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L’Église, la cité et la modernité

Published online by Cambridge University Press:  23 August 2017

Florian Mazel*
Affiliation:
Université Rennes-2, équipe d'accueil Tempora, Institut universitaire de France
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Résumé

Le dernier ouvrage de Dominique Iogna-Prat, Cité de Dieu, cité des hommes. L’Église et l'architecture de la société, 1200-1500, qui s'inscrit dans la postérité intellectuelle et chronologique de La maison Dieu. Une histoire monumentale de l’Église au Moyen Âge (v. 800-v. 1200), se présente comme un essai sur l’émergence de la ville en tant que figure symbolique et politique de la cité des hommes entre 1200 et 1700, et sur les effets de cette émergence sur l’Église, qui avait assumé cette fonction avant 1200. Il nourrit une réflexion ambitieuse sur les origines de la modernité, qui vise à dépasser les impasses de la philosophie politique, prompte à ignorer les siècles médiévaux et le moment scolastique, et à relativiser l'effacement de l'institution ecclésiale à partir de la Renaissance. Il rejette l'opposition binaire entre l’Église et l’État, propose une nouvelle périodisation de l’«entrée en modernité» et souligne l'importance des enjeux spatiaux (ici principalement en termes de représentation), s'inscrivant ainsi dans un courant de l'historiographie française attaché depuis plus d'une décennie à réintroduire la question de l'espace au cœur de l'histoire sociale et politique. La démonstration, stimulante, suscite cependant quelques interrogations. Celles-ci portent sur les effets de la Réforme protestante, la puissance croissante des États et le processus de «sécularisation» ou, plus encore, sur l'articulation entre une logique de polarisation de l'espace et une logique de territorialisation dans les pratiques de gouvernement et l'encadrement de la société, toutes deux promues par l'institution ecclésiale, avant les États eux-mêmes.

Abstract

Dominique Iogna-Prat's latest book, Cité de Dieu, cité des hommes. L’Église et l'architecture de la société, 1200–1500, follows on both intellectually and chronologically from La Maison Dieu. Une histoire monumentale de l’Église au Moyen Âge (v. 800–v. 1200). It presents an essay on the emergence of the town as the symbolic and political figure of society (the “city of men”) between 1200 and 1700, and on the effects of this development on the church, which had held this function before 1200. This feeds into an ambitious reflection on the origins of modernity, seeking to move beyond the impasse of political philosophy—too quick to ignore the medieval centuries and the Scholastic moment—and to relativize the effacement of the institutional church from the Renaissance on. In so doing, it rejects the binary opposition between the church and the state, proposes a new periodization of the “transition to modernity,” and underlines the importance of spatial issues (mainly in representational terms). This last element inscribes the book in the current of French historiography that for more than a decade has sought to reintroduce the question of space at the heart of social and political history. Iogna-Prat's stimulating demonstration nevertheless raises some questions, notably relating to the effects of the Protestant Reformation, the increasing power of states, and the process of “secularization.” Above all, it raises the issue of how a logic of the polarization of space was articulated with one of territorialization in the practices of government and the structuring of society—two logics promoted by the institutional church even before states themselves.

Type
Église et espace au Moyen Âge
Copyright
Copyright © Éditions de l'EHESS 

Dans La maison Dieu, paru en 2006, Dominique Iogna-Prat portait le regard sur l'apparition et l’épanouissement, entre 800 et 1200, d'une forme discursive singulière, révélatrice d'une mutation à la fois idéologique et sociale : la métonymie entre l’Église-institution et l’église-bâtiment disait l’Église comme un lieu tout en faisant du lieu de culte – ce lieu «spécifique» qui concentre la médiation du sacré – la figure même de l’Église, dans un contexte de coextension ou de recouvrement complet de l’Ecclesia et de la sociétéFootnote 1 . Le propos mettait l'accent sur l'importance du rapport au lieu dans la fabrique du social. Il participait d'un courant historiographique qui, depuis la fin des années 1990, soulignait le rôle central joué par l'institution ecclésiale dans l'inscription du social dans l'espace au cours du premier Moyen Âge, entre le vi e et le xi e siècleFootnote 2 .

