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Développement Économique et Stature en France, XIXe-XXe Siècles

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Michiel Alexander Van Meerten*
Affiliation:
Université de Groningue

Extract

Les dernières années ont connu une renaissance parmi les historiens de l'économie de l'utilisation des séries concernant la stature humaine, spécifiée selon l'âge et le sexe, comme indication du développement. A la base de ces études se trouve l'idée qu'il existe une corrélation positive entre la stature et le niveau du bien-être physique dans une communauté humaine :

La stature est donc un caractère instable, exacerbé ou déprimé par les facteurs

économiques, socio-culturels, socio-biologiques, tels que l'alimentation, le

genre de vie, l'hygiène, la pratique plus ou moins tardive du travail physique….

Poursuivant cette idée, des chercheurs ont supposé une relation entre la stature et le bien-être encore plus précise :

En dépit du grand nombre de facteurs qui peuvent influencer la taille

moyenne à un niveau particulier du revenu par tête, il y a une corrélation forte

entre ces variables.

En particulier il existe une relation spécifique entre l'accroissement de la taille finale et « diverses valeurs retardées du revenu par tête ».

Summary

Summary

The first section of this paper deals with the historical French debate on the factors explaining variations in human height. Villermé stated already in 1829 the existence of a close relationship between height of conscripts and material well-being. His thesis is now generally accepted by scholars in medicine and anthropology. Based on this idea a mathematical model is developed in the second section, in which variations in median height of french conscripts over the periode 1835-1913 are predicted with great accuracy by a lagged series of per capita income. Finally the precision of the model enables an estimation of median height of french conscripts for the period 1914-1986, a period for which no annual height series were available, but for which per capita income figures exist. Confronted with earlier estimates the results of the model proof to be very precise for a period of more than half a century.

Type
L'Anthropologie Physique Revisitée
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1990

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References

Notes

* Je tiens à remercier vivement les professeurs J. W. Drukker, A. Maddison et C. P. S. Angonin qui m'ont été d'une aide précieuse, pour la réalisation de cette recherche, ainsi que J. S. Cramer et G. Olivier, V. M. Oppers, J. M. Tanner et J. C. van Wieringen pour les commentaires qu'ils ont eu l'amabilité de me transmettre.

1. E. Le ROY Ladurie, Introduction à A. D'Angeville, Essai sur la statistique de la population française, La Haye, 1969, p. xxix.

2. Stecker, Robert H., « Height and Per Capita Income », Historical Melhods, XVI, 1983, pp. 17.Google Scholar

3. Idem, p. 7, n. 26.

4. Brinkman, Henk-Jan, Drukker, J. W. et Slot, Brigitte, « Lichaamslengte en Reeël Inkomen : Een nieuwe schattinghs-methode voor historische inkomensreeksen », Economisch- en Sociaal-Historisch Jaarboek, vol. 51, Amsterdam, 1988, pp. 3580.Google Scholar

5. Cf. Bernard, Gildas, Introduction de l'inventaire des archives de la série militaire, déparlement de l'Aube, Troyes, 1970, p. 18.Google Scholar

6. Le minimum était surtout imposé par la technologie militaire de l'époque. Cf. D'Angeville, op. cit., p. 47.

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8. A. A. Hargenvilliers, op. cit.

9. Idem, pp. 64-65.

10. G. Bernard, op. cit., p. 22.

11. A. A. Hargenvilliers, op. cit., p. 54.

12. Broca, P., « Sur la prétendue dégénérescence de la population française», Mémoires d'anthropologie, t. 1, Paris, 1871, pp. 449497 Google Scholar et Tschouriloff, M., «De l'accroissement de la taille en France», Journal de la Société de statistique de Paris, XVIe année, Paris, 1875, pp. 58 Google Scholar et, du même, 1986, op. cit.

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14. Idem, p. 390.

