Hostname: page-component-84b7d79bbc-g5fl4 Total loading time: 0 Render date: 2024-08-05T05:51:30.738Z Has data issue: false hasContentIssue false

Langue et souveraineté en France au XVIIe siècle. La production autonome d'un corps de langage

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Hélène Merlin*
Affiliation:
Université d'Artois-Arras

Extract

Dans le langage classique, ce sont les rapports

qui mènent le mot puis l'emportent aussitôt

vers un sens toujours projeté […]. Le langage

classique se réduit toujours à un contenu persuasif,

il postule le dialogue, il institue un univers

où les hommes ne sont pas seuls […], où la

parole est toujours la rencontre d'autrui. Le langage

classique est porteur d'euphorie parce que

c'est un langage immédiatement social. Il n'y a

aucun genre, aucun récit classique qui ne se suppose

une consommation collective et comme

parlée […].

Cet extrait du Degré zéro de l'écriture (1953) de Roland Barthes offre un point de vue fulgurant sur la question du rapport entre langue, politique et littérature. Il introduit en effet, dans l'interrogation historienne sur la littérature, un élément — le langage — qu'on prend rarement en considération de façon aussi radicale, c'est-à-dire comme forme historique porteuse d'un sens social et d'une force politique indépendamment des signifiés qu'il peut véhiculer. Tel qu'il est ici décrit par R. Barthes, le langage classique, en tant quepratique historique, refléterait une certaine conception de l'homme en société, et, imposant cette image aux locuteurs eux-mêmes, aurait, par une espèce de vertu « modélisante », le pouvoir d'instituer « un univers où les hommes ne sont pas seuls ».

Summary

Summary

In the XVIIth century, debates concerning the definition and the conditions for the establishment of the French language mobilized a juridico-political argumentation around the collective function of language. Behind the socio-political project of embellishing it in order to create a royal tool was another stake to which the prohibition of neologisms bears witness: language belongs to the people and depends upon its sovereignty, not that of the king. Whatever be the social origin of those who speak it, language conceived as an essential organ of a body of speakers and not simply as an instrument or as a sign of social distinction, finds itself responsible for the formation and manifestation of a linguistic community whose model is not that of absolute monarchy.

Type
Littérature et Histoire
Copyright
Copyright © École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris, 1994

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

References

* J'emprunte cette expression à Michel de Certeau, dans Certeau, Michel De, Julia, Dominique, Revel, Jacques, Une politique de la langue. La Révolution française et les patois, Paris, Gallimard, 1975 Google Scholar, « Conclusion », p. 164.

1. Barthes, Roland, Le degré zéro de l'écriture, Paris, Seuil (1953), 1972, pp. 3739.Google Scholar

2. Dans sa leçon inaugurale au Collège de France, prononcée le 7 janvier 1977, Roland Barthes généralisait cette perspective en faisant porter sa réflexion sur la langue comme système, indépendamment des formes historiques du langage : « la langue n'est pas épuisée par le message qu'elle engendre ; […] elle peut survivre à ce message et faire entendre en lui […] autre chose que ce qu'elle dit, surimprimant à la voix consciente, raisonnable du sujet, /une/ voix dominatrice […] », Barthes, Roland, Leçon, Paris, Seuil, 1978, pp. 1314.Google Scholar

3. Roland Barthes, Le degré zéro de l'écriture, op. cit., p. 19.

4. Ibid.

5. Fumaroli, Marc, L'âge de l'éloquence. Rhétorique et « res literaria » de la Renaissance au seuil de l'époque classique, Genève, Droz, 1980, pp. 2021.Google Scholar

6. Marc Fumaroli, « Le génie de la langue française », dans Les lieux de mémoire, sous la direction de Pierre Nora, t. III, 3, pp. 911-973 (p. 938).

7. Ibid.,p.943.

8. Ibid., p. 953.

9. Molière, Les femmes savantes (1672), II, 6, pp. 460-461.

10. Ibid., loc. cit., pp. 463-466.

11. « Consuetudo vero certissima loquendi magistra […] » : « L'usage, toutefois, est le maître le plus sûr du parler […] », Quintilien, Institution oratoire, texte établi et traduit par Jean Cousin, Paris, Les Belles Lettres, 1975, pp. 106 et 107.

