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Le rôle socio-économique du notariat au XVIIIe siècle : Quatre offices parisiens en 1749

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

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L'auteur du présent article n'est pas un historien, ce qui n'excusera pas ses insuffisances, mais les expliquera. C'est un sociologue qui a étudié la société contemporaine principalement sous ses aspects pouvant être saisis par l'étude statistique du contenu des actes de la pratique juridique, notamment des actes notariés. Il lui est apparu que les méthodes mises au point dans ce domaine pouvaient, mutatis mutandis, être étendues à l'étude des actes de droit privé au XVIIIe siècle de façon plus systématique qu'il n'avait été fait jusqu'alors, pour une meilleure connaissance de la société française de cette époque tant dans le domaine de l'activité économico-sociale que dans celui des mentalités.

Type
Les Domaines de L'Histoire
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1972

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References

1. Voir notamment les études publiées depuis 1951 dans le Journal de la Société de Statistique de Paris (J.S.S.P.), en particulier celles citées dans la note 2 ci-après.

2. Cf. notamment parmi les travaux les plus transposables aux études historiques : « Démographie et actes notariés », dans J.S.S.P., 2e trimestre 1951 (malgré son titre, l'article n'intéresse que très peu le démographe stricto sensu) ; « Analyse statistique du contrat de mariage », ibid., 1 e r trimestre 1954; « Introduction à une étude sociologique des actes de prêt », ibid.. 2e trimestre 1955; « Pour une statistique des actes de successions », ibid., 3e trimestre 1962; « Sociologie statistique et actes de prêt », ibid., 4° trimestre 1963; « Prolégomènes à une typologie des sociétés françaises par actions », ibid., 3e trimestre 1965 ; « Pour une étude statistique des mutations de logements », ibid., 3e trimestre 1966; « Pour une étude statistique des donations entre époux », ibid., 4e trimestre 1966; « Pour une statistique sociologique de la clientèle des notaires », ibid., 3e trimestre 1968; « Introduction à une sociologie statistique des actes de procuration », ibid., 4e trimestre 1968; « Pour une étude sociologique des modifications de l'actionnariat », ibid., 4e trimestre 1969; « Éléments d'étude des ‘ origines de propriété ‘ », ibid., 2e trimestre 1970; « Pour une sociologie statistique des acquisitions d'appartements neufs », ibid., 3e trimestre 1970.

3. Dans plusieurs des travaux cités à la note 2. Voir aussi : « Histoire et statistiques notariales : Une étude parisienne en 1826 », dans J.S.S.P., 4e trimestre 1970, et « Pour une sociologie statistique des sociétés par actions : 2 exemples au XIXe siècle », ibid., 1971.

4. Voir p. 7 dudit ouvrage : « L'année 1749 a été retenue comme une année de paix… qui, vraisemblablement à une date où la situation économique n'est pas particulièrement perturbée, implique un recours normal à l'acte notarié et peut donc être considéré comme caractéristique. »

5. Et pour apporter ainsi notre contribution à la réduction de « La tache blanche que forme le milieu du XVIIIe siècle dans notre connaissance historique », selon H. Luthy (La Banque protestante en France, tome II, p. 13).

6. Nous examinons également la possibilité d'un travail similaire sur un important comptoir d'outre-mer, Pondichéry par exemple. 7. Nous avons bien entendu procédé à des sondages dans d'autres répertoires pour nous assurer autant que possible du caractère non aberrant de ceux étudiés.

8. Ces constitutions sont peu nombreuses, et figurent chez un seul des 4 notaires. On peut signaler à cet égard que C. J. de Ferrière écrivait dans l'édition de 1733 de son formulaire commenté : La science parfaite des notaires (tome I, p. 664) que « L'usage est que la plus grande partie des sociétés se font sous seings privés entre les marchands et banquiers, à cause des conventions ou clauses portant des intérêts plus forts que ceux de l'ordonnance ».

9. La répartition en est la suivante d'après les répertoires (mais pour les trois premiers types d'actes il ne semble pas qu'elle corresponde à une distinction toujours rigoureuse) : Quittances : 147; quittances-mainlevées : 8 ; remboursements : 43; mainlevées : 28. Soit un total de 226.