15. Tanner, J. M., A History ofthe Study of Human Growth, Cambridge, 1981, p. 4.Google Scholar

16. L. Viixermé, op. cit., p. 353.

17. Quetelet, A., Sur l'homme et le développement de ses facultés, Bruxelles, 1836, p. 12.Google Scholar

18. L. Villermé, op. cit., pp. 585-586.

19. Idem, p. 370.

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21. Quetelet, A., «Recherches sur la loi de croissance de l'homme», Annales d'Hygiène…, op. cit., Paris, 1831, pp. 89113 Google Scholar (p. 101).

22. Idem, pp. 110-113.

23. Idem, pp. 104-105.

24. La notion de « poussée » apparaît entre autres chez le docteur Godin : en comparant ses données et celles de Quetelet il conclut : « Ce n'est plus une progression décroissant arithmétiquement, c'est une progression biologique, avec ses arrêts et ses poussées, oscillations qui sont un des caractères d'évolution de la vie», Godin, Paul, Recherches anthropométriques sur la croissance des diverses parties du corps, Paris, 1935, p. 58.Google Scholar

25. Voir le discours de Daily sur les recherches de Quetelet: E. Dally, «Croissance», dans Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, lre série, t. 23, pp. 372-401 (p. 379).

26. Pagliani, Louis, « Études anthropométriques », dans Comptes rendus du Congrès international des sciences anthropologiques tenu à Paris en 1878, Paris, 1880, pp. 6272 Google Scholar (p. 63).

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28. P. Broca, op. cit. p. 451.

29. Idem, p. 497. Cet article apparaît déjà en 1867.

30. J. Ch. M. Boudin, op. cit., p. 231.

31. Broca, P., « Nouvelles recherches sur l'anthropologie de la France en général et de la basse Bretagne en particulier », Mémoires d'anthropologie, t. 1, Paris, 1871 (rééd. de 1869), pp. 385434.Google Scholar

32. Cf. Topinard, Paul, «Étude sur la taille », Revue d'anthropologie, t. V, Paris, 1876, pp. 3483 Google Scholar (pp. 80-81).

33. M. Tschouriloff, op. cit., p. 6. Voir l'élaboration de cette « loi » pour une grande partie de l'Europe dès le xvne siècle dans son article de 1876 (op. cit.) Bien que son argument ne soit pas sans originalité, il suffit de connaître les accroissements de la taille moyenne qui se sont produits peu de temps après les deux guerres mondiales (cf. Marie-Claude Chamla, « L'accroissement de la stature en France de 1880 à 1960. Comparaison avec les pays d'Europe Occidentale», dans Bulletins et Mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris, t. 6, n° 1, Paris, 1964, pp. 201-278 (p. 208 et p. 217)) pour constater qu'il doit exister d'autres explications.

34. E. Dally, op. cit., p. 400.

35. Morache, G., « Militaire (hygiène) », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, 2’ série, t. VII, Paris, 1873, pp. 675824 (p. 729).Google Scholar

36. Jacques Bertillon, «Taille», Dictionnaire encyclopédique…, op. cit. 3e série, t. XV, Paris, 1885, pp. 581-649 (p. 589).

37. D'Angeville, op. cit., p. 16.

38. Idem, Préface de E. Le Roy Ladurie, pp. xvm et xix, et R. Laurent, « Tradition et progrès : le secteur agricole », Livre III, dans F. Braudel et E. Labrousse, Histoire économique et sociale de la France, t. III, L'avènement de l'ère industrielle (1789-années 1880), 2e vol., Paris, 1976, en particulier pp. 639-658.

39. E. Le Roy Ladurie, op. cit. et R. Laurent, op. cit., pp. 729-734.

40. Cf. P. LÉON, « L'affermissement du phénomène d'industrialisation », dans F. Braudel et E. Labrousse, op. cit., Livre IL

41. D'Angeville, op. cit., pp. 125-127.

42. J. Bertillon, op. cit., pp. 608-609.

43. Voir l'article de G. Ichok, «La taille des conscrits dans les régions urbaines et rurales», Bulletin de la Société de Biotypologie, t. VII, n° 4, Paris, 1939, pp. 233-244.

