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Charité, pauvreté et structure des ménages à Florence au début du XIXe siècle

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Stuart J. Woolf*
Affiliation:
European University Institute

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Ce que nous pouvons connaître de l'histoire des pauvres est déterminé par la nature des sources que nous ont laissées les dispositifs institutionnels inventés par chaque société à des fins charitables ou répressives. Or, ces sources proviennent rarement des pauvres eux-mêmes ; et même quand c'est le cas, on peut difficilement les accepter telles quelles, dans l'incertitude où l'on est de ceux à qui elles s'adressaient, et de l'effet qu'elles cherchaient à produire. Bien plus, l'identification ou la détermination d'une catégorie « pauvre » demeure, nécessairement, insaisissable, en partie parce que la notion elle-même est relative et non absolue (par rapport à qui ou à quoi est-on pauvre ?) ; insaisissable aussi parce que la société — et sans doute la plupart des pauvres eux-mêmes — considéraient la pauvreté comme un statut temporaire, une épreuve que leur imposait le sort ou la sanction d'une faute morale, et que l'on risquait d'affronter à certains moments de la vie ou de l'année ; mais elle était rarement considérée comme une condition permanente.

Summary

Summary

Applications for assistance to the major charitable institution for outdoor relief at Florence, the Congregation of San Giovanni Battista (1810-1812) are analysed, first to examine the relationships between consumption needs and household structures, job skills and earnings. Household subsistence needs, calculated from many contemporary sources, are shown to be higher than income in over 70 % of the 1220 households, because of the structural constraints on income-generating capacities of sex- and age differentiated levels of wages and the proportion of childearners. Family cycle and conjonctural poverty was transformed into a structural, generationally transmitted condition. Secondly, the applications are analysed in terms of strategies of charity of both applicants and donors. The assumptions of the donors—particularly that assistance need only be temporary and that protection of sexual mores be privileged—are shown to lead to an anachronistic relationship to the problems of the poor they assisted.

Type
Les Domaines de L'Histoire
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1984

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References

Notes

Je tiens à remercier mon collègue, le Dr Jordan Goodman, qui a traité sur ordinateur les données statistiques sur lesquelles cet article est fondé. Je voudrais aussi remercier le Dr Timothy Davies, Elvira Valleri et Giuliana Biagioli qui m'ont aidé dans la préparation de cet article, et John Walter, Maurice Aymard et Jacques Revel dont les commentaires m'ont été très utiles. Cette recherche n'a été rendue possible que grâce à l'aide du Social Science Research Council, subvention HK 6583.

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3. Passerini, op. cit., pp. 69-72, 79 ; Archivio di Stato di Firenze (désormais ASF), Prefettura deU'Arno (désormais Arno), 508, 26 avril 1809 ; Arno, 158, comptes, juillet-décembre 1812. En 1808-1809, le chef de la junte française, chargé de réorganiser la Toscane, l'idéologue et philanthrope De Gerando, avait déjà utilisé la Congrégation pour distribuer son propre honoraire aux pauvres de Florence (Passerini, op. cit., p. 88).

4. Le traitement par ordinateur du recensement de 1810 est en cours au Département de Statistique de l'Université de Florence, sous la direction du Pr A. Santini. Je remercie ici le Pr Santini pour les résultats préliminaires qu'il m'a fournis et qui sont fondés sur un échantillon de 6 887 cas.

5. ASF, Arno, 508, 26 avril 1809.

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8. ASF, Arno, 476, 2 juillet 1811 ; ANP, F16 990, 8 mars 1811 ;F12 1602.

9. Passerini, op. cit., p. 87 ; ASF, Segreteria di Gabinetto, 154, n° 10 ; ANP, F15 509.

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11. ASF, Arno, 508, 4 mars 1809, 26 avril 1809, 23 novembre 1809 ; Arno, 83, pour les comptes du Bureau de Bienfaisance de septembre-décembre 1810 ; Arno, 508, pour les comptes de mars-août 1810 ; Arno, 403 et 158, pour les comptes du Bureau de Bienfaisance de 1812, qui sousestiment le revenu total et les dépenses de la Congrégation (les « soupes économiques » ont été exclues de ce calcul). Tous les chiffres sont inférieurs aux dépenses moyennes calculées par Passerini (p. 87) pour les années 1790.

12. ANP,F15 509.

13. Les demandes d'assistance se trouvent dans ASF, Congregazione di San Giovanni Battista (désormais SGB), ser. IV, 2 à 43 (1810-1812), 66 et 67 (1814) ; une série de ces demandes a été envoyée à Paris par De Gerando : ANP, F15 508 (août 1808-octobre 1809).

14. REPETTI, op. cit., vol. 2, pp. 273-275. Les chiffres pour 1632 ont été fournis par le Pr Santini, de l'Université de Florence. Qu'il en soit encore une fois remercié.

15. La littérature sur le débat ménage-famille et sur l'utilisation des recensements est désormais considérable. Voir d'abord, Laslett, P. éd., Household and Family in Past Time, Londres, 1972 Google Scholar ; Berkner, L. K., « The Use and Misuse of Census Data for the Historical Analysis of Family Structure », Journal of Interdisciplinary History, 5, 1975 Google Scholar ; idem, « The Stem Family and the Developmental Cycle of the Peasant Household : an Eighteenth Century Austrian Example », American Historical Review, 11, 1972 ; Wheaton, R., « Family and Kinship in Western Europe : the Problem of the Joint Family Household », ibid., 80, 1975 Google Scholar ; Wachter, K.W. et al., Statistical Studies of Historical Social Structure, Londres, 1978.Google Scholar On remarquera que ce sont les familles rurales qui ont été au centre du débat.

