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La Littérature Juive en Langue Yiddish (16e-17e Siecle) Crise religieuse, culture vernaculaire et propagation de la foi

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Jean Baumgarten*
Affiliation:
CNRS-CRFJ, Jérusalem

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Les historiens qui se sont intéressés à la diffusion de la tradition au sein de la société juive ont essentiellement focalisé leurs études sur deux aspects : d'une part, en héritiers des habitudes de pensée nées au 19e siècle, ils ont privilégié une historiographie des grandes figures et des événements marquants du judaïsme ; d'autre part, ils ont fondé leurs recherches sur le dogme de la primauté de l'écriture, au détriment de la transmission orale. Or la culture juive se caractérise par une dialectique permanente entre l'oralité et l'écriture : ces deux registres jouent un rôle complémentaire par rapport au devoir d'enseigner, de transmettre et d'inculquer les fondements de la tradition. Par ailleurs, nombre d'historiens ont mis en lumière les pratiques propres au monde des lettrés, sages ou initiés, qu'on appelle les h'akhamim ou talmidei h'akhamim.

Summary

Summary

The circulation within Jewish society of the tradition of Modem Times has essentially been studied using printed texts which circulated among the intelligentsia. The question of the propagation of the Jewish faith among the “ignorant” remains less known. Yiddish literature, distributed from the XVIth century onward within the Central and Eastern European communities remains a privileged vantage point from which to understand how the essence of Judaïsm was transmitted to the semiliterate. The Yiddish book will be used as a palliative to Hebrew culture and as a tool for the propagation of the basic tenets of the holy tradition. Ancient Yiddish literature allows us to pinpoint numerous traces of practices of oral transmission and to understand the dynamic relationship between orality and scripture particular to Jewish culture.

Type
La Diffusion de la Foi en Europe Centrale et en Russie, 14e-17e Siècle
Copyright
Copyright © École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris, 1996

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References

1. Voir notamment à ce sujet, Wolf, I., « Comment concevoir une science du judaïsme », Pardès, 19-20, La religion comme science : la Wissenschaft des Judentums, 1994, pp. 3344.Google Scholar

2. Le principal représentant de ce courant reste l'historien Graetz, H. dans son Histoire des Juifs, 5 vols, Paris, 1882-1897.Google Scholar

3. C'est la visée de la méthode philologique germanique née au 19e siècle, notamment dans les oeuvres de F. A. Wolf et A. Boeckh, qui sera reprise par les principaux mentors de la science du judaïsme moderne. Voir, à ce sujet, P. Simon-nahum, « Exégèse traditionnelle et philologie : la Wissenschaft des Judentums», Pardès, 19-20, 1994, pp. 143-162.

4. Voir Alvarez-péreyre, F., « Lois millénaires : la Torah et la Michna entre texte écrit et oralité », Graines de paroles. Écrits pour G. Calame-Griaule, Paris, CNRS, 1989, pp. 2538.Google Scholar

5. Le « disciple de sages » est celui qui connaît parfaitement les 24 livres de la Bible (voir Midrach Exode Rabba, 41, 5) mais aussi toute la loi orale («Michna’ Talmud, halakhotet aggadot» dit le Midrash Shir ha-shirim Rabba, 5,13). A cela s'ajoutent deux vertus essentielles : le shimmush, à savoir le fait de fréquenter, d'être au service des sages, et la piété. Voir Ginzberg, L., Students, Scholars and Saints, Philadelphie, 1928, pp. 3558 Google Scholar. Urbach, E. E., Hazal, pirkei emunot ve-deot, Jérusalem, 1960 Google Scholar (traduction anglaise : The Sages, their Concepts and Beliefs, Jérusalem, 1975).

6. Ceux qu'on nomme dans les textes yiddish les proste yidn(simples juifs) ou gemeyne layt(gens ordinaires) par opposition aux lettrés. On retrouve une opposition semblable dans le monde chrétien, voir à ce sujet, G. Beck-busse, « Les “femmes” et les “illitterati”; ou la question du latin et de la langue vulgaire », dans La grammaire des dames, W. Ayres-bennett éd., Histoire, Épistémologie, Langage, 1994, 16/11, pp. 77-94.

7. Voir Baumgarten, J., Introduction à la littérature yiddish ancienne, Paris, Le Cerf, 1993.Google Scholar

8. Voir Weinreich, U., « Unilinguisme et multilinguisme », Le langage, Paris, Encyclopédie de la Pléiade, 1968, pp. 647684 Google Scholar. Rabin, H., « Ma meyah'ed ha-leshonot ha-yehudiot ? », Peamim, I, 1979, pp. 4045.Google Scholar

9. Notamment en Europe au Moyen Age entre le latin et les langues romanes, aux Indes entre le sanskrit et les multiples langues indiennes, et les pays islamiques entre l'arabe classique et l'arabe dialectal.

10. Voir E. E. Urbach, op. cit., 1960. Parmi les autres termes, on trouve Tsurva mi-rabbanan, rav, talmidet h'akhamou he-h'akham.

11. Un passage du Talmud de Jérusalem et de Babylone (Horayoth. 3 : 8) témoigne bien de l'importance cardinale du savoir et de l'étude dans la tradition juive : « Si le mamzer(bâtard) est un savant et si le grand prêtre est un ignorant, le savant bâtard passe avant le grand prêtre ignorant ».

12. Yih'usen hébreu qui désigne une descendance noble et légitime. Sur le sens de ce terme, voir Y. Katz, « Mariage et vie conjugale à la fin du Moyen Age », La société juive à travers l'histoire, S. Trigano éd., t. II, pp. 392-399 (traduction de la version en hébreu parue dans la revue Tsion, 10, 1945).

13. La shemikhahse fait, depuis Moïse, par le biais d'une transmission gestuelle, orale et écrite. Dans TB (Talmud de Babylone) Berakhot 47b, il est dit que celui qui écoute les discussions des maîtres, des rabbins, les médite et les mémorise, est considéré comme un savant. Voir Abot 6 : 6.