44. Popoff, Kiril G., «Résultats des mensurations anthropométriques des conscrits en Bulgarie », Bulletin de l'Institut international de Statistique, t. XXII, 2e livraison, Rome, 1926, pp. 383420.Google Scholar

45. Deniker, J., Les races et les peuples de la terre, Paris, 1926, p. 48.Google Scholar La première édition de son livre date de 1908; il l'a mise à iour, mais la deuxième édition n'a pu paraître qu'après sa mort en 1918.

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47. La répartition départementale de la taille moyenne de Deniker ressemblait assez bien à la répartition de Broca, cf. p. 8, et notre commentaire sur Chamla ci-dessous.

48. J. Tremolieres, J. Boulanger et alii, « Contribution à l'étude du phénomène de stature et de croissance en France de 1940 à 1948 », Recueil des Travaux de l'Institut national d'Hygiène, t. 4, n° 1, Paris, 1950, pp. 117-212 (p. 122 et p. 124).

49. Idem, p. 195.

50. Idem, p. 191.

51. Idem, p. 141.

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53. Tremolieres, J., Boulanger, J. J., Péquinot, G., Vinit, F., « Données concernant la croissance et la stature moyenne des Français », Bulletin de l'Institut national d'Hygiène, t. 5, n° 2, Paris, 1950, pp. 273294 (p. 293).Google Scholar

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55. M.-C. Chamla, op. cit., p. 208.

56. Idem, p. 215.

57. Idem, p. 247.

58. Idem, p. 220.

59. Idem, pp. 218-219, et M.-C. Chamla, « L'évolution récente de la stature en Europe Occidentale (période 1960-1980) », Bulletins et Mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris, t. 10, série XIII, Paris, 1983, pp. 195-224 (p. 215).

60. Olivier, G. et Devigne, G., « Données nouvelles sur la stature et la corpulence en France », Cahiers d'Anthropologie et Biométrie humaine, vol. III, nos 1-2, Paris, 1985, pp. 111123 (pp. 116-118).Google Scholar

61. M.-C. Chamla, 1983, op. cit., p. 220.

62. Olivier, G., Chamla, M.-C., Devigne, G., Jacquard, A., « L'accroissement de la stature en France. IL Les causes du phénomène : analyse univariée », Bulletin de la Société d'Anthropologie de Paris, t. 4, série XIII, Paris, 1977, pp. 205214 (p. 206).Google Scholar Les études de l'Institut national d'hygiène de 1950 ont fait des corrélations de ce genre, mais n'ont pas donné les résultats des calculs.

63. Idem, pp. 207-208.

64. « L'accroissement de la stature en France. I. L'accélération du phénomène », idem, ibid., pp. 197-204 (pp. 202-203).

65. Voir, entre autre, Felice, Suzanne De, Recherches sur l'anthropologie des Françaises, Paris, 1958.Google Scholar

66. Les études citées par De Felice (op. cit., pp. 28-37) sont si diverses qu'elles ne permettent pas de comparaisons ou de conclusions raisonnables.

67. Cf. J. Bertillon, op. cit., p. 581. Il mentionne aussi (p. 582) des instructions contre la fraude.

68. Les étrangers résidant en France n'étaient pas mesurés, mais «les individus nés en France d'étrangers qui eux-mêmes y sont nés, sont Français » (C. Ely, « Recrutement », Dictionnaire encyclopédique…, op. cit. 3e série, t. 2, Paris, 1874, pp. 623-663 (p. 627).

69. L'article de J. Auerhan («Utilisation de l'anthropologie militaire», Revue de l'Institut international de statistique, 2e année, livraison 1, pp. 78-95) mentionne l'Annuaire statistique de 1922 comme source pour les tailles de 1836 à 1922. Le même résumé se trouve aussi dans les Annuaires statistiques de 1924 et de 1926. Cette source n'a guère été mentionnée, voire exploitée, par les chercheurs depuis.

70. Les données se fondent sur les « Comptes rendus du recrutement de l'Armée », publiés par le ministère de la Guerre. La Statistique générale de la France se base également sur ces publications.

