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L'entrée du poète dans le champ politique au XVe siècle

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Joël Blanchard*
Affiliation:
Université de Haute-Normandie

Extract

A la fin du Moyen Age le pouvoir devient matière à l'exercice poétique. On observe une convergence entre un certain ordre poétique et une certaine pratique politique. Cette convergence se fait sous la forme d'un discours, qui est tout à la fois une manière de s'adresser au prince et un essai de définition des vertus royales indispensables à l'exercice du pouvoir.

At the end ofthe Middle Ages political power becomes a thème for poetic création. Three authors, Jean Gerson, Alain Chartier and Christine de Pizan enter the political realm and address the Prince. The poet starts off by defining his place in the discourse (e.g., Christine de Pizan's mutacion). He is the Prince's alter and wants the obligations such alterity implies to befully discharged.

The poet's discourse bears truth by the very fact that it does not pertain to logos, but to expérience. It seeks to question the Prince freely, well aware ofthe risks involved in such enquiry. The problematics that arise out of contrasting the poet's direct discourse with the evasive, the flatterer's marred speech, is the basisfor the constitution of political discourse at the beginning of the fifteenth century. In an attempt to conciliate the absolute nature of royal power with the political counsel of the reformer, the poet weaves a fictional model by which the Prince is to be spurred into practising new wisdom. There looms the intellectual figure, at the onset of the fifteenth century, an ideologist who dares to delineate the new limits of political power.

Type
Le Champ Littéraire et L'histoire
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1986

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References

Notes

1. Quelles ont été les idées politiques des écrivains du début du XVe siècle ? La question a souvent été posée (cf. Culture et politique en France à l'époque de l'humanisme et de la Renaissance [Colloque, Turin, 1971, F. Simone dir.], Turin, 1974 ; Cl. Gauvard, « Christine de Pisan a-t-elle eu une pensée politique ? A propos d'ouvrages récents », Revue historique, 508 (1973), pp. 417- 429). En réalité l'originalité de Jean Gerson, Alain Chartier et Christine de Pizan est dans la façon dont ils s'introduisent dans le champ politique, dans la revendication d'un pouvoir de parole. Une « pratique » les situe dans un certain rapport avec l'autorité royale. Il importe avant tout que l'intellectuel soit entendu. Ainsi s'explique l'importance de la forme qui proclame cette prétention (cf. P. Y. Badel, Le Roman de la Rose au XIV siècle. Étude de la réception de l'oeuvre, Genève, 1980, p. 379 ss ; J. Coleman, English Literature in History, 1350-1400, Médiéval Readers and Writers, Londres, 1981, passim ; J. Blanchard, “ Une entrée royale ”, Le temps de la réflexion, V, (1984), pp. 353-374.

2. Voir P. Lewis, La France à la fin du Moyen Age. La société politique, Paris, 1977 ; B. GimtiÉE, L'Occident aux XIVe et XVe siècles. LesÉtats, Paris, 1981.

3. Kantorowicz, E. H., The King's Two Bodies. A Study in Mediaeval Political Theology, Princeton U.P., 1957, pp. 193231.Google Scholar J. Barbey, La fonction royale. Essence et légitimité d'après les Tractatus de Jean de Terrevermeille, Paris, 1983, pp. 157-268.

4. On ne doit pas perdre de vue dans l'élaboration de cette problématique (rapports du prince et du conseiller) la discussion du concept deparhèsia telle qu'elle est développée par M. Foucault (Séminaire).

5. Les textes de référence sont les suivants (nous faisons suivre entre crochets de leur abréviation les textes les plus fréquemment cités) : Jean Gerson, OEuvres complètes, Introduction, texte et notes par Mgr Glorieux. Vol. VII : l'oeuvre française, sermons et discours, Paris, 1968 [Gerson] ; Alain Chartier, Le Quadrilogue Invectif, éd. par E. Droz, Paris, 1950 [Chartier] ; Christine de Pisan, OEuvres complètes de Christine de Pisan, éd. par M. Roy, Paris, Satf, 1886- 1896, rééd. Johnson Reprint Corp., New York, 1965, 3 vol. [Œuvres] ; Le Livre de la Mutacion de Fortune, éd. par S. Solente, Paris, SATF, 1959-1966,4 vol. [Mutacion] ; Le Livre du Chemin de Long Estude, éd. par R. Pûschel, Berlin, 1887, rééd. Slatkine, 1974 [Long Estudé] ; Le Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles V, éd. par S. Solente, Paris, SHF, 1936 et 1941, rééd. Slatkine, Genève, 1977, 2 vol. [Charles V] ; Lavision-Christine, intr. et texte par M. L. Towner, Washington, 1932 [Avision] ; Lettre à Isabelle de Bavière, reine de France, dans . R. Thomassy, Essai sur les écrits politiques de Christine de Pisan, suivi d'une notice littéraire et de pièces inédites, Paris, 1838, p. 132-140 [Lettré] ; Le Livre du corps de policie, éd. par R. H Lucas, Genève, 1967 [la Policie] ; La Lamentacion, éd. par A. Kennedy, dans Mélanges […] Charles Foulon, Paris, 1980, p. 177-185 [Lamentacion] ; The Livre de la Paix of Christine de Pisan, éd. parC. C. Willard, La Haye, 1958 [la Paix].

