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Le roi indo-européen et la synthèse des trois fonctions

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Daniel Dubuisson*
Affiliation:
Lille

Extract

Nous savons aujourd'hui que l'idéologie tripartie, telle que l'a progressivement mise au jour Georges Dumézil, était au centre des spéculations sociales et théologiques des principaux peuples indo-européens. Nous savons aussi, grâce aux travaux de G. Dumézil et de Stig Wikander, qu'elle a joué un rôle décisif dans la composition de certaines grandes oeuvres littéraires, épiques ou « historiques ». Et, depuis peu, confirmant des résultats isolés et plus anciens, Dumézil a donné de bonnes raisons de penser que la conception indo-européenne de la royauté s'appuyait également sur elle dans la mesure où « le souverain fait dans son être même la synthèse des principes de ces fonctions ».

Summary

Summary

On the basis of his findings in Mythe et épopée, vol. 2, and several earlier studies, Georges Dumézil concludes: "The indo-european king, by the very nature of his being, effected the synthesis of the three functions." The author of the présent essay seeks to strengthen the évidence for this conclusion by offering new translations and commentaries: an Avestan text (Yašt 23, str. 5 and 7), an Irish text (Dindsenchas 40, paras. 5-6), and several Sanskrit texts. Some concern the rājasūya ("the ancient Indian royal consecration"), and the others are extracts from later sources (Rāmāyaṇa I, 68, 1-5 and Markaṇḍeya Puraṇa 20, 1-7).

This testimony confirms that the indo-european conception of royalty was based on a coherent vision of the world and of society. If the king, through various procédures, accomplishes the synthesis of the three functions, it is because he reigns in a society whose structure and basic theology (as well as a part of its literature) were elaborated with the aid of this convenient conceptual framework.

Type
Anthropologie et Histoire
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1978

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References

Notes

1. Les ouvrages de G. Dumézil seront cités en abrégé : ITIE. (L'Idéologie tripartie des Indo- Européens, Bruxelles, 1958), DG. (Les Dieux des Germains, Paris, 1959), HMG. (Heur et malheur du guerrier, Paris, 1969), MR. (Du mythe au roman, Paris, 1970), ME. I, II, III (Mythe et épopée, I, II, III, Paris, 1971, 1973 et 1974. 2e éd de ME., I), RRA. (La religion romaine archaïque, 2e éd., Paris, 1974), FREA. (Fêtes romaines d'été et d'automne, Paris, 1976) et DSIE. (Les Dieux souverains des Indo-Européens, Paris, 1977).

2. La découverte fondamentale en ce domaine est celle de Stig Wikander et porte sur la substructure mythique du « Mahābhārata, Pāndavasagan och Mahābhāratas mytiska fôrutsàttningar », Religion och Bibel, VI, 1947, pp. 27-39 ; elle a été reprise et développée par G. Dumézil dans ME., I, pp. 42-125. Voir également le thème important des trois péchés du guerrier, HMG., pp. 69-101.

3. De cette seconde série, on retiendra avant tout « l'histoire » des premiers rois de Rome et celle de son synoecisme (cf. ME., I, pp. 261-439), celle des premiers souverains danois de la dynastie des Skjôldungar (cf. MR., pp. 148-150) et peut-être celle, massive, des rois préachéménides ( Wikander, cf. S., « Sur le fonds commun indo-iranien des épopées de la Perse et de l'Inde», La nouvelle Clio, 2, (1949) 1950, pp. 310-329 Google Scholar).

4. Voir en particulier l'article intitulé « Le rex et les flamines maiores », La regalità sacra (VIIIe congrès international d'histoire des religions), Leyde, 1959, pp. 407-418.

5. C'est l'idée qui ressort de la troisième partie de ME., II (la citation est à la p. 358).

6. Après Rgveda X, 90, les témoignages se multiplient. Pour la période antérieure, voir ITIE., pp. 7-8 et Benveniste, Emile, Le vocabulaire des institutions indo-européennes, vol. I, Paris, 1969, pp. 282-287 Google Scholar.

7. « Peu avant l'immolation, le corps du cheval vivant est divisé en trois secteurs, antérieur, médian et postérieur, sur lesquels trois des femmes du roi (la reine en titre, la favorite et une femme dite « rejetée ») font respectivement des onctions mises sous le patronage des dieux Vasu, Rudra et Âditya et destinées à procurer au roi, différentiellement, l'énergie spirituelle Uejas, par l'avant), la force physique (indriya, par le milieu), le bétail (paçu, par l'arrière), ces trois avantages, répartis sur les trois fonctions, se résumant dans un quatrième terme, la prospérité ou la bonne fortune (çri)», RRA., p. 236 (les textes sont dans Dumont, Paul E., L'açvamedha, Paris, 1927, pp. 152-154 Google Scholar, variantes pp. 271-272).

