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Le « déclin » du système esclavagiste britannique et l'abolition de la traite

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Seymour Drescher*
Affiliation:
Université de Pittsburgh

Extract

Rien, dans le développement de l'économie de l'Empire britannique de 1775 à 1850 ne fait autant contraste que le dynamisme de l'industrialisation de la métropole comparé à l'apparente stagnation de son système esclavagiste colonial. Une thèse s'est imposée, à partir de cet ensemble de coordonnées, qui a rapport au fondement économique de l'abolition par la Grande-Bretagne : les lois sanctionnant cette abolition de la traite et de l'esclavage furent la suite et la conséquence d'un déclin du système économique colonial, déclin qui frappa aussi bien l'économie impériale britannique que les systèmes esclavagistes coloniaux concurrents. Les étapes successives de l'abolition peuvent dans cette optique être assimilées aux différentes phases d'une opération de chirurgie radicale, au cours de laquelle la partie saine — l'élément vital — aurait été amputée du membre économiquement gangrené, et ce au mépris du contexte idéologique et politique.

Summmary

Summmary

The prevailing view concerning the economic background of British abolition is that legal sanctions against the slave trade and slavery were preceded by and dependent upon a secular decline in the economic system they supported. In this perspective, the successive stages of abolition are seen as a strategy of radical surgery, severing afestering element from the vital organs. The relevant data, however, show that the British West Indies were increasing in relative as well as absolute importance during the period when the slave trade was attacked and abolished. The African component of the British slave System likewise reached its apogee at the end of the eighteenth century. The decline of British slavery followed, rather than preceded this crucial blow to its growth.

Type
Systèmes Économiques
Copyright
Copyright © Les Éditions de l'EHESS 1976

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References

Notes

1. Ragatz, Lowell J., The Fall of the Planter Class in the British West Indies, 1763-1833, New York, 1928 (réimprimé en 1963 par Octagon Books), chap. iv et passim. Google Scholar

2. Eric Williams, Capitalism and Slavery, Chapel Hill, N.C., 1944 (réimprimé en 1966 par Capricorn Books. L'ouvrage de Williams est dédié à Ragatz).

3. Williams reprend ses arguments, sans leur apporter le moindre correctif, dans : From Columbus to Castro .- The History ofthe Caribbean, 1492-1969, New York, 1970, pp. 280-281 : « La mise en place et le développement du système des Caraïbes résultèrent essentiellement, ainsi qu'on l'a indiqué, de l'importance qu'avait un tel système pour l'économie des gouvernements de la métropole. Réciproquement, l'abolition du système fut en grande partie la conséquence de sa moindre valeur au cours du xixe siècle ».

4. Sur la conception qu'avait Williams du rôle des abolitionnistes, voir Capitalism and Slavery, pp. 146-150, ainsi que Front Columbus to Castro, pp. 243-245. Pour les critiques de cette conception, voir particulièrement Mellor, G. R., British Impérial Trusteeship 1783-1850, Londres, 1951, pp. 50-60, 75, 118120 Google Scholar; et R. T. Anstey : «Capitalism and Slavery: A Critique», Economie History Review, 2e série, XXI, n° 2, 1968, pp. 307-320.

5. David Davis, The Problem of Slavery in Western Culture, Ithaca, N.Y., 1966, p. 153 et note. Davis reprend la thèse d'un déclin économique pour expliquer les conséquences de l'abolition anglaise — mais pas celles de l'abolition américaine — dans The Slave Power Conspiracy and the Paranoid Style, Bâton Rouge, La., 1969, p. 33 ; voir aussi Patrick Richardson, Empire and Slavery, N.Y., 1972, p. 87 ; Goveia, E. V., Slave Society in the British Leeward Islands at the End of the Eighteenth Century, N.Y., 1965, pp. 335336 Google Scholar ; Howard Temperly, British Anti- Slavery 1833-1870, Londres, 1972, p. 276 ; J. H. Parry et P. M. Sherlock, A Short History of the West Indies, 3e édition, Londres, 1971, pp. 175-176 ; Jack Gratus, The Great White Lie, N.Y., 1973, p. 14. Pour un développement plus complet de cette thèse, voir Williams, From Columbus to Castro, p. 226 et passim ; Capitalism and Slavery, pp. 120-127 ; Ragatz dans The Fall of the Planter Class, chap. iv, situe le tournant dès 1763. Williams date le déclin de 1783. D'autres parlent, dans des termes assez vagues, de la fin du xviiie siècle. Roger Anstey dans « A Re-interpretation of the Abolition of the British Slave Trade, 1806-1807 », English Historical Review, vol. LXXXIII, avril 1972, pp. 304-322, postule lui aussi l'existence d'un déclin séculaire antérieur à 1787 ; mais il est revenu par la suite sur son assertion dans une étude plus documentée : The Atlantic Slave Trade and British Abolition. Glyndwr Williams, The Expansion of Europe in the Eighteenth Century; Overseas Rivalry, Discovery and Exploration, Londres, 1966, pp. 278-279, fait explicitement remarquer que pour presque toute la période immédiatement antérieure à l'abolition, les Antilles avaient connu une vague de prospérité, et que le commerce d'esclaves n'avait cessé d'être florissant.