Les premiers travaux menés dans cette direction, qui émanaient surtout d'archéologuesFootnote 3 , mettaient en relief l'existence d'un long processus de polarisation de l'habitat rural par les lieux de culte, dont les premières traces étaient perceptibles dès le début du viii e siècle, mais qui s'affirmait surtout entre le x e et le xii e siècleFootnote 4 . D'autres recherches, aussi bien archéologiques qu'historiques, décrivaient l’évolution des aires funéraires ; leur concentration autour des églises à partir de l’époque carolingienne et leur sacralisation par l'institution ecclésiale entre le x e et le xii e siècle les transformèrent peu à peu en véritables cimetières chrétiensFootnote 5 . Vivants et morts se trouvaient désormais réunis au cœur de l'habitat et de la société : l’église et le cimetière polarisaient non seulement les agglomérations, mais aussi les pratiques communautaires et familiales liées à la vie sociale et religieuse. Parallèlement, les études sur la paroisse remettaient en cause l'idée d'une formation territoriale précoce. Longtemps, les paroisses demeurèrent des communautés rituelles polarisées par des lieux et des usages, avant que ne soit engagée, à partir de l’époque carolingienne, une territorialisation qui s'accentua aux xi e et xii e siècles et ne s'acheva, pour l'essentiel, qu'au xiii e siècleFootnote 6 . C'est l'ensemble de ces processus que Michel Lauwers proposa de réunir sous le concept d’inecclesiamento, un terme forgé sur le modèle de l’incastellamento, défini par Pierre ToubertFootnote 7 .

En lien avec ces perspectives, d'autres enquêtes soulignaient le rôle de laboratoire joué par le monachisme bénédictin dans l'invention de pratiques spatiales à la fois inédites et singulières. À Cluny, l'obtention de privilèges d'exemption et d'immunité exceptionnels par des moines attachés à extraire leur communauté de son environnement politique traditionnel, ainsi que la délimitation matérielle d'un «ban sacré» tout autour de l'abbaye, à la fin du xi e siècle, par la papauté réformatrice, œuvrèrent à la fabrique d'un «espace hors espace» appelé à constituer le cœur de la seigneurie monastique en antichambre du paradisFootnote 8 . À Tours, les éthiques socioreligieuses différenciées des moines de Saint-Julien et des chanoines de Saint-Martin conditionnèrent les formes du développement urbain, les chanoines favorisant la densification de l'habitat et l'entretien de flux réguliers entre espace clérical et espace laïque, tandis que l'emprise monastique, hostile aux relations trop indistinctes avec les laïcs, avait engendré la formation d'une zone intercalaire non urbanisée entre le bourg Saint-Martin à l'ouest et la cité épiscopale à l'estFootnote 9 . À la suite de cette série de recherches novatrices, Cité de Dieu, cité des hommes. L’Église et l'architecture de la société, 1200-1500 se présente d'abord comme le prolongement chronologique et thématique de l'enquête menée dans La maison Dieu Footnote 10 . Mais ce nouvel ouvrage conduit également sur des voies singulièrement différentes, à la recherche des origines politiques de la modernité.

En quête d'une autre genèse de la modernité

Dépasser l'horizon 1200 revêt pour D. Iogna-Prat une double signification. L’Église apparaît de moins en moins comme le «Tout du social», tandis que se pose la question de l’émergence d'une sphère civile plus ou moins autonome, renvoyant à la fois à l'affirmation de l’État moderne et au processus de sécularisation, quelle que soit la variété des sens donnés par les historiens, les sociologues ou les politistes à ces concepts «hénaurmes». Une autre figure, la ville, se présente en effet, après ou avec l’Église – cette alternative cruciale anime l’épilogue –, comme l'incarnation majeure de la communauté ; et ce dans une Europe marquée par un essor urbain sans précédent depuis l'Antiquité classique et par l'affirmation politique des cités à travers le creuset communal, même si ces deux phénomènes se concentrent dans quelques régions privilégiées (l'Italie centro-septentrionale, les Flandres, la France septentrionale). De La maison Dieu à Cité de Dieu, cité des hommes, l’étude d'une formule métonymique fondée sur un rapport à l'espace continue de servir de fil rouge à la démonstration, même s'il s'agit désormais moins d'un lieu que d'un ensemble spatial de plus grande envergure. D. Iogna-Prat s'intéresse non plus à l’église-bâtiment mais à la ville comme métonymie de la «cité des hommes», c'est-à-dire de la société dans sa totalité. La cité comme architecture et l'urbanisme comme discours constitueraient la clé de voûte des nouvelles représentations de la «société comme Tout» qui se déploient entre 1200 et 1700.

