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Fait divers et histoire au XIXe siècle

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Michelle Perrot*
Affiliation:
Université de Paris VII

Extract

Deux expositions sont venues, cet hiver, consacrer le fait divers comme catégorie d'existence et d'histoire. L'une, organisée à la SEITA, par Jean-Pierre Seguin, inventeur du genre, était circonscrite aux Canards illustrés du XIXe siècle, dont elle développait la thématique par de très nombreux exemples. L'autre, plus ambitieuse, celle du musée des Arts et Traditions populaires, dont le catalogue a été rédigé notamment par Alain Monestier, entendait dégager les caractères structuraux de ce que Roland Barthes appelait les « inclassables de l'information »”, en mettant l'accent moins sur leur contenu que sur leurs invariants narratifs.

Cette présentation a l'avantage de faire apparaître, d'un matériau à première vue hétéroclite, des lignes dé force qui suggèrent la permanence d'un imaginaire collectif. Elle a l'inconvénient d'amalgamer les détails signifiants dans le magma d'une immobilité présupposée au départ. Or ce qui intéresse l'historien, c'est moins le constat de l'évidence des peurs sociales, que leurs modulations dans le temps et les changements de leurs modes d'expressiorj.

Type
Fait Divers, Fait D'Histoire
Copyright
Copyright © Copyright © École des hautes études en sciences sociales Paris 1983

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References

Notes

1. Seguin, J.-P., Nouvelles à sensation. Canards du XIXe siècle, Paris, Colin, A., « Kiosque », 1959 Google Scholar, a Été le premier ouvrage sur la question, suivi de nombreuses autres publications du même auteur. Cf., par exemple, Physiologie des canards, Paris, Flammes et fumées, 1965.

2. Le catalogue de l'exposition de la Seita a Été rédigé par Seguin, J.-P., Les canards illustrés du XIXe siècle, Paris, 1982.Google Scholar Il s'agit uniquement des canards de grand format dont il existe une très riche collection, notamment à la Bibliothèque Nationale ; excellent catalogue qui reproduit la totalité des pièces exposées, texte et images.

3. Musée national des Arts et Traditions populaires, Le fait divers, catalogue de l'exposition (novembre 1982-avril 1983), Paris, 1982, rédigé par Alain Monestier, préface de Jean Cuisenier, bibliographie. L'exposition comportait 291 pièces diverses : canards, illustrations de presse, objets, films, etc.

4. R., Barthes, « La structure du fait divers », dans Essais critiques, Paris, éditions du Seuil, 1966.Google Scholar

5. Auclair, Georges, Le Mana quotidien. Structures et fonctions de la chronique des faits divers, Paris, Anthropos, 1970:Google Scholar le livre classique sur la question (importante bibliographie). Une deuxième Édition, publiée en 1982, comporte une nouvelle préface et un essai, « Le double imaginaire de la modernité dans la vie quotidienne ». A noter que, dans la préface à cette seconde Édition, l'auteur fait intervenir « l'accélération de l'histoire » et souligne le changement de contenu du fait divers, par conséquent son historicité.

6. Des recherches sont en cours sur tous ces sujets. Sur le rêve, voir à titre de symptôme, Le Débat, mai 1983 (n° 25), « Le rêve et l'histoire », articles de Georges Steiner, « Les rêves participent- ils de l'histoire ? Deux questions adressées à Freud », des extraits du livre de Charlotte Beradt, Das Dritte Reich des Traums, Munich, 1966, et la postface de Reinhart Koselleck, « Terreur et rêve ».

7. Caroline Rimbault, « La presse féminine de langue française au xviiie siècle », thèse de 3e cycle, Paris I, 1981, donne une bonne analyse de la nature de ces « nouvelles » dans la presse de mode ; « prodiges », « phénomènes extraordinaires », « Événements remarquables », « histoires de monstres » y tiennent en effet une place de choix. Tout en perdurant, cette catégorie du merveilleux et du fantastique s'amenuise singulièrement au cours du xixe e siècle.

8. Notamment le préfet de police Gisquet sous la Monarchie de Juillet (loi sur les crieurs publics).

9. J.-P. Seguin, Physiologie des canards, op. cit., p. 1.

10. Darmon, J.-P., Le colportage de librairie en France sous le Second Empire, Paris, Pion, 1972 Google Scholar, a bien montré ce processus où le rôle du gouvernement impérial est fondamental. Exempté du timbre et de l'autorisation préalable, appuyé sur les Messageries Hachette et leur utilisation judicieuse des chemins de fer, le Petit Journal concurrence les pauvres colporteurs claudiquant sur les chemins des villages, et dont la littérature Était considérée comme incontrôlable et donc suspecte.

11. M. Perrot, « L'affaire Troppmann », L'Histoire, janvier 1981 (n° 30) : je renvoie à cet article pour tous ces aspects, auxquels Pierre Nora avait Également consacré plusieurs séances de séminaire.