8. Je l'ai montré dans un article qui paraîtra prochainement dans la Revue de l'histoire des religions : « L'équipement de l'inauguration royale dans l'Inde védique et en Irlande ».

9. Je serai tout au long de ce paragraphe redevable au livre de Heesterman, Johannes C., The Ancient Indian royal consécration, La Haye, 1957 Google Scholar.

10. Pour établir une telle correspondance, il a fallu ajouter un terme à la liste traditionnelle des trois fonctions ; voir, plus bas, quelles solutions ont été adoptées.

11. Suivant la Vdjasaneyisamhitā 10, 10-14. Albrecht Weber, Uber die Kônigsweihe, den Rājasūya, Abhandlungen d. kgl. Ak. d. Wissenschaften in Berlin, Phil.-hist. Klasse, 1893, 2, p. 48 semble également s'en servir comme version de référence.

12. La relation qui ressort ici entre varcas d'une part et rājan de l'autre est connue par ailleurs, cf., par ex., Atharvaveda 3, 4, 1 : « L'empire est venu vers toi avec éclat (varcasà). Lèvetoi, va en avant comme chef des clans, comme roi unique (ekarat) resplendis (vi raja.)» (trad. Louis Renou). La Kàthakasamhitā et la Maitrāyanisamhitā (qui présentent un ordre de succession différent — ouest, sud, est et nord —, cf. A. Weber, op. cit., p. 49 et J. C. Heesterman, op. cit., pp. 104-105) ont respectivement, aux quatrième et cinquième rangs, pusta et phala (prospère et fruit) soit deux notions du troisième niveau ; la Taittiriyasamhitā a bala (force, donc deuxième niveau) et varcas.

13. C'est là l'enseignement du Yajurveda noir : Baudhāyanaçrautasūtra 12, p. 101. 10-102.3 et Hiranyakeçiçrautasùtra 13, 5, 31-34 (sous l'influence des maitrāyanïyas, Àpastambaçrautasùtra 18, 15, 10-16, 8 a placé au sud un second prêtre. Ces mêmes Maitrāyanïyas ont remplacé le rājanya par un bhrātrvya ( « son of the father's brother and thereby a potential rival », J. C. Heesterman, op. cit., p. 118). Le Yajurveda blanc n'en diverge que sur un point : le prêtre est placé à l'est, les trois autres à l'ouest et le sva remplace \ejanya mitra (Kātyāyanaçrautasūtra 15, 5, 30-6, 9).

14. Cf. J. C. Heesterman, op. cit., p. 114 et p. 118 n. 24.

15. Cf. FREA., pp. 123-124.

16. «Die drei oberen Kasten sind somit bei der Salbung durch Vertreter betheiligt, die Kriegerkaste ist resp. doppelt vertreten, durch den Verwandten des Kônigs und durch den befreundeten rājanya. Dass auch ein vaiçya dabei mitfungiert, ist sicher alterthùmlich », A. Weber, op. cit., p. 51, n. 2.

17. Cf. «le plan idéal que le Kautilïya-Arthaçāstra (trad. R. Shamasastry, Bangalore, 1915, pp. 60-61) donne d'une forteresse royale: au centre, légèrement au nord d'un emplacement réservé pour les dieux et le sacrifice, la place du roi ; autour : au nord, les prêtres ; à l'est, les guerriers ; au sud, les éleveurs agriculteurs ; à l'ouest, les çūdra », ME., II, p. 254, n. 3.

18. Faut-il rappeler, à titre de contre-épreuve si l'on veut, que le symbolisme spatio-fonctionnel qui préside invariablement à la mise en place des trois feux de tout sacrifice védique solennel (à l'est, près de l'autel, le feu « offertoire » (āhavaniya) qui porte aux dieux les offrandes ; en face, à l'ouest donc, le feu « terrestre » du maître de maison (gārhapatya) ; au sud, enfin, le daksināgni chargé de défendre l'ensemble contre les mauvais esprits), coïncide exactement avec celui qui se dégage de la partie supérieure de notre tableau (le symbolisme fonctionnel des trois feux a été mis en évidence par G. Dumézil, RRA., pp. 318-328) ? De telles relations, aussi constantes dérivent nécessairement d'une source commune.

19. Voir cependant, ci-dessus, n. 11 et 12.

20. FREA., pp. 121-125.

21. Ce texte (The settling of the manor of Tara, éd. et trad. par R. I. Best, Ériu, 4, 1910, § 23) ainsi que celui cité à la n. 17, ont été rapprochés et brillamment étudiés par A. et B. Rees, Celtic héritage, 1961, pp. 130-133.

