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Antisémitisme et stratégies d'intégration. Juifs et non-Juifs dans la Hongrie contemporaine

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Victor Karady*
Affiliation:
Centre de Sociologie de l'Éducation et de la Culture EHESS

Extract

La difficulté à comprendre les objectivations de l'antisémitisme vient du fait que s'y mêle en intime amalgame une série d'éléments à l'historicité hétéroclite : l'expression de rapports d'intérêt concrets (notamment économiques et politiques), l'expérience tirée des relations vécues avec les Juifs, divers biens idéologiques qui circulent dans les familles politiques historiquement constituées (s'opposant généralement aux projets sociaux universalistes), des représentations collectives descendant d'un autre âge et instituées en vérités religieuses ou autrement primordiales, des stéréotypes et jugements qui qualifient l'ensemble des Juifs comme dépositaires de traits de caractères immuables, l'appréhension des « autres », perçus comme anthropologiquement ou culturellement « différents » (lors même que, en pareille matière, l'altérité est toujours l'affaire de définitions sociales décisoires), des projections fantasmatiques de rapports d'intérêts (comme le « bouc émissaire »), etc.

Summary

Summary

The study of antisemitism cannot follow clear out methodological principles since it comprises historically heterogeneous features and sociological layers of extreme diversity. This study focuses on major differences of Jewish-Gentile relations in Hungary before and after the Shoah, the communist take-over representing a structural break in this matter. The Liberal period (till 1918) of modernization with the emergence of the nation state can be opposed to the authoritarian ‘Christian Course’ of the Inter-War years, leading to the short-lived but devastating fascist state. With the maintenance of a measure of social and religious antisemitism in the first (despite officiai policies of emancipation and equality) and, on the contrary, with the preservation of the main civil rights (protecting to some Jews till the German Occupation) combined with a government sponsored anti-Jewish drive, both rested upon ambiguous foundations. The Communists integrated many Jews in the new power structure (a breakthrough in local history), but imposed a taboo on the Jewish past, persecuted Zionism and, implicity, the Jewish spirit under ‘bourgeois’ or ‘cosmopolitan’ disguises. The 1956 “Popular Front” and its aftermaths brought about a new kind of Jewish Gentile understanding in oppositional circles of the Regime but also restored the position of Jewish members of the party machinery. In the post-Communist transition there are no economic arguments to revive Old Regime antisemitism, but symbolic divisions are still operational and continue to disturb the democratic political game.

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Aujourd'Hui
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Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1993 

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References

1. Celle-ci est particulièrement bien présentée dans la synthèse historique publiée par Mccagg, William, A History of Habsburg Jews, 1670-1918, Bloomington, Indiana University Press, 1989 Google Scholar, cf. surtout le chapitre 8. Sur l'aspect centre-européen de l'histoire sociale des Juifs hongrois, voir la collection d'essais sous la direction de Yehuda Don et de Karady, Victor, A Social and Economie History of Central European Jewry, New Brunsvick, Transaction Books, 1990.Google Scholar Sur les problèmes de l'antisémitisme en Hongrie, il y a peu d'études approfondies qui soient accessibles aux lecteurs français ou occidentaux. On citera les plus significatives par la suite. Voir toutefois le livre collectif tout récent publié sous la direction de SILBER, Michael K., Jews in the Hungarian Economy, 1760-1945, Jérusalem, The Hebrew University and the Magnos Press, 1992 et la vue d'ensemble de Rolph Fischer, Entwicklungsstufen des Antisemitismus in Ungarn, 1867-1939. Die Zerstôrung der magyarisch-jûdischen Symbiose, Munich, Oldenburg, 1988.Google Scholar Pour une bibliographie et une documentation sur toutes ces questions, on recommandera le livre posthume, à tous égards remarquable, de Lâszlô Gonda, A magyar zsidosâg tôrténote-Histoire des Juifs de Hongrie, Budapest, Szâzadvég, 1992. Grâce à l'abondant appareil critique qui accompagne ce texte revu par plusieurs spécialistes (la contribution de Gyula ZEKE méritant une appréciation particulière), ce volume très maniable servira désormais de véritable initiation encyclopédique à toutes les recherches en ce domaine.

2. Sur les débats des assemblées nationales (de la noblesse) pendant le Vormârz, portant notamment sur le statut à donner aux Juifs, voir Kâroly Kecskemeti, La Hongrie et le réformisme libéral. Problèmes politiques et sociaux, 1790-1848, Rome, Il centra di ricerca, 1989, surtout le chapitre 6, pp. 172-196.

3. Nous avons tenté avec Istvân Kemeny de brosser un tableau d'ensemble sur la mobilitésociale spectaculaire de larges secteurs de la population juive à l'époque libérale dans notrearticle, « Les Juifs dans la structure des classes en Hongrie. Essai sur les antécédents historiquesdes crises d'antisémitisme du xxe siècle », Actes de la Recherche en Sciences sociales, n° 22, juin1978, pp. 25-59.