14. La connaissance des textes saints et des décisions halakhiques. Dans TB Hullin 9a, on énumère, en dehors du savoir, les devoirs religieux qui incombent au sage : l'écriture (tel le sofer, le scribe, qui copie les textes saints), la sheh'itah(l'abattage rituel), la brit(la circoncision), former les noeuds des tefilin, la bénédiction récitée durant la cérémonie de mariage, l'art de nouer les tsitsit.

15. Voir, TB Yoma 72b.

16. L'ignorant (am ha-arets)est celui qui étudie les textes saints, mais sans la fréquentation des disciples des sages. Il ne pratique donc pas le shimmush.Voir TB Berakhot 47b et 7b qui explique : « fréquenter les docteurs de la Loi et se mettre à leur service est encore plus profitable qu'étudier la Loi ».

17. Le TB Gittin 60a parle de l'ordre de préséance pour la lecture de la Torah à la synagogue : après les prêtres, les lévites, viennent les savants qui ont la charge de parnas(administrateur et chef de la communauté). Dans le traité Yoma 72b, il est dit que « les habitants d'une ville doivent assumer les tâches matérielles des sages de leur ville ».

18. Voir Breuer, M., « Les yeshivot dans la société juive traditionnelle », La société juive à travers l'histoire, Trigano, S. éd., vol. II, Paris, 1992, pp. 293350.Google Scholar

19. D. Goodis parle « d'oligolittéralité » pour désigner une société dans laquelle la souveraineté et le pouvoir appartiennent au groupe restreint de ceux qui maîtrisent l'écriture, participent au premier chef à la diffusion et au commentaire de textes sacrés. Voir Goodis, D., La logique de l'écriture : aux origines des sociétés humaines, Paris, 1986 Google Scholar, Ong, W. J., Orality and Literacy, Londres, 1982 Google Scholar, Zumthor, P., Introduction à la poésie orale, Paris, 1983.Google Scholar

20. Littéralement en hébreu « ceux qui comprennent », mais ne sont pas pour autant des initiés ou des savants.

21. Sur la notion de « peu lettrés » ou « semi-alphabétisés », voir l'ouvrage de S. Brancarosoff et Schneider, N., L'écriture des citoyens : une analyse linguistique de l'écriture des peu lettrés pendant la période révolutionnaire, Paris, 1994.Google Scholar

22. Baron, S. W., The Jewish Community, 3 vols, Philadelphie, 1942 Google Scholar, voir l'index.

23. Littéralement : « fixation d'un temps pour la Torah », voir Pollack, H., « Education : Individual and Communal », dans Jewish Folksways in Germanie Lands (1648-1806), Cambridge, 1971, pp. 5085.Google Scholar

24. Voir à ce sujet les Mémoires de Glilckel d'Hameln, Francfort, Édition Kaufmann, 1896, p. 235. Kosman, J., Noheg ha-tson Yosef, Hanau, 1718 Google Scholar, paragr. 35. On trouve ainsi des associations d'étude de la Bible (h'evrat esrim vearba), du Talmud, de la Mishnah (h'evrah mishnah, shas…), des Psaumes (h'evrah tehilim).Voir Baron, S. W., The Jewish Community, Philadelphie, 1942, t. I, pp. 348372 Google Scholar ; Levitats, I., The Jewish Community in Russia, 1772-1844, New York, 1943 Google Scholar, chapitre VI (h'evrah).

25. Voir Wurthheim, E., Der ‘amm ha'arez im Alten testament, Stuttgart, 1936 Google Scholar. Lipzinski, E., « Am », Theologisches Worterbuch zum Alten Testament, t. VI, 1987, pp. 190191.Google Scholar

26. Voir Van Der Ploeg, J., « Le sens de gibbor hail », Revue biblique, 50,1941, pp. 120125 Google Scholar , ibid.: «Les chefs du peuple d'Israël et leurs noms», Revue biblique, 57, 1950, pp. 40-61. Neufeld, E., « The Emergence of a Royal-Urban Society in Ancient Israël », HUCA (Hebrew Union Collège Annual), 31, 1960, pp. 3153.Google Scholar

27. Un verset de Jérémie (2, 18) rend bien compte de la position inférieure des ignorants dans la stratification sociale propre à l'ancien Israël : « devant les rois de Judah (lemalkhei yehudah)et ses princes (lesareyah), devant ses prêtres (lekohaneyah)et le peuple du pays (uleam haarets)». Ce dernier terme, qui désigne d'abord l'ensemble du peuple de Judah, est utilisé, après l'exil, afin de nommer tous les Juifs qui ignorent la loi et ne pratiquent pas les commandements. Voir R. De Vaux, Les institutions de l'Ancien Testament, t. I, Paris, 1989, pp. 111-113.

28. En ce qui concerne cette notion dans le judaïsme antique, voir Schmidt, F., La pensée du Temple, Paris, 1994 Google Scholar. Ce sont notamment les fonctionnaires, le personnel de la cour et du Temple, les prêtres ou les soldats.

29. Voir Baumgarten, J., « Les livres populaires yiddish dans les communautés juives d'Europe », Histoire, Épistémologie, Langage, 12/1, 1990, pp. 5576.CrossRefGoogle Scholar

30. Sur la ruralisation des masses juives en Europe à partir du Moyen Age, voir Caro, G., Sozial-und Wirtschaftsgeschichte der Juden im Mittelalter und der Neuzeit, 2 vols, Leipzig, 1920- 1924 Google Scholar. Concernant le système économique de Yarenda(baux octroyés par les propriétaires terriens aux Juifs) dans les campagnes d'Europe orientale, voir Weinryb, S. B., Neueste Wirtschaftsgeschichte der Juden in Russland und Polen, Breslau, 1934.Google Scholar

31. Contrairement à ce que de nombreux textes affirment, comme Nathan Nata Hannover, Le fond de l'abîme, J. P. Osier éd., Paris, 1981. Nathan Nata Hannover explique, par exemple : « Il n'y avait pas, pour ainsi dire, dans toute la Pologne de famille où l'on n'étudiait pas la Torah, que ce fût le chef de famille en personne, son fils ou son gendre ou un étudiant de ses commensaux et parfois tous ensemble dans une même maisonnée » (p. 119).