12. Sur la notion d'usage, cf. Trudeau, Danielle, Les inventeurs du bon usage (1529-1647), Paris, Éditions de Minuit, 1991 Google Scholar, où l'on trouvera une bonne présentation d'un certain nombre de théories même si leur analyse historique laisse à désirer.

13. Vaugelas, Claude Favre De, La Préface des « Remarques sur la langue française », éditées avec introduction et notes par Zygmunt Marzys, Genève, Droz, 1984.Google Scholar

14. Gournay, Marie LE Jars De, Les Avis ou les présents de la damoiselle de Gournay, Paris, Touss. du Bray, 1634 Google Scholar ; Charles Sorel, Discours sur l'Académie française, pour savoir si elle est de quelque utilité aux particuliers et au public, Paris, G. de Luyne, 1634 et Rôle des présentations faites aux grands jours de l'éloquence française (slnd) ; Vayer, François De La Mothe Le, Considérations sur l'éloquence française de ce temps, Paris, Cramoisy, 1638 Google Scholar, et Lettres touchant les nouvelles remarques sur la langue française, Paris, Nie. et J. de la Coste, 1647 ; Dupleix, Scipion, Liberté de la langue française dans sa pureté, Paris, D. Béchet, 1651 Google Scholar. Plus particulièrement, sur les débats soulevés par la publication des Remarques de C. F. De Vaugelas, cf. l'édition de J. Streicher, accompagnée des différents commentaires d'alors, Paris, Droz, ] 934-1936, 3 vols.

15. Bouhours, Père Dominique, Doutes sur la langue française proposés à Messieurs de l Académie française par un gentilhomme de province, Paris, Cramoisy, 1674 Google Scholar et Remarques nouvelles sur la langue française, Paris, S. Mabre-Cramoisy, 1675.

16. Cf. Brunot, Ferdinand, Histoire de la langue française, Paris, A. Colin, 1966 Google Scholar (lre éd. 1947), t. V.

17. Cf. Premiers combats pour la langue française, introduction, choix et notes de Claude Longeon, Paris, Le livre de poche classique, 1989, et surtout Villey, Pierre, Les sources italiennes de la « Déffense et illustration de la langue françoise » de Joachim du Bellay, Paris, Champion, 1969 Google Scholar : « Le plaidoyer en faveur de la langue vulgaire présentait une thèse qui déjà n'était plus neuve […]. Jamais pourtant elle n'avait encore paru avec l'ampleur que lui donne Du Bellay, et on ne pouvait guère la lire que dans des livres assez spéciaux, destinés à un public restreint », pp. 187-188.

18. Sur l'interprétation à donner à cet édit, cf. notamment Peyre, Henri, La royauté et les langues provinciales, Paris, Les Presses Modernes, 1933 Google Scholar ; et Danielle Trudeau, « L'ordonnance de Villers-Cotterêts et la langue française : histoire ou interprétation ? », « Bibliothèque d'Humanisme et de Renaissance », t. XLV, 1983, pp. 461-472.

19. Sur la question, cf. Marc Fumaroli, L'âge de l'éloquence, op. cit.

20. Vayer, François De LA Mothe Le, Considérations sur l'éloquence française, Paris, S. Cramoisy, 1638, pp. 184185.Google Scholar

21. Amyot, Jacques, Projet d'éloquence royale, préface de Philippe-Joseph Salazar, Paris, Les Belles Lettres, 1992, p. 49.Google Scholar

22. Pierre de Ronsard, Abrégé de l'Art poétique français (1565), dans Traités de poétique et de rhétorique de la Renaissance, introduction, notices et notes de Francis Goyet, Paris, Librairie Générale Française (Livre de poche), 1990, p. 472.

23. Pierre De Ronsard, La Franciade, préface de 1587, dans OEuvres complètes, t. VI, Hugues Vaoanay éd., introduction par Pierre de Nolhac, Paris, Garnier, 1924, p. 549.

