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Les conflits familiaux dans les milieux dominants au XVIIIe siècle

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

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Le mémoire d'avocat (factum) constitue un document privilégié pour l'étude des conflits familiaux. D'importance variable (dix à quatre-vingt pages), il exposait le point de vue et les prétentions du plaideur. Quoique destiné à la cour, on le diffusait largement dans le public, devant lequel les parties se livraient, avant le jugement, à une véritable bataille de factums. Les Archives départementales du Doubs conservent une importante collection de mémoires se rapportant à des affaires jugées au Parlement de Besançon dans la première moitié du XVIIIe siècle. Les factums revenaient cher ; aussi, la plupart de ces procès concernent-ils les milieux dominants, et plus particulièrement la couche aisée des gens de robe.

Summary

Summary

Lawyers' reports (facta) offer a diachronic view of family conflict and are informative concerning power relations and value systems. In dominant milieus, family conflicts tended to concern the inheritance of possessions and roles. The model proposed in this article distinguishes epheneral marital disputes involving women from self-reproducing conflict involving the masculine triangle (father, son, and youngest uncle). The socialization of young adults was thus at the very heart of family conflicts. Youth's long moratory, due to its late coming of age, exuded frustration and authorized disruption (e.g. dissipation, infidelity, and libertinage). Later, Socialization's consequences could inhibit a father's behavior towards his son and lead to fresh conflict.

Type
Communautés, Familles, Individus
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1987

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References

Notes

1. La série B (5e, Parlement de Besançon, 1676-1790) recèle cent huit volumes d'environ cinquante factums chaque. L'étude a été menée sur les vingt-et-un premiers volumes, plus particulièrement sur une centaine d'affaires concernant des successions, séparations de corps et de biens, mariages clandestins, réclamations contre les voeux, dilapidation de biens familiaux, droits des veuves, etc.

2. En 1709, pour vingt mille habitants, Besançon comptait cinq cents emplois judiciaires, dont une centaine d'avocats. Cf. Gresset, Maurice, Gens de justice à Besançon, de la conquête par Louis XIV à la Révolution française (1674-1789), Paris, Bibliothèque nationale, 1978, 2 Google Scholar volumes.

3. Il est de règle, par exemple, d'oublier les protections familiales dont on bénéficie. C'est cet aspect de la question — le contexte familial, et par conséquent les antécédents familiaux — qu'on ne peut aborder à partir de documents qui, telles les demandes d'enfermement, offrent des conflits une vision trop étroite. Sur les demandes d'enfermement, voir Ariette Farge et Foucault, Michel, Le désordre des familles. Lettres de cachet des archives de la Bastille, Paris, Gallimard, « Archives », 1982, 362 p.Google Scholar

4. Pour atténuer les distorsions qu'introduit le discours, il convient donc de ne s'appuyer que sur des affaires dont on connaît bien le contenu. On ne peut que mettre en garde contre les Causes célèbres…,ces recueils de procès en bouillie publiés tout au long du siècle par d'astucieux compilateurs pratiquant la réécriture de factums. Cf. l'ouvrage d'Isabelle VissiÈre, Procès de femmes au temps des philosophes,Paris, Éditions Des femmes, 1985, 405 p., qui offre des extraits des Causes célèbres, curieuses et intéressantes de toutes les souveraines du royaume avec les jugements qui les ont décidées(1773-1789), de Des Essarts.

5. Plus exactement du factum-source — c'est-à-dire le premier factum, qui expose l'affaire dans tous ses détails ; les suivants, plus courts, sont des compléments, des réponses aux factums de l'adversaire.

6. Greimas, A. J., Du sens IL Essais sémiotiques, Paris, Seuil, 1983, pp. 103113 Google Scholar.

7. A. J. Greimas, op. cit.,p. 104.

8. A. J. Greimas, op. cit.,p. 110.

9. Ce programme suppose qu'on s'engage finalement à poser la question du rapport entre les comportements observés et la manière dont l'imaginaire collectif (plus particulièrement les oeuvres de fiction) rend compte des conflits familiaux. Ne pouvant aborder cet aspect de la question dans le cadre d'un article, nous renvoyons aux trois derniers chapitres de notre thèse, Valeurs et pouvoirs. Essai sur les conflits familiaux en France, au XVIIIe siècle,Paris, EHESS, 1986.