10. Cf. notamment : P. LÉON, dans Histoire économique et sociale de la France. P.U.F., Paris, tome II, p. 255; B. Gille, Les origines de la grande industrie métallurgique en France, Domat, Paris, pp. 126-130. Voir également R. Bigot, Les bases historiques de la France moderne, Armand Colin, Paris, 1933, lequel étudie également surtout à cet égard la 2e partie du XVIIIe siècle (pp. 65-68).

11. Rappelons qu'ils se décomposent comme suit : 42 testaments ou dépôts de testaments; 6 dons mutuels (l'équivalent de nos « donations entre époux »), très contrariés par les coutumes en vigueur) ; 26 donations; 46 notoriétés après décès; 100 inventaires; 22 délivrances de legs; 31 liquidations et partages; 63 renonciations de toute nature, notamment à succession, communauté et legs.

12. A. Daumard et F. Furet, op. cit., estiment que les trois quarts environ des futurs ménages parisiens passaient alors des contrats de mariage.

13. Rappelons que ce domaine est éminemment justiciable du traitement mécanographique et même électronique.

14. Soit 286 (117 obligations et 169 constitutions).

15. Le clergé paraît jouer un rôle peu important, tant comme fournisseur que comme receveur de crédits; il est toutefois probable que son rôle est un peu plus grand qu'il n'apparaît certains particuliers, dignitaires de l'Église ou religieux, ont pu, en effet, dans divers cas, agir pour le compte de leur clergé ou communauté sans que le rédacteur du répertoire l'ait mentionné; seule l'analyse des minutes elles-mêmes permettra de le vérifier.

16. Il est important toutefois de signaler que si, économiquement, le notaire parisien peut être assimilé pour une part de son activité à un banquier, il ne l'est pas juridiquement ; le banquier reçoit des dépôts de fonds qui lui sont versés personnellement et c'est lui qui les prête à son tour en son nom, alors que les constitutions et obligations mettent en rapports directs, même si c'est par mandataires, le fournisseur et le bénéficiaire des fonds, qui s'engagent personnellement l'un envers l'autre. Cette différence n'a pas toujours été aperçue clairement, même à l'époque, et cette méconnaissance explique la nature des critiques faites au notariat (telles celles rapportées par Gille, op. cit., p. 130).

17. L'acte notarié était peut-être plus encore qu'il n'apparaît ci-dessus un moyen de crédit. On remarquera en effet que les baux se trouvent au premier rang des actes que nous n'avons pas considérés comme se rapportant à des opérations de cette nature. Or il est certain que souvent le bail est pourtant un moyen indirect de mise de fonds à disposition de l'économie par le locataire. On le remarque bien aujourd'hui avec l'insistance mise par les pouvoirs publics à favoriser les baux ruraux à long terme de telle façon que l'exploitant agricole dispose de tout son capital pour son exploitation proprement dite sans en avoir la charge foncière à assumer par lui-même, aux mesures prises en faveur du « bail à construction », du « prêt-bail », etc., ainsi qu'au fait bien connu que les commerçants et industriels préfèrent généralement tenir à bail plutôt qu'acheter les locaux commerciaux, pouvant ainsi utiliser leur capital ou leurs possibilités d'emprunt à l'amélioration de leur exploitation ou à la meilleure utilisation de leur stock; voir aussi la tendance qui s'accentue à la prise en location par les industriels de leur matériel de transport, de leurs ordinateurs, etc., le capital disponible pouvant plus rentablement s'investir dans l'activité principale de l'entreprise. Il ne paraît pas douteux qu'un phénomène similaire jouait dans une partie des 233 baux considérés ici.

18. Laquelle n'exclut pas, bien entendu, d'importantes variations individuelles entre études compte tenu des relations personnelles du notaire, de son tempérament (grande prudence ou entregent), de ses inclinations juridiques, du quartier, etc. (aujourd'hui encore il existe des notaires qui se refusent à s'occuper de la négociation de prêts ou de diverses autres conventions). Ces variations se traduisent d'ailleurs dans le tableau II.