24. « Vous n'êtes pas le premier qui êtes de cette opinion […] qu'il faut puiser l'Idée et vraie naïveté de notre langue de la Cour de nos Rois […] je vous le nie tout à plat […]. Je suis d'avis que cette pureté n'est restreinte en un certain lieu ou pays, ainsi éparse par toute la France ». Etienne Pasquier, Les Lettres […], Paris, A. L'Angelier, 1586, « A Monsieur de Querfinen, Seigneur d'Ardivilliers », cité par Danielle Trudeau, op. cit., pp. 211-212 (souligné par moi). Commentant une phrase également éloquente de Geoffroy Tory dans son Champ Fleury (1529) : « Notre langue est aussi facile à régler et mettre en bon ordre que fut jadis la langue grecque en laquelle y a cinq diversités de langage […]. Tout ainsi pourrions-nous bien faire de la langue de cour et parisienne, de la langue picarde, de la lyonnaise, de la limousine et de la provençale », D. Trudeau écrit dans son article « L'ordonnance de Villers-Cotterêts et la langue française : histoire ou interprétation ?” : « Le concept de langue française, à l'aide duquel fonctionne Tory ici, n'est pas proprement linguistique […]. La « langue française » est l'ensemble de toutes ces unités linguistiques qui sont parlées dans les limites de la France géographique et politique », art. cit., p. 467.

25. Dans un chapitre de l'ouvrage collectif L'espace français, Daniel Nordman et Jacques Revel montrent qu'on rencontre certes, dès le xve siècle, des signes probants tendant à prouver l'existence d'une politique monarchique de la langue : « Gerson n'affirme-t-il pas, vers 1420, que Philippe de Valois serait devenu roi en 1328 […] parce que les Français comprenaient sa langue ? A la fin du Moyen Age, la communauté de langage a pu même constituer un argument, dans l'esprit de certains, pour d'éventuelles annexions : ne parlait-on pas français en Bourgogne, en Savoie, en Lorraine ? Au xvr siècle, Sébastien Munster invoque la langue comme principe de division politique ». Mais ils affirment que les signes inverses sont encore plus forts et nombreux : les récits de voyage par exemple n'établissent aucun rapport « entre limites territoriales et limites linguistiques ». Et ils ajoutent un exemple capital pour notre propos : « […] dans les innombrables négociations de limites qui, pour le nord de la France, s'échelonnent du xvie au xvme siècle, on ne voit pas que l'argument linguistique ait été avancé […]. L'idée que l'on puisse adapter les unes aux autres les limites des souverainetés et celles des langues est totalement absente de l'esprit de ces négociations ». Daniel Nordman et Jacques Revel, « L'invention de la France. Langue et frontière, l'exemple du Nord-Est », Histoire de la France. L'espace français, sous la direction d'André Burguière et Jacques Revel, Paris, Seuil, 1989, pp. 160-161. Henri Peyre cite cette phrase éclairante prononcée par le chancelier Michel de L'Hospital aux États Généraux d'Orléans (1560) : « La division des langues ne fait la séparation des royaumes, mais celle de la religion et des lois, qui d'un royaume en fait deux. De là sort le vieil proverbe, une foi, une loi, un roi », op. cit., p. 8.

26. Jacques Amyot, Projet d'éloquence royale, op. cit., p. 49.

27. En conséquence, il faut bien se garder de lire dans cette première exaltation de la langue française, un jacobinisme anticipé : l'unité linguistique du royaume n'est pas encore visée, loin s'en faut. Comme le souligne Henri Peyre, ce fait ressort clairement d'une phrase prononcée par le chancelier Michel de L'Hospital aux États Généraux d'Orléans (1560) : « La division des langues ne fait pas la séparation des royaumes, mais celle de la religion et des lois, qui d'un royaume en fait deux. De là sort le vieil proverbe, une foi, une loi, un roi », op. cit., p. 8.