22. FREA., p. 125.

23. Cette partie de dés pose en fait de nombreux et délicats problèmes que nous n'aborderons pas puisque seules nous intéressent ici la participation des quatre classes et la mention des quatre points cardinaux. Voici la version donnée par Āpastamba : « The aksavāpa strews more than a hundred or more than a thousand golden dice (on the dicing ground). Four qualified (tadyoga) persons : a brāhmana, a ksatriya, a vaiçya and a çūdra play for the parts of a four-year old cow (pasthauhi). They proclaim (the parts of) an odana (substituting the parts of the cow). The fee for this ritual act are the two oxen that drew up the fire to (the north) of the āhavanīya hearth. They are to be given to the brahman priest. With the words : « the king has burst forth (udbhinnam rājnahj», he (the brāhmana player ?) takes out (udupya) 140 golden dice, wins and hands five dice to the king with the words : “this man has become king over the régions (diço ‘bhy ayam rājābhūt) ”, J. C. Heesterman, op. cit., p. 143 (les autres versions sont aux pp. 144-145).

24. Je rappelle simplement que sa titulature est trifonctionnelle (cf. Yašt 13. 130), qu'il gouverne avec l'aide des trois feux des trois classes sociales (cf. Grand Bundahisn, 18, 10, éd. et trad. de Behramgore T. Anklesaria, Bombay 1956) et surtout qu'il possède le triple x“annah, «la marque de .l'élection divine qui exprime la légitimité et garantit la réussite d'un roi » (Dumézil), dont chaque partie correspond à l'une des fonctions (cf. ME., II, pp. 282-292 et en particulier pp. 284-286 (Yašt 19, 34-38 et Dênkart VII, I, 25-27, 32, 36-37). De plus G. Dumézil et É. Benveniste ont donné « des raisons de supposer que la tradition qui fait des trois fils de Zoroastre le premier prêtre, le premier guerrier et le premier éleveur-agriculteur (ce dernier, plus précisément encore, chef des agriculteurs dans le vara de Yima) est la retouche, à la plus grande gloire du prophète, d'une tradition prézoroastrienne où c'était Yima, à travers ses fils, qui instituait les classes » (ME., II, p. 294). Tous les textes relatifs à Yima sont réunis dans l'ouvrage capital d'Arthur Christensen, Le Premier homme et le premier roi dans l'histoire légendaire des Iraniens, vol. II, Leyde, 1934.

25. Il est probable que ce Yast assez court (8 versets) qui ne contient que des bénédictions « formait d'abord le début du Vyt. ; plus tard on l'en aura détaché, parce qu'il était susceptible d'un usage général et indépendant, c'est le Salvum fac regem du Mazdéisme, et on l'aura remplacé dans le Yast par un abrégé, d'ailleurs très incorrect », Darmesteter, James, Le Zend Avesta, Paris, 1892, vol. II, p. 659 Google Scholar. Ce Yašt n'a été traduit ni par Fritz Wolff, ni par Herman Lommel.

26. C'est-à-dire que ce dixième fils sera le prince héritier comme le précise Geo Widengren, Les Religions de l'Iran, Paris, 1968, p. 75, qui a signalé à cette occasion l'importance de ce cinquième verset pour l'étude de l'idéologie royale dans l'Iran ancien.

27. Ou plutôt la « doctrine correcte » en suivant la traduction de Duchesneguillemin, Jacques, Les Composés de l'Avesta, Liège, 1936, § 233 Google Scholar.

28. Éd. Westergaard, N. L., Zend Avesta, vol. I, Copenhague, 1852, p. 301 Google Scholar, trad. J. Darmesteter, op. cit., p. 661. La traduction pehlevie de ces deux versets est extrêmement fidèle :

May ten sons be born of thee ! May the three be (like) Âsravan (priest like Àtarpāt Mahraspand, mobed of mobeds) ! May the three be like warriors (helper like Spand-dāt, son of Vïstàsp) ! May the three be like (prosperity-bringing) agriculturists (like Zav- Tōhmāsp, the good in the world) ! May thy one (son) be like the king Gūstāsp !

May you be the giver of impartial justice like Rasn the most just ! May you be the fiendsmiter like the Victorious (Varharān Yazat) created by Ohrmazd ! May you be of full comfort like Ràmisn Xvarom (i. e. the joy of Virtuous Toil) ! May you be without disease and immortal like Kay Hūsrav !

Trad. Kanga, Ervad M. F., Pahlavi version of Yasts, Bombay, 1941, pp. 107-108 Google Scholar.

29. Mulchrone, Kathleen, Bethu Phātraic (The tripartite life of Patrick) (text and sources), Dublin, 1939, vol. I, p. 93 Google Scholar. Sur l'imprécision du terme qui sert à caractériser la masse populaire (” tout le reste m'est également cher »), cf. mon article « L'Irlande et la théorie médiévale des “trois ordres”, Revue de l'histoire des religions, CLXXXVIII/1, 1975, pp. 54-56.