19. Peut-être faudrait-il également nuancer l'opinion (cf. Finances et Financiers de l'Ancien Régime, par J. Bouvier et H. Germain-Martin, P.U.F., Paris, 2° édition, p. 125) aussi répandue, selon laquelle « Celles-ci (les affaires de finance d'ancien type) ont stérilisé économiquement les capitaux rassemblés pour le prince et détruit bien des possibilités d'investissements »; les chiffres ci-dessus, qui montrent les emprunteurs particuliers nettement majoritaires ne semblent pas en accord avec cette affirmation ; il est néanmoins possible qu'une partie des capitaux empruntés par des particuliers chez les notaires soient ensuite mis à la disposition du trésor royal par d'autres circuits; des recherches complémentaires seraient utiles à cet égard, comme d'ailleurs pour distinguer mieux qu'on ne l'a fait jusqu'ici, la part des fonds publics qui sont employés à des dépenses économiquement stériles de celle employée des investissements ou aides à investissements, laquelle ne semble pas avoir été négligeable (cf. notamment à l'ouvrage de B. Gille précité).

20. Une de celles-ci, mariée sous un régime sans communauté, est prêteuse à quatre reprises dans l'année.

21. Il est d'ailleurs à penser que ce titre a été rarement omis par les rédacteurs de répertoires ; par contre une cause certaine de minoration de ce rôle provient du fait que les dignitaires de l'Église, séculiers et réguliers, pratiquement toujours nobles, ne voient figurer que leur fonction ecclésiastiques dans les répertoires. L'analyse des minutes elles-mêmes pourra mesurer ce biais.

22. Les rédacteurs des répertoires ne semblent y attribuer eux-mêmes qu'une importance très relative, et on rencontre le même nom à diverses dates écrit soit en un seul mot soit décomposé pour faire ressortir une particule, ou (dans un partage par exemple) des parents homonymes dont le nom est écrit en un mot pour certains et en deux mots pour d'autres.

23. L'étude CVIII contient cette année 15 actes passés par Arrouet de Voltaire (3 constitutions de rente par des particuliers à son profit; 1 transport de rente par un particulier à son profit; 4 constitutions par le roi à son profit; 4 constitutions par la compagnie des Indes à son profit; 4 quittances au roi et 1 procuration). Ces actes sont d'ailleurs connus des spécialistes de Voltaire (cf. le tome 95 de la grande édition de Voltaire en cours de publication par les soins du professeur Théodore Besterman et de l'Institut Voltaire).

24. Signalons seulement que parmi les reconnaisseurs de titre nouvel, on compte 13 hommes, 8 communautés religieuses, 5 indivisions, 2 veuves, 1 couple d'époux, 1 femme sans indication de situation matrimoniale et 1 femme mariée; les bénéficiaires de reconnaissances sont : 14 hommes, 7 communautés religieuses ou fabriques, 5 femmes sans indication de situation matrimoniale, 3 veuves, 1 femme célibataire et 1 indivision.

25. Rappelons auparavant que, outre des renseignements du type de ceux obtenus ci-dessus par l'étude du répertoire, l'analyse interne des actes de crédit permet généralement d'étudier les profession et domicile des parties (par conséquent les transferts de fonds entre catégories sociales et entre régions, le montant des fonds fournis et leur contrepartie, la nature et la description des garanties, ainsi que la date et la manière dont le débiteur est devenu propriétaire, la durée des engagements pris, etc.). En outre elle fournit souvent des références (renvoi à l'acquisition du gage par exemple) permettant de compléter cette analyse par une critique externe.

26. En raison du faible nombre des ventes et de leur disposition en différentes catégories hétérogènes, il n'a pas été possible de procéder à une étude valable des diversités de vendeurs et d'acquéreurs.

27. L'étude des minutes permettra une analyse beaucoup plus profonde, du type de celle mentionnée à la note 25 ci-dessus, et des modalités, formes et délais de paiement des prix selon les appartenances sociales et géographiques des vendeurs et acquéreurs et la nature des biens mutés.