Trois interrogations soutiennent l'ensemble de cette réflexion. Une première concerne le réaménagement de l'ordre institutionnel et ce qui se présente de prime abord comme un effacement de l'ecclésial, la substitution ou le remplacement de l'ancien binôme église/Église par le nouveau binôme ville/cité. Une deuxième, dérivée, envisage ce qu'il advient de l’Église et de l'ecclésial dans ce nouveau contexte. Une troisième, plus large encore, porte sur la «modernité» et ce qui fait la société politique moderne. Il s'agit d'une interrogation majeure stimulée par une double ambition : d'abord, rétablir une continuité entre l'Antiquité et les Temps modernes en restituant au Moyen Âge toute sa place dans la chaîne des modèles politiques, à rebours des schèmes dominants de la philosophie politique contemporaine qui enjambe trop légèrement la période médiévale en passant directement d'Augustin à Machiavel ou même Hobbes ; ensuite, rendre à l'institution ecclésiale son rôle matriciel dans le processus de genèse de la modernité.

Faire la cité

Cité de Dieu, cité des hommes se présente logiquement comme un essai, entrelaçant étroitement un dialogue avec les sciences sociales, en particulier la sociologie et la philosophie politique, et l'examen de nombreux dossiers documentaires constitués pour l'essentiel de discours théoriques ou normatifs, textuels ou iconographiques, répartis de l'Italie à l'Espagne, de la France au Nouveau Monde. Non exempt de charge polémique mais soucieux d’éviter toute ambiguïté, le propos s'ouvre sur de précieuses mises au point terminologiques et historiographiques sur les principaux concepts utilisés : cité – entendue ici comme communauté sociale et non comme civitas –, Église, État, sécularisation. La plus indispensable concerne l’Église, dont il est d'emblée rappelé qu'elle assume, dès les ii e et iii e siècles, en tant qu'institution, son insertion dans le monde terrestre et la volonté d'investir celui-ci pour le transformer. Dès lors, et pour toute la durée d'un long Moyen Âge qui ne s'efface qu'avec les Lumières, l'ecclésial ne concerne pas uniquement l'institution ecclésiastique ou ses membres (ce qu'on appelle plus tard le clergé), ni la seule sphère des croyances et des pratiques religieuses telles qu'on les caractérise depuis le xviii e siècle en les distinguant des autres pratiques sociales, économiques ou politiques, mais bien l'ensemble de la société et des pratiques sociales. C'est pourquoi ériger l'histoire religieuse en champ particulier n'a guère de sens pour la période médiévale et la première modernité ; l'ouvrage de D. Iogna-Prat est donc bien un essai d'histoire politique au sens plein du terme.

Sur ces bases solides, la démonstration s'organise ensuite en deux volets. Le premier examine la fin de l’Église comme «Tout du social» et «l’élaboration de la ville comme universel de l’édifice, c'est-à-dire comme cadre bâti constitutif des lieux et de l'espace [définis comme] publics» (p. 23). À partir des années 1250, l'aristotélisme politique joue un rôle décisif dans ce processus : il fonde le champ du politique sur des bases philosophiques et métaphysiques, et non plus juridiques (qu'il s'agisse du droit romain ou du droit canonique) ; il ouvre ainsi la possibilité de penser «une société légitime qui ne soit pas une ÉgliseFootnote 11 ». Dès lors, l’Église ne se confond plus avec la société (p. 152-158). À partir du début du xiv e siècle, la métonymie entre Église-institution et église-bâtiment est elle-même inquiétée par la pensée de Guillaume d'OckhamFootnote 12 et l'essor d'un courant favorable à la dématérialisation (ou à la spiritualisation) de l’Église comme communauté, qui se prolonge dans la Réforme protestante (p. 158-163). De manière plus large, le découplage du théologique et du politique, approfondi par le nominalisme, favorise l’émergence d'une pensée politique autonome de l'ecclésial, ainsi que la «réduction de l’Église au régime commun des modèles politiques» (p. 172) et celle du clergé à un groupe social ou à une corporation parmi d'autres.