32. Il faut y voir une allusion au verset Deut, 22,10 : « Tu ne laboureras pas avec un boeuf et un âne ensemble ». Le boeuf est l'allégorie des clercs et des lettrés, alors que l'âne est le symbole du peuple inculte des ignorants. Voir aussi le verset de Job 1,14 : « les boeufs étaient en train de labourer et les ânes paissaient à leurs côtés ». L'ânesse de Balaam est symbole de simplicité et de rudesse. Ces citations spécifient bien l'obligation de ne pas mélanger le sage et l'ignorant. Voir à ce sujet TB Berakhot 43b.

33. C'est un des thèmes du traité post-talmudique Derekh Erets Zutaqui insiste sur l'étiquette, la civilité et les convenances.

34. Au plus bas de la hiérarchie sociale se trouve le mamzer, l'enfant issu de toutes les unions sanctionnées par un commandement négatif. Voir Touati, C., « Le mamzer, la zona et le statut des enfants d'un mariage mixte en droit rabbinique : étude d'un développement historique », Les Juifs au regard de l'histoire : mélanges B. Blumenkranz, G. Dahan éd., Paris, 1985, pp. 3747.Google Scholar

35. Sans compter la prohibition des inter-mariages. Dans TB Pesahim 49a-b, on lit : « Le talmid h'akham, qu'il n'épouse pas la fille d'un ignorant, car à sa mort ou s'il doit s'exiler, ses enfants seront des ignorants ». C'est que, du fait de leur ignorance, ils seront sans résistance face aux mirages du paganisme et aux séductions de l'idolâtrie. Le TB Berakhot 43b explique, par exemple, que le sage ne doit pas prendre son repas en compagnie d'un ignorant, car il peut être conduit à suivre sa mauvaise voie.

36. Voir, entre autres, Glatzer, N. N., Hillel the Elder : The Emergence of Classical Judaism, Washington, 1956.Google Scholar

37. Cet aspect est visible dans certains responsarabbiniques condamnant la multiplication des livres en langue yiddish auprès du peuple. Ainsi, Jacob ben Moshe Molin, le Maharil, s'étonne auprès d'un rabbin qu'on puisse écrire des traités halakhiques en langue yiddish (loshn ashkenaz)qui peuvent inciter les « ignorants » à discuter les pratiques ou à inventer des règles légales. Voir Assaf, S., « Zutot : teshuvah neged h'ibur sifrei dinim be-yidish », Kyriat sepher, 20, 1943, pp. 4142 Google Scholar. Satz, Y., She'elot uteshuvot Maharil ha-h'adashot, Jérusalem, 1977, pp. 9294.Google Scholar

38. Ce que désignent les termes hébreux shorashim, ikkarim, ikkarei ha-emunahou yesodot(racines, fondements ou principes de base). Maïmonide énonce treize articles de foi dans son commentaire de la Mishna (Sanhédrin 10) qui deviennent les critères fondamentaux de l'orthodoxie et de l'appartenance à la communauté d'Israël. Le pécheur est notamment celui qui dénie un de ces principes de la foi juive (kafar be-ikkar).Il est dénommé un hérétique (minou apikoros, mot qui dérive du terme grec « épicurien »). Les articles de foi de Maïmonide apparaissent dans la Haggadah de Venise (1566) et dans le rituel de prières ashkénaze. Ils sont repris dans l'hymne religieux (piyut) Yigdal(13e-14c siècles) récité selon la coutume ashkénaze au début du service du matin (shah'arit).Ces textes ou poèmes liturgiques figurent dans les rituels bilingues hébreu-yiddish édités notamment à Amsterdam au 17e siècle et sont commentés dans les livres de morale en langue yiddish (muser sforim).Voir Neumark, D., Toledot ha-ikkarim be-Israel, 2 vols, Odessa, 1913 Google Scholar ; ibid., The Principles of Judaism in Historical Outline, New York, 1920.

39. Elie Delmédigo dans son Beh'inat ha-daat(1496) différencie, d'un côté, les dogmes fondamentaux (shorashim)qui sont acceptés sans interprétation ni commentaires aussi bien par les philosophes que par les simples Juifs, et de l'autre, les anafim(ramifications) que la masse desJuifs doit accepter, alors que les philosophes sont tenus d'en approfondir le sens. Voir Delmédigo, E., Les fondements de la religion, Hayoun, M. R. éd., Paris, 1992, pp. 5556 Google Scholar, 66, 72.

40. L'édition de la Bible en yiddish parue à Crémone en 1560 comprend les commentaires de la Torah de Rachi abrégés et traduits en yiddish par Judah ben Mohe Naphtali. Une deuxième édition de cette traduction est parue à Bâle en 1583.

41. Les livres de prières sont généralement bilingues, hébreu-yiddish, notamment le Birkat ha-mazon(actions de grâce), les Haggadotde Pesah(la pâque juive), les Mah'zorim(rituels des fêtes) et les Siddurim(rituels journaliers). Il existe toutefois des livres de prières en yiddish seul, comme, entre autres, le kerovetz(rituel de prières des fêtes) ou le siddurtraduit par Joseph bar Yakar paru à Ichenhausen en 1544. Les Teh'ines(prières de supplication) constituent des exemples originaux de textes liturgiques juifs en langue vulgaire, soit édités dans des siddurim, soit rassemblés dans des recueils isolés. Sur l'étendue de cette littérature liturgique en langue vernaculaire, voir Lutzki, M., Catalogue of Yiddish Printed Books until the Year 1800 held in the Bodleian Library, Oxford, and in the British Library, London, New York, 1954 Google Scholar. Dans cette bibliographie, M. Lutzky recense environ 250 ouvrages liturgiques en yiddish.

