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Le paysan américain et la terre à la fin du XVIIIe siècle

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Barbara Karsky*
Affiliation:
Université de Paris VII

Extract

En Amérique du Nord, la terre est le fondement de la richesse pendant toute la période coloniale et elle restera le principal moyen de subsistance pour la majorité des Américains jusqu'à la fin du XIXe siècle. Très convoitée par les premiers colons, la terre est considérée à la fois comme une fin et un moyen : l'acquérir, c'est s'enrichir, l'exploiter, c'est s'assurer la sécurité ou même l'aisance. L'acquisition, l'occupation et l'utilisation du sol varient beaucoup selon les régions et les formes de colonisation. Au cours du demi-siècle qui précède l'Indépendance, la hausse du prix de la terre, la concentration — ou Pémiettement — de la propriété, la baisse des rendements dans les peuplements plus anciens forcent les jeunes et les nouveaux venus à émiger vers les régions vierges du pied des Appalaches et au-delà. Dans les années quatre-vingts, le gouvernement de la nouvelle confédération essaie d'harmoniser la dimension des futures exploitations et de réglementer l'achat des terres du domaine public, par les ordonnances de 1785 et 1787.

Summary

Summary

This article explores the importance of land in American society at the end of the 18th century and, more especially, the values which farmers attached to the soil. The main tenets of agrarian thought are examined and the reflection of this thought is sought in the daily life of the farmer through an investigation of rural diaries. The author establishes a calendar of agricultural activities and analyzes the social relations of production and the economic bonds of rural society in which family and neighbors are closely associated through mutual ties of debt and credit. Doubts are raised as to the easy availability of land and to the ready mobility of 18th century Americans. The article suggests that, despite the pressures of population growth and the changes wrought by the Revolution, farmers at the end of the century were deeply attached to two indissociable concepts, the dignity of labor and the right to a freehold, the key values of an agrarian mentality.

Type
Économies et Sociétés Agraires
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1983

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References

Notes

* Une première version de cet article fut présentée à Paris le 29 mars 1982, au colloque « L'espace et la terre en Amérique : pensées et pratiques du xvne au xixe siècle », organisé par le Centre de Recherche sur l'Histoire des États-Unis, Université Paris VII.

1. Pour les années quatre-vingts Paul Gates écrit : « Malgré le radicalisme de la déclaration d'Indépendance, et les émeutes agraires de cette époque, la période de la Confédération était marquée par le développement de grands domaines privés, par le Massachusetts dans ses terres de l'État de New York, par la Virginie dans le Kentucky et par le Tennessee dans la Géorgie, ces États ayant distribué leurs terres de la manière la plus prodigue. » Paul W. Gates, « An Overview of American Land Policy », dans Wiser, Vivian éd., Two Centuries of American Agriculture, Washington, 1976, p. 216 Google Scholar.

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4. Cité dans Eisinger, Chester E., « The Influence of Natural Rights and Physiocratic Doctrines on American Agrarian Thought during the Revolutionary Period », Agricultural History, 21, 1947, p. 18 Google Scholar.

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8. Entre autres ceux d'Edward Cook, M., Jr., « Local Leadership and the Typology of New- England Towns, 1700-1785 », Political Science Quarterly, 86, 1971 Google Scholar; Bruce Daniels, « Long Range Trends in Wealth Distribution in Eighteenth Century New-England », Explorations in Economie History,11, 1973-1974; et Zemsky, Robert, Merchants, Farmers, and Rivers Gods, Boston, 1971 Google Scholar.

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10. On trouve ces épithètes attribuées au cultivateur dans les écrits de Hector St. Crè- Vecoeur, John de, Lettersfrom an American Former, New York, 1957 Google Scholar, lre édition 1782, Lettre m, « What is an American ? ».

11. The New-England Former,Worcester, Mass., 1790, p. 9.

12. The New-England Former,p. 2. Robert Thomas émettait des idées semblables dans son Former's Almanachqui parut pour la première fois en 1793. Benjamin Franklin attribuait à l'agriculture le même genre de sainteté que Jefferson trouvait chez le fermier (” ceux choisis par Dieu ») : « … l'agricultureest la seule façon honnêtepar laquelle l'homme reçoit un réel gain de la semence mise en terre, en une sorte de miracle continu accompli par la main de Dieu en récompense de sa vie innocente et de son travail vertueux. » Cité dans Eisinger (n. 4), p. 22.