Le second volet montre l'apparition, entre le xiii e et le xvi e siècle, d'un véritable urbanisme attribuant à la ville la fonction de «faire la cité». Même si D. Iogna-Prat reconnaît que l'urbanisme stricto sensu n'apparaît, avec le terme lui-même et la profession, que dans les années 1860, il revendique la légitimité de ce concept, dont il montre de façon convaincante l'efficience à travers l'examen du «laboratoire urbain italien» (p. 292). La formule doit ici s'apprécier dans une triple dimension. Elle renvoie bien sûr à l'expérience institutionnelle communale et à ses multiples prolongements dans les domaines de l’éthique civique, de la communication politique (par la rhétorique ou l'emblématique), des pratiques de l’écrit ou de la religion civique, qui font tous l'objet d'analyses spécifiques et sont aussi largement explorés par l'historiographie récente. Elle se réfère également à l’émergence d'un espace public sécularisé qui devient la scène privilégiée des spectacles du pouvoir. Elle se rapporte enfin à l'apparition, dans les plus anciens traités sur la forme des villes, d'un premier discours proprement urbanistique ; c'est sans doute sur ce point que le propos est le plus novateur, en soulignant les connexions souterraines mais très étroites entre urbanisme, action politique et classifications sociales d'inspiration aristotélicienne. En définitive, D. Iogna-Prat plaide pour une «remontée» jusqu'aux années 1200 des principales caractéristiques de l’âge classique de la modernité telles que Michel Foucault les avait définies : le lien entre architecture et pouvoir, l'affirmation d'une science de l'administration fondée sur les pratiques de l’écrit et la maîtrise d'ensemble des taxinomies sociales (p. 180)Footnote 13 .

La «chose publique» tardo-médiévale est appropriée par la communauté politique séculière (commune, principauté, royaume) aux dépens de l’Église, à travers une diversité de formes institutionnelles, parmi lesquelles la cité, que D. Iogna-Prat présente comme le creuset privilégié de la modernité (p. 281). Il est en effet convaincu du primat de la cité dans la réflexion politique, au point qu’«il reste toujours quelque chose de structurel de la cité et du modèle communal dans l’État» (p. 295, 356-357), comme le révèle par exemple le discours de Dante sur l'emboîtement nécessaire des communautés domestiques (les familles, les «maisons») dans la cité communale, puis des cités communales dans l’État ou le royaumeFootnote 14 . C'est pourquoi l'examen du laboratoire italien est complété par une analyse du rôle joué par Paris dans le royaume de France à la fin du Moyen Âge (p. 330-337). Si la démonstration ne manque pas de vigueur, la commune est cependant toujours présentée par l'auteur comme une sorte d’État miniature, alors qu'elle a pu prendre en réalité des formes assez variées, dont certaines ont privilégié des pratiques gouvernementales bien plus horizontales que celles des États monarchiques, comme la rédaction de statuts, l'adoption de structures collégiales et de procédures électives et délibératives, ou l'intégration dans les organes municipaux des arti et des corporations de métiers. À ce titre, il n'est pas si évident d'adhérer à la thèse d'une filiation nécessaire entre la cité et l’État moderne, ni même à celle d'une perpétuelle présence sous-jacente du modèle communal dans l’État. On pourrait même, à l'inverse, défendre l'idée d'une spécificité de l’État monarchique ou princier, qui mettrait notamment en avant sa matrice féodale, clairement perceptible dans les formes de la prise de décision, l'idéologie de l'autorité royale, la lente distinction entre la seigneurie et le regnum, ou l'association de l'aristocratie au gouvernement et aux ressources de la monarchie. Et, parallèlement, soutenir la thèse de l'immaturité ou de l'inaccomplissement étatique de nombreuses expériences communales avant l’âge des seigneuries qui, à partir du début du xiv e siècle, les soumet de gré ou de force au modèle de l’État féodal et territorial.

Ce qu'il advient de l’Église

Quoi qu'il en soit, la force du propos de D. Iogna-Prat tient au fait que les deux évolutions qu'il met en relief – le reflux de l'emprise ecclésiale, la promotion du modèle urbain – ne sont pas opposées terme à terme, mais profondément imbriquées dans une véritable dynamique dialectique. L’Église apparaît in fine comme la matrice essentielle des formes du gouvernement des hommes, y compris dans la séquence chronologique – les années 1200-1700 – et dans un monde social et politique – la ville – dont toute une tradition historique et philosophique, prompte à déceler les indices du processus de sécularisation, voudrait l'exclure. Les principaux fruits de cette matrice résident, selon D. Iogna-Prat, dans les «transferts de sacralité» de l’Église vers l’État ou vers la cité – les deux étant ici assimilés –, qui se manifestent jusque sur le plan matériel et culturel. Cela vient alimenter une veine historiographique déjà bien fournie, dans la continuité notamment des travaux d'Ernst Kantorowicz sur la pontificalisation de la majesté (p. 81) – lesquels concernaient toutefois exclusivement l’ÉtatFootnote 15 . Est donc analysée toute une série de transferts d'inégale importance mais d’égale efficience. Certains sont d'ordre symbolique : le modèle de l’église-monument pèse fortement sur la forme des maisons communes ou des hôtels de ville jusqu'au seuil de la Renaissance, où apparaît une nouvelle grammaire architecturale et décorative d'inspiration antique ; dans un autre domaine, à partir du règne de Charles V en France, la figure ancienne du souverain constructeur parce que chef de l’Église évolue en roi bâtisseur parce que sage. D'autres sont clairement d'ordre politique : le modèle curial pontifical exerce un ascendant déterminant sur toutes les cours laïques ; la ville devient la scène privilégiée des liturgies du pouvoir et de l'exhibition spectaculaire des souverains, des statues équestres aux places royales, après l'avoir été pour les papes ou les évêques. D'autres enfin sont d'ordre intellectuel : une pensée de la ville comme édifice social et architecture de la société s’épanouit à travers l'appropriation scolastique de l'aristotélisme politique et sa postérité humaniste, notamment dans les réflexions sur la «république» qui transcendent les différences confessionnelles. Le propos s'appuie ici sur la comparaison des œuvres du catholique Pierre Grégoire (1540-1597), du calviniste Johann Heinrich Alsted (1588-1638) et du luthérien Johann Angelius Werdenhagen (1581-1652), qui toutes fournissent «des exemples d'englobement de l’Église dans des schémas de sociétés architecturés par des taxinomies civiles» (p. 279) dominés tantôt par le prince, tantôt par la villeFootnote 16 .