42. C'est notamment le sens du terme h'ibburou tsuzatsen yiddish, à savoir les interprétations, ajouts, commentaires liés à la compréhension et l'explicitation des versets bibliques. Certains textes en yiddish ancien, dont la Tsenerene(Hanau, 1622), répercutent dans le corps même du texte les modalités d'enseignement du texte révélé par le maître à son élève : à la traduction littérale de verset saint succède une multitude de commentaires, légendes aggadiques, considérations sur les commandements, les coutumes et les pratiques juives associés directement au verset biblique explicité. Voir aussi, entre autres, le Sefer ha-maggid(Lublin, 1623-1627), commentaires des Prophètes et des Hagiographes, qui est fondé sur la même structure textuelle.

43. Sur le Midrach voir, entre autres, Banon, D., La lecture infinie : les voies de l'interprétation midrachique, Paris, 1987 Google Scholar. Taradach, M., Le Midrach, Genève, 1991.Google Scholar

44. Il pouvait exister des h'edarimavancés dont le fonctionnement dépendait des dons des parents ou des tuteurs privés qui enseignaient dans les familles, notamment aux Juifs qui habitaient dans des villages éloignés des réseaux d'enseignement propres aux communautés juives urbaines.

45. Voir Goody, J., De l'oralité à l'écriture, Paris, 1995.Google Scholar

46. Comme ce fut le cas au 19e siècle où la méthode philologique aboutit à une fétichisation et sacralisation de l'écrit. Voir Pfeiffer, R., History of Classical Scholarhip from 1300 to 1850, Oxford, 1976.Google Scholar

47. Voir à ce sujet, Mann, J., The Bible as Read and Preached in the Old Synagogue, vol. I, Cincinnati, 1940 Google Scholar. J. Mann et I. Sonne, ibid., vol. II, Cincinnati, 1966. Perrot, C., La lecture de la Bible dans la synagogue, Hildesheim, 1973 Google Scholar. Hruby, K., « La place des lectures bibliques et de la prédication dans la liturgie synagogale ancienne », La parole dans la liturgie, Paris, 1970, pp. 2364.Google Scholar

48. Ce que P. Zumthor appelle « les indices ou présomptions d'oralité ». Ailleurs il explique : « Il nous arrive souvent de percevoir dans le texte la rumeur, éclatante ou confuse, d'un discours parlant de la voix même qui le porte […]. Par indice d'oralité, j'entends tout ce qui, à l'intérieur d'un texte, nous renseigne sur l'intervention de la voix humaine dans sa publication ». (P. Zumthor, op. cit., 1987, p. 37). Les registres de communautés (pinkasim), les correspondances ou les Verbatimou actes du tribunal rabbinique en fournissent des illustrations probantes.

49. Voir Noble, S., Humesh-taytsh, New York, 1943.Google Scholar

50. Les traductions de la Bible en araméen, Voir Le Déaut, R., Introduction à la littérature targumique, Rome, 1966.Google Scholar

51. Concernant les traductions en yiddish, voir Leibowitz, N., « Die Ûbersetzungstechnik der judisch-deutschen Bibelùbersetzungen des XV. und XVI. Jahrhunderts dargestellt an den Psalmen », Beitràge zur Geschichte der deutschen Sprache und Literatur, 55, 1931, pp. 377463 Google Scholar. Leitzmann, A. et Staerck, W., Die judisch-deutschen Bibelùbersetzungen von den Anfàngen bis zum Ausgang des 18. Jahrhunderts, Francfort-sur-le-Main, 1923.Google Scholar

52. Ces textes n'ont été envisagés que comme supports écrits, alors qu'ils supposent une part d'oralité. Voir Noble, S., « Yiddish Lexicography », Jewish Book Annual, 19, 1961, pp. 1722.Google Scholar

53. Voir Timm, E., « Zur Frage der Echtheit von Raschis jiddischen Glossen », Beitràge zur Geschichte der deutschen Sprache und Literatur, 105, 1985, pp. 4581 Google Scholar. Sur les gloses rabbiniquesen langue vulgaire, voir notamment Banitt, M., « La langue vernaculaire dans les commentaires de Rachi », Rachi 1040-1990, Paris, 1993, pp. 411418.Google Scholar

54. Entre autres textes, voir le Shmous devorim(Isny, 1541) d'Elie Bahur Lévita, nomenclature thématique en allemand, latin, hébreu et yiddish éditée par l'hébraïsant protestant Paulus Fagius et destiné aux étudiants des facultés de théologie protestante d'Allemagne. Citons également le Safah berurahde Nathan Nata Hannover (Prague, 1660, Amsterdam 1701), lexique thématique hébreu, yiddish, français, italien.

55. Voir à ce sujet A. Leitzmann et W. Staerck, op. cit., Francfort-sur-le-Main, 1923, pp. 1-60 et 80-113.

56. On trouve trace de ces procédures d'enseignement oral dans de nombreux textes de la littérature yiddish ancienne, comme, entre autres, dans la concordance biblique bilingue hébreu/ yiddish le Mirkeves ha-mishne(Cracovie, 1534). L'auteur explique : « Les mots en yiddish que l'on trouve dans cet ouvrage sont ceux que j'ai reçus de mon maître, que sa mémoire soit bénie ». Allusion à la passation orale/écrite des règles de déchiffrement, apprentissage, compréhension et interprétation du texte biblique qui s'est faite du maître à son élève. Voir également le Béer Moshe(Prague, 1605) et le Lekah’ tov(Prague, 1604) de Moses Saertels, concordance bilingue hébreu-yiddish du Pentateuque, des Megilot, Prophètes et Hagiographes.

57. Ou bien alors, dans les commentaires, les rabbins, pour expliciter des notions ou idées difficiles, se servent de la langue vulgaire. Sur la problématique des laazimdans la culture juive traditionnelle médiévale, voir Baumgarten, J., « La question du “judéo-français” vue par les philologues allemands et français (xixe-xxe siècles) », Philologiques I, M. Espagne et M. Werner éds, Paris, 1990, pp. 393412.Google Scholar

58. Parmi les principales éditions du Taytsh-Humesh, citons : Augsbourg, 1543, Constance, 1544, Prague, 1610, Francfort, 1687 et Hanau, 1617. Deux Bibles complètes ont été éditées à Amsterdam en 1679 par Yekutiel Blitz et en 1687 par Yoseph Witzenhausen.

