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La voix du sang. Du métis à l'idée de métissage en Amérique espagnole

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Jean-Paul Zuñiga*
Affiliation:
Université de Reims

Extract

En avril 1997, un article paru dans la presse américaine lors de la victoire de Tiger Woods au tournoi des Masters de golf mettait en avant le caractère « désuet » et « caduc » des désignations raciales officielles des différents États de l'Union pour identifier dans les recensements les composantes de la population américaine. Refusant, lors d'une émission télévisée, de se voir affubler du titre de « premier Noir » ayant triomphé aux Masters, Tiger Woods préférait décliner son identité ethnique par le terme de Cablinasian — un mélange de Caucasian, Black, Indianet Asian.Ce vocable lui semblait mieux le définir que les catégories traditionnellement employées, qui ne mettent en avant qu'une partie de son «héritage»1. La situation mise en évidence par Tiger Woods est à ce point représentative de celle d'une grande partie de la population des États-Unis que le Congrès a décidé, dans la semaine suivant ces déclarations à la télévision, d'étudier la manière dont le gouvernement fédéral mesurait les questions de « race » et. d'ethnicité2. Ce débat met directement en question le sens même de la notion de « race » dans un pays où les lignes de démarcation entre les différents « groupes ethniques » sont de plus en plus floues.

Summary

Summary

The consideration of miscegenation presents great difficulties to contemporary societies which, at best, try to apply rigid categories to a phenomenon which is, by definition, undergoing constant change. How did the societies of Spanish colonial America deal with this problem? This article attempts to show how the concepts of “race ” and “interbreeding ” are largely ineffective for understanding the way in which the Spanish interpreted the demographie phenomena of colonial America in the 16th and 17th centuries. These concepts are equally unhelpfulfor understanding what many academies still consider to be the immediate Iberian antecedent to colonial ethnie discrimination: the so called limpieza de sangre. In reality, both these forms of socio-genealogical discrimination depend very much upon the noble ideology of “blood”, which was the milieu in which they developed, rather than the racial theories which were to follow much later.

Type
La Société Coloniale Dans L'Amérique Espagnole
Copyright
Copyright © Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1999

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References

1. Depuis 1977 le gouvernement fédéral utilise les cinq mêmes catégories pour les recensements : Noir ; Blanc ; Indien d'Amérique ou « natif” d'Alaska ; Asiatique ou Polynésien (Pacific Mander) ; « autres ». La catégorie « hispanic », est indépendante et s'ajoute aux précédentes.

2. Michael A. Fletcher, « Tiger Woods and the Melting Pot: New Catégories Break the Mold », International Herald Tribune, 24 avril 1997.

3. En Afrique du Sud, par exemple, près de 1 000 demandes de reclassification raciale ont été enregistrées par le Department of Internai Affairs pour la seule année 1982-1983, ce qui a permis à plus de 700 personnes de couleur d'être reclassifiées comme « blanche ». Cooper, Carole et al, Survey of Race Relations in South Africa 1983, Johannesburg, Sairr, 1984, p. 103 Google Scholar, « Race Classification ».

4. Voir notamment Williamson, Joël, New People. Miscegenation and Mulattoes in the United States, New York, 1984.Google Scholar

5. Voir Peterson, Jacqueline, « Many Roads to Red River», dans Peterson, Jacqueline, Brown, Jennifer (éds), The New Peoples. Being and Becoming a Métis in North America, Winnipeg, University of Manitoba Press, 1985.Google Scholar

6. A ce sujet voir notamment, Blussé, Léonard, Strange Company. Chinese Settlers, mestizo Women and the Dutch in Voc Batavia, Dordrecht-Riverton, Foris Publications, 1986.Google Scholar