Au-delà de ces transferts, qu'advient-il, passé les années 1200, de l'institution ecclésiale elle-même? À partir de la fin du Moyen Âge, celle-ci connaît une fragmentation interne croissante, à l'image du compartimentage de l'espace intérieur des églises, que met en lumière la belle analyse du Triptyque des sept sacrements (v. 1440-1444) de Rogier van der Weyden (p. 17-21). Les clercs subissent dans le même temps une dépossession relative de leurs prérogatives ecclésiales au profit des souverains, alors même qu'ils n'apparaissent plus comme les seuls organisateurs des rituels et que les églises ne constituent plus, dans l'espace urbain, qu'un pôle rituel parmi d'autres (p. 365). L'ecclésial semble de plus en plus inclus dans le politique, un phénomène que reflète la banalisation de l’église-bâtiment au sein de l'ensemble des édifices et des lieux publics de la cité (l'hôtel de ville, les halles, les écoles ou les places).

Périodisation

D. Iogna-Prat, dans Cité de Dieu, cité des hommes, apporte la contradiction aux deux modèles de périodisation de la transition vers la modernité aujourd'hui dominants dans la recherche française. Il n'esquive pas le problème posé par l'essor de l’État entre le xiii e et le xvi e siècle, et donc écarte la thèse du long Moyen Âge ou du long féodalisme, fondée notamment sur la prégnance sociale du dominium ecclésial jusqu'aux Lumières et à la Révolution industrielleFootnote 17 . Par ailleurs, en s'opposant au grand roman de la philosophie politique moderneFootnote 18 , il défend la singularité d'une séquence idéologique fondée sur l'aristotélisme politique, séquence qui trouverait son origine au milieu du xiii e siècle et s’étendrait jusque vers 1650, et qui articulerait étroitement architecture matérielle (en contexte urbanistique) et architecture sociale (c'est-à-dire classificatoire). Ce nouveau régime de chrétienté, distinct du régime antérieur associant l'idée de hiérarchie promue à l’époque carolingienne et la conception de la societas christiana portée par la réforme grégorienne, se prolongerait au-delà de la cassure de la Réforme et du processus de confessionnalisation, car les catholiques, les luthériens, les calvinistes et les anglicans en demeureraient les héritiers, de manière plus ou moins égale. On aurait toutefois apprécié plus de complexité géopolitique accordée à cette première séquence moderne (1200-1650) par rapport au temps du modèle ecclésial antérieur (800-1200), qui apparaît à bien des égards comme plus unifié et plus universelFootnote 19 . Il existe en effet des différences entre le laboratoire urbain italien, précocement et profondément sécularisé, les grandes royautés sacrées d'Occident (France, Angleterre, Espagne), les principautés territoriales allemandes et les premières expériences «républicaines» (Confédération helvétique, Provinces-Unies, Protectorat cromwellien en Angleterre). Ces différences ont été notablement accentuées par la variété des configurations ecclésiologiques introduites par la Réforme, qui a lourdement pesé sur la persistance, le rejet ou les inflexions du modèle ecclésial ancien (médiéval)Footnote 20 .

Substitution ou coexistence des modèles?