59. Les ouvrages les plus célèbres de cette tradition des versions versifiées de la Bible sont le Shmuel bukhet le Melokhim bukh(Augsbourg, 1544), chansons de geste en yiddish fondées sur les poèmes épiques germaniques médiévaux. Voir Baumgarten, Jean, « Une chanson de geste en yiddish ancien : le Shmuel bukh (Augsbourg, 1544) », Revue de la Bibliothèque nationale, 13, 1985, pp. 2438.Google Scholar

60. Voir à ce sujet l'édition de la Bible en yiddish augmentée des commentaires de Rachi en langue vulgaire parue à Crémone en 1560. A Ferrare paraîtra la Bible en judéo-espagnol (1553). Voir Vidal Sephiha, H., Le ladino : judéo-espagnol calque, Paris, 1973.Google Scholar

61. On trouve un phénomène équivalent dans la tradition du sharh(les traductions littérales de la Bible en judéo-arabe), voir Bar-asher, M., La composante hébraïque du judéo-arabe algérien, Jérusalem, 1992.Google Scholar

62. Il s'agit du passage : « Le Cantique des cantiques qui est de Salomon / Qu'il me baise des baisers de sa bouche !… / Tes caresses sont meilleures que le vin, / Tes parfums sont agréables à respirer, ton nom est une huile qui s'épand, / C'est pourquoi les jeunes filles t'aiment / Entraînemoi, nous courrons après toi !… / Quand le roi m'aura introduite dans ses appartements, / nous exulterons et nous réjouirons grâce à toi, / nous évoquerons tes caresses meilleures que le vin. / C'est avec raison qu'on t'aime ». Traduction d' Dhorme, E., La Bible, Paris, Gallimard, « La Pléiade », 1959, p. 1447.Google Scholar

63. Le Cantique des cantiques est interprété comme une allégorie sur les liens d'amour qui unissent Dieu et le peuple d'Israël. Voir à ce sujet le Midrach Shir ha-shirim Rabba.

64. Édité à Hanau en 1622. Ce livre a connu plus de deux cents rééditions depuis sa parution au 17e siècle. Voir Jacob ben Isaac Ashkenazi De Janov, Le commentaire sur la Torah : Tseenah ureenah, Jean Baumgarten éd., Paris, 1987.

65. Ce type de transmission orale est propre à de nombreuses cultures religieuses traditionnelles. On en trouve des multiples témoignages dans la Bible juive. Citons, entre autres, Deut., 1: 5 « Moïse commença à expliquer la Torah ». Expression hébraïque qui vient du verbe baer, « rendre compréhensible », « expliciter ». Moïse se trouve en présence du Mal Israëlet il transmet, explique oralement, devant l'assistance des fidèles, le sens de la Torah ou plutôt du passage de la Bible lu durant l'office divin. Dans Deut., 31:11, on lit : « Quand tout Israël viendra se présenter devant l'Éternel, ton Dieu, dans le lieu qu'il choisira, tu liras (tikra)cette loi devant tout Israël, en leur présence ». Littéralement : behozneihem« dans leurs oreilles », qui indique bien le caractère oral de la transmission des énoncés révélés et de la loi juive. D'autres témoignages se trouvent, bien sûr, dans le Talmud, comme, entre autres, la Michna Eduyot. 8: 7. : « Rabbi Josua dit : J'ai reçu cette tradition de Rabban Jonathan ben Zakkai qui l'avait entendu de son maître, et son maître de son maître, telle une halakhahdonnée à Moïse au Mont Sinaï ». Là encore intervient d'une manière suggestive le thème récurrent de la chaîne de transmission orale ou écrite (shalshelet ha-kabbalah)qui fonde l'actualité et la pérennité de la tradition juive. C'est l'existence de cette chaîne ininterrompue de générations en générations qui assure la survie d'Israël. Rompre cette chaîne, c'est mettre en péril l'existence du peuple juif.

66. Voir Sapperstein, M., Jewish Preaching (1200-1800) : An Anthology, New Haven- Londres, 1988.Google Scholar

67. Nous respectons toutes les pauses dans le texte, la ponctuation et les espaces ou signes typographiques (caractères rabbiniques carrés, écriture cursive — waybertaytshou tsenerene ksav—, parenthèses, doubles points….). Dans le texte imprimé, on ne trouve aucune virgule. Sur l'histoire de la cursive ashkénaze, écriture spécifique des livres yiddish, voir Zafren, H. C., « Variety of Yiddish Typography », HUCA, 1982, pp. 137163.Google Scholar

68. Le Yalkut Shimeoniest une anthologie de commentaires midrachiques de la Bible juive datant du Moyen Age (13e siècle).

69. Commentaire fondé sur TB Sanhédrin 20b, TB Gittin 68b.

70. Voir Shir ha-shirim Rabba, 1:1.

71. Voir Pirkei de Rabbi Eliezer 8 et Midrash Bereshit Rabba 6 : 1, 3-4.

72. Traduction littérale : « (Chant des chants) il écrit le (yalkut)toutes les actions du roi Shloyme sont séparées en trois : il dit rabbi Yuda Shloyme était d'abord un roi et ensuite Asmeday l'a précipité très loin de son royaume où on ne le connaissait pas et il devint un mendiant : et ensuite il revint dans son royaume : « Et Rabbi Honia dit il était d'abord un roi et Asmeday l'a jeté loin de son royaume il resta un mendiant et il ne revint pas tout de suite dans son royaume : trois noms portaient Shloyme yedidie koheles shloyme :il a fait trois livres seyfer mishleiet shir hashirimet koheles: (qui de shloyme) au Saint, béni soit-Il est la paix il fait la paix car le soleil et la lune et les étoiles parcourent le ciel et aucun ne cause de tort à l'autre et la même chose avec la pluie et la grêle qui sont de l'eau et le tonnerre et la foudre qui sont du feu et ils vont dans le monde ensemble et l'eau n'éteint pas la foudre et le tonnerre : (qu'il me baise) il écrit le (yalkut)il dit rabbi Yohanen un ange alla sur le mont Sinaï où on donna la Torah là le Saint béni soit-il a dit (Je suis Adonai ton Dieu) cet ange alla voir quelques hommes d'Israël et il leur dit respectez ce que le saint béni soit-Il a dit et ainsi est le sens de ce que Dieu a dit (Je suis ton Dieu) tu dois bien comprendre ce que Dieu a voulu avec ces paroles alors Israël répondit je comprendrai parfaitement et je respecterai tout ce que Dieu ordonnera aussitôt l'ange embrassera les hommes d'Israël ».

