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Feux, population et structure sociale au milieu du xve siècle : L'exemple de Carpentras

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

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Lé 80 août 1478 parvenaient au Conseil de ville de Carpentras des instructions du recteur pontifical du Comtat Venaissin : vu la rareté des blés, l'ordre était donné de faire faire la visite des céréales disponibles et de s'enquérir du nombre des personnes à nourrir. Aussitôt des représentants du Magistrat se mettent en quête : on les voit frapper de porte en porte, s'informer du nombre d'habitants en chaque famille, recenser les réserves domestiques de blé, d'épeautre, de seigle, d'orge, de méteil ou consegalh. La « communauté des Juifs », de son côté, fait procéder à la même enquête le 6 septembre par son baylon et deux de ses membres. L'état qui est dressé très vite, en une semaine, nous a été conservé par hasard : nous l'avons retrouvé comme pièce justificative, glissé sous le repli de la couverture en parchemin du registre annuel des comptes municipaux.

Type
Études
Copyright
Copyright © Copyright © École des hautes études en sciences sociales Paris 1959

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References

1. Arch. comm. de Carpentras (déposées à la Bibliothèque municipale), BB 90, f° 72.

2. Ibid., BB 90, pièces justificatives.

1. En raison même des dissimulations possibles, nous ne voudrions pas, à partir de ce recensement, essayer de déterminer en quelles mains le grain était amassé, sa répartition selon les divers milieux sociaux, le nombre de setiers disponibles par familles et par individus, etc. Une telle étude, qui devrait être complétée par d'autres documents, n'a pas sa place ici. Mais il convient cependant d'attirer l'attention sur le fait qu'à peu près la moitié des foyers possédaient des réserves de grains. Le montant des déclarations est extrêmement variable : de 1 à 10 setiers en général, mais parfois jusqu'à 40, 60 et même 80. On peut aussi noter que le pourcentage des foyers possédant des réserves de céréales est plus élevé chez les Juifs que chez les chrétiens : 244 feux chrétiens (soit un peu moins de la moitié) pour 47 feux juifs (soit les deux tiers) ; de plus, la quantité de grains détenue par les juifs est en moyenne bien plus considérable : 15 setiers de froment par feu, contre 9 pour les chrétiens. Peut-être y eut-il moindre tentative de dissimulation chez des gens qui étaient moins assurés de l'impunité en cas de découverte. Mais c'est sans doute aussi (d'autres documents nous le confirment) que les Juifs de Carpentras — comme ceux d'autres villes du Comtat et de la Provence — s'occupaient très activement du commerce des céréales et étaient en relations étroites avec les paysans de la région : prêts, achats anticipés de récoltes, etc. ; et Carpentras était un des plus importants marchés agricoles du Midi.

2. M. Maurice-A. Ahnould, dans son très beau livre récent sur Les dénombrements de feux en Hainaut (Académie royale de Belgique, Commission royale d'Histoire, 1956) le déplorait ; et J. Cuvelier, dans son volume classique sur Les dénombrements de foyers en Brabant (même collection, 1912) le regrettait aussi (p. LXIX) : « Nous ne possédons aucun document qui nous fasse connaître exactement le nombre des habitants d'une commune brabançonne au xve ni même dans la première moitié du xvie siècle. » Comme l'a écrit J. Beloch, « Die Bevôlkerung Europas im Mittelalter » (Zeitschrift fur Sozialwissenschaft, n° 3, 1909, p. 411), « la notion de feu est le point vulnérable de toute statistique démographique médiévale ».

3. Par suite d'une lacération en haut du folio 1, il manque une partie du texte du verso : d'après les dimensions de la déchirure, nous pouvons estimer la lacune à six articles. D'après le total de la page — s'il n'y a pas ici quelque erreur du scribe — le chiffre des habitants de ces 6 feux est de 41. Ultérieurement, dans les calculs qui vont suivre, nous serons amenés à négliger ces feux et à ne tabler que sur les seuls feux dont la composition nous est connue de façon certaine.

4. Le rédacteur a commis plusieurs erreurs d'addition (la plus grave, au f° 2, est 216 au lieu de 168, un L ayant certainement été pris pour un C par suite d'une erreur de lecture) ; d'après le manuscrit, le total des feux chrétiens serait de 2 794, celui des feux juifs de 800.

6. pour les villes et 5 pour les campagnes. Il nous paraît inutile de reprendre ici les discussions relatives à la valeur du feu. Le P. Roger Mols, dans sa récente Introduction à la démographie historique des villes d'Europe du XIVe au XVIIIe siècle, t. II (Louvain, 1955 ; Université de Louvaln, Recueil des travaux d'Histoire et de Philologie, 4e série, fasc. 2), p. 100-130, a passé en revue les problèmes posés sur le plan statistique par « la densité par ménage » et ce sur une large base européenne ; il a résumé de façon commode les diverses hypothèses (t. II, p. 102-104).

1. Cf. Mols, op. cit., t. II, p. 124, et t. III, p. 113 (d'après Russel).

2. Ibid., t. II, p. 118-116 et notes ; t. III, p. 107-108.

3. Documents aujourd'hui détruits, auxquels H. Pirenne avait consacré une étude, Les dénombrements de la population d'Ypres au XVe siècle ( Vierteljahrschrift fur Sozialund Wirtschaftsgeschichte, t. I, 1903, p. 1-32).

