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Le monde comme représentation symbolique. Le Japon de l'époque d'Edo et l'univers du mitate

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Tanaka Yuko*
Affiliation:
Université Hôsei, Tôkyô

Extract

Précédant les Temps modernes proprement dits, l'époque d'Edo ou encore époque Tokugawa (1603-1867) est caractérisée, entre autres, par l'essor considérable d'une culture urbaine et par l'absence apparente de préoccupations religieuses dans la population. A la différence de la société médiévale, la société de l'époque d'Edo semble dépourvue de toute foi religieuse. On assiste à la montée de certaines formes de matérialisme : on ne prie plus les divinités que parce qu'on attend d'elles quelque chose. En fait, on peut penser que les Japonais d'alors avaient aussi peu de sens religieux que ceux d'aujourd'hui. Le caractère « a-religieux » de ces derniers qui se manifeste à tous les moments de leur vie à l'exception des funérailles, existait déjà de toute évidence à cette époque.

Summary

Summary

In her study of representations (transposed and in reduced model), the author presents a reconstruction of the world of symbolic imagination of a particular culture. From engravings of the countryside to material montages not to mention the tea ceremony and theatrical scenography, the Japanese social environment during the Edo dynasty functions like a symbolic universe: even the imperial authorities end up by putting their own power “on stage” in their processions of lords and ambassadeurs, visual representations of a universe which was designed, as it had been in ancient China, around the Eastern Capital.

Type
Espaces Sociaux, Symbolique de L'Espace
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1995

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References

1. Depuis 1635, tous les seigneurs devaient se rendre à Edo durant une période fixe et ainsi alterner leurs lieux de résidence, dans leur fief et dans la capitale où ils étaient contraints d'entretenir une demeure et une suite en rapport avec leur puissance.

2. Douze ambassades eurent lieu entre 1607 et 1801 apportant au Japon notamment des ouvrages de littérature, de poésie et de médecine traditionnelle.

3. Récit de voyage achevé vers 1659 et publié à la fin du 17e siècle qui, sous prétexte de décrire le voyage d'un pèlerin, offre des conseils aux voyageurs et des anecdotes à propos des lieux traversés.

4. Roman publié entre 1804 et 1809 par Jippensha Ikku. Traduit en français par J. A. Campignon, Éditions Picquier, 1992.

5. Les « visites de dévotion à Ise » (Jse mairi), réservées autrefois aux seuls empereurs, se développèrent à partir du 14e siècle et devinrent très populaires à l'époque d'Edo. Les pèlerins cornaqués par des « guides spécialisés » étaient organisés en groupes de fidèles voyageant ensemble.

6. Les « pèlerinages cachés » (nuke mairi) : pratique clandestine de pèlerinages au cours desquels les gens partaient sans prévenir qui que ce soit (ni les parents, ni l'employeur). Pour empêcher les gens de partir ainsi, on menaçait les candidats au départ de châtiments divins mais ces menaces n'eurent jamais grand résultat.

7. Les « pèlerinages de masse » (okage mairi) sont des phénomènes spontanés de voyages au sanctuaire d'Ise. Au cours de l'époque d'Edo, on en compte 14 dont 4 de très grande ampleur. Les villageois désertaient les champs et le petit peuple des villes ses échoppes. Tous partaient sur les routes où les foules — plusieurs centaines de milliers de personnes — souvent dansaient et fêtaient une liberté conquise le temps du pèlerinage.

8. Peints par Hiroshige en 1856-1858, ces « Cent paysages » comportent en fait 119 planches.

9. Sorte de description géographique d'Edo et de sa banlieue publiée en 1834 et appréciée pour sa précision.

10. Le shugendô est une religion syncrétique mise au point vers le 12e siècle et caractérisée par des pratiques ascétiques solitaires en montagne.

11. Nihon shisô taikei, 6-7, minshû shûkyô no shisô (Les grands textes de la pensée japonaise, tomes 6 et 7, La pensée des religions populaires), Iwanami, 1971, pp. 423 et 483.

12. monogatari, Ugetsu traduit en français par René Sieffert sous le titre Contes de Pluie et de Lune, Paris, Gallimard, 1956.Google Scholar Une adaptation cinématographique en a été faite par le cinéaste Mizoguchi sous le titre français « Les Contes de la Lune Vague » (Nde).

13. Tao Yuanming (365-427), après avoir été fonctionnaire de province, se retira dans un village de paysans et mena une vie paisible et saine, composant des poèmes qui furent particulièrement appréciés durant les époques Tang et Song.