16. ASF, SGB, ser. IV, 17, Giuliano Boni et Salvatore Spini, 20 juin 1810, résidents de Via Case Nuove, aux numéros 3 580 et 3 559.

17. Loc. cit., par exemple, Giuseppe Valenti, 20 juin 1810 ; Caterina Pagni, 18 juin 1810.

18. ANP. F9 159, Arno, spécialement 2 novembre 1812. A la fin de 1813, les familles pauvres que la conscription avait privé de fils ou de frères se virent attribuer une aide : ANP, FIA 29, 12 décembre 1813. On reconnaît généralement que la conscription affectait de manière disproportionnée les pauvres, tandis que les familles plus aisées avaient les moyens de payer un remplaçant : cf. Godechot, J., Les Institutions de la France sous la Révolution et l'Empire, Paris, 1968, pp. 600602.Google Scholar

19. ANP, F 15 509.

20. Gutton (La Société…, op. cit., pp. 54-56) a trouvé chez les pauvres honnêtes aidés par la Société Philanthropique, la même taille modeste des ménages avec une moyenne de 2,61 personnes par ménage et un minimum et un maximum moyens (par rue) qui vont de 1,75 à 4,25 personnes par ménage.

21. J. Hajnal, « Age at Marriage and Proportions Marrying », Population Studies, 1953, Appendice 3. Puisqu'un groupe important d'hommes de 15 à 39 ans manque dans nos données (voir p. 11), on s'attendrait à ce que l'âge réel au premier mariage des hommes et des femmes soit plus bas qu'il n'est indiqué.

22. Berkner, « The Stem Family », op. cit., pp. 406-407.

23. Pour une discussion plus détaillée de ces qualifications professionnelles, voir mon article « Language and Social Reality : Job-Skills at Florence in the Early Nineteenth Century », dans Lepschy, G. C. éd., Su/PerMeneghello, Milan, 1983.Google Scholar

24. Dans la tranche d'âge des 6-9 ans, 57 % sont décrits comme apprenant un métier « à l'école » ou comme travaillant. 70 % des filles travaillaient dans des secteurs différents de celui de leur mère, bien qu'il y ait une proportion relativement élevée (45 %, soit 121) de mères et de filles qui travaillaient dans le secteur textile proprement dit ; 72 % des fils travaillaient dans un secteur différent de celui de leur père, avec seulement une faible proportion de pères et de fils travaillant dans le secteur artisanal (36 % soit 44). Contrastant avec cette absence quasi totale de transmission d'une qualification professionnelle d'une génération à l'autre, on trouve des exemples de maris et de femmes qui avaient dans le textile, des types d'activités assez semblables. Sur le petit nombre des maris travaillant dans cette industrie à dominante féminine, 84 % d'entre eux, soit 47 individus, se retrouvaient dans le même secteur que leur femme. Mais le nombre de cas est insuffisant pour qu'on puisse en tirer des conclusions certaines.

25. ASF, Arno, 97 ; ANP, F15 509 (hôpitaux) ; ASF, Arno, 504 ; ANP, F16 540A (dépôt), avec les prix calculés à partir de ANP, FI 1 468, FI 1 1161 et FI 1 1171 ; ASF, Arno, 512 (prisons) ; ASF, Arno, 158 ; ANP, Fil 706, F15 2877-78 (” soupes économiques »).

26. Wrigley, E. A. et Schofield, R. S., The Population History of England 1541-1871, Londres, 1980, pp. 444446.Google Scholar

27. Un certain nombre de demandes qu'on a exclues de l'analyse, demandaient ensemble plus d'un des cinq articles que la Congrégation avait à offrir.

28. Les descriptions des délégués se rapportent constamment à un lit pour une personne ou à un matelas de paille. Un tel arrangement était normal dans les régions rurales : Flandrin, J.-L., Familles : parenté, maison et sexualité dans l'ancienne société, Paris, 1976, pp. 97101.Google Scholar

29. Tous les exemples sont tirés de ASF, SGB, ser. IV, filza 19, et ne se réfèrent pas nécessairement au second sestiere.

30. Passerini, op. cit., p. 95 ; ASF, Arno, 508, 26 avril 1809.

31. ASF, Arno, 323, 27 septembre 1813 ; Arno, 83,13 septembre 1810.

32. ANP, F15 508.

33. ASF, SGB, ser. I, filza 7,101-107.

34. Idem, ser. I, filza 109.

35. ANP.F15 508.

36. ASF, SGB, ser. IV, filza 19, Giovanni Gucci, 4 juillet 1810.

37. Woolf, S. J., « The Treatment of the Poor in Napoleonic Tuscany 1808-1814 », Annuario dell'Istituto Storico Italiano per l'Età Moderna e Contemporanea, 33-34, 1971-72, pp. 441443 Google Scholar ; idem, « Problems in the History of Pauperism in Italy, 1800-1815 », dans Timoré e Carità. I Poveri nell'ItaliaModerna, Crémone, 1982, p. 328.