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La naissance du système bureaucratique en U.R.S.S.*

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Marc Ferro*
Affiliation:
E.H.E.S.S

Extract

Dans ses différentes manifestations, la révolution de 1917 suscita la décomposition de l'état, la sécession des nationalités, l'eclosion des mouvements paysans, la mise en cause du capital. Les analyses de friedrich engels, dont lénine rappelait l'actualité dans l'état et la révolution, se trouvaient ainsi vérifiées par l'expérience de 1917. celle-ci confirmait en outre la vision que lénine et les anarchistes avaient eue du rôle et de la fonction des soviets, ces centres de pouvoir nouveaux qui apparurent en février. incarnation de la révolution, ils ne jouèrent pas seulement le rôle d'un contre-pouvoir, d'une « forteresse prolétarienne en pays bourgeois », comme l'imaginait la tradition sociale-démocrate et comme le fut le soviet de petrograd à ses débuts. ils étaient à la fois l'instrument de destruction de l'ancien état et, dans les villes comme aux armées, l'embryon d'un nouvel état prolétarien, à la façon de la commune de paris.

Summmary

Summmary

What is the nature of the Soviet regime? How were the specifie ties formed between the party, the soviets and the State? This article is a study of the genesis of the bureaucratic System, the passage from soviet republic to centralized state. The author shows that the conflicts among institutions (unions, factory committees, soviets, parties, etc.) had as much effect as the ideological conflicts, giving rise to a new group, already partially constituted in October, whose composition subsequently evolved. This explains the destiny of the regimes.

Type
Révolution et Totalitarisme
Copyright
Copyright © Les Éditions de l'EHESS 1976

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Footnotes

*

A notre connaissance, il n'existe pas d'étude sur le problème abordé dans ce chapitre qui, résumé, a fait l'objet d'une communication au Colloque de Banff (septembre 1974).

Pour tout ce qui concerne l'histoire des soviets de députés on se reportera à l'ouvrage classique de O. Anweiler, Les Soviets en Russie 1905-1921, dont il existe une excellente traduction par S. Bricianer, préface de P. Broué, Paris, Gallimard, 1971, 350 p.

L'étude du phénomène bureaucratique en URSS, souvent liée à la critique trotskyste, n'en examine pas les origines. Elle a donné lieu, naguère, à toute une série d'études pionnières dans Socialisme ou Barbarie, 1949-1960, republiée par C. Castoriadis, La société bureaucratique, «collection 10/18 », et par Claude LEFORT, Éléments d'une critique de la Bureaucratie, Droz, 1971, 367 p. Dans ce dernier ouvrage, on lira en outre : « Qu'est-ce que la Bureaucratie ? » publié dans Arguments, qui analyse les différentes théories de la Bureaucratie (Weber, Burnham, Crozier, Touraine), et qu'ignore John Markoff, qui demeure très en deçà dans « Gouvernmental bureaucratization gênerai processes and an anormal case », Comparative Studies in Society andHistory, 1975, pp. 479-503.

Enfin, on lira Pierre Naville, Le nouveau Léviathan, 5, La Bureaucratie et la Révolution, Paris, Anthropos, 1972, qui fait une analyse historique également à partir du moment où le système est en place.

Dans ces pages, nous en étudions la formation et la naissance.

References

Notes

1. Cgaorsssr, 3, I, 262, 217.

2. Anweiler, O., Les Soviets en Russie, 1905-1921, trad. française S. Bricianer, Paris, Gallimard, 1972.Google Scholar

3. Dès l'origine, ces principes et la définition de ces fonctions furent mis en cause par les bolcheviks. Les institutions n'en naquirent pas moins en relation avec ces normes. Cf., pour la région de Moscou, les statuts du Soviet de Susc'evko-Marinskij, qui furent reproduits par les Izvestija de Moscou et servirent de modèle à de nombreuses institutions locales, dans Tokarev, Narodnoe pravotvorcestvo Nakanune Okt. Rev., Moscou, 1965, p. 102.

4. Spartak, juin 1917.

5. Dans l'Histoire de la Révolution russe.

6. Rapport pour les Gubernaja de Kerson. Bessarabie Tauride, dans Organizacija Stroijtel'stvo sovetov, v 1917 godu, Moscou, 1928, pp. 196, 216-217.