7. Voir notamment Julio Caro Baroja, « Antécédentes espanoles de algunos problemas relativos al mestizaje », Revista Histôrica, n° 28, 1965, pp. 197-210. D'autres auteurs ont repris depuis cette même thématique. Voir notamment Chantai Caillavet, Martin Minchom, « Le métis imaginaire : idéaux classificatoires et stratégies socio-raciales en Amérique latine (XVIe- XXe siècle) », L'Homme, 122-124, 1992. Stuart B. Schwartz, « Brazilian Ethnogenesis : Mestiços, Mamelucos and Pardos », Gruzinski, Serge, Wachtel, Nathan (éds), Le Nouveau Monde, mondes nouveaux. L'expérience américaine, Paris, Editions de l'Ehess, « Recherches sur les civilisations », 1996.Google Scholar

8. Enquête de pureté de sang pour partir aux Indes de Pedro Sanchez de la Calleja, Hazas (Santander, Vieille Castille), 10 décembre 1599. AGI, Contratacion 5262 B, ff. non numérotés.

9. I. S. Revah cite comme premier exemple de statut celui du Colegio Viejo de San Bartolomé, à Salamanque, dont un des statuts (édicté en 1434) interdisait l'entrée au collège aux descendants de juifs. Revah, I. S., « La controverse sur les statuts de pureté de sang », Bulletin hispanique, n° 73, 1971, p. 265 Google Scholar, notes 9 et 10.

10. Corro, Juan Escobar Del, Tractatus bipartitus de Puritate et Nobilitate probanda, Lyon, Durand, 1637, Quaestio II, p. 19.Google Scholar

11. Habituellement ces interdictions relèvent des statuts particuliers des différentes corporations et non des lois du royaume. C'est l'administration royale elle-même qui exige une probanza de pureté de sang aux candidats à l'émigration aux Indes.

12. Juan Escobar Del Corro, Tractatus bipartitus de Puritate, op. cit., Quaestio I, ch. 4, p. 10.

13. Sur la « réactualisation » du déicide, notamment lors des festivités de la Semaine sainte, voir Nirenberg, David, « Les juifs, la violence et le sacré », Annales HSS, 1995, n° 1, p. 109.CrossRefGoogle Scholar L'analyse de Nirenberg pour le Moyen Age peut être appliquée sans réserves aux désordres qui avaient lieu lors des processions de la Semaine sainte au 17e siècle en Amérique coloniale, à l'occasion desquelles les personnes qui tenaient le rôle des juifs lors des représentations de la passion étaient souvent lapidées par la foule des fidèles.

14. Juan Escobar Del Corro, Tractatus bipartitus de Puritate…, op. cit., Quaestio I, ch. 4, p. 10.

15. Dans l'Ancien Testament, la notion de pur et d'impur peut s'appliquer à des personnes aussi bien qu'à des objets ou à des moments de la vie : toute une série de pratiques permettent alors de se purifier rituellement. De là, le désintérêt pour tout le rituel de la pureté établi dans l'Ancien Testament, jugé « extérieur » (interdictions alimentaires, impureté liée aux objets…), qui caractérise les enseignements des apôtres. Voir Dictionnaire de spiritualité, Paris, Beauchesne, 1984, t. XII, 2e partie, p. 2628 ss.

16. Cf. Saint Paul, Épître à Tite, I, 15.

17. Sur l'hérédité des caractères moraux, voir notamment Quaestio I, §. 3, 15 ; § 3, 19 ; §. 3, 22. Juan Escobar Del Corro, Tractatus bipartitus de Puritate…, op. cit.

18. Dès 1578, le franciscain frère Antonio de Cordova s'insurge contre la fermeture des bénéfices, des dignités et des charges publiques et affirme que la grâce évangélique ne saurait faire de distinction d'origine (generis) parmi les fidèles. Antonio de Cordova, Quoestionarum Theologicum, Venise, Bareti, 1604 (lre édition sous ce titre, 1578).