71. A. Maddison, Phases of Capitalist Development, Londres, 1982, et Jean-Claude Tou- Tain, «La population de la France de 1700-1959», Cahiers de l'Isea, histoire quantitative de l'économie française, série AF, nc 3, supplément 133, ont établi des séries longues du P.I.B. pour la France. J'ai utilisé celle de Maddison parce qu'elle ne contient pas des périodes de manque de données comme celle de Toutain qui ne donne pas de calculs pour les périodes autour des deux guerres mondiales. Les données présentées par Maddison (Appendice A, pp. 169-177: Indice du P.I.B. 1913 = 100), doivent pourtant être corrigées pour les changements de frontière, puisqu'il a calculé le P.I.B. pour le territoire français de 1913. J'ai calculé le P.I.B. du territoire français réel de différentes époques en utilisant les indications données par Maddison dans ses tableaux. Sa série commence en 1820 et finit en 1979. J'ai utilisé les données de Toutain (P.I.B. indices de volume, p. 147) pour compléter la série jusqu'en 1815. Les données pour les années 1815-1819 ont été calculées en utilisant une équation de régression des séries du P.I.B. de Toutain et de Maddison, de la période 1820-1979. La série de Toutain a été complétée d'une façon semblable pour les années autour des deux guerres mondiales, permettant ainsi la régression mentionnée cidessus.

72. Cf., p. 6, la courbe empirique de Quetelet; la forme de la courbe a été confirmée par les recherches de J. M. Tanner (pp. 149-152, 157, 166-178) et de VAN Wieringen, Séculaire groeiverschuiving. Lengte en gewichtsurveys in Nederland in historisch perspectief (L'accroissement séculaire de la stature. Recherches sur la taille et sur le poids en perspective historique aux Pays- Bas), Thèse, 2 vols, Leyde, 1972, vol. II, pp. 139-140.

73. Dans le cas de la France, il faut ajouter au P.I.B. une variable supplémentaire, car l'âge moyen de la mensuration pour les conscrits français était de 20 ans au lieu de 19 ans aux Pays Bas. Contrairement à Brinkman, Drukker et Slot, qui n'ont pris que les années révolues, j'ai pris aussi en considération le P.I.B. par tête de l'année de la mensuration, soit la 20e année. C'est pourquoi le nombre total des variables retardées est de 20.

74. Brinkman, Henk-Jan, Drukker, J. W., Slot, B., « Height and Income : a New Method for the Estimation of Historical National Income Séries », Explorations in Economie History, vol. 25, 1988, pp. 227264 (pp. 239-240).CrossRefGoogle Scholar

75. Idem, pp. 244-245. Le programme d'ordinateur que j'ai utilisé s'appelle «Econometric Software Package». Son fonctionnement et ses résultats ne diffèrent guère du programme utilisé par Brinkman, Drukker et Slot.

77. Voir pour les chiffres l'Annexe sur la taille.

78. Voir l'Annexe sur la taille pour les chiffres annuels. Le calcul de Sutter pour 1951 ne nous semble pas très fiable.

79. En réalité le nombre de garçons qui est mesuré est diminué au cours de la recherche, voir Pierre Sempé et Michel Sempé, Croissance et maturation osseuse, Paris, 1974, p. 4.

80. J. Ch. M. Boudin (op. cit.) a commis une erreur dans son « tableau du nombre des jeunes gens de chaque taille sur un contingent de 100 hommes » (p. 183). La classe des tailles inférieures a comme limite inférieure 1,56 m, ce qui correspond au minimum de taille exigé à partir de 1832. Or en comparant sa répartition à celle de L. Villermé (op. cit., p. 399) on trouve une ressemblance totale, lorsqu'il fait commencer son tableau à partir de 1,57 m, le minimum exigé depuis 1818. J'ai corrigé alors le tableau de Boudin en prenant 1,57 m comme limite inférieure de la répartition des tailles pour la période de 1818 à 1829 inclusivement. Les années 1830 et 1831 ont connu un abaissement du minimum exigé de taille à 1,54 m (voir J. Ch. M. Boudin, op. cit., p. 179), c'est le chiffre dont je me suis servi comme limite inférieure pour ces deux années. A partir de 1832 c'est le minimum de 1,56 m qui représente la limite inférieure de la répartition des tailles.