7. Lénine, L'État et la Révolution, dans Oeuvres, t. XXV, pp. 457-458.

8. Freidlin, , Ocerki istorij rabocevo dvizenija v Rossij v 1917 godu, pp. 6973.Google Scholar

9. Les rapports avec les ouvriers ne cessèrent de se détériorer. Le 20 mars, le soviet nommait une commission pour « vérifier les dires des usines ». Il demandait aux travailleurs d'attendre calmement l'élaboration d'un minimum vital. « La conjoncture n'est pas favorable à la satisfaction de vos revendications», expliquait Grinevič. Freidlin, , op. cit., pp. 6993 et 101-111.Google Scholar

10. Tokarev, , op. cit., note 3, pp. 8789.Google Scholar

11. « Plus les soviets étaient petits et loin du pouvoir central, moins ils appliquaient les mots d'ordre mencheviks, même s'ils étaient mencheviks », note justement Freidlin, , op. cit., pp. 101111.Google Scholar

12. Organizacija i Stroijtel'stvo sovetov v 1917 godu, M. 1928, pp. 58-59 et 216-217.

13. Pervyi Vserossiskij s'ezd sovetov (Première assemblée Pan-russe des soviets), Moscou, 1927, p. xxvii. Pour la ville de Revel, cf. Tokarev, op. cit., p. 28 et tableau hors texte. Il en était de même pour les élus de tous les partis socialistes. Par exemple, au praesidium du parti SR, parti des « paysans », il y avait dix-neuf intellectuels, un ouvrier, pas d'agriculteur. Pour le parti bolchevik, voir plus loin.

14. Voir le t. I de notre Révolution de 1917, Aubier, 1967, chapitre vi et Pervij, op. cit., note 13, où sont publiées toutes les interventions.

15. Le premier corps de Gardes Rouges fut constitué sous l'égide d'un syndicat ; la plupart des autres sous l'égide des comités d'usine. Le parti bolchevik soutint toutes les initiatives.

16. Sur ces problèmes, voir notre Révolution de 1917, tome II, chapitre vu. Bien souvent, le comité d'usine apparut comme un rival du syndicat, avant même la création d'une instance des comités à l'échelle de la ville. Dès le milieu d'avril, des conflits éclatent à Moscou, Niznij-Novgorod, Voronež, Rjazan, . Org. Sov., op. cit., note 6, pp. 99101.Google Scholar

17. Okjabr'skaja Revoljucija i Fabzavkony, Moscou, 1927, 2 vol., pp. 142-143.

18. Ibid. et fonds Gaorss-Lo 4598, 4602 et Cgaorsssr 472. Sur le rôle politico-culturel des comités et des syndicats, voir les travaux de Egorova. Sur l'échec de la première tentative d'autogestion, avant Octobre, voir notre tome II, chapitre vi.

19. Raionnye Sovety, Petrograda v 1917 godu, Leningrad, 1966, I, pp. 3-20.

20. Ibid., passim les 3 tomes, et l'index thématique, III, pp. 400-403.

21. Ibid., III, pp. 248-331.

22. Ibid., III, pp. 248-331.

23. Ibid., et Ivanov, Kornilovscina i ee Razgrom, L. 1965, pp. 135-142.

24. Raionnye Sovety, III, pp. 248-331.

25. Ibid.

26. Sur les événements de Petrograd, voir le t. I de notre Révolution de 1917, inventaire des constitutions de soviets dans Tokarev, op. cit., p. 28 (tableau h.t.).

27. Novaja žizn' du 29 juillet 1917.

28. Persin, , Agrarnaja Revoljuciju v Rossij, t. I, pp. 348364.Google Scholar

29. Cf. le fonds Cgaorsssr, 6978.

30. Raionnye Sovety, op. cit., III, pp. 248-331 et III, pp. 347-386.

31. Nos calculs d'après les listes publiées dans Fab. Zav. Kom, op. cit., II, pp. 217-264.

32. Ziv i Kulikov, M., Rozdenie Komsomola, Leningrad, 1933.Google Scholar A une usine de Vyborg, le soviet ouvrier avait également refusé d'accepter un représentant des organisations de jeunes : intervention de Kruskaja, Vtoruja i Tretija Petrogradskie obsccgorodskie Konferencii bol'sevikov v ijule i okt 1917 godu, Moscou, 192, p. 37 ; et Raionnye Sovety, op. cit., III, p. 328, note 137. Voir également Evg. Herr, Na Puti v Revoljucii, L. 1925.