14. Ueda Akinari zenshû (OEuvres complètes d'Ueda Akinari), t. 1, Kokushokan gyôkai, 1969, pp. 185-190.

15. Le haikai est le nom sous lequel on désignait les poèmes haiku à l'époque d'Edo. Le terme de haiku qui date de Meiji a été forgé pour désigner une strophe sur le rythme 7/5/7. Il s'agissait de tenir compte alors des formes plus individuelles de la littérature occidentale. Dans le haikai, à une strophe 7/5/7 répond une autre strophe 7/7, éventuellement oeuvre d'un second poète. En enchaînant les strophes, on peut ainsi créer des poèmes collectifs (renga).

16. Les kyôka sont des parodies de poèmes traditionnels sur le même rythme que les haikai. Il s'agissait souvent de dénoncer sous une forme satirique les travers d'une époque.

17. C'est dans les années 1780 que la poésie bouffonne devient particulièrement prisée avec, notamment, Oota Tanpo considéré comme l'un des maîtres à Edo. Les amateurs se réunissaient comme pour les séances de haikai, afin de composer ces poèmes et formaient des sortes de clubs dénommés ren, mot qui renvoie à la notion de lien. Les membres de ces clubs non seulement récitaient et fabriquaient des poèmes mais apportaient dans ces réunions des objets de la vie quotidienne qu'ils s'amusaient à considérer comme des transpositions (mitate) de trésors, ce qui provoquait des confrontations comiques.

18. On trouve la version complète de ce récit dans Shintôshû (Récits choisis du shinto), Heibonsha, 1967.

19. Le Dit des frères Soga s'inspire d'un fait divers qui eut réellement lieu au tout début de l'époque Kamakura. Les deux jeunes frères Soga, fils d'un petit seigneur du Kantô ont vu assassiner leur père sous leurs yeux par un seigneur voisin Kudô Suketsune. Ils grandissent en silence mais jurent secrètement de se venger. Lors d'une partie de chasse organisée le 28e jour du 5e mois 1193 par le shogun Yoritomo à laquelle ils sont invités en compagnie de l'assassin de leur père, ils pénètrent dans l'auberge où celui-ci est endormi et le massacrent. Le frère aîné est tué dans le combat mais le cadet est fait prisonnier par les hommes du shogun. Celui-ci l'interroge sur les motifs de son acte et, fort ému par l'histoire, félicite le jeune homme pour sa piété filiale. Mais la raison d'Etat l'emporte car le shogun ne peut tolérer ce type de règlements de comptes personnels entre ses vassaux, et le jeune guerrier est finalement exécuté. Enjolivée de divers épisodes, l'histoire a été mise en forme par un auteur anonyme au 14e siècle et est devenue un réservoir inépuisable de scènes pour le théâtre. Les deux frères sont devenus à l'époque d'Edo les divinités tutélaires des gens du spectacle qui fêtent leurs protecteurs chaque année le 28 mai.

20. Dans le théâtre, on s'inspirait souvent de récits provenant des classiques japonais ou même chinois. Dans le kabuki, il n'y avait pas de créateurs à proprement parler. Les interprètes étaient souvent en même temps des auteurs. La création d'une nouvelle pièce se déroulait souvent après discussion entre l'un des acteurs principaux et le gérant du théâtre. Ils décidaient ensemble de jouer un épisode célèbre, une scène issue d'un roman classique. Ils en rédigeaient le canevas puis les acteurs mettaient au point peu à peu les dialogues.

21. Le Konjaku monogatari est un recueil d'histoires édifiantes et de contes populaires compilés au début du 12e siècle. Une traduction partielle de cet ouvrage a été réalisée par Frank, Bernard, Histoires qui sont maintenant du passé, Paris, Gallimard/Unesco, 1968.Google Scholar L'anecdote ici décrite n'y figure pas (Nde).

22. Pièce jouée pour la première fois en 1713 dans une version faisant d'un riche bourgeois de l'époque le personnage principal.

23. Cf. note 19.

24. En 1701, le jeune seigneur Asano d'Akô est pris à parti par un fonctionnaire shogunal Kira Yoshinaka qui se moque de lui et de son ignorance des règles protocolaires. Se sentant insulté, Asano blesse Kira. Arrêté pour avoir dégainé en plein palais shogunal, Asano est condamné à se faire hara kiri. 47 samurai d'Akô, devenus rônin (samurai sans maître), pénètrent de force dans la demeure de Kira l'année suivante et le tuent. A leur tour, ils sont condamnés à se suicider par éventrement. L'affaire eut un grand retentissement et les hommes de théâtre (kabuki, jôruri) s'en emparèrent pour la scène.

25. Bashô, , Sanzôshi, vers 1702.Google Scholar

26. Yuko, Tanaka, Ren, Kawade shobô, 1991.Google Scholar

27. Cf. Yuko, Tanaka, Edo no sôzôryoku (La force de l'imagination à Edo), Chikuma shobô, 1986.Google Scholar