4. Données publiées par F. Buomberger, Bevôlkerungs- und Vermôgensstatistik in der Stadt und Landsehaft Freiburg im Vchtland um die Mitte des XV. Jahrhunderts (Friburg, 1900).

5. O. Ricbter, Zur Bevôlkerungs-und VermOgenstatistik Dresden im 15 Jahrhundert (Neues Archiv fur Sachsische Geschiehte…, t. 2, 4, 1881, p. 278-289).

1. Cf. IXe Congrès international des Sciences historiques, Paris 1950, t. II : Actes, p. 35. Nous étions nous-mêmes intervenus pour soutenir la même thèse à l'aide d'éléments démographiques relatifs à Cagliari.

2. Les feux des clercs font évidemment tomber la moyenne générale : 23 feux comptant 93 personnes, donc 4 personnes par feu seulement. En fait, parmi eux 5 vivent seuls et 6 avec 1 ou 2 personnes (sans doute une soeur ou un serviteur); mais deux (dont l'un de famille noble) ont 10 et 11 personnes à leur foyer.

1. En 1460 le cardinal de Foix, recteur du Comtat, amnistie les habitants de Carpentras coupables de violences contre les juifs dans les cinq dernières années ; vers le même temps, la juiverie est transférée (Arch. comm. de Carpentras, BB 78),

1. Excellentes pages sur les événements de 1460 à 1486 dans Loeb, I., « Les Juifs de Carpentras sous le gouvernement pontifical », Revue des études juives, t. 12, 1886, p. 175185.Google Scholar Sur ces procédures, cf : Arch. comm. de Carpentras, BB 102, f° 44-49 ; voir aussi : GG 57 (Titres concernant les juifs).

1. I. Loeb, op. cit., p. 193-195 (1357), 195-196 (1400). Etudiant le nombre de familles j'uives établies à Carpentras, Loeb a indiqué à tort, pour 1357, 07 feux et, en 1400, 42 : lui-même a imprimé dans ses listes respectivement 71 et 44 noms de chefs de familles.

2. sur la convention entre l'évêque et la communauté des juifs le 28 février 1277 (n. st.), cf. I. Loeb, op. cit., p. 40-46.

3. Cf. F. LOT, op. cit., p. 219 n. 9. — Loeb a cru à la réalité de l'expulsion des juifs de Carpentras par Jean XXII en 1322 ; mais il nous conte lui-même la jolie légende de la juive qui « graissa la patte » d'une femme de l'entourage du pape pour que la mesure ne fût point exécutée ; malgré la critique qu'il fit de ce récit enjolivé, nous sommes convaincus que le fond en est véritable et que, s'il y eut effectivement une persécution provisoire des juifs en vue de leur extorquer quelque argent, il ne s'ensuivit pas nécessairement une expulsion complète d'une communauté qui ne cessa de prospérer jusqu'à la Grande Peste.

1. Rôle nominatif de taille : Arch. comm. de Carpentras, CC 23 (84 fol.). Rappelons qu'avant la grande montée démographique de la fin du x m e siècle, Carpentras comptait, en 1267, 672 feux (Cf. E. Boutaric, Saint Louis et Alphonse de Poitiers, p. 311, note) ; on peut bien penser que ce chiffre avait très largement doublé jusqu'à la Peste, puisqu'il atteignait encore, après cette catastrophe, 936 en 1380.

2. Rôle nominatif de taille : Arch. comm. de Carpentras, CC 22 (un cahier).

3. Cahier de perception, Ibid. CC 639. La diminution entre 1394 et 1398 paraît beaucoup trop forte : en fait, il s'agit d'un rôle nominatif dans le premier cas et d'un compte de sommes effectivement payées dans le second ; il va de soi que dans celui-ci les non taxés, les pauperes, n'y figuraient point. Ils étaient en 1380 au nombre de 76, en 1394 de 67 ; en estimant à 75 ou 80 les pauperes et les retardataires, on obtient pour 1398 le chiffre acceptable de 800 environ.

4. Rôle nominatif de taille : Arch. comm. de Carpentras, CC 23 (un cahier). En l'absence de pauperes, on peut augmenter ce chiffre de 70 environ : nous obtenons environ 775 feux.

1. Arch. comm. de Carpentras, CC 75.

1. Ed. Baratier, Recherches sur la démographie provençale du XIIIe au XVIe siècle (sous presse).

2. Cf. Bulletin philologique et historique [du Comité des Travaux historiques], 1958, p. XXI-XXII.

3. sur l'enquête de 1471, la plus détaillée — mais malheureusement incomplète — cf. Paul-A. Février, La population de la Provence à la fin du XVe siècle (Provence historique, 1956 [Fasc. hors séries : Mélanges Busquet], p. 139-149) ; et « Quelques aspects de la vie agricole en Basse-Provence à la fin du moyen âge », Bulletin philologique et historique, 1958, p. 299-317. Cette enquête, comme celle, beaucoup plus considérable, de Léonard DE FULGINET en 1331-1333 (Arch. dép. des Bouches-du-Rhône, B 1039-1066), comme d'autres encore, mériterait une publication intégrale dans une de nos grandes collections de documents.