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Espace Ouvrier et parcours sociaux : Turin dans la première moitié du siècle

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Maurizio Gribaudi*
Affiliation:
EHESS

Extract

Les études sur le monde ouvrier, circonscrites pendant longtemps à l'usine ou aux organisations et aux mouvements politiques, se sont étendues depuis quelques années à l'ensemble des sphères qui composent la vie sociale de l'individu. Comme on le sait, une des justifications de cet élargissement tenait dans la nécessité de comprendre et de définir avec plus de précision l'identité ouvrière et sa spécificité par rapport aux autres groupes sociaux, d'éclaircir le degré réel de cohésion et de conscience exprimé par cette classe, et son évolution.

Il est inutile, dans ce cadre, de rappeler comment une centaine d'études ont affronté ces thèmes spécifiques en approfondissant soit l'analyse des structures de relations (la famille, la parenté, le réseau des rapports sociaux), soit les aspects culturels et ethnographiques (traditions de quartiers, associations de loisir, fêtes et rituels) propres au monde ouvrier.

Summary

Summary

The urban working-class in the first half of the twentieth century has constituted a stable population. Geographical and professional mobility and turn-over have accompanied its birth and its development. This article emphasizes the importance these phenomena have had in the determination of the frames of reference existing within worker communities as well as of the aspirations and behavior of social actors. Our analysis is founded upon the complete reconstitution of numerous genealogies of families which peopled Turino's factories and working-class neighborhoods during the first decades of this century. The different ways in which these families left the countryside, their successive trajectories in different social spaces, their forms of adaptation to the city, and their varied successes allow us to clarify the specificities of the urban working-class world as well as its apparent contradictions.

Type
Ouvriers et Paysans
Copyright
Copyright © Copyright © École des hautes études en sciences sociales Paris 1987

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References

1. C'est ce qu'affirment entre autres les articles si différents de Fox-Genovese, E. et Genovese, E. D., « The Political Crisis of Social History : Class Struggle as Subject-Object », Journal of Social History, n° 10, 1976 Google Scholar, et de Yans, I. Me, « Historians, Anthropology and the Concept of Culture », Labour/Le travailleur, n° 8-9, 1981-1982.Google Scholar

2. Les données auxquelles je fais référence ont été recueillies dans le cadre de ma recherche de doctorat à l'EHESS (Paris). Cf. Gribaudi, M., Itinéraires ouvriers. Espaces et groupes sociaux à Turin au début du XXe siècle, Paris, Éditions de l'EHESS, 1987 Google Scholar (à paraître).

3. La reconstitution s'appuie fondamentalement sur deux séries de données recueillies aux archives historiques de la commune de Valdoria et aux archives d'état civil de la ville de Turin. A Valdoria, j'ai consulté les recensements des années 1858, 1881, 1901, 1911, 1921, et les livrets de famille correspondants. J'ai en outre recueilli les actes de naissance, de mariage et de décès durant la période 1860 à 1920 ; enfin les listes nominatives couvrant la période de 1903 à 1936. J'ai consulté à Turin les listes nominatives d'immigration, émigration et décès pour la période 1881 à 1961 ; fiches de famille et de recensement pour les années 1881, 1901, 1911, 1921, 1936, 1951. Les deux échantillons ainsi obtenus rassemblent les informations sur plus de 3 000 parcours individuels. J'ai enfin interviewé douze témoins qui appartiennent à différentes généalogies familiales ; en outre, je me suis basé sur les interviews de soixante personnes âgées recueillies au cours d'une précédente recherche sur les quartiers ouvriers de la ville.

4. Le développement de Turin a été sans aucun doute énorme et soudain. En 1881 la ville dépasse de peu les 200 000 habitants, alors qu'en 1936 elle a déjà atteint 600 000 habitants. Sastructure industrielle, largement axée sur l'artisanat et sur le textile jusqu'à la fin de la seconde moitié du XIXe siècle, est déjà, à partir de 1911, une des plus solides et des plus avancées d'Italie. La population ouvrière active passe de 15 000 en 1881 à plus de 200 000 en 1936. Cf. sur ces thèmes : Gabert, G., Turin ville industrielle, Paris, 1964 Google Scholar ; Quazza, G., « Aile origini di Torino industriale », Torino, n° 1-2, 1967 Google Scholar ; Abrate, M., L'industriapiemontese. Un secolo disviluppo, Turin, 1978.Google Scholar

5. Spriano, P., Storia di Torino operaiaesocialista, Turin, 1958 Google Scholar ; Castronovo, V., Economia e société in Piemonte dall'unità al 1914, Turin Google Scholar ; Collectif, Torino tra le due guerre, Turin, 1978.