12. Blanc, Dominique et Fabre, Daniel, Le brigand de Cavanac. Le fait divers, le roman, l'histoire, Lagrasse, éditions Verdier, 1982 Google Scholar, est un bon exemple de cristallisation légendaire autour d'un fait divers réel.

13. Cité par le Mercure de France, 1924, « Revue de la Quinzaine », I, 2 (exemple donné par le dictionnaire Robert au mot « Fait divers »).

14. Anne-Marie Thiesse, « La littérature populaire en France (1900-1920) », thèse de 3e cycle, Paris III, 1981, a Étudié ce grand phénomène littéraire.

15. G. Auclair cite, à cet Égard (op. cit., p. 152), l'intéressant témoignage de Simone DE Beauvoir : « Nous n'avions qu'un petit nombre d'amis, presque pas de relations. C'est en partiepour pallier cette indigence que nous nous prîmes d'un ardent intérêt pour les faits divers. J'achetais souvent Détective qui s'attaquait alors volontiers à la police et aux bien-pensants », La force de l'âge, Paris, Gallimard, p. 131.

16. Michel Winock, « L'incendie du Bazar de la Charité (4 mai 1897) », L'Histoire, juin 1978 (n° 2).

17. Zeldin, Th., Les Français, Paris, Fayard, 1983, p. 75.Google Scholar

18. Monthyon avait créé un prix de vertu ; Tocqueville lui-même a présidé une de ces distributions et prononcé à cette occasion un discours ; sous le Second Empire, on crée des journaux spéciaux comme Traits de Courage. Voir Du Camp, Maxime, La vertu en France, Paris, 1889 (3e Éd.).Google Scholar

19. Voir les analyses de Chesnais, J.-C., Histoire de la violence, Paris, Laffont, 1981.Google Scholar

20. Chevalier, Louis, Classes laborieuses et classes dangereuses à Paris dans la première moitié du XIXe siècle, Paris, Pion, 1959;Google Scholar Moscovici, Serge, L'âge des foules, Paris, Fayard, 1981.Google Scholar

21. « Sangs », numéro spécial de la revue Romantisme, n° 31, 1981 donne de nombreux exemples d'analyses à cet Égard.

22. Roudinesco, Elisabeth, La bataille de cent ans. Histoire de la psychanalyse en France, t. I, 1885-1939, Paris, Ramsay, 1982.Google Scholar

23. Catalogue des ATP, pièce n° 89 ; canard de 1820. (Malheureusement le catalogue ne donne généralement pas le texte des faits divers.)

24. Catalogue des ATP, n” 71.

25. Catalogue des ATP, n° 85, « Détails d'un crime horrible commis sur une demoiselle de 18 ans… », Canard, chez Cupont, Paris, 1835.

26. De Tocquevtjlle, Alexis, Œuvres complètes, Paris, Gallimard Google Scholar, t. 1/1, De la démocratie en Amérique, p. 96.

27. Sur Lacenaire et son image, voir Foucault, M., Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975, p. 289.Google Scholar

28. Voir le récit, horrifié, fasciné, de Tourgueniev, , L'exécution de Troppmann, Paris, Gallimard, 1975, p. 289.Google Scholar

29. Selon une Étude inédite de R. J. Evans, « In Pursuit of the Untertanengeist : Crime, Law and Social Order in 19th Century-Germany », Colloque de Washington sur l'histoire de la criminalité, septembre 1980.

30. A Paris, les exécutions capitales au xixee siècle passent de la place de Grève aux barrières de la Cité, puis de la place de la Roquette, devant la prison du même nom, où le condamné Était amené, plus ou moins secrètement, la nuit précédant son exécution. En 1870, après les incidents violents qui marquèrent l'exécution de Troppmann, un projet de loi fut déposé pour proscrire la publicité de la guillotine et l'enclore dans la limite de la cour de la prison. Le projet fut enterré en raison des Événements politiques. Sous la Troisième République, la question revint au parlement à plusieurs reprises, notamment en 1907 ; mais c'est seulement en 1939, après les incidents qui marquèrent l'exécution d'un autre grand criminel « sériel », Weidmann, que fut abolie, définitivement, la publicité des exécutions capitales.

31. Siegfried Kracauer, Le roman policier, 1922-1925, première traduction française, Paris, Payot, 1981, avant-propos de Rainer Rochlitz, qui cite, p. 8, ce texte d'Adorno.

32. Interview dans Le Nouvel Observateur, 19 novembre 1964, cité par G. Auclair, op. cit., p. 113.

33. Traité de sociologie, publié sous la direction de G. Gurvitch, Paris, PUF, t. I, p. 93, cité par G. Auclair, op. cit., p. 112.

34. Pascal, Pensées, La Pléiade, p. 841.