28. Sur ce processus, cf. Koselleck, Reinhart, Le règne de la critique, Paris, Éditions de Minuit, 1979.Google Scholar

29. Cf. notamment Marc Fumaroli, art. cit., Les lieux de mémoire, p. 938.

30. Vair, Guillaume Du, De l'éloquence française, dans Les OEuvres, Genève, Balthazard l'Abbé, 1610, pp. 639640.Google Scholar

31. Cf. Brunot, Ferdinand, La doctrine de Malherbe d'après son commentaire sur Desportes, Paris, Masson, 1891.Google Scholar

32. Marc Fumaroli conteste l'interprétation que Ferdinand Brunot fait de la doctrine de Malherbe « en termes de “grammaire” » : « En réalité, comme toute la tradition avec laquelle il renoue, par-delà l'épisode de la Pléiade, Malherbe est avant tout un rhétoricien de la langue française […] » (art. cit., p. 938). Pourtant, plus loin, il écrit que pour Malherbe, la poésie « est réduite au rôle de norme d'élocution » (ibid., p. 942). Évidemment, Velocutio n'est pas la grammaire, mais une division rhétorique. Mais, dans cette conjoncture historique spécifique, faite de ruptures irréversibles et de ce qu'on peut appeler une conscience critique de ces ruptures, qui fait sortir la pensée de l'intemporalité harmonieuse des continuités, des influences et des retours, le souci exclusif de Velocutio comme source de norme y conduit logiquement.

33. Sur la création de l'Académie française, cf. Fumaroli, Marc, « Le cardinal de Richelieu fondateur de l'Académie française », dans Richelieu et le monde de l'esprit, Paris, Imprimerie nationale, 1985, pp. 217235 Google Scholar, et « Les intentions du cardinal de Richelieu, fondateur de l'Académie française », Richelieu et la culture, Actes du colloque international en Sorbonne, sous la direction de Roland Mousnier, Paris, Éditions du CNRS, 1987, pp. 69-78.

34. Pellisson et D'Olivet, Histoire de l'Académie française, avec une introduction, des éclaircissements et des notes par M.-Ch. L. Livet, Paris, 1858,t.1, p. 9.

35. J. Streicher, dans sa préface à son édition des Remarques de C. F. De Vaugelas, note que « dans l'entourage de Richelieu, on affectait de mépriser les minuties grammaticales et les vains débats sur les mots », op. cit., p. XIV.

36. Dans Pellisson et D'Olivet, op. cit., t.1, p. 50.

37. Vaugelas, C. F. De, La Préface des « Remarques sur la langue française », éditées avec introduction et notes par Zygmunt Marzys, Genève, Droz, 1984, pp. 4041.Google Scholar

38. Ibid., p. 15.

39. Sorel, Charles, Discours sur l'Académie française, pour savoir si elle est de quelque utilité aux particuliers et au public, Paris, G. de Luyne, 1634, p. 64.Google Scholar

40. Sur les tensions internes au premier champ littéraire, cf. Viala, Alain, Naissance de l'écrivain, Paris, Éditions de Minuit, 1985 Google Scholar, et Jouhaud, Christian, « Histoire et histoire littéraire : naissance de l'écrivain », dans Annales ESC, 1988, n°4, pp. 849866.Google Scholar

41. Weinrich, Harald, « Vaugelas und die Lehre vom guten Sprachgebrauch », Zeitschrift furromanische Philologie, 76,1960, pp. 133 CrossRefGoogle Scholar. Pour la traduction française, dans Conscience linguistique et lectures littéraires, Paris, Editions de la Maison des Sciences de l'homme, 1989, pp. 188- 217.

42. Ibid., p. 39.

43. Voici un passage du discours de réception à l'Académie française prononcé par M. de Cordemoy qui confirme le bien-fondé de l'analyse d'Harald Weinrich : « Vous faites, Messieurs, en marquant avec tant de soin les mots et les phrases qui sont du bon usage, ce qu'ont fait ceux qui ont rédigé les Coutumes de France », Recueil des harangues prononcées par Messieurs de l'Académie française dans leur réception, Paris, J. B. Coignard, 1698, p. 277.