19. Siete Partidas de Alfonso el Sabio, Paris, Libreria Castellana, 1846, vol. 1, 2e partida, titulo21, ley 3.

20. Siete Partidas…, op. cit., 2epartida, titulo 21, ley 3. Le texte de cette partida peut être rapproché des affirmations de Gilles André de La Roque, selon lequel tout roturier porte indéniablement un élément de souillure, et qui écrit en 1678 : « Un sang généreux ne doit pas être mêlé avec celui d'une personne vile et abjecte, et sa splendeur noircie par l'obscurité d'une condition basse […] ». Gilles André De La Roque, Traité de la noblesse, de ses différentes espèces, de ses origines, p. 326, cité par Devyver, André, Le sang épuré. Les préjugés de race chez les gentilshommes français de l'Ancien Régime (1560-1720), Bruxelles, Editions de l'université, 1973, p. 183.Google Scholar

21. Siete Partidas…, op. cit., 2epartida, titulo 18, ley 6.

22. Lomax, D. W., La orden de Santiago (1170-1275), Madrid, CSIC/ Escuela de Estudios Médiévales, 1965, pp. 88, 89.Google Scholar

23. Siete Partidas…, op. cit., 2e partida, titulo 21, ley 2.

24. Voir A. Devyver, Le sang épuré, op. cit.

25. Tel est par exemple le point de vue de Juan Arce de Otalora, qui affirme au sujet de la Pragmdtica de Cordoue de 1492 stipulant les modalités d'accès à la noblesse, que le prince ne peut agir que sur le statut juridique des individus et non sur la nature de leur sang. Pour lui, la noblesse se transmet exclusivement par le sang, de père en fils, et ce jusqu'à la fin des temps. Juan ARCE DE Otalora, Summa Nobilitates Hispanicae et immunitates regiorum tributorum, Salamanque, Juan Bautista de Terranova, [1553], 1570, p. 107. Cette conception est largement partagée par les théoriciens de la noblesse à l'époque. Voir Ricardo SAEZ, « Hidalgui'a : essai de définition. Des principes identificateurs aux variations historiques », Hidalgos & Hidalgui'a dans l'Espagne des XVI'-XVIir siècles, Paris, CNRS-Maison des Pays ibériques, 1989, p. 25 ; Gerbet, Marie-Claude, La noblesse dans le royaume de Castille. Etude sur ses structures sociales en Estrémadure, 1454-1516, Paris, Publications de la Sorbonne, 1979, ch. IV.Google Scholar

26. Les certificats de pureté de sang habituels exigeaient, comme dans les preuves de noblesse, trois générations (l'intéressé, ses parents et ses quatre grands-parents) reconnues de vieux-chrétiens.

27. Voir notamment, Contreras, Jaime, Sotos contra Riquelmes. Regidores, inquisidores y criptojudi'os, Madrid, Anaya & Mario Muchnik, 1992, p. 24.Google Scholar En ce qui concerne les « deux noblesses » d'Espagne (limpieza et hidalguid), voir Ricardo SAEZ, « Hidalguîa : essai de définition… », art. cité, p. 31.

28. Dominguez Ortiz, A., Las clases privilegiadas, en el Antiguo Régimen, Madrid, ISTMO, 1973, p. 46.Google Scholar

29. Cité par Elena Postigo, Honor y privilegio en la corona de Castilla. El Consejo de las Ordenes y los caballeros del hâbito en el siglo XVII, Almazân, Junta de Castilla y Leôn, 1988, p. 135.

30. Et c'est en ces termes que les noblesses d'autres pays comprennent l'idée de pureté du sang. Ainsi, Christophe Bonours définit-il en 1616 la noblesse comme « ancienne et immémoriale pureté de sang libre, et nullement mélangée avec le serf et vil ». Cette phrase est un calque évident des statuts castillans, Bonours, Christophe, Eugeniaretilogie ou Discours de la vraie noblesse, Liège, L. Streel, 1616.Google Scholar

31. Littéralement « pureté de métiers », désignant les lignages libres d'ancêtres vilains ou ayant effectué des métiers manuels ou du commerce.

32. Voir E. Postigo, Honor y privilegio en la corona de Castilla…, op. cit., p. 136.

33. Fort dès le 13e et le 14e siècle, Antonio Dominguez Ortiz prolonge ce mouvement d'accession à la noblesse jusqu'au début du 18e siècle. Cette augmentation ininterrompue du pourcentage de nobles a été à l'origine de toute une série de mesures tendant à limiter cette « invasion » du corps des hidalgos. Voir A. Dominguez Ortiz, Las clases privilegiadas…, op. cit., p. 35.