Le subtil épilogue qui conclut l'ouvrage tend à réintroduire l’Église-institution dans la modernité, pas seulement en tant que source de remplois pratiques ou matrice idéologique des configurations politiques séculières (villes, principautés, royaumes), mais aussi parce qu'elle continue d'exister sans paraître dévitalisée par la compétition que celles-ci lui font subir (p. 439-461). Pour D. Iogna-Prat, ce serait notre regard moderne qui sélectionnerait de manière excessive les traits de modernité propres aux configurations séculières, en les privilégiant aux dépens de la perpétuation du modèle ecclésial antérieur. Il vaudrait donc mieux constater la coexistence, dans la longue durée, des deux modèles, plutôt que de supposer l'effacement du modèle ecclésial ancien par le modèle urbain moderne. Cette thèse de la coexistence conduit l'auteur à proposer une typologie de «configurations» relationnelles : une première, qualifiée de «stable» ou de «traditionnelle», continue d'attribuer l'essentiel de la gestion du social à l'ecclésial ; une deuxième, qualifiée de «moderne», en confie la responsabilité à la nouvelle urbanité, au sein de laquelle l’Église n'est plus qu'un «élément incorporé» ; la troisième repose sur l'interaction des deux modèles et associe notamment «la supériorité de la personne en tant qu’être spirituel et la supériorité de la communauté en tant que valeur humaine et naturelle» (p. 449-454). En outre, cette fin de la domination «totalitaire» de l’Église stimulerait son renouvellement interne, indispensable à la conservation d'une certaine attractivité sacrale, ainsi que, plus globalement, les «capacités d'acculturation» du christianisme par delà l'avènement de la modernité.

La force d'une telle interprétation réside, à n'en pas douter, dans le dépassement de l'opposition binaire, souvent caricaturale, entre l’Église et l’État, entre le recul de l'emprise ecclésiale ou sacrale, d'une part, et l'avènement progressif d'une modernité sécularisée ou profane, d'autre part, au profit d'un «rapport dialectique [. . .] entre deux ‘abstractions institutionnelles’ [l’Église et l’État] nourries de références communes en régime de chrétienté» (p. 459). Si la perspective est assurément séduisante, on peut toutefois se montrer plus réservé sur son efficace sociale et institutionnelle. En effet, sous la plume de D. Iogna-Prat, ces différentes configurations restent essentiellement exemplifiées par des discours théoriques ou normatifs. Mais l'existence parallèle de discours différents au sein d'une même société ne fait pas de cette société une société plurielle. Ainsi, la diversité des discours politico-ecclésiaux qui caractérise l'Europe du premier xv e siècle ne s'est accompagnée d'aucun pluralisme sociopolitique – le conciliarisme, le wyclifisme ou les formes de hussisme n’étouffent pas les tenants de la théocratie pontificale traditionnelle ni n'empêchent l’émergence du gallicanisme (en France) ou d'autres conceptions organiques et «nationales» de l’Église (en Angleterre, en Castille, dans certaines seigneuries italiennes). Il en va de même dans la France du second xvi e siècle ou dans les Pays-Bas et l'Angleterre du premier xvii e siècle, pourtant traversés par des courants d'idées et des mouvements sociaux fort variés. À chaque fois, une «configuration relationnelle» l'a emporté, et cela dans le cadre de processus moins iréniques que ne le suggère l'hypothèse dialectique favorisée par l'ouvrage. Certains discours, dans leur contexte propre, apparaissent plus en harmonie avec l’évolution des constructions politiques et ecclésiales (elles-mêmes variées) que d'autres. Pour mesurer véritablement ces écarts, les trois configurations idéologiques esquissées par D. Iogna-Prat devraient être finement adossées à des contextes sociaux et institutionnels précis, lesquels sont de plus en plus divers dans le monde postérieur à la Réforme, en dépit de la persistance de filiations intellectuelles transconfessionnelles. Il s'agit là cependant d'une tâche immense, qui n'entrait pas dans le projet de l'auteur et qui ne pourrait être menée qu’à l’échelle d'un programme de recherche collectif et international.