4. Sur le tournant politique des années 1920 et le développement conduisant à la mise en place du dispositif législatif antisémite (notamment aux trois grandes « lois juives » de 1938- 1941), voir le livre de Nathaniel Katzburg, Hungary and the Jews, Policy and Législation, 1920-1943, Ramat-Gan, Bar Ilan University Press, 1981. Pour les effets concrets du numerus clausus sur les stratégies scolaires et de mobilité sociale des générations montantes on peut consulter notre travail avec Istvân Kemeny, « Antisémitisme universitaire et concurrence de classe : la loi du numerus clausus en Hongrie entre les deux guerres », Actes de la Recherche en Sciences sociales, 34, septembre 1980, pp. 67-96. Sur la situation prévalant à la veille de la Shoah, voir mon étude « Les Juifs de Hongrie sous les lois antisémites. Étude d'une conjoncture sociologique, 1938-1943 », Actes de la Recherche en Sciences sociales, 56, mars 1985, pp. 3-30.

5. Cf. mon étude « Vers une théorie sociologique des mariages inter-confessionnels. Le cas de la nuptialité hongroise sous l'Ancien Régime », Actes de la Recherche en Sciences sociales, 57-58, juin 1985, pp. 47-68 (surtout pp. 57 et 62).

6. Sur les détails de la Shoah et ses conséquences en Hongrie, il faut consulter le livre monumental de Braham, Randolph L., The Politics of Génocide. The Holocaust in Hungary, vols I-II, New York, Columbia University Press, 1981.Google Scholar L'interprétation qu'en a donnée un grand témoin contemporain, le politologue Istvân Bibô, est depuis peu de temps disponible en français : « La question juive en Hongrie après 1945 », dans Istvân Bibô, Misère : les petits États de l'Europe de l'Est, Paris, L'Harmattan, 1986.

7. Sur l'ambiguïté de la politique communiste à l'égard des Juifs, on dispose d'une étude, précise George Garai, The Policy Towards the Jews. Zionism and Israël of the Hungarian Communist Party, 1945-1953, London School of Economies and Political Science, 1979. Voir aussi mon essai : « Some Social Aspects of Jewish Assimilation in Socialist Hungary, 1945- 1956 », dans The Tragedy of Hungarian Jewry. Essays, Documents, Dépositions, cf. Braham, Randolph L., Boulder, Social Science Monographs, 1986, pp. 73-131. Sur l'ensemble des questions Touchant au rapport des communistes au problème des Juifs, voir l'essai de François Fejto, Les Juifs, l'antisémitisme et les pays communistes (entre l'intégration et la sécession), suivi de documents et de témoignages, Paris, Pion, 1960.Google Scholar

8. Voir à ce propos les incisifs extraits d'entretiens avec des jeunes gens d'origine juive grandis sous le régime communiste, Ferenc Eros, Andrâs Ko VA es, Levai, Katalin, « Comment j'en suis arrivé à apprendre que je suis Juif ? », Actes de la Recherche en Sciences sociales, 56, mars 1985, pp. 6368.Google Scholar

9. Cf. Braham, Randolph L., The Hungarian Jewish Catastrophy. A Selected and Annotated Bibliography, Second Edition Revised and Enlarged, New York, Columbia University Press, 1984.Google Scholar

10. Évoquée par François Fejto, op. cit., p. 94.

11. Cf. Litvan, Gyôrgy, « Jewish Rôle in Hungarian Communism, Anti-Stalinism and 1956 », dans Kirâly Bêla Emlékkônyy-A la mémoire de Bêla Kirâly, Budapest, Szâzadvég, 1992, pp. 237 242 Google Scholar. Voir aussi notre étude avec Stephan Vari, « Une révolution sans bavures », Les nouveaux cahiers, 87, hiver 1986-1987, pp. 4-14.

12. Pour une vue d'ensemble de la situation faite aux Juifs dans le régime post-stalinien, voir Kovacs, Andrâs, « La question juive dans la Hongrie contemporaine », Actes de la Recherche en Sciences sociales, 56, mars 1985, pp. 4557.CrossRefGoogle Scholar

13. On peut consulter à ce propos les recherches de sociologie empirique conduites par Ivân Szelenyi en collaboration avec Manchin, Robert et alii, Socialist Entrepreneurs, Embourgeoisement in Rural Hungary, Cambridge, Polity Press, 1988.Google Scholar

14. C'est dans un manuscrit datant des années 1942-1943 et publié après sa mort que le sociologue et ethnologue Gerenc Erdei (1910-1971) a proposé par le concept de double structure une interprétation saisissante des deux directions passablement divergentes (l'une de type « occidental », l'autre de type « féodal ») de la mobilité socio-professionnelle qui marquent le processus de modernisation donnant naissance aux nouvelles classes moyennes de l'ancien régime finissant.