34. Afin de prouver, notamment, que le candidat était au même niveau social que les membres du groupe auquel il voulait adhérer. Voir Dedieu, Jean-Pierre, « La défense de l'orthodoxie », Le premier âge de l'État en Espagne, 1450-1700, Paris, CNRS/Maison des Pays ibériques, 1989, p. 222.Google Scholar Voir également J.-P. Dedieu, « Pecado original o pecado social ? Reflexiones en torno a la constitution y a la définition del grupo judeo-converso en Castilla », Manuscrits, n ° 10, janvier 1992.

35. A ce sujet voir notamment J. Contreras, Sotos contra Riquelmes…, op. cit.

36. Voir notamment le cas de don Rodrigo de Mendoza, fils du marquis de Canete, qui se voit xefuser l'accès à l'ordre militaire d'Alcantara à la suite d'une accusation tachant son lignage, dans R. SAEZ, « Hidalgui'a : essai de définition… », art. cité, p. 33.

37. « Racial » ou « ethnique », voire « identité ethnique », sont en effet les termes récurrents qui traversent une bonne partie de la littérature sur la pureté de sang. Voir par exemple J. Contreras, Sotos contra Riquelmes…, op. cit., pp. 15-31, mais plus particulièrement Yerushalmi, Y. H., « Assimilation et antisémitisme racial », Sefardica. Essais sur l'histoire des Juifs, des marranes et des nouveaux-chrétiens d'origine hispano-portugaise, Paris, Editions Chandeigne, 1998 [1982], pp. 255292.Google Scholar

38. Sébastian de Covarrubias, Tesoro de la lengua castellana o espanola [1611, 1674], édité par Martin de Riquer, Barcelone, S. A. Horta, I. E., 1943.

39. Real Academia de la lengua, Diccionario de la lengua castellana en que se explica el verdadero sentidp de las voces (connu comme le Diccionario de Autoridades, 1726-32), facsimilé, Madrid, Éd. Gredos, 1990.

40. Évoquer la notion « d'objectivité scientifique » aux 16e et 17e siècles semble par ailleurs relever du simple anachronisme. Voir C. Caillavet, M. Minchom, « Le métis imaginaire… », art. cité.

41. De l'arabe Mustâ'rib, littéralement « arabisés », J. Corominas, Diccionario critico etimolôgico castellano e hispânico, Madrid, Éd. Gredos, 1981. D'autres étymologies fantaisistes élaborées au 16e siècle (Mixti arabes) gardent cependant l'acception d'origine : « chrétien vivant parmi les arabes ». Voir notamment Ambrosio de Morales, Coronica General de Espana, Alcalâ de Henares, Juan Yniguez de Lequerica, 1577, Libro XII, ch. LXXVII, f. 214v. 42. Le docteur Diego de Peralta, dans son testament (qui est un exemple classique de la mentalité castillane du Siècle d'or), demande ainsi à ses filles de ne pas « tacher leur sang » en se mariant avec les de la Torre, descendants de juifs, ou avec les Llorente, descendants de maures, ou avec les Ricardo, decendants d'hérétiques luthériens, ou avec les de la Parra, châtiés par l'Inquisition… Foulche-Delbosc, R., « Testament de Diego de Peralta », Bulletin hispanique, VI (1897), pp. 311315.Google Scholar

43. Païens, qui est le terme s'étant généralisé par la suite d'après Angel Barral Gomez dans son étude introductoire de la Crônica de los Reinos de Chile de Jerônimo de Vivar, Madrid, Historia 16, 1988, p. 41.

44. « Caste veut dire lignage noble ou pur, celui qui descend d'une bonne souche, bien que l'on puisse dire de bonne caste ou de mauvaise caste. […] Castizos sont ceux qui viennent d'un bon lignage et caste ». Sébastian De Covarrubias, Tesoro de la lengua castellana o espanola, op. cit.