6. Williams, Capitalism and Slavery, pp. 52-55 et 225-226 pour les tables statistiques.

7. Voir Williams, From Columbus, p. 125 ; Edwards, Bryan, The History Civil and Commercial of the British West Indies, 5 volumes, II, Londres, 1819, p. 473 Google Scholar ; Thomas Southey, Chronological History of the West Indies, 3 volumes, II, p. 14. Ces évaluations, auxquelles on a souvent reproché d'être surestimées de deux fois leur valeur, ont été l'objet de maintes controverses. Mais il semblerait que les « distorsions » aient été pratiquées à un taux constant, chacun des « adversaires » effectuant presqu'exactement une multiplication ou une division par deux pour mieux étayer sa thèse.

8. Voir Colquhoun, Patrick, A Treatise on the Wealth, Power and Resources of the British Empire, Londres, 1815, p. 59 Google Scholar.

9. Schumpeter, E. B., English Overseas Trade Statistics, 1697-1808, Oxford, Clarendon Press, 1960, 72 p.Google Scholar, introduction de T. S. Ashton.

10. Voir Roger Anstey, The Volume and Profitability ofthe British Slave Trade 1761-1807 (à paraître), tableaux 1-3 et aussi Philip Curtin, The Atlantic Slave Trade .- A Census, Madison, Wis., 1969, p. 136, tableau 38. Suivant un schéma décennal, les variations de la balance commerciale sont évaluées sans tenir compte des événements. D'où des distorsions pour la période 1801-1807, en raison des restrictions légales successives apportées au commerce dans les années immédiatement antérieures à l'abolition complète.

11. Voir Betty Fladeland, Men and Brothers: Anglo-American Anti-Slavery Coopération, Urbana, Presses Universitaires de l'Illinois, 1972, chap. i ; et Arthur Zilversmit, The First Emancipation : The Abolition of Slavery in the North, Chicago et Londres, 1967, chap. iv à vin.

12. Fogel, Robert W. et Engerman, Stanley L., Time on the Cross; The Economies of American Negro Slavery, Boston, 1974, pp. 2425 et figure 6Google Scholar, «Importations américaines d'esclaves par décades, 1620-1860».

13. Pour les productions, voir Ragatz, The Fall ofthe Planter Class, pp. 215-231 et passim.

14. Selon George Canning qui cite des estimations officielles, les superficies susceptibles d'être cultivées en sucre étaient de 420 000 acres (168 000 ha) à la Trinité en 1802, alors qu'à la Jamaïque, environ 350 000 acres (140 000 ha) produisaient du sucre en 1791 (voir William Cob- 7 Bett, The Parliamentary History of England, vol. XXXVI, Londres, 1802, pp. 863-864.) Le tableau suivant permet de se rendre compte de l'expansion de la production de Demerara- Essequibo (devenu la Guyane britannique en 1814) durant cette période :

Cf. Source : Holland Rose, J., « British West India Commerce as a Factor in the Napoleonic War », Cambridge Historical Journal, III, octobre 1929, p. 36.Google Scholar

15. Ceylan constitue peut-être une exception au système esclavagiste ; en effet, quoique la Grande-Bretagne ne s'opposât pas aux importations d'esclaves, il n'existait pas, en 1800, de commerce d'esclaves important en direction de l'île.

