancienne, 1, 1974, p. 925 Google Scholar.

62- Cette expression est née sous la plume de Gordon Childe pour qualifier le Néo-lithique. Au moment des débats sur le radiocarbone, Renfrew, Colin, Before civilization:The radiocarbon revolution and prehistoric Europe, Londres, Cape, 1973 Google Scholar, a répondu eninvoquant la « révolution » du radiocarbone qui mettait fin aux thèses diffusionnistesde Childe. Les différends scientifiques entre les deux chercheurs ont été à la hauteurdu mot de « révolution ».

63- Demoule, Jean-Paul, « Vingt ans après : Bohumil Soudsky et la Protohistoire fran-çaise », 114e Congrès national des Sociétés savantes, Paris, 1989, Paris, Éd. du CTHS, 1992, p. 4960 Google Scholar.

64- Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la préface de l’ouvrage de Braudel, Fernand,Les mémoires de la Méditerranée. Préhistoire et antiquité, Paris, De Fallois, 1998 Google Scholar, a été signéepar Jean Guilaine, pionnier pour les travaux méridionaux sur le Néolithique et l’âge duBronze, et Pierre Rouillard, spécialiste de l’Espagne archaïque, des Phéniciens. Onnotera toutefois que le terme de Protohistoire ne figure pas, même en 1998.

65- Leroi-Gourhan, André et al., La préhistoire, Paris, PUF, 1966 Google Scholar ; Lichardus, Jan et al., La Protohistoire de l’Europe. Le Néolithique et le Chalcolithique entre la Méditerranée et la merBaltique, Paris, PUF, 1985 Google Scholar.

66- Parmi les ouvrages clés des fondateurs, voir Binford, Lewis R., An archaeological perspective, New York, Seminar Press, 1972 Google Scholar ; Chang, Kwang C., Rethinking archaeology, New York, Random House, 1967 Google Scholar ; Clarke, David L., Analytical archaeology, Londres, Methuen, 1968 Google Scholar ; Clarke, David L. (dir.), Models in archaeology, Londres, Methuen, 1972 Google Scholar.

67- Voir en particulier, Hodder, Ian, The present past: An introduction to anthropology forarchaeologists, New York, Pica Press, 1982 Google Scholar et Id., Reading the past: Current approaches tointerpretation in archaeology, Cambridge, Cambridge Universty Press, 1986 et pour unevue d’ensemble, Trigger, Bruce G., A history of archaeological thought, Cambridge, Cambridge Universty Press, 1989 Google Scholar.

68- L’enseignement de la Protohistoire a été assuré jusqu’aux années 1990 dans moinsde cinq universités en France. En 2008, en Protohistoire (Néolithique et âges desmétaux) le nombre des professeurs s’élève à neuf (un à Aix, un à Besançon, un à Dijon,un à Montpellier, deux à Paris I, deux à Strasbourg, un à Tours) avec des définitionsdifférentes de chaires. Ce faible nombre s’explique par l’entrée très tardive de la Proto-histoire à l’université et l’organisation des cursus universitaires dans le système français.Voir Lehoërff, Anne, « L’enseignement de l’archéologie en licence dans les universitésfrançaises », Les Nouvelles de l’archéologie, 115, 2009, p. 5764 CrossRefGoogle Scholar.

69- Parmi les ouvrages récents, Otte, Marcel (dir.), La Protohistoire, Bruxelles, De Boeckuniversité, 2002 Google Scholar, dont l’arc chronologique va du Néolithique à la fin de l’âge du Fer ;Id., Vers la Préhistoire. Une initiation, Bruxelles, De Boeck université, 2007, intègre en plusle Paléolithique mais conserve les périodes plus récentes à l’identique. La disparition duterme de « Protohistoire » du titre et même de l’ouvrage n’est pas expliquée.

70- La structuration des associations actuelles qui organisent des journées d’actualitéet des colloques réguliers illustre ces divisions non dépassées, à la fois chronologiques etterritoriales : l’âge du Fer a une seule association, l’âge du Bronze une autre pour lamoitié nord de la France, tout comme le Néolithique, tandis que le Midi a une associa-tion de « préhistoire récente » qui regroupe Néolithique et âge du Bronze.

71- Certains chercheurs ont ouvertement milité pour une (re)définition des termes.Voir en particulier les propos, en 2004, de Jean Guilaine, « Jalons historiographiques :le Néolithique, entre matériel et idéel », in J. Évin (dir.),Un siècle de construction…, op. cit.,p. 441-448, particulièrement p. 441 : «Le terme de préhistoire qui nous rassemble iciau sein d’une même association est un dénominateur imparfait. […] Je suis de ceux quipensent que la seule vraie Préhistoire est celle des chasseurs-cueilleurs. Le Néolithique,l’Âge du bronze, c’est de la Protohistoire ancienne, voire de l’histoire. Et l’écriture mesemble ici un pâle marqueur frontalier. »

72- La mention officielle de licence au ministère actuellement est «Histoire de l’art etarchéologie ». Seule l’université de Paris X-Nanterre propose une licence qui intègrel’ethnologie et l’anthropologie mais aussi la Préhistoire et la Protohistoire. L’Antiquitéclassique est regroupée avec l’histoire de l’art. L’histoire est dans un cursus distinct. A. lehoërff, «L’enseignement de l’archéologie… », art. cit., pour le détail dans lesuniversités françaises à la rentrée 2008.

73- Voir également sur la difficulté française à reconnaître l’archéologie et à l’organiser,en particulier en archéologie préventive : Schnapp, Alain, « La mémoire qui flanche.L’impossible normalisation de l’archéologie en France », Le Débat, 99, 1998, p. 119132 CrossRefGoogle Scholar. Les lois de 2001 et 2003 sont venues répondre à certains problèmes.

74- Gras, Michel, « Donner du sens à l’objet. Archéologie, technologie culturelle etanthropologie », Annales HSS, 55-3, 2000, p. 601614 CrossRefGoogle Scholar.

75- Sestieri, Anna Maria Bietti, Protostoria: teoria e pratica, Rome, NIS, 1996 Google Scholar.

76- Site éponyme en Suisse pour le second âge du Fer, dont la chronologie débute auVe siècle avant notre ère en Europe tempérée.