73. Ou la lectrice puisque la littérature yiddish ancienne, et tout particulièrement la Tsenerene, s'adressait aux femmes juives : à oneg shabbat, durant le repos du samedi, propice aux lectures pieuses, l'homme pouvait étudier une page de la Guemara, alors que la femme, elle, lisait seule, écoutait ou se faisait lire un passage de la Tsenerene, correspondant à la parashah, la lection biblique lue à la synagogue durant l'office.

74. Dans l'édition de Crémone (1560), le traducteur explique bien à quel public s'adressent ces traductions de la Bible en langue yiddish : « […] afin que toute personne qui a un peu d'intelligence et de savoir puisse lire facilement ce livre saint en le posant à côté d'une Tanakh(Bible juive) […] afin que chaque maître de maison qui ne sait lire que le taytch(yiddish) puisse enseigner et faire étudier lui même à son enfant le Pentateuque […] afin que les maîtres d'école (melamedim)ordinaires puissent enseigner facilement aux enfants. Ce livre est également bon pour les femmes et les jeunes filles qui ne peuvent lire convenablement que le taytsh[…]. Les femmes, enfin, qui se trouvent à la synagogue et qui écoutent le chantre lire la section de la Bible durant l'office, pourront suivre la parashah, plus la haftarah, dans ce livre […] ».

75. Dans le traité Sotah du Talmud 9,15, on parle des homélies de R. Meïr en disant qu'elles contenaient un tiers de halakhah, un tiers de haggadahet un tiers de paraboles. Ce passage rend compte de l'équilibre qui était visé par les prédicateurs (darshanim)dans leurs sermons.

76. Comme par exemple : er shraybt, er zogt, zi zogn, yesh omerim…

77. On appelle ce procédé qui consiste à mettre bout à bout des fragments puisés dans la littérature rabbinique h'aruz, « enfilade », puisqu'il s'agit « d'enfiler » des passages bibliques ou des commentaires, exactement comme on enfile les perles d'un collier.

78. Dans ce cas, elle représente souvent l'équivalent de la formule classique en hébreu au début d'un verset du type « et il dit », vayomer…

79. Comme le dit B. Cerquiglini : « La représentation du discours est une mise en forme de la parole ». Voir Cerquiglini, B., La parole médiévale, Paris, 1981, p. 78.Google Scholar

80. Dans les manuscrits, on ne trouve généralement que le point et le double point. Le premier peut servir à séparer les vers, voire les strophes. Il apparaît très rarement pour indiquer la fin d'une phrase. Il peut également avoir la fonction d'une virgule. Il indique le plus souvent une scansion rythmique, une pause dans la lecture. Les deux points servent, la plupart du temps, à séparer les strophes. En ce qui concerne l'usage de la ponctuation, il n'y a pas de différence entre les manuscrits germaniques médiévaux et les manuscrits juifs de la même époque. Voir Moser, V., Fruhneuhochdeutsche Grammatik, 1.1, série 2, Heidelberg, 1929, p. 5 Google Scholar ; Steinschneider, M., « Vorlesungen iiber die Kunde hebraïscher Handschriften », Beiheft zum Zentralblatt fiir Bibliothekswesen, XIX, Leipzig, 1897, p. 16.Google Scholar

81. Voir par exemple Stiennon, J., Paléographie du Moyen Age, Paris, 1991, pp. 133134 Google Scholar : « La ponctuation est restée flottante pendant tout le Moyen Age, à tel point qu'on peut parler d'incohérence. Mais il convient de rappeler que la ponctuation médiévale servait surtout à mettre en évidence les éléments rythmiques de la période ».

82. On retrouve ce principe dans la massorah, dans les manuscrits hébraïques qui comprennent des abréviations ou intermittences (sirugim/gin).Seuls les premiers mots du verset sont écrits. Les mots importants ou ceux qui posent problème sont indiqués par les initiales ou quelques lettres avec les signes diacritiques et les marques d'accentuation permettant la prononciation correcte. Ces signes mnémotechniques servent d'aide pour le lecteur qui connaît le texte par coeur : ils permettent de se remémorer le verset et de pouvoir le réciter en entier. Le signe graphique est, dans ce cas, un déclencheur, embrayeur de la parole. Voir Dotan, A., « Massorah », Encyclopedia Judàica, t. 16, Jérusalem, 1971, col. 14091414.Google Scholar

83. C'est sans doute pour cela que M. Erik, dans son histoire de la littérature yiddish ancienne, parle de Jakob ben Isaac Ashkenazi de Janow, l'auteur de la Tsenerene, comme du « Luther juif ». Cet ouvrage eut en effet un rôle similaire à celui joué par la traduction de la Bible en langue allemande en milieu protestant. Il consacre une rupture fondatrice dans les pratiques de lecture du texte révélé en monde juif, en même temps qu'il joue un rôle novateur et expérimental dans l'émergence de la langue yiddish moderne et qu'il fait figure de « monument linguistique national ». Voir Erik, M., Di geshikhte fun der yidisher literatur, New York, 1979, pp. 222230.Google Scholar

84. Nous excluons de notre analyse la tradition « profane » de la littérature yiddish ancienne. Voir à ce sujet, J. Baumgarten, op. cit., 1993, pp. 362-401.