Les éléments du modèle «moderne» semblent tout de même avoir plus profondément bouleversé le modèle ecclésial antérieur que ne le suggère l'auteur, et pas seulement dans quelques contextes géopolitiques particuliers. La Réforme marque la fin de l'universalité de l’Église, qui n'apparaît définitivement plus comme le «Tout du social», même dans la catholicité restaurée de la Contre-Réforme. Les temps sont désormais à la territorialisation des Églises, à la fragmentation de la cité des hommes et à l'inquiétude face aux nouveaux horizons non chrétiens qui s'ouvrent au loin. Une hiérarchisation croissante de la domination pratique s'affirme puissamment au bénéfice des pouvoirs laïques. Il ne semble donc pas infondé de continuer de parler de «municipalisation» ou de «sécularisation», dès lors que ces termes renvoient, sans préjuger de leur influence sur le discours «ecclésial» lui-même, à l'instance ou à l'institution qui contrôle, dirige et gouverne. D'autant que ce contrôle, cette domination ou ce gouvernement disent quelque chose de l'ecclésial, de ce qu'est désormais l’Ecclesia à l’âge de la modernité : une institution fragmentée par le politique, qui doit s'accommoder de la dépossession croissante des clercs de leur ancienne puissance sociale.

Gouvernement et espace : logique de polarisation et logique de territorialisation

Les travaux de recherche récents attribuent à l’Église un rôle déterminant dans la fabrique sociale et politique de l'Occident, bien supérieur à ce que l'historiographie française, à la différence de ses homologues italienne, allemande ou américaine, avait coutume de penser jusque dans les années 1990Footnote 21 . Ce rôle réside principalement dans la fonction matricielle jouée par l'institution ecclésiale en matière de gouvernement et de pratiques gouvernementales. L'ouvrage de D. Iogna-Prat met l'accent sur la puissance idéologique de l’Église, notamment sa capacité à élaborer des formules langagières aptes à fournir les métaphores conceptuelles et les symboles efficaces pour penser le gouvernement en termes à la fois abstraits et incarnés, mystiques et matériels. D'autres études mettent en relief les pratiques, ou ce que l'on pourrait appeler «l'exercice du gouvernementFootnote 22 », qu'il s'agisse des usages de l’écrit, de l'invention des offices, des innovations juridictionnelles ou fiscales, ou encore des pratiques sociospatiales. À la lumière de ces travaux, il n'est plus possible de penser l'histoire de l’État – des grandes monarchies ou des principautés féodales, de la papauté théocratique ou des cités-États italiennes – sans se référer aux héritages et aux expériences de la seule véritable institution qu'ait connue l'Europe latine avant le xiii e siècle, l’Église. Un tel constat en nourrit nécessairement un autre, de nature plus épistémologique : continuer d'enclore l’étude de l'institution ecclésiale dans le domaine spécifique de l'histoire religieuse (ou à défaut de l'histoire culturelle), comme aime encore à le faire l'historiographie française, qu'elle soit de tradition jacobine, marxiste ou catholique, n'a guère de pertinence et contribue à perpétuer un cloisonnement des sphères préjudiciable à une juste compréhension des réalités médiévales.

En matière de rapport à l'espace et de pratiques sociospatiales, un certain écart sépare cependant les réflexions de D. Iogna-Prat des recherches que j'ai pu exposer dans L’évêque et le territoire Footnote 23 . De La maison Dieu à Cité de Dieu, cité des hommes, est mise en valeur la transformation d'un rapport au lieu. Or de l’église-bâtiment du premier Moyen Âge (avec son prolongement cimétérial) à la ville du second Moyen Âge et de la première modernité, la logique spatiale reste identique : il s'agit toujours de polarisation des rapports sociaux et de l'imaginaire politique par un «lieu spécifique», d'abord l’édifice cultuel, ensuite la cité dans son ensemble, laquelle reste par ailleurs surtout considérée comme un ensemble de lieux. Dans la longue durée, l’Église est vue comme cette institution qui, la première, a ancré les rapports sociaux en référence à un lieu (en l'occurrence un lieu défini comme saint et sacréFootnote 24 ) et fourni le modèle sociospatial de la polarisation, avec l'organisation sociale et politique en réseaux qui lui est associée – un modèle aisément transposable à d'autres réalités médiévales plus séculières, comme le château et la seigneurie châtelaine de l’époque féodale. Dans L’évêque et le territoire, je me suis pour ma part attaché à montrer que le rapport de l’Église à l'espace a en réalité profondément évolué au cours du Moyen Âge et qu'il a même connu une inflexion majeure, en passant schématiquement d'une logique de polarisation, dominante jusqu'au xi e siècle, à une logique de territorialisation, qui trouve son apogée aux xiii e et xiv e siècles. Présentée comme la réactivation d'une tradition tardo-antique, cette dernière n'en est pas moins profondément neuve et étroitement liée à cette véritable refondation de l'institution ecclésiale qu'est la réforme grégorienne. Cette logique de territorialisation organise les assignations sociales en les référant d'abord à des étendues (la paroisse et le diocèse, désormais conçus comme des territoires) et pense les pratiques gouvernementales en termes de maîtrise des étendues et de contrôle des limites plus que de gestion des réseaux. Dans ce cadre, l’Église demeure l'institution modèle ou matrice de processus sociaux et politiques rapidement appropriés par les proto-États du second Moyen Âge. Elle leur fournit non seulement un ensemble de pratiques sociospatiales éprouvées, mais aussi, à travers la logique de territorialisation et ses implications juridictionnelles et fiscales, un exercice et une pensée de la domination d'un type nouveau, non plus féodal ou réticulaire, mais de nature souveraine. Souhaitons que ces deux thèses, par-delà leurs différences et articulées avec les recherches sur les conceptions et les pratiques spatiales des États du xvi e au xviii e siècle, puissent susciter un nouvel intérêt pour les relations entre Église et État ainsi qu'entre gouvernement et espace dans la longue durée de l'histoire occidentale.