33. Cf. les photographies dans Evsenin', I., Ot Fabrikanta k Krasnomu Oktjabrju, Leningrad, 1927, 92 p.Google Scholar Autres phtographies indiquées dans Kino i Foto dokumenty, Moscou, 1958 ; statuts des comités dans Tokarev, op. cit., pp. 48-58.

34. Gaorsslo, Fonds 101 et Raionnye, II, pp. 91-326.

35. Raionnye Sovety, III, pp. 248-331.

36. Ibid., III, pp. 347-404.

37. Gaorsslo, Fonds 101 et Raionnye, passim les 3 volumes.

38. Uplotnenie (cohabitation), scénario A. Lucanarskij, A. Pantelejev, réalisation A. Pentelejev, 1560 mètres, cinémathèque de Bruxelles.

39. Entre un et deux milliers pour Petrograd, seulement pour les comités de quartier.

40. Cf. Starčev, , Ocerki po Istorij Petrogradskoj Krasnoj Gvardij i Rabocej Milicij, 1965, pp. 249288.Google Scholar

41. Le plus souvent, l'usine avait une Garde Ouvrière, rémunérée par le patron ; quelquesuns de ces Gardes militaient parallèlement dans la Garde Rouge qui, de la sorte, était constituée d'ouvriers provenant de différentes usines, non rémunérés par l'institution elle-même, comme les membres des comités de quartier mais bien par le patron.

42. Nos calculs d'après les procès-verbaux du P.V.R.K., Moscou, 3 vol., t. I, pp. 17-162.

43. Starčev, , op. cit., note 40, pp. 249288.Google Scholar Les Gardes Rouges comptaient survivre. Ils avaient adopté un projet de statuts qui fut rejeté après octobre 1917.

44. Le groupe n'apparaît qu'après 1917 et pour le temps où sa collaboration fut jugée nécessaire. L'utilisation de ces « spécialistes » (Spets), volontiers suspects, fut l'objet de conflits violents entre ceux qui jugeaient qu'il ne suffit pas d'être communiste pour être un homme compétent (Lénine, Trotsky) et ceux qui souhaitaient un renouvellement complet de l'appareil d'état au seul bénéfice des communistes patentés (Staline).

45. Avant la Révolution, Tugan-Baranovski et Cajanov avaient élaboré une théorie de l'État fondée sur le coopératisme et la propriété paysanne. Après Octobre, Reisner proposa à Lénine une constitution fondée sur les principes du syndicalisme. Elle fut rejetée. De leur côté, les anarchistes, avocats d'un « pouvoir ouvrier » dont la cellule eût été le comité d'usine, se « replièrent » sur les soviets de députés comme fondement du pouvoir populaire, après l'échec de l'autogestion.

46. A l'exception de Vikzel, syndicat des chemins de fer, très partagé politiquement.

47. Nous avions avancé cette hypothèse dans La Grande Guerre. Pour la Russie, elle est corroborée par le grand travail de Coquin, F. X. sur la Sibérie, La Sibérie, Peuplement et immigration paysanne au XIXe siècle, Paris, 1969, 790 p.Google Scholar ; elle l'est également pour les U.S.A., cf. Stanley Coban, « A Study in nativism : The american Red Scare of 1919-1920 », dans Political Science Quaterly, vol. LXXIX, march 1964, t. LXVIII. Les éléments les plus révolutionnaires aux U.S.A. sont originaires d'Ukraine, d'Italie du Sud, de Catalogne.

48. Zones grisées de la carte d'après Coquin, F. X., La Sibérie, op. cit., p. 737.Google Scholar

49. Haupt, G. et Marie, J.-J., Les Bolcheviks par eux-mêmes, Paris, 1967 Google Scholar, et Mosse, W. M., « Makers of the Soviet Union », Slavonic and East European Review, 1968, vol. XLVI, p. 141 ss.Google Scholar