10. « Monsieur et Madame de Durfort ont trop de confiance dans les lumières de leurs Juges, et connaissent trop combien elles sont supérieures à celles du Public, pour s'effrayer de ces vains prestiges. Mais aussi ils respectent trop le jugement de ce même Public pour ne pas le détromper des illusions dans lesquelles on veut le jeter. » (F 417). Ne pas confondre, naturellement, ce Public (le public-assistant, auquel renvoient les expressions « opinion publique », « bruit public ») avec le ministère public (auquel se rattachent les expressions « bien public », « intérêt public »). Sur l'analyse de ce mot-thème, cf. notre thèse, pp. 96-101.

11. De façon générale, le factum est ce qu'il existe de plus formel dans un conflit — hormis l'arrêt censé y mettre fin. Il hisse le conflit au niveau où il sera tranché, là où règne seul le discours écrit (car la cour ne parle pas, elle donne lecture de l'arrêt — plus exactement de son dispositif, le dictum).Le factum est le gage de cette tenue de rigueur qu'on exige au moment d'entrer dans l'arène du parlement : c'est une mise en condition sociale et un objet de valeur, dont la construction tient de l'offrande propitiatoire et de l'habit de cérémonie.

12. La plupart des ruptures frappent le père, mettant en évidence sa position-clé.

13. Un tel découpage peut paraître bien formel. Pourtant, par rapport à d'autres narrations conflictuelles (contes, romans, iconographies) celle des factums présente quelques particularités (notamment son aspect tronqué, inachevé, qui en fait un récit à suspense). Un découpage descriptif de ce type peut servir de prélude à l'utilisation des méthodes d'analyse structurale du récit mises au point par V. Propp, R. Barthes, C. Brémond, A. J. Greimas. Pour une meilleure compréhension du déroulement de certains conflits, nous avons plus particulièrement utilisé la technique d'analyse exposée par Claude BRÉMond, dans Logique du récit,Paris, Seuil, 1973, 350 p.

14. Elisabeth Claverie et Pierre Lamaison, L'impossible mariage. Violence et parenté en Gévaudan, XVII', XVIII'et XIXe siècles,Paris, Hachette, 1982, 361 p. (p. 268) ; Castan, Yves, Honnêteté et relations sociales en Languedoc, 1715-1780, Paris, Pion, « Civilisations et mentalités », 1974, 699 p.Google Scholar

15. Alain Collomp écrit à propos des conflits conjugaux dans les villages provençaux que « les tensions entre mari et femme sont loin d'être toujours l'élément prépondérant », La maison du père. Famille et village en Haute-Provence auxXVII'et XVIII'siècles,Paris, PUF, 1983, 340 p. (p. 179).

16. Sauf dans les procès consécutifs à un mariage clandestin, où le fils repenti et son père attaquent l'épouse en rapt de séduction pour casser le mariage. Dans un autre contexte, l'initiative féminine a également été notée pour les demandes de séparation, dans la croissance desquelles on a pu voir la preuve d'une « certaine émancipation féminine », Lottin, Alain (Sous la direction de), La désunion du couple sous l'Ancien Régime. L'exemple du Nord, Lille, Éditions universitaires, 1975, p. 114 Google Scholar. Ariette Farge et Michel Foucault remarquent que les femmes « sont un peu plus nombreuses (que les hommes) à demander l'enfermement de leur partenaire », op. cit.,p. 24. Mais il est douteux qu'elles aient pu le faire sans l'appui des frères et des pères, dont les suppliques occultent généralement la présence.

17. Rien de tel chez les filles. La seule ayant pu attaquer sa mère veuve bénéficiait d'un curateur et de l'appui d'un amant influent (F 438).

18. Plus que les précédents, ce maillon est spécifiquement masculin : les tantes ont moins à espérer que les oncles.

19. Les affinités intra-familiales, les liens de complicité, sont difficiles à appréhender. Mais on ne manque pas d'accusations, ni de preuves, contre le rôle occulte des oncles.

20. Il n'est pas possible de présenter ici les études de cas qui apportent la preuve de l'enchaînement des conflits familiaux. Observer l'entier déroulement de l'axe, autrement dit l'enchaînement des conflits sur trois générations, est naturellement assez rare. La plupart des affaires font état de deux maillons, mais plusieurs montrent que si le hasard des naissances et des décès ne vient pas bloquer l'enchaînement, les conflits parents/enfants et frères-soeurs se succèdent conformément à l'axe défini.

21. Quelques remarques sur le modèle : — les conflits père/fils s'entendent éventuellement entre veuve et fils (F 472), et les conflits entre frères n'excluent pas la participation active des soeurs (F 752) ; — la lutte pour le contrôle ou la récupération de la fille n'implique pas forcément un conflit entre père et fille (F 521) ; mais l'opinion de celle-ci ne pèse guère dans le conflit d'intérêts qui oppose le gendre et le beau-père ; — une fille doit souvent faire face à la coalition formée par son père (ou sa mère veuve) et son frère (F 3, 438, 522, 586) ; — les conflits entre époux légitimes, qui ont des origines financières et/ou lignagères, se rattachent aux intérêts du beau-frère (F 3), du beau-père (F 521), ou à un conflit père/fils (F 752).