16. Williams, , Capitalism and Slavery, pp. 154 Google Scholar et passim, pp. 154-157 pour les manufacturiers du coton, pp. 157-159 pour la métallurgie, pp. 160-161 pour la laine. Toutefois, en 1813, par exemple, les Antilles britanniques étaient de loin le premier importateur de cuivre anglais : 190 tonnes (approx.) contre 130 à l'Irlande et 70 à l'Amérique du Sud. 39,4 % des exportations de cuivre britanniques outre-mer (Irlande exclue) allaient aux Antilles, contre 45 % en 1770, Parliamentary Papers, 1813-1814, XII, p. 227.

17. Ceci laisse évidemment présumer que les Africains étaient moins accessibles que les Antillais au marché des textiles britanniques : effectivement, il semblerait que ce fut le cas.

18. Williams, , Capitalism and Slavery, pp. 162163 et 251.Google Scholar Les Indes occidentales étaient aussi importantes aux industries écossaises qu'anglaises. Les exportations de coton antillais étaient encore supérieures à celles des États-Unis au début du xixe siècle, malgré l'extraordinaire essor américain des années 1790. Par ailleurs, la Guyane (principal territoire tropical conquis par les Anglais en 1803 et 1806) était un grand exportateur de coton. Par conséquent, la continuation de la traite eût permis d'augmenter la production de sucre tout autant que celle du coton. En 1804, la Grande-Bretagne recevait encore des quantités de coton à peu près égales des Antilles et des États-Unis. Et, encore en 1814, l'une des raisons invoquées pour maintenir Demerara en état de sous-développement était sa production potentielle de coton brut.Voir Rose, J. H., « The Struggle with Napoléon, 1803-1815 », Cambridge History of the British Empire, Cambridge, 1940, p. 127 et noteGoogle Scholar ; et Adamson, Alan H., Sugar Without Slaves : The Policical Economy of British Guiana, 1838-1904, New Haven, Yale University Press, 1972, pp. 2425.Google Scholar

19. Rose, J. H., « British West India Commerce as a Factor in the Napoleonic Wars », Cambridge Historical Journal, III, octobre 1929, p. 44 Google Scholar; Adamson, Sugar without Slaves, pp. 24-25.

20. Voir John J. Mckusker, The Rum Trade and the Balance of Payments of the Thirteen Continental Colonies, 1650-1775, Phi. D., Université de Pittsburgh, 1970, p. 302.

21. Voir Ragatz : The Fall…, p. 126; Williams, , Capitalism and Slavery, pp. 145146.Google Scholar

22. Voir le témoignage de Peter Rose, en ce qui concerne la Guyane britannique dans Parliamentary Papers, 1831-1832, XX ; Minutes of Evidence on the State of the West India Colonies, 852 (Question, 1675), pour la période 1800-1825. Voir aussi Barham, J. F., Considérations on the Abolition of Negro Slavery and the Means of Practically Effecting It, Londres, 1823, p. 52 Google Scholar, note. Curtin prend soin de noter que même pour le milieu du xixe siècle, la ruine de l'industrie sucrière des Antilles était surtout conséquente du déclin de la Jamaïque et des Iles Caraïbes. Voir P. Curtin, « The British Sugar Duties and West Indian Prosperity », Journal of Economie History, XIV, n° 1, printemps 1954, pp. 157-164.

23. Les estimations démographiques (1790-1814) sont fondées sur les chiffres de A. Moreau de Jonnes, Recherches Statistiques sur l'esclavage colonial, Paris, 1846, ou à défaut sur des extrapolations à partir de deux taux composés annuels de la population de la France, de l'Espagne, de l'Allemagne et du Danemark pendant la période concernée.

24. Voir Crouzet, François, L'économie britannique et le Blocus continental, 1806-1813, 2 volumes, II, Paris, 1958 Google Scholar, Appendice H, tableaux 1-7, valeurs du commerce britannique : 1802- 1812, pp. 883-889.

25. Voir J. H. Rose, The Struggle…, op. cit.

26. Cobbett, , Parliamentary Debates, vol. VIII, 1806-1807, pp. 613614.Google Scholar

27. Ibid., 943. The Edinburgh Review, IV, juillet 1804, p. 481, affirmait que la traite permettait l'ouverture de « nouvelles plantations » et le redémarrage rapide des anciennes.