28. Elles se décomposent ainsi : dépôt de lettres : 2, de déclarations : 2, de ratifications : 2, de démission, brevet de retenue, délibération de chambre ecclésiastique : 1 chacun.

29. D'autant plus que la nature des actes intermédiaires qui viennent ensuite quant au nombre dans la liste des actes généraux (conventions, transactions, ratifications…) permet de penser qu'il s'agit dans la majorité des cas d'actes ne se rapportant pas à l'activité successorale.

30. Selon les sexe, profession, situation matrimoniale, etc., des donneurs et receveurs de mandats, cf. l'article « Introduction à une sociologie statistique des actes de procuration », cité note 2.

31. Respectivement donnés par les « Jurées couturières » et les « Directeurs des créanciers du duc de Saint-Simon ».

32. Le fait de l'existence d'un seul cas de séparation entre époux peut être remarqué.

33. Rappelons que cette totalité exclut cependant les 426 constitutions formant séries, comme il a été précisé plus haut.

34. Peut-être, bien qu'ils ne soient pas indissolublement liés au droit de l'Ancien Régime, aurait-on pu y ajouter les contrats d'apprentissage, au nombre de 27 ; le pourcentage ne serait cependant porté ainsi qu'à 3,74 %.

35. Les 17 actes de cautionnement qui figurent au nombre des actes généraux ne peuvent quant à eux faire l'objet d'une affectation plus précise, que permettrait l'étude des minutes elles-mêmes. En effet s'ils peuvent être un instrument de crédit en fournissant à un emprunteur éventuel la garantie ou le complément de garantie lui permettant d'emprunter, ils sont souvent à l'époque donnés par leurs parents aux personnes sur le point d'obtenir une fonction publique nécessitant la fourniture d'un cautionnement; les répertoires ne sont généralement pas suffisamment explicites à cet égard.

36. Rappelons que les vacances du Parlement se situaient en septembre et octobre (cf. François Bluche, Les magistrats du Parlement de Paris au XVIIIe siècle, Paris, 1960), et signalons que l'étude notariale parisienne faisant l'objet du travail mentionné à la note 3 ci-dessus présentait en 1826 des caractéristiques semblables (les nombres d'actes les plus importants se rencontraient pendant les mois de mai, juillet et aoüt, les plus bas pendant les mois d'octobre, novembre et janvier). Par ailleurs des notaires parisiens actuellement en fonction, parmi les plus anciens, nous ont dit avoir l'impression qu'encore entre les deux dernières guerres une partie de la clientèle des notaires, et des notaires eux-mêmes, prenaient des vacances en automne, pour chaser.

37. Dont nous n'avons d'ailleurs pas épuisé toutes les ressources, ainsi que le lecteur peut s'en rendre compte aisément.

38. En fait cette ressemblance était très grande jusqu'aux années qui ont suivi la dernière guerre. En faisant évidemment la part de l'involontaire valorisation habituelle de l'importance des événements contemporains de l'observateur, on pourrait dire que l'activité des études notariales parisiennes s'est plus modifiée depuis 1948 que pendant les deux siècles1 précédents, avec le développement massif des actes peu ou pas pratiqués auparavant (co-propriété, sociétés de construction, ventes en état futur d'achèvement, formules modernes de crédit-bail et de crédit-vente, bail à construction, fusions de sociétés, etc.) ; sur le plan de l'organisation interne toutefois on peut signaler un rapprochement récent entre le notariat actuel et le notariat d'Ancien Régime, puisque les sociétés entre notaires à nouveau autorisées depuis peu pouvaient exister jusqu'à leur interdiction par la compagnie des notaires de Paris dans son assemblée générale du 10 décembre 1780 (cf. le registre des offices et pratiques des conseillers du roi, notaires, gardes-notes et gardes-scel au Châtelet de Paris, de Delarue, Paris, 1786, lequel remarque d'ailleurs que « Anciennement les sociétés entre deux notaires étaient fréquentes »).