44. Bret, Cardin LE, De la souveraineté du Roi, de son domaine et de sa couronne, Paris, J. Quesnel, 1632, p. 69.Google Scholar

45. Ferrière, Claude De, Les Institutes du droit français, contenant l'application du droit français aux Institutes du droit romain, Paris, J. Cochart, 1687, p. 15.Google Scholar

46. C. F. De Vaugelas, op. cit., pp. 67-68.

47. Jacques Amyot, op. cit., chap. XIII, pp. 89-90.

48. Laurent Bouchel, La bibliothèque ou trésor du droit français (1615), nouvelle édition par Maître Jean Bechefer, Paris-Lyon, J. Girin et B. Rivière, 1671, t. II, Additions. A ma connaissance, seul Jean Bodin, dans ses Six livres de la République (1576), fait de la langue un droit appartenant au souverain : « […] c'est une vraie marque de souveraineté de contraindre les sujets à changer de langue : ce que les Romains ont mieux exécuté que Prince ni peuple qui fut onques : en sorte qu'ils semblent commander encore en la plupart de l'Europe », Bodin, Jean, Les six livres de la République, Paris, J. Dupuy, 1576,1,10, p. 249 Google Scholar. Le prêteur royal invoquera ce même droit contre le Magistrat de Strasbourg, lorsque ce dernier s'opposera à l'application de l'édit de Villers-Cotterêts en Alsace en ces termes : « Le Roi a promis par la capitulation à la ville de lui conserver tous ses privilèges, statuts, et droits : l'usage de la langue est un droit ». Voici la réponse du prêteur royal : « Il est vrai que l'usage de la langue est un droit » (cité par Ferdinand Brunot, op. cit., t. V, p. 96). Mais il faut ici distinguer l'usage de la langue et l'usage dans la langue : ni Bodin ni le prêteur royal ne prétendent que le roi ait le droit de changer la langue ou son usage interne — son système, en termes de linguistique. Ils prétendent qu'il a le droit d'imposer à ses sujets l'usage d'une langue, la sienne, l'usage d'un usage, en somme : c'està- dire le droit de les faire changer de langue.

49. Bouhours, Père Dominique, Doutes sur la langue française proposés à Messieurs de l'Académie française par un gentilhomme de province, Paris, Cramoisy, 1674, p. 48 Google Scholar ss. 50. Hubert Languet, auteur d'un des plus célèbres libelles anti-absolutistes des guerres de Religion, affirme que le peuple peut renverser le prince qui enfreint la loi de Dieu. Mais il précise : « […] je vois bien qu'on me fera ici une objection. Quoi, direz-vous ? Faudra-t-il que toute une populace, cette bête qui porte un million de têtes, se mutine et accoure en désordre pour donner ordre à ce que dessus ? […] Quand nous parlons de tout le peuple, nous entendons par ce mot ceux qui ont en main l'autorité de par le peuple, à savoir les magistrats qui sont inférieurs au roi et que le peuple a délégués ou établis et qui représentent tout le corps du peuple », Hubert Languet, sous le nom de Stephanus Junius Brutus, De la puissance légitime du prince sur le peuple et du peuple sur le prince, s. 1., 1581, p. 61.

51. Op. cit., p. 15.

52. Op. cit., pp. 53-54.

53. Balzac, Jean-Louis Guez De, Lettres, Paris, 1624 Google Scholar, dans Les premières lettres de Guez de Balzac, 1618-1627, H. Bibas et K.-T. Butler éds, Paris, Droz, 1933,t.1, p. 251.

54. Camus, Jean-Pierre, L'issue aux censeurs, dans Alcime, Paris, 1625, p. 581.Google Scholar

55. Cette conviction est exprimée par de nombreux discours de réception : « […] que peut-il y avoir désormais de plus illustre et de plus doux pour les personnes vertueuses que d'entrer dans l'honorable composition d'une compagnie de gens choisis en pleine liberté de suffrages parmi ce que la France a de plus spirituel et de plus fameux, que d'être les membres d'un corps peu matériel […] », ainsi s'exprime M. de la Mesnardière en 1652, tandis qu'en 1670, M. l'Abbé de Montigny fait l'éloge de l'académicien en ces termes : « Il faut qu'il soit profond en toutes sortes de matières […] qu'il sache et qu'il ose quelquefois réformer des arrêts rendus en des Cours souveraines, critiquer des harangues faites par des généraux d'armées, appeler à soimême des ordonnances des rois, censurer des paroles prononcées dans la Chaire de vérité », Recueil des harangues, op. cit., pp. 38 et 108.