22. Mâles « établis » et mâles périphériques ou prétendants, pour reprendre les expressions de Fox, Robin, « Les conditions de l'évolution sexuelle », dans Communications, 35 : Sexualités occidentales, Paris, Seuil, 1982, pp. 214 Google Scholar. Mais ces termes, qui peuvent servir à circonscrire la triade masculine (père, oncle-cadet, fils), renvoient ici aux biens, non aux femelles.

23. Les belles-mères tiennent une place importante dans les conflits de l'âge adolescent, mais on parle peu des mères, sinon dans leur rôle de veuve. D'autre part, il ne sera question ici que de la socialisation du jeune homme. D'abord parce qu'aucun procès, dans le corpus examiné, n'oppose une fille à ses parents (cf. n. 17). Ensuite parce que même lorsque le comportement d'une fille se trouve au centre d'un débat, les narrations débutent par le passé immédiat : on ne s'intéresse ni à l'enfance ni à l'adolescence de ces jeunes femmes incriminées dans des procès pour séduction, mariage clandestin, réclamation contre les voeux. Il n'existe pas, pour le groupe, de filles rebelles, mais seulement des filles fautives. Ce point de vue supprime l'idée d'une quelconque responsabilité parentale ou sociale : s'enfuir de la maison paternelle et se marier clandestinement est moins un acte séditieux qu'une faute morale. Or chacun est bien convaincu que ces fautes ne renvoient qu'à celles qui les ont faites, et n'interrogent pas la société tout entière, ne l'obligent pas à se décerner un non-lieu : il est donc inutile d'épiloguer sur leur origine.

24. En somme, il n'existe pas un concept correspondant aux malheurs de l'enfance. L'association de ces deux termes renvoie à une sensibilité nouvelle, née tardivement dans le discours du xvnr siècle. Chassaing, Jean-François, L'enfance à la fin de l'Ancien Régime et sous la Révolution. Étude d'un discours, Thèse d'État, Paris II, 1979, p. 99 Google Scholar.

25. On connaît la « révolte » des filles d'Edme Rétif contre leur belle-mère et la manière brutale avec laquelle il régla la question, cf. De La Bretonne, Rétif, La vie de mon père, Paris, Éditions Garnier, 1970, pp. 117118 Google Scholar, et le commentaire de Jean-Louis Flandrin dans Familles, parenté, maison, sexualité dans l'ancienne société,Paris, Hachette, « Le temps et les hommes », 1976, p. 360. Au début du xvme siècle, 30 °ïodes mariages sont des remariages, 20 % des ménages avaient des enfants de plusieurs lits, cf. Micheline Baulant, « La famille en miettes. Sur un aspect de la démographie du xvne siècle », Annales ESC,n° 4-5, 1972, pp. 959-968.

26. Cf. le jeu de rôles que décrit RÉTif dans Monsieur Nicolassous le nom de « jeu de la bellemère », op. cit.,pp. 219-220.

27. Dans le « jeu de la belle-mère », le père est étranger aux persécutions auxquelles se livre sa seconde femme, et, mis au courant par une soeur de la défunte, il finit par la chasser.

28. Témoin la fameuse scène des trois coups de fouet donnés par Pierre Rétif à son fils Edme, crédible en dépit de son allure fortement conventionnelle (elle est le pendant exact de la révolte du « Mauvais fils » de Greuze).

29. Lorsque le jeune paysan Jamerey-Duval décampe de chez lui à treize ans, après un petit larcin, ce n'est pas exactement le courroux de son beau-père qu'il fuit, mais une situation familiale insupportable ; si insupportable que l'adolescent ne reviendra pas (fait impensable, à cet âge, dans le milieu social des factums). Jamerey-Duval, Valentin, Mémoires. Enfance et éducation d'un paysan au XVIIIe siècle, présentés par Goulemot, Jean-Marie, Paris, Le Sycomore, 1981, p. 113 Google Scholar.

30. Dans l'affaire Bernard (F 596), cent soixante-neuf témoins sont ainsi cités pour étayer ou réfuter les accusations de brutalités contre un père, qui serait allé jusqu'à blesser son fils d'un premier lit qui refusait d'entrer chez les capucins, d'un coup de pistolet.