References

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2 On peut prendre la mesure du chemin parcouru en relisant deux synthèses historiographiques : Iogna-Prat, Dominique, Lauwers, Michel et Zadora-Rio, Élisabeth, «La spatialisation du sacré dans l'Occident latin (iv e-xiii e s.)», Centre d’études médiévales d'Auxerre. Études et travaux, 1, 1998-1999, p. 44-57 Google Scholar ; Bourin, Monique et Zadora-Rio, Élisabeth, «Analyses de l'espace», in Schmitt, J.-C. et Oexle, O. G. (dir.), Les tendances actuelles de l'histoire du Moyen Âge en France et en Allemagne, Paris, Publications de la Sorbonne, 2002, p. 493-510 Google Scholar.

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4 Pour des références complémentaires, voir Lauwers, Michel, Naissance du cimetière. Lieux sacrés et terre des morts dans l'Occident médiéval, Paris, Aubier, 2005, p. 325-361 Google Scholar.

5 Voir notamment Galinié, Henri et Zadora-Rio, Élisabeth (dir.), Archéologie du cimetière chrétien, Tours, Féracf, 1996 Google Scholar ; Treffort, Cécile, L’Église carolingienne et la mort. Christianisme, rites funéraires et pratiques commémoratives, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1996 Google Scholar ; M. Lauwers, Naissance du cimetière. . ., op. cit.

6 Voir notamment Dominique Iogna-Prat et Élisabeth Zadora-Rio (dir.), no spécial «La paroisse, genèse d'une forme territoriale», Médiévales, 49, 2005.

7 M. Lauwers, Naissance du cimetière. . ., op. cit., p. 269-274 ; Toubert, Pierre, Les structures du Latium médiéval. Le Latium méridional et la Sabine du ix e à la fin du xii e siècle, Rome, École française de Rome, 1973, p. 305-550 Google Scholar.

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12 Cette pensée est exposée dans les trois grands ouvrages rédigés par Guillaume d'Ockham dans les années 1330-1340 : Breviloquium de potestate papae, De imperatorum et pontificum postestate et Dialogus.

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19 La compétition entre ces deux universalismes que sont la papauté et l'empire, qui s'achève pour l'essentiel au milieu du xiii e siècle par la victoire de la première, dit bien la force de l'universalisme porté par le modèle ecclésial traditionnel, même si elle en perturbe la réalisation.

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21 Sur le rôle de l’Église en général, voir Lauwers, Michel, «L’Église dans l'Occident médiéval. Histoire religieuse ou histoire de la société? Quelques jalons pour un panorama de la recherche en France et en Italie au xx e siècle», Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge, 121-2, 2009, p. 267-290 Google Scholar ; Lauwers, Michel et Mazel, Florian, «Le ‘premier âge féodal’, l’Église et l'historiographie française», in Iogna-Prat, D. et al. (dir.), Cluny. Les moines et la société au premier âge féodal, Rennes, Pur, 2013, p. 11-18 Google Scholar. Sur la dîme ou le diocèse, voir Michel Lauwers (dir.), La dîme, l’Église et la société féodale, Turnhout, Brepols, 2012 ; Mazel, Florian, L’évêque et le territoire. L'invention médiévale de l'espace (v e-xiii e siècle), Paris, Éd. du Seuil, 2016 Google Scholar.

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23 F. Mazel, L’évêque et le territoire. . ., op. cit.

24 Sur ces deux catégories, voir Lauwers, Michel, «Le cimetière dans le Moyen Âge latin. Lieu sacré, saint et religieux», Annales HSS, 54-5, 1999, p. 1047-1072 CrossRefGoogle Scholar.