13. James Parker, un fermier aisé du Middlesex County, Massachusetts, fut l'un des organisateurs — et utilisateurs — d'une telle bibliothèque fondée dans sa ville, Shirley, en 1792. Voir les entrées pour le 4 juin et le 2 novembre, 1792 dans le « Diary of James Parker », publié dans le New-England Historical and Genealogical Register,janvier 1916, pp. 12 et 13.

14. William Manning, auteur de Key ofLibberty(sic), était un fermier et un cabaretier de Billerica, Middlesex County, Massachusetts. Samuel Eliot Morison, dans son introduction au manuscrit de Manning, le décrit comme un partisan fidèle de Jefferson, lisant régulièrement Ylndépendent Chronicle,de tendance jeffersonienne. S. E. Morison éd., William Manning's Key of Liberty,Boston, 1922, pp. vi, vin et ix. Les quotidiens n'étaient pas fréquents avant le xixe siècle.

15. The Social Structure of Revolutionary America,Princeton, 1965, pp. 106 et 113.

16. Dwight, Timothy, Travels in New-England and New York, Solomon, Barbara Miller éd., Cambridge, Mass., 1969 Google Scholar, lre édition New Haven, 1822, I, pp. 21-25, et Jean-Pierre Brissot DE Warville, Nouveau voyage dans les États-Unis de l'Amérique septentrionale,Paris, 1791, t. I, pp. 158-159.

17. En 1784, la population de ces comtés étaient de 24 544 habitants (Berkshire) ; 43 143 (Hampshire) ; et 47 614 (Worcester). Voir Morse, Jedediah, American Gazeteer, Boston, 1798 Google Scholar, 2eédition corrigée, p. 172.

18. J. T. Main (n. 15), pp. 273-274, et Barbara Karsky, « Agrarian Radicalism in the Late Revolutionary Period, 1780-1795 », dans Angermann, Erich et al. éds, New Wine in Old Skins, Stuttgart, 1976, n. 13, pp. 111112 Google Scholar.

19. Ces chiffres sont issus des formulaires d'évaluation fiscale du Massachusetts présentés dans le tableau 15, « Land Utilization, six counties in Massachusetts, 1801 », dans Percy Bidwell et Falconer, John I., History of Agriculture in the Northern United States, 1620-1860, New York, 1941, p. 119 Google Scholar. Les auteurs insistent sur la faiblesse des surfaces cultivées dans les régions les plus anciennes, les comtés de l'Est, bien que l'on y ait cultivé plus de terres que dans les comtés de l'Ouest.

20. Arria S. Huntington, Under a Colonial Roof-Tree. Fireside Chronicles of Early New- England,Syracuse, N. Y., 1892, p. 86 et Bidwell et Falconer (n. 19), pp. 141 et 144.

21. Barre avait 1 613 habitants en 1790. Voir Morse (n. 17), p. 34.

22. Anon., American Husbandry,Harry J. Carman éd., Port Washington, N. Y., 1964, lrc édition 1775, p. 42.

23. Jeyes, S. H., The Russells of Birmingham in the French Révolution and in America, 1791- 1814, Londres, 1911, p. 180 Google Scholar.

24. La maladie de la « rouille » était présente aussi sur les buissons épines-vinettes, et des lois avaient été promulguées en France en 1660, dans le Connecticut en 1726, dans le but d'éliminer ces buissons au moins à proximité des champs de blé. E. L. Jones définit cette maladie comme un champignon noir qui peut aussi se fixer sur la tige du blé. « Creative Disruptions in American Agriculture, 1620-1820 », AgriculturalHistory,48, 1974, p. 521.

25. La pomme de terre constituait une « nouvelle » légumineuse dans une production extensive. Introduite au début du siècle en Nouvelle-Angleterre par les Écossais-Irlandais, elle ne devint un article de consommation courante dans l'ouest du Massachusetts qu'après la Révolution. James M. Crafts, History ofthe Town of Whately, Massachusetts,Orange, Mass., 1899, p. 133.