31. « Châtie son fils, tu seras tranquille, et il te comblera de délices. » (Prov., 29.17) « Celui qui aime son fils lui donne souvent le fouet, afin de pouvoir finalement trouver sa joie en lui », etc. (Sir., chap, 30).

32. Sur l'exemple de Rodrigue d'Esclans, cf. le chap. xm de notre thèse.

33. Robert Muchembled insiste sur les rites d'interaction, encore mal explorés, par lesquels le père insufflait l'obéissance et inculquait le respect des distances, Culture populaire et culture des élites dans la France moderne (XVe -XVIIIe siècles). Essai,Paris, Flammarion, « L'histoire vivante », 1978, 398 p. (p. 244).

34. Les frustrations liées à la tenue vestimentaire sont nombreuses chez les adolescents en conflit avec leur père : dans la « bataille pour l'identité », le vêtement constitue un enjeu majeur. Le goût des adolescents pour l'uniforme n'est pas étranger à l'enrôlement, et même à la prise d'habit. Le sieur Pugeault se moque ainsi de son fils : « Il avait presque été revêtu d'un froc et d'un scapulaire chez les Carmes : le voilà tout à coup le sabre au côté, le buffle sur le corps, la moustache relevée. Ce n'est plus le même homme : ce n'est plus un athlète du Dieu de paix, c'est un disciple de Mars qui ne respire que le tumulte et la licence des armes » (F 501).

35. Ambroise d'Esclans, frère aîné de Rodrigue, écrit à sa mère en 1732 : « (Mon père) me roue de coups, à cause qu'il sait bien que je n'ose pas me revanger. Obtenez-moi une place aux Cadets, ou il faut que je m'engage. Il m'a chassé de sa maison sans argent, me disant mille injures, et que j'aille m'engager » (F 754).

36. Erikh. Erikson,Adolescenceetcrise.Laquêtedel'identité,Paris,Flammarion, 1968,rééd. 1972, p. 162. Juridiquement parlant, la limite supérieure de l'enfance oscille entre douze/treize ans et seize ans : le concept flou, et peu usité d'adolescence, correspondant jusqu'à la Révolution comprise à cette fourchette, cf. Jean-François Chassaing, op. cit.,pp. 14-20, et Bongert, Yvonne, « Délinquance juvénile et responsabilité pénale du mineur au XVIIIe siècle », dans Crimes et criminalité en France sous l'Ancien Régime, XVIIe-XVIIIesiècle, Paris, Cahier des Annales, 33, 1971, pp. 7076 Google Scholar.

37. A ces comportements, on n'ajoutera ni l'indécision, ni surtout l'inconstance, dont parlent pourtant les pères : elles impliquent une latitude, une autonomie, que possède seul le jeune adulte. L'inconstance de l'adolescent résulte en fait de sa manipulation — et il s'agit toujours de situations réellement lamentables.

38. Un seul exemple (d'ailleurs très sujet à caution) de débauche avant dix-huit ans (F 301).

39. L'intéressé lui-même, en invoquant l'excuse de jeunesse, apporte sa contribution à ce bel élan unanime, que les archives judiciaires semblent corroborer, et dont on trouve l'écho dans les conventions culturelles. (Cf. n. 54).

40. Les filles ne sont pas protégées au second sens du terme. Elles bénéficient donc très peu de l'excuse de jeunesse et du moratoire correspondant. Pellegrin, Nicole, Les bachelleries : organisations et fêtes de la jeunesse dans le Centre-Ouest du XVe au XVIIIe siècle, Thèse de troisième cycle, Paris I, 1979, p. 48;Google Scholar Poitiers, Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest 4° série, t. XVI, 1979-1982.

41. Entre vingt et vingt-cinq ans pour les garçons, plutôt que vers trente ans. Avant vingt ans pour la plupart des filles. Comparez avec l'ensemble de la population bisontine : vingt-six à vingtsept ans chez les femmes, trente ans chez les hommes.

42. Ainsi du contrat du mariage du baron d'Esclans (vingt-trois ans).

43. Messire de Desnes, président à la Chambre des Comptes et Cour des Aides de Dôle, mourut à quarante-deux ans, sans le sou, marié (clandestinement) quelques mois auparavant, attendant toujours que son père (quatre-vingt-cinq ans) lui relâchât sa part des biens maternels (F 24). Situation caricaturale, mais non point extraordinaire, d'un cadet de haut rang maintenu dans le célibat et la dépendance financière par son père et son frère aîné.