85. Dans la préface de l'ouvrage de morale Simh'as ha-néfesh(Francfort, 1707), on lit par exemple : « Un lamdan(savant) peut tout lire en langue sainte et connaître l'éthique et les lois. Dans une communauté où se trouvent des lettrés, les simples gens (gemeyne layt)peuvent aller leur poser des questions. Mais dans de nombreux endroits où ne vit aucun savant, on ne peut interroger personne. Beaucoup de gens ne comprennent pas l'hébreu. Un grand nombre de Juifs souhaiteraient sincèrement servir Dieu, mais ils ignorent comment le faire […]. Voilà la raison pour laquelle j'ai arrangé ces règles morales et châtiments en langue yiddish ». Dans l'introduction de l'ouvrage Sheh'ites ubedikes(Amsterdam, 1667), on lit : « Certaines personnes aspirent à devenir abatteur rituel. Ils pensent qu'il suffit d'obtenir l'autorisation rabbinique (kabole).Mais tout le monde sait qu'on est souvent contraint de courir un peu partout pour gagner sa subsistance. De plus, la langue sainte est beaucoup trop difficile. Aussi, finit-on par l'oublier. Il arrive, enfin, que, très souvent, les gens manquent de viande pour le repas. C'est la raison pour laquelle il faut acheter ce livre […]. Vous ne serez plus obligés de vous précipiter chez le rabbin. Les lois y sont joliment traduites en yiddish ».

86. Voir Katz, Y., Exclusion et tolérance : chrétiens et juifs du Moyen Age à l'ère des Lumières, Paris, 1987.Google Scholar

87. Litt. : « la voie du monde ». Une maxime des Pirké avotdonne bien le sens du terme derekh eretz :« yofe Talmud Torah im derekh eretz » (Il est beau d'étudier la Torah conjointement à l'exercice d'un métier et au respect des lois sociales et des usages du monde).

88. Voici, à titre d'exemple, quelques titres de chapitres : « ce chapitre montre la différence entre la femme vertueuse et la femme impie », « ce que l'épouse vertueuse est tenue de faire pour son mari », « quels préceptes divins la femme doit respecter », « comment la femme doit tenir sa maison », « ce chapitre indique que toute femme doit être modeste », « comment elle doit se tenir à la synagogue », « comment elle doit éduquer ses enfants », « la femme ne doit pas pratiquer la magie », « elle doit assister les malades et prodiguer la charité ».

89. Les muser sforimpossèdent de nombreuses similitudes avec les livres de civilité de la tradition chrétienne. Voir Chartier, R., « Distinction et divulgation : la civilité et les livres », Lectures et lecteurs dans la France de l'Ancien Régime, Paris, 1987, pp. 4586.Google Scholar

90. Expression de P. Ariès dans sa préface de Érasme, De la civilité puérile, Paris, 1977, pp. vn-xix.

91. Voir à sujet, Ce, Casagrande, C. et Vecchio, S., Les péchés de la langue : discipline et éthique de la parole dans la culture médiévale, préface de J. Le Goff, Paris, 1991.Google Scholar

92. Dans la préface du Seyder noshim(Prague, 1626), on dit, par exemple, que les femmes, lorsqu'elles hésitent en ce qui concerne le respect d'un commandement, doivent aller interroger un rabbin, un savant (lerner)ou leur époux. Mais beaucoup ne peuvent le faire : « Dans beaucoup de lieux, dans lesquels n'habite aucun rabbin, on ne peut chercher et trouver les règles (dinim).On ne peut avoir recours, en toutes occasions, à un rabbin qui puisse expliquer une règle et ainsi, on est conduit à commettre une grave faute […]. Car les femmes sont aussi responsables que les hommes de connaître et d'étudier les devoirs religieux (mitsves)du mieux qu'elles le peuvent ». Dans l'édition du mitsves noshimde 1552 (paragraphe I), on lit également : « Elle doit aussi questionner son mari au sujet de tous les autres commandements que Dieu nous a donnés. Matin et soir. Comment elle doit pratiquer ces commandements. Cela plaît au Saint, béni soit-Il ».

93. Cette question est développée dans l'article de Bonfil, R., « The Historians Perception of the Jews in the Italian Renaissance : Towards a Reappraisal », Revue des Études juives, 1984, 143, pp. 5982 Google Scholar. L'auteur cite un passage de l'article de Duschinsky, C., « May a Woman be a Shohehet ? », Occident and Orient : Gaster Anniversary Volume, Londres, 1936, p. 102 Google Scholar : « La chaleur en Italie en été est très grande et les classes aisées envoyaient leurs familles dans les régions montagneuses plus fraîches, alors que les hommes restaient dans les grandes villes. Ce n'était pas toujours possible d'envoyer de la viande ou des volailles à la campagne et, de plus, cela était risqué en raison de la chaleur. Pour cette raison, c'était la coutume dès le xvie siècle […] qu'une des filles de la maisonnée apprenne les lois et obtienne l'autorisation, principalement pour l'abattage rituel (sheh'itah)de la volaille ». R. Bonfil, récusant les opinions d'historiens de la Renaissance, dont C. Roth, ne voit pas, dans l'obtention de cette kabbalah(autorisation rabbinique), le signe d'une « émancipation de la femme », mais la réponse à une demande pratique liée à un problème concret rencontré dans la vie quotidienne de certains Juifs.