56. Ibid., pp. 45-46.

57. Balzac, Jean-Louis Guez De, Socrate chrétien, Paris, 1631 Google Scholar, dans Les OEuvres… (publiées par Valentin Conrart), Paris, T. Jolly, 1665, pp. 249-250.

58. Jean-Louis Guez De Balzac, Dissertations chrétiennes et morales, dans Les OEuvres, op. cit., p. 314.

59. Op. cit., p. 42. Il faut noter ici la précision archaïsante des termes employés : le peuple désigne l'entité juridico-politique qui consent à la souveraineté royale en matière politique mais conserve sa souveraineté sur la langue, tandis que le public désigne le corps politique, la respublica dans son ensemble.

60. Père Dominique Bouhours, Doutes sur la langue française proposés à Messieurs de l'Académie française par un gentilhomme de province, 1674, p. 48.

61. Foucault, Michel, Les mots et les choses, Paris, Gallimard, 1966.Google Scholar

62. Père Dominique Bouhours, Doutes…, op. cit., p. 196.

63. Dans ses Réflexions sur l'usage présent de la langue française…, Andry de Boisregard consacre un chapitre aux « équivoques grammaticales » : « N'écrivez point : N'attribuez point au défaut de mon souvenir le retardement de mes lettres. Si je ne vais point vous voir, ce n'est point parce que je vous oublie. Si j'ai tardé à vous écrire, je vous prie de ne le point attribuer au peu d'estime que je fais de votre personne. Il est aisé de voir que toutes ces manières de parler se peuvent interpréter en mauvaise part, il faut dire, n'attribuer point d'aucun défaut de souvenir le retardement de mes lettres. Si je ne vais pas vous voir, ce n'est point que je vous aie oublié. Si j'ai tant tardé à vous écrire, je vous prie de ne le point attribuer à aucun défautd'estime pour votre personne », Boisregard, Nicolas Andry De, Réflexions sur l'usage présent de la langue française…, Paris, L. d'Houry, 1698, p. 202.Google Scholar

64. Dans son livre sur le duel, François Billacois note la proximité et l'antagonisme du duel et de la parole : « Si le duel a pour lieu cette plage d'où la parole est bannie et s'il est l'acte qui seul puisse rétablir un dialogue, on comprend l'analogie constatée entre se parler et se battre […]. En arriver au duel […], c'est recourir à un langage sacré qui relaie la parole profane dans une discontinuité qui n'est pas une fin […]. Le duel évoque le blasphème aussi bien que le serment, ces deux formes de jurement […] », Billacois, François, Le duel dans la société française des XVIe-XVIIe siècles. Essai de psychosociologie historique, Paris, Éditions de l'EHESS, 1986, pp. 339340.Google Scholar

65. Balzac, Jean-Louis Guez De, Les premières lettres (1618-1627), H. Bibas et K. T. Butler éds, Paris, Droz, 1933,t.1, p. 251.Google Scholar

66. Bouhours, Père Dominique, Les entretiens d'Ariste et d'Eugène, Paris, S. Marbre-Cramoisy, 1671, p. 52.Google Scholar

67. Hotman, François, La Gaule française… nouvellement traduite de latin en français par S. Goulart, Cologne, H. Bertulphe, 1574, p. 50.Google Scholar

68. Au XVIIe siècle, le mot de « public » renvoie encore à la fois à l'État et au peuple — à l'ensemble de la « chose publique ». Ce n'est qu'au xvmc siècle que le mot désigne très nettement la société civile en tant que support d'une opinion publique. Sur ces questions, je me permets de renvoyer à mon article, « Figures du public au 18e siècle : le travail du passé », Dixhuitième siècle, n° 23, Paris, PUF, 1991, pp. 345-356 ; et surtout à mon livre, Le public au XVIIe siècle : une fiction à multiples enjeux (à paraître aux Éditions des Belles Lettres).

69. Op. cit., p. 164.