44. Les proverbes confirment que les biens s'acquièrent tardivement : « A quinze ans on est grand ; à vingt ans on a sens ; à trente ou quarante on a du bien ; sinon jamais on n'aura rien. » « Qui a vingt ans ne sait, à trente n'a, à quarante n'a ni ne sait. » (cités par Flandrin, Jean-Louis, Le sexe et l'Occident. Évolution des attitudes et des comportements, Paris, Seuil, « L'univers historique », 1981, p.232 Google Scholar).

45. C'est pour obtenir l'une d'elles que le premier président de la cour d'Aix-en-Provence par exemple écrivait en 1752 au chancelier, cf. Monique Cubbels, Structure de groupe et rapports sociaux au XVIIIe siècle : les parlementaires d'Aix-en-Provence,Thèse d'État, Université de Provence, 1980, p. 941.

46. Voir le récit de l'avocat Papillault (F 840).

47. Quoique frère Pugeault ait prétentu « s'être fait religieux pour éteindre la race et le nom de son père » (F 501).

48. Naturellement, les filles de bonne société ne connaissent pas la liberté dont jouit le jeune adulte. A moins — le cas est assez fréquent — que leur père ait disparu. En ce cas, elles vivent leur vie sexuelle à peu près comme elles l'entendent, sous les conditions de discrétion qu'on exige aussi, mais moins fermement, du jeune homme.

49. Sur le lien amoureux, cf. la thèse de Phan, Marie-Claude, Les amours illégitimes à Carcassonne, 1676-1786, Paris, Sorbonne, 1980 Google Scholar, ainsi que la nôtre (chap. ix : Les affinités contractuelles).

50. On a vu ce qu'il fallait penser de l'oisiveté, conséquence de l'établissement tardif. L'errance fait également problème. Elle correspond, comme celle des vagabonds, à un parcours cométaire, centré ici sur la maison familiale : on fuit, on revient, on repart, « fausses sorties et rentrées bruyantes », notent A. Farge et M. Foucault, op. cit.,p. 164. En fait, il ne s'agit pas d'errance, mais d'un algorithme cahotique, mettant en oeuvre la fonction médiatique du tiers. L'errance est une tactique de faible, plutôt qu'un comportement propre à l'âge.

51. Parmi ces dépenses voluptuaires, il faut placer les dédites des promesses de mariage (il en coûta 2 000 livres au jeune Raillard), les dommages et intérêts dus à une fille épousée clandestinement (400 livres pour Suroz, 300 livres pour Quentin la Chiche, et la nourriture et l'entretien à vie de l'enfant), et les frais de procès pour séduction (2 500 livres pour Chalon).

52. Nous exceptons de cette conclusion les beaux crimes (l'assassin incestueux, le religieux empoisonneur, etc.), très minoritaires et mal connus, aux conséquences (en principe) irrémédiables. Ces jeunes sans scrupules sont des cadets dévoyés, fils de familles nombreuses, qui ne font pas l'objet de procès au Parlement.

53. « L'issue du conflit, social ou autre, est toujours en faveur de la partie capable de modeler son propre comportement, de manière à être la plus active et à adopter en chaque cas le style de comportement approprié », Moscovici, Serge, Psychologie des minorités actives, Paris, PUF, 1979, p. 237 Google Scholar. Il ne fait guère de doute que seul le père avait toute latitude pour modeler son comportement.

54. Cf. par exemple le tableau de Greuze intitulé « Le Mauvais Fils » (Louvre), qui ne répond évidemment pas à la question : mais qu'est-ce que le père a donc fait à son fils pour qu'il s'enrôle ? Ces représentations, comme l'écrit Flandrin, Jean-Louis à propos de La vie de mon père, de Rétif, se soucient moins de réalisme que d'édification, Les amours paysannes, XVIe -XIXe siècle, Paris, Gallimard, « Archives », 1975, 255 p.Google Scholar (p.53). Autre récit de convention, l'entrée en scène de Diderot, Jacques le Fataliste, Paris, Garnier, Flammarion, 1970, p. 25.

55. Or « il n'y a rien de mal à être déviant ; il est tragique de le rester », Serge Moscovici, op. cit.,p. 86. Mais si on le restait, c'était plutôt par fatalité familiale que par choix personnel.

56. Pour préciser, nous avons rencontré moins de « cas » chez les fils que chez les pères. La formation et les déboires familiaux de certains pères, rigides à l'excès, ne les prédestinaient pas à incarner les” nouveaux pères » dont parle Jean-Louis Flandrin, dans Familles…, op. cit.,p.119.

57. Prévost, Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut,Éditions Pléiade, Romanciers du XVIIIe siècle,tome 1, p. 1 345.

58. Cf. les trois derniers chapitres (xvi à xvm) de notre thèse.