45. Sens recueilli par le Diccionario de Autoridades (1732) qui ajoute : « Caste c'est également le nom que l'on donne aux différents lignages de chevaux, taureaux et autres animaux, car ils viennent de parents connus par leur loyauté, leur bravoure ou toute autre caractéristique […] », Real Academia Espanola, Diccionario de la lengua castellana, op. cit.

46. 13 séries de tableaux de métissage ont été repérées à ce jour, collections qui se trouvent disséminées dans des musées mexicains, espagnols, français, anglais et autrichiens. Toutes les séries, à l'exception d'une seule, ont été réalisées au Mexique dans la seconde moitié du 18'’ siècle, souvent par des artistes d'un certain renom (Miguel de Cabrera, Ignacio de Castro, José Joaqui'n Magon), les toiles anonymes étant vraisemblablement des copies d'atelier des originaux signés. La seule série liménienne, composée de 20 tableaux, est due à un peintre anonyme du 18e siècle. Voir Isidoro Moreno Navarro, LOS cuadros del mestizqje americano. Estudio antropolôgico del mestizqje, Madrid, Ed. José Porrua Turanzas, « Colecciôn Chimalistac de libros y documentos acerca de la Nueva Espana-34 », 1973. Pour l'attribution de la série se trouvant au Museo de America de Madrid, voir SéBastian, Santiago, Le baroque ibéroaméricain, Paris, Le Seuil, 1992.Google Scholar

47. Alvar, Manuel, Léxico del mestizqje en Hispanoamérica, Madrid, Éd. de Cultura hispânica/ Instituto de Cooperaciôn iberoamericana, 1987.Google Scholar

48. La volonté taxinomique des tableaux de métissage des musées français, espagnols ou mexicains dénonce ouvertement l'esprit de la seconde moitié du 18e siècle. En ce sens, une claire filiation intellectuelle semble lier les gravures sur les vices et les vertus des peuples européens de Paul Decker, publiées en 1737 à Augsburg, et copiées par le peintre de Quito, Manuel Samaniego (Museo de Arte colonial d'Equateur), aux séries sur les différents types d'habitants de la région de Quito peintes en 1783 par le peintre Vicente Albân, qui évoquent irrésistiblement à leur tour les « tableaux des castes ». Les gravures d'Augsburg avaient pour but, dans les termes de Santiago Sébastian « […] de montrer que les hommes de toutes les nations ont tous la même capacité de raisonner, mais qu'ils diffèrent dans leur physique, leurs coutumes, leurs langues […] ». Voir S. SÉBastian, Le baroque ibéro-américain, op. cit., p. 67 ss. Cette affirmation peut sans doute s'appliquer, du moins dans leur aspect « peinture des moeurs », aux séries mexicaines, péruviennes et équatoriennes.

49. Le nom des différents livres pouvait varier. A Santiago-de-Guatemala, étudié par Christopher Lutz en 1982, le livre des castes était appelé « de la gente ordinaria », groupant tous les non-Européens (hormis les Indiens appartenant à une communauté). Voir l'édition en anglais : Lutz, C., Santiago de Guatemala, 1541-1773. City, Caste, andthe Colonial Expérience, Norman-Londres, Oklahoma UP, 1994.Google Scholar

50. Voir T. Calvo, La Nueva Galicia en los siglos XVI y XVII, Guadalajara, El Colegio de Jalisco/ CEMCA, 1989 ; C. LUTZ, Santiago de Guatemala, 1541-1773, op. cit. ; Mazet, C., « Population et société à Lima aux 16e et 17e siècles : la paroisse San Sébastian (1562-1689) », Cahiers des Amériques latines, n° 13-14, 1976, pp. 53100 Google Scholar ; J.-P. ZUNIGA, Espagnols d'outremer. Emigration, reproduction sociale et mentalités à Santiago-du-Chili au XVIIe siècle, thèse de doctorat, Institut Universitaire Européen-EHESS, 1995, à paraître.