94. Ces livres s'adressent essentiellement aux femmes juives vivant dans des hameaux isolés, aux jeunes mariées, ou aux veuves qui, selon les termes de la préface, doivent le « parcourir (oysleyen)chaque mois ». L'auteur explique également que ce livre s'adresse au mari qui doit le lire pour guider son épouse lorsqu'elle ne sait pas lire. Ainsi « la femme n'a pas besoin de demander l'aide d'un rabbin. D'autres fois, elle ne respecte pas bien un commandement, elle a honte de demander à un rabbin ou bien elle accomplit un acte qui n'est pas pur (koysher).Si elle a connaissance de ce qui se trouve dans ce livre, tout deviendra plus simple et facile ». Ailleurs, l'auteur déclare : « On ne peut pas tout écrire pour les femmes, car il y aurait beaucoup trop de choses à dire. Même si on ne ménage pas sa peine pour tout présenter, cela serait trop difficile […]. Aussi, je leur donne ce conseil : elles doivent bien retenir ce qu'enseigne le rabbin ; chaque femme doit lui poser des questions sur la façon correcte de se conduire. Si elles ont honte, elles peuvent demander à leur époux de questionner le rabbin. On peut également poser la question par l'intermédiaire d'une autre femme […] ». Dans un autre passage, il est dit qu'une femme doit interroger un érudit (lerner)et ensuite enseigner à d'autres femmes tout ce qu'elle a appris. Quant à la lecture de ce type d'ouvrage, il est dit : « Aussi, chère soeur, retiens bien ce que j'ai écrit et ne crois pas que cela est composé comme d'autres livres yiddish (taytsh bikherjque l'on a imaginés dans le seul but de distraire […]. Aussi, fais bien attention de lire ce petit livre au moins une fois par mois et ne dis pas : « je l'ai déjà lu ». Crois-moi, c'est meilleur pour ton corps et ton âme que de lire tous les autres livres yiddish ou les ouvrages édifiants (strafbikher)qui existent au monde […]. Si ton époux n'est pas un érudit (lerner), fais en sorte qu'il le lise autant que tu le fais toi-même. Lis le souvent et ne te laisse pas rebuter par la tâche ».

95. On désigne ainsi les trois commandements essentiels des femmes juives : niddah(l'impureté rituelle), h'allah(le prélèvement de la pâte) et hadlakat haner(l'allumage des bougies du shabbat). Le Midrash Genèse Rabba(18, 8) lie ces trois préceptes au péché originel.

96. Les plus célèbres codifications légales sont le Mishneh Torahde Maïmonide (12e siècle), le Arba'ah turimde Yaakov ben Asher (14e siècle) et le Shulh'an arukhde Yosef Karo et Moïse Isserles (16° siècle).

97. Citons également l'abrégé du code halakhique Kitsur shulh'an arukh.Cette littérature halakhique en langue vulgaire éveilla la suspicion des rabbins, hostiles à l'idée de populariser la législation juive en yiddish et de voir le peuple s'arroger des pouvoirs décisionnaires. Elle fut frappée par diverses interdictions. A Vilna, au 18e siècle, on brûla publiquement ce livre parce que « les masses, et tout particulièrement les femmes, se mirent à prendre des décisions légales de leur propre initiative ». A la même époque paraissait à Shklov une édition du Simh'as hanéfeshexpurgée de la partie consacrée aux lois.

98. Dans l'édition de Cracovie, 1535, l'auteur David Cohen dit s'être inspiré de deux traités en hébreu, l'un de Judah Minz et l'autre de Samuel de Worms.

99. Notamment les manuscrits de Cambridge (1504), Oxford (1553) et Parme (1575). Sur les éditions manuscrites et imprimées de cet ouvrage, voir Romer-segal, A., « Yiddish Works on Women's Commandements in the Sixteenth Century », Studies in Yiddish Literature and Folklore, Jérusalem, 1986, pp. 3457.Google Scholar

100. La plus ancienne édition Azhoras noshimde David Cohen parut à Cracovie en 1535. Citons également le Mitsves hanoshimde Venise 1552 et l'édition de Benjamin Aaron Slonik parue à Cracovie (s. d., 1585, 1595 et Bâle, 1602). La dernière édition parut à Dessau en 1699.

101. Le pakhntreger(colporteur ou « porte-balles ») ou moykher sforim(libraire) qui sillonnaient les communautés juives d'Europe. On peut établir de nombreux parallèles avec les colporteurs dans la société chrétienne. Voir à ce sujet, Fontaine, L., Histoire du colportage en Europe (xv'-xviw siècles), Paris, 1993.Google Scholar

102. L'édition de Benjamin Aaron Slonik fut traduite en italien en 1614 et publiée à Padoue en 1625. Dans sa préface, le traducteur explique : « Les filles d'Israël tireront un grand profit de la lecture de ces choses saintes qui traitent du culte divin. Cela les détournera des ouvrages d'Arioste et de Boccace, dont le contenu n'est que lascivité et vanité ». Voir Guetta, A., « Les Juifs ashkénazes en Italie : une page d'histoire brève mais importante », Mille ans de cultures ashkénazes, Paris, 1994, pp. 7475.Google Scholar

103. La littérature halakhique comprend des interprétations ou exégèses de textes saints, par exemple, entre autres, le Lévitique, la législation rabbinique, codifiée notamment dans la Mishnah puis le Talmud, qui se divise en décrets (gezerot), ordonnances légales (takkanot, she'elot uteshuvotou Shut)et coutumes (minhagim).Voir notamment Elon, M., Mispat ha-ivri, 3 vols, Jérusalem, 1973 Google Scholar, Graboïs, A., Les sources hébraïques médiévales, t. I, Turnhout, 1987, pp. 6096.Google Scholar

104. Dans le Sefer derekh ha-yashar la-olam ha-ba(Francfort-sur-le-Main, 1704), l'auteur déplore, entre autres, dans sa préface que, dans les petites communautés (yeshuvim), les Juifs méconnaissent les pratiques et que chacun finisse par respecter les usages selon son bon vouloir. A cela s'ajoute la fragmentation des coutumes selon les aires culturelles, régionales ou les traditions communautaires (minhagim ha-makomou minhag ha-medinah).

105. La première édition imprimée parut à Venise en 1589 éditée par Simon ben Yehuda Lévi Ginzburg. Des éditions parurent dans les principaux centres d'impression juifs en Europe (Italie, Allemagne, Prague, Bâle, Amsterdam).

106. Voir à ce sujet, Abramsky, S., « The Crisis of Authority within European Jewry in the Eighteenth Century », Studies in Jewish Religion and Intellectual History Presented to Alexander Altmann, Stein, S. et Loewe, R., Alabama, 1979, pp. 1328.Google Scholar