26. Crafts (n. 25), p. 66.

27. American Husbandry(n. 22), pp. 58-59 ; Brissot (n. 16), t. I, pp. 158-159 ; Parkinson, Richard, A Tour in America in 1798, 1799 & 1800, 2 tomes, Londres, 1805 Google Scholar; S. H. Jeyes (n. 23), pp. 236-237.

28. Morse (n. 17), p. 182. Samuel Deane espérait que son New-England Formercombattrait ces habitudes.

29. American Husbandry(n. 22), p. 63.

30. Cité dans Bidwell et Falconer(n. 19), p. 119.

31. Homme de lettres, théologien et président de Yale (1806-1817), Dwight a étudié de près la forêt, le sol, la nature, les pratiques agricoles dans le Nord des États-Unis (n. 16), t. I, p. 75.

32. S. H. Jeyes (n. 23), p. 234.

33. Les informations sont ici tirées de trois journaux personnels : Jonathan Peirce, Diary, 1791,Ms., American Antiquarian Society, Worcester, Mass. : The Diary of James Parker,New- England Historical and Genealogical Register, tomes 69 et 70, 1915-1916, Boston, 1916 ; et The Diary of Matthew Patten of Bedford, New Hampshire, 1754-1788,Concord, New Hampshire, 1903.

34. Parker, Diary,octobre 1915, p. 208, et Matthew Patten, Diary,p. 518.

35. Patten, Diary,p. 527.

36. Peirce, Diary(pas de pagination).

37. Les autres tâches du fermier sont trop nombreuses pour être évoquées ici, mais ses activités forestières sans doute demandaient presque autant de temps que celles de l'agriculture. Déboisement des champs (souvent on laissait sur place les souches d'arbre pour les retirer plus facilement quelques années plus tard), la coupe du bois, le transport du bois brut aux scieries pour faire des planches, la fabrication des shingles, même l'utilisation des cendres : toutes ces activités constituaient l'équivalent d'une deuxième occupation et souvent même impliquaient un travail spécialisé.

38. James Parker, Diary,p. 302. En janvier de la même année Matthew Patten « acheta des culottes pour 15 shillings à une vendue » ; donc Bicknell aurait gagné l'équivalent de 7/6 par mois — un peu plus que le salaire mensuel dans le Connecticut cité par James Skey, dans The Russells of Birmingham…(n. 23), p. 14etn. 40.

39. Patten, Diary,pp. 519, 521 et 529.

40. Je me reporte dans ce paragraphe à l'oeuvre de A. V. Chayanov éditée par Daniel Thorner et ai, The Theory of Peasant Economy,Homewood, Illinois, 1966, lre édition, Moscou, 1925, et à Michael Merrill, « Cash is Good to Eat : Self-Sufficiency and Exchange in the Rural Economy of the United State », Radical History Review,1978, pp. 42-71.

41. William Manning (n. 14), p. 16.

42. Brissot (n. 16), p. 36.

43. Thomas Jefferson, Query XIX, « Notes on Viriginia » (n. 9), p. 280.

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46. A. V. Chayanov (n. 40), pp. 6 et 81.

47. William Manning (n. 14), pp. 14-15.

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49. « C'est vrai que la propriété de premier choix exigea plus d'argent liquide que n'en possédaient la plupart des colons… » avoue Main. Pour les prix de la terre à l'époque de l'Indépendance, voir Social Structures of Revolutionary America(n. 15), surtout p. 10 et n. 135, p. 154.

50. Tatter, Henry, « Land Policies during the Confédération Period », Agricultural History, 9, 1935, p. 178 Google Scholar.

51. Pour une excellente analyse des débuts de l'Ohio Company dans le Massachusetts, voir Sidney Kaplan, « Vétéran Officiers and Politics in Massachusetts, 1783-1787 », William and Mary Quarterly,3e série, 9, p. 56. L'achat des terres par l'Ohio Company devait être réglé en trois versements, mais après la première mise de fonds, le reste n'a jamais été payé.

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53. Manning (n. 14), pp. 25-26.

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57. Crafts (n. 25), p. 270.

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60. Je fais allusion à La Rochefoucauld-Liancourt qui écrit dans ses récits de voyages que les Américains n'avaient pas un attachement particulier pour un sol natal ou pour un sol qu'ils avaient labouré.

61. Manning (n. 14), p. 66.