51. A Santiago-du-Chili au 17e siècle, les livres de baptêmes des Espagnols ne consignent que rarement le terme mestizo et dans ceux réservés aux « castes » (1646 à 1663), les métis n'y représentent que 1,91 % des baptêmes enregistrés.

52. Voir T. Calvo, La Nueva Galicia en los siglos XVI y XVII, op. cit. Alvaro Jara, quant à lui, conclut que les Espagnols répertoriés dans les contrats de travail qu'il a étudiés ne sont en réalité que des métis « camouflés ». Voir Jara, A., LOS asientos de trabajo y la provision de mano de obra para los no-encomenderos en la ciudad de Santiago, 1586-1600, Santiago, Universidad de Chile, 1959.Google Scholar

53. Testament de Maria de Lariz [parda], 12.08.1671, Archivo de Escribanos de Santiago (AES), vol. 314, f. 325.

54. Testament de Juan Sanchez [mulato], 31.08.1620, AES, vol. 87, f. 14.

55. A ce sujet, Stuart B. Schwartz montre comment, au Brésil aux 16e et 17e siècles, la préoccupation généalogique concernant le « sang noir » était plus forte que celle concernant les ascendances indiennes. Stuart B. Schwartz, « Brazilian Ethnogenesis : Mestiços, Mamelucos and Pardos », Serge Gruzinski, Nathan Wachtel (éds), Le Nouveau Monde, mondes nouveaux…, op. cit., p. 21.

56. Testament du capitaine Gonzalo Martmez de Vergara, 15.06.1644, AES, vol. 95, f. 46.

57. Le mot «métis" apparaît au moins dès 1533 dans un texte juridique. Cela permet d'imaginer que son utilisation était bien antérieure, probablement aussi ancienne que le phénomène lui-même. Voir Recopilacion de leyes de los Reynos de las Indias, Madrid, Julian Paredes, 1681, libro VII, titulo IV, ley IV, f. 284v.

58. Selon Christopher Lutz, ce phénomène aurait mené à la disparition du classement ethnique dans les livres paroissiaux de Santiago-de-Guatemala. Voir C. LUTZ, Santiago de Guatemala, 1541-1773, op. cit., p. 95.

59. Le veedor (surintendant) de l'armée, don Francisco de Villasenor y Acuna au roi, Archivo General de Indias (AGI), Chile 19, 15.02.1614.

60. Enquête de fin de mandat.

61. Residencia de Francisco de Meneses, AGI, Escribania 937-A, cargo n° 216.

62. Don Juan de Inostroza est le fils d'un Espagnol de Ecija et d'une créole descendante à’ encomenderos du sud du Chili ; sa famille est par ailleurs solidement ancrée dans les élites créoles de la vice-royauté. Voir Ojeda, Tomâs Thayer, Formation de la Sociedad Chilena y Censo de la Poblaciôn de Chile en los anos de 1540 a 1565, Santiago, Universidad de Chile, 1939-41, t. II, p. 126.Google Scholar

63. Pedro de Inostroza Castano contre le maestro de campo don Francisco de Saravia, AGI, Escribania de Câmara 929-C, f. 56. L'affaire passe devant le tribunal en 1683, le mariage de dona Francisca date de 1634, Archivo del Arzobispado de Santiago, libro n” 2 de Bautismos, Matrimonios y defunciones de el Sagrario, f. 177.

64. Au Chili, sur les 11558 baptêmes répertoriés dans les deux paroisses urbaines de Santiago entre 1615 et 1695, seuls 0,3 % concernent des enfants légitimes de père « hispanique » et de mère indienne. Voir J.-P. ZUNIGA, Espagnols d'outre-mer…, thèse citée.

65. Delgado, Paulino Castaneda, Aparicio, Pilar Hernândez, La Inquisiciôn de Lima, Madrid, Deimos, 1989, 1.1, ch.VII, p. 276.Google Scholar S. B. Schwartz, « Brazilian Ethnogenesis : Mestiços, Mamelucos and Pardos », op. cit., constate la même attitude dans le Brésil colonial.