6. Chartier, p. 5.

7. Ibid., p. 7.

8. Ibid., p. 6.

9. Ibid., p. 2. On retrouve la même image dans le Livre de l'Espérance, éd. par F. Rouy, Brest, 1967, Prose VI, 1. 146-148.

10. Gerson, pp. 1137-1185.

11. Ibid.,p. 1145.

12. Ibid., p. 1137. Pour le rappel des trois « vies » du roi, voir Sermo Adorabunt eum (il y est question des trois royaumes du roi, personnel, temporel et espirituel [Gerson, p. 520-538]), et Sermo Rex in Sempiternum vive (Gerson, p. 1005-1030). Les trois espèces rappellent ici la triple articulation du modèle eucharistique dont L. Marin (Leportrait du roi, Paris, 1981, p. 18) relève la transposition dans le domaine juridique et politique au xvne siècle : « Dans renonciation de la formule “ ceci est mon corps ” se produit un corps sacramentel… un corps historique… un corps ecclésial. »

13. Sur cette notion d'autorité (l'auctoritas étant au sens médiéval la capacité impartie à Vauctor, au garant, de produire une vérité qui a force de loi), voir P. Bourdieu, Ce que parler veut dire. L'économie des échanges linguistiques, Paris, 1982, pp. 135-147.

14. Gerson, p. 1152.

15. Mutation, v. 1159-1460.

16. Voir J. Blanchard, « Christine de Pizan : les raisons de l'histoire », Le Moyen Age (à paraître, 1986).

17. La Policie, pp. 33-34.

18. Charles V, I, pp. 181-184.

19. L. Marin, op. cit., p. 111 ss.

20. Lamentation, p. 178.

21. Gerson, p. 1116. Ce sont les faulx arquemistes que Philippe de Mézoeres prend comme cible dans le prologue du Songe du Viel Pèlerin (éd. C. W. Coopland, Cambridge, 1969, vol. I, pp. 103-104).

22. Gerson, p. 1151.

23. Sur la remontrance, une des premières manifestations raisonnées de mécontentement, voir un texte publié par H. Moranville, « Remontrance de l'Université et de la ville de Paris à Charles VI sur le gouvernement du royaume », Bibliothèque de l'École des Chartes, LI (1890), pp. 420-422. Ce qui est visé, c'est la gestion du royaume. La légitimité royale, quelle que soit la nature du mal, n'est pas mise en cause.

24. Chartier, p. 14.

25. Mutacion, v. 4273-6518.

26. Avision, pp. 85-108.

27. Lettre, p. 138.

28. Long Estude, v. 206-450, 2555-2702. Sur Christine de Pizan et Boèce, voir J. Blanchard, « Artefact littéraire et problématisation morale au xve siècle. Les trois états de la “ Consolation ” : Boèce, Christine de Pizan, Alain Chartier », Le Moyen Français (à paraître, 1986).

29. Œuvres, t. II, pp. 295-301.

30. Charles V (1404), la Policie (1407), la Paix (1412-1414).

31. Charles V, I, pp. 20-36..

32. Ibid., I, pp. 86-89.

33. Ibid., II, pp. 181-182.

34. La Paix, p. 64.

35. Ibid., p. 79.

36. Ibid., p. 95.

37. Saint Thomas (Summa Theologica, la-2ae, Quaest. 46) ne fait pas de la colère une passion spéciale, mais un état neutre. Gilles De Rome (dans la version française : « Li Livres du gouvernement des rois, » a XlIIth Century French Version ofEgido Colonna's Treatise De regimine principum, éd. S.P. Molenaer, New York, 1899, p. 108-112), rompant avec cette tradition, oppose à la colère la debonnaireté. Chez Christine la colère retrouve le sens qu'elle a chez Aristote ﹛Ethique à Nicomaque, II, 1, 1103b), chez qui elle entre dans la classe des impulsions irréfléchies (alogoi orexeis).

38. La Paix, p. 109.