6. Je me réfère à l'émigration interne. Entre 1850 et 1880, à Valdoria comme dans beaucoup d'autres communes piémontaises, on relève une présence constante de l'immigration internationale. Mais celle-ci se présente comme un phénomène beaucoup plus diversifié que celui qui oriente le mouvement vers la ville de Turin. Celui-ci commencera à être vraiment important à partir des années 80 du XIXe siècle seulement. Sur les migrations internes en Italie, cf. Livi-Bacci, M., Le migrazioni interne in Italia, Florence, 1967 Google Scholar ; Golini, G., I movimenti della popolazione, migrazioni interne e urbanizazione in Italia, Rome, 1974.Google Scholar

7. La seconde moitié du XIXe siècle voit une intense activité de réorganisation et de nouvelles constructions des principaux réseaux de communication de la région : routes, chemins de fer et canaux. Voir à ce propos, Castronovo, V., « Il Piemonte », dans Storia délie regioni italiane dall'unità ad oggi, (Collectif), Turin, 1977.Google Scholar

8. Pour un développement plus approfondi de ces thèmes, cf. Gribaudi, M., « Stratégies migratoires et mobilité sociale entre village et ville », Population, n° 6, 1982.Google Scholar

9. Les données sont celles du recensement de 1931 ; cf. Régis, S., « Il censimento e la popolazione di Torino », Torino, n° 1-2, 1932.Google Scholar

10. Le thème de la famille, sa fonction, ses rapports internes et externes, sont depuis des années au centre d'études approfondies. On trouve un tour d'horizon clair et exhaustif sur l'approche démographique, historique et économique, dans l'ouvrage de Anderson, M., Approaches to the History of the Western Family, 1550-1914, Londres, 1980 Google Scholar. La tentative de synthèse la plus récente d'une approche anthropologique est celle de Goody, J., The Development of the Family andMarriage in Europe, Londres, 1984.Google Scholar

11. Sur ces thèmes, voir Livi-Bacci, M., A History of Italian Fertility During the Last Two Centuries, Princeton, 1977 Google Scholar ; Schiaffino, A., Il declino della fertilità in ambiente urbano : Reggio Emilia tra otto e novecento, Bologne, 1979.Google Scholar

12. Les termes de « supériorité » et d'« infériorité » pour définir les positions des familles par rapport à celles de leurs parents peuvent paraître imprécis ou, pis, abusivement normatifs. Il faudrait peut-être les remplacer par des termes plus neutres. Mais c'est aussi que ceux-ci correspondent à l'utilisation et aux jugements de tous les témoins pour lesquels la comparaison se fait précisément à travers l'utilisation de métaphores telles que « être plus haut que », « être mieux que », « être plus mal que ».

13. En ce sens, les formes de sociabilité développées par les familles stables se rapprochent de celles décrites aussi bien par Wilmott que par Bott. Il s'agit des réseaux de relations à mailles étroites (close-knits) qui vont de pair avec une famille dans laquelle les rôles des parents sont tendanciellement bien différenciés. Cf. Willmott, P. et Young, M., Family and Kinship in East London, Harmondsworth, 1957 Google Scholar, et Bott, E., Family and Social Network, Londres, 1968 Google Scholar. Mais ceci ne signifie pas que ces formes constituent le modèle de la sociabilité ouvrière turinoise. Comme on le verra, les formes de sociabilité de familles stables varient, et, dans d'autres milieux sont nettement divergentes. En outre, il faut dire que même dans des quartiers ouvriers semblables, les familles qui ne sont pas stables (celles qui restent dans un quartier ou une maison pour peu d'années) semblent être marginales par rapport au système d'échange du voisinage et du quartier.

14. Je me réfère en particulier à l'actuel débat né autour des travaux de Clifford Geertz et à ses propositions d'analyse contextuelle. Cf. C. Geertz, « Thick Description : Toward an Interprétative Theory of Culture », dans Geertz, C. éd., The Interprétation of Cultures, New York, 1973 Google Scholar ; id., « Blurred Genders », The American Scholar, Printemps 1980 ; Shankman, P., « The Thick and the Thin : on the Interprétative Theoretical Program of Clifford Geertz », Current Anthropology, n° 3, 1984 Google Scholar ; Walters, R. G., « Signs of the Times : Clifford Geertz and Historians », Social Research, n° 3, 1980.Google Scholar

15. Je pense en particulier aux travaux du type de ceux de Robert Darnton, peu attentifs aux dynamiques et aux significations particulières des comportements individuels ou de groupe dans l'histoire. Cf. Darnton, R., The Great Cat Massacre and Other Episodes in French Cultural History, New York, 1984.Google Scholar