66. Voir Molinié-Bertrand, A., « Se marier en Castille au XVIe siècle », Iberica, III, 1981.Google Scholar

67. Succession de don Juan de Inostroza, AGI, Escribama de Câmara 929 C, f. 17v.

68. Juan de Meléndez (OP), Tesoros Verdaderos de la Yndias. En la Historia de la gran Prouincia de San Ivan Bavtista del Perv del Orden de Predicadores, Rome, Imprenta de Nicolas Angel Tinassio, 1682, t. 1, chap. 4, livre 4, p. 351. fray Juan de Meléndez est un créole de Lima, chroniqueur de son ordre et régente du collège de la Minerve à Rome au moment où il écrit son livre. Cet ouvrage était surtout fait à l'adresse des Espagnols péninsulaires.

69. Voir notamment, Calvo, T., « Concubinage et métissage en milieu urbain : le cas de Guadalajara au XVIP siècle », La ville en Amérique espagnole coloniale, Paris, Sorbonne Nouvelle Paris III, 1984.Google Scholar

70. « Moreno : On appelle ainsi l'homme noir, afin d'adoucir le terme de Noir, qui est celui qui correspond », Real Academia Espanola, Diccionario de la lengua castellana en que se explica el verdadero sentido de las voces…, op. cit.

71. Testament de Maria de Lariz, 12.08.1671, AES, vol. 314, f. 325.

72. Cobo, Bernabé, Historia del Nuevo Mundo [1650], Séville, Sociedad de bibliôfilos andaluces, 1890, t. 3, ch. 2, p. 13.Google Scholar

73. Lettre du gouverneur Alonso de Rivera au vice-roi, 2.02.1616, AGI, Lima 37.

74. Pour un faisceau de variables semblable dans la reconnaissance ethnique d'un individu, voir Watson, G., Passing for White. A Study of Racial Assimilation in a South Africa School, Londres, Tavistock Publications, 1970.Google Scholar Voir également Patricia SEED, « Social Dimensions of Race : Mexico, 1753 », op. cit., p. 573.

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76. Archivio délia Propaganda Fide, Scritture Originale Riferite nelle Congregazioni Generali 257, f. 10. s. d. (ca. 1655).

77. Vers 1514, un tiers des colons espagnols de Saint-Domingue avaient épousé des femmes indiennes. Voir Gruzinski, Serge, Bernand, Carmen, Histoire du Nouveau Monde, Paris, Fayard, 1991, t. l , p . 269.Google Scholar

78. Le corollaire de cette intégration est le plus souvent l'occultation de la branche indienne de l'ascendance d'un individu. Seuls les métis descendant des anciennes élites indiennes mettent en avant leurs origines non européennes. Le prestige lignager l'emporte alors sur d'autres considérations.

79. Francisco Bravo de Saravia contre Pedro Inostroza Castano (1683), AGI, Escribama de Camara 929 C, f. 20v.

80. Voir, parmi tant d'autres, pour le Guatemala, C. Lutz, Santiago de Guatemala, 1541- 1773, op. cit., pour le Pérou, Lockhart, J., The Men of Cajamarca: A Social and Biographical Study of the First Conquerors of Peru, Austin, University of Texas Press, 1972.Google Scholar

81. T. Thayer Ojeda, Formation de la sociedad Chilena, op. cit., t. 2, et les testaments de Barbola Gil (AES, vol. 52, f. 266) ; et de dona Juana Rodriguez de Caldera (AES, vol. 95, f. 443v.).

82. Molinié-Bertrand, A., AU Siècle d'or, l'Espagne et ses hommes, Paris, Economica, 1985, p. 324.Google Scholar

83. Don Miguel de Velasco avait été l'un des premiers conquistadors du Chili. Il a été encomendero à La Impérial (1551) et à Concepcion (1557). T. Thayer Ojeda, Formation de la sociedad chilena, op. cit., t. 3, pp. 355-356.

84. « Information de servicios de Miguel de Velasco y Avendano », J. T. Médina (éd.), Colecciôn de Documentes para la Historia de Chile, 2e série, Santiago, Fondo Histôrico y Bibliogrâfico José Toribio Médina, 1982, t. VI, p. 342.

85. En effet, ces enfants sont très souvent assimilés au statut indien de leur mère.

86. Document cité par A. jara, LOS asientos de trabajo…, op. cit., p. 87.

87. Cette difficulté de classement pourrait également expliquer, en partie, la pratique extrêmement courante de l'abandon d'enfants : pour les enfants abandonnés au phénotype indéterminable, l'abandon revenait à une « table rase génétique ». A Santiago au 17e siècle, tous les enfants abandonnés (près de 25 % de toutes les naissances au milieu du 17e siècle) étaient inscrits dans le livre des Espagnols. Cette stratégie pour libérer un enfant d'une « tare de naissance » était déjà connue en Espagne où tout enfant trouvé était réputé vieux-chrétien.

88. Siete Partidas…, op. cit., 2epartida, titulo 21.

89. Archivium Societatis Iesu (ASI), Chile 6, Annua Chilensis 1648, Mission de La Impérial, f. 246-246v.

90. « […] cette souche autochtone d'Espagne est bien plus ancienne et plus légitime […] », Coronica General de Espana, op. cit., Libro XII, ch. LXXVII, f. 214.

91. Benito de Penaloza Y Mondragôn, Libro de las cinco excelencias del Espanol, Pampelune, Carlos Labàyen, 1629, f. 79v. Cette diatribe rappelle la définition que Ginés de Sepûlveda donnait des Espagnols, cléments, tempérants, mesurés…, Sepûlveda, Juan Ginés de, Démocrates segundo o de las justas causas de la guerra contra los Indios, édition bilingue éditée par Losada, Angel, Madrid, CSIC-Instituto Francisco de Vitoria, 1984 (2e éd.), p. 35.Google Scholar

92. ASI, Chile 6, Annua Chilensis 1648, Mission de La Impérial, f. 246.

93. ASI, Chile 6, Letras Anuas 1690, f. 358.

94. L'originalité de fray Benito réside non pas tant dans ses arguments sur l'hérédité des vertus par le sang, vieux thème cher à la noblesse européenne, que par sa caractérisation du sang espagnol « autochtone » comme noble par excellence. 95. Benito de Penaloza Y Mondragôn, Libro de las cinco excelencias…, op. cit., chap. 4, f. 77-80v.

96. Cette idée de l'annulation du « sang indien » est encore reprise à la fin du 18e siècle. Voir Description de todos los pueblos del Virreinato del Perû, manuscrit anonyme, s. d. [fin 18e siècle], AGI, Indiferente General 1528, ff. 43v-44.

97. Il faut en ce sens être extrêmement attentif au contexte et à la nature des documents qui font état de « révoltes de métis » à cette époque. Le seul fait de qualifier ainsi un mouvement de mécontentement populaire revenait à le dénigrer alors qu'il pouvait être composé d'individus métis, certes, mais aussi d'Espagnols pauvres, de caciques ou d'Indiens du commun, de Noirs libres ou esclaves : en somme, de toutes les couches modestes de la société coloniale. Un groupe de contestataires devenait ainsi dans les rapports de l'administration une dangereuse révolte de sang-mêlés.

98. Comme le remarque Patricia Seed, « Social Dimensions of Race : Mexico, 1753 », op. cit.

99. Voir Bennassar, Bartolomé, Histoire des Espagnols, 1.1, Paris, Armand Colin, 1985, pp. 401402.Google Scholar

100. Comme le montre Jean-Pierre Dedieu : « Leur seule présence au sein de la société pouvait compromettre le salut de tous », J.-P. Dedieu, « Pecado original o pecado social ?… », ait. cité, p. 75.

101. Et l'une de ses expressions est l'usage fait en Amérique de la Pragmâtica de 1776 sur les mariages des fils de famille, qui autorisait les parents à s'opposer aux « mésalliances » de leurs enfants. L'argument le plus souvent invoqué en Amérique pour démontrer l'« inégalité de qualité » d'un prétendant ou d'une prétendante était celui du métissage de sa lignée.