30. « Die rechte Lehre besitzend, kennend, rechtglàubig », Bartholomae, Christian, Altiranisches Wôrterbuch, Strasbourg, 1910 Google Scholar.

31. Le roi Husrava, le huitième et dernier souverain de la dynastie des Kavi (cf. Yast 13, 132), a eu le rare privilège de connaître l'immortalité, cf. J. Darmesteter, op. cit., p. 638, n. 125 et p. 661, n. 29. Dënkart IX, 16, 12-19, le cite parmi les huit héros immortels.

32. Cf. ME., I, pp. 87-89 et DSIE., pp. 45-46 : « Il y a longtemps que le couple final aux noms assonants Haurvatāt et Amaratāt, a fait penser aux indissociables jumeaux védiques, les Nàsatya ou Açvin qui, entre autres choses, s'occupent de protéger physiquement les hommes et les animaux, notamment contre la maladie et contre la mort. »

33. L'élevage de la vache, ranyô.sksrsitim (donneuse de satisfaction), a pour conditions la paix et la présence de vastes pāturages, cf. Yasna 47, 3 : « Tu es le père saint de cet élan qui a créé pour lui la vache donneuse de satisfaction, et Àrmaiti, en tant que donneur de paix pour ses pātures», trad. Kellens, Jean, Les noms-racines de l'Avesta, Wiesbaden, 1974, p. 140 Google Scholar. Le plus souvent, Rāman est dans l'Avesta le compagnon sans relief et sans personnalité de Mithra. Voir cependant Yasna 68, 15 où il est invoqué pour apporter des remèdes (baèsazanqm).

34. « O saint Rasnu ! ô Rasnu le très droit ! Rasnu, le très bienfaisant ! Rasnu, le très savant ! Rasnu, qui sait le mieux discerner ! Rasnu, qui sait le mieux prévoir ! Rasnu, qui vois du plus loin ! Rasnu, qui rends le mieux justice ! Rasnu, qui abats mieux le voleur ! Toi à qui l'on ne peut faire tort ! Toi qui sait le mieux rejeter, abattre, détruire le voleur et le brigand, en quelque lieu du monde que tu sois observant les actes† » (trad. J. Darmesteter, op. cit., p. 493). Ses hautes qualités morales en font l'un des témoins, avec Mithra, des épreuves judiciaires (cf. Vidévdàt 4, 54-55) et l'un des juges dans l'au-delà ( Duchesne-Guillemin, cf. J., La religion de l'Iran ancien, Paris, 1962, p. 334 Google Scholar). Toutes ces notions et toutes ces activités renvoient sans problème à la première fonction.

35. Trad. J. Darmesteter, op. cit., p. 576. A propos de Vrtrahan, Varethragna et Vahagn, voir en dernier lieu HMG., pp. 104-125.

36. Cf. ME., I, pp. 76-89.

37. On rapprochera de cette triade de bienfaits la triade de fléaux dont Darius demande à Ahura Mazdā de protéger son empire : « Qu'Auramazdà protège ce pays de l'armée ennemie, de la mauvaise récolte, du mensonge. Que ne viennent à ce pays ni l'armée ennemie, ni la mauvaise récolte, ni le mensonge », cité et trad. par É. Benveniste, « Traditions indo-iraniennes sur les classes sociales », Journal asiatique, CCXXX, 1938, p. 543 ; il ajoute : « En une claire formule s'évoque le triple danger (invasion, famine, impiété) dont la société, en ses trois assises, risquerait de périr sans la protection d'Ahura Mazdā. » On voit qu'il est possible d'opposer terme à terme les trois fléaux que redoute Darius et la série de bénédictions prononcées par le prophète : 1. doctrine correcte # drauga (illoyalisme, mensonge, tromperie considérés comme la faute religieuse la plus grave, cf. J. Kellens, op. cit., pp. 38-42) ; 2. victoire sur les ennemis # invasion armée ; 3. bien-être, santé et immortalité # mauvaise récolte. Voir aussi ME., I, p. 617, à propos de Yasna 32, 10.

38. Ainsi, pour prendre un exemple révélateur, le rājasūya et Yaçvamedha célébrés par Yudhisthira (livres II et XIV du mahābhārata) ne présentent plus les caractéristiques fonctionnelles signalées plus haut à propos de ces rituels royaux.

39. Par exemple Manusmrti ch. 7, 1 ff. commenté par Jan Gonda, « The sacred character of ancient Indian kingship », La regalità sacra, op. cit., pp. 172-180.

40. A ce stade la confusion avec « le thème plus général, simplement cumulatif, souvent moral, de l'homme complet » (Dumézil, lettre personnelle) est possible ; aussi vaut-il mieux avoir en tête cette distinction. Zarathustra en Iran ( Kaj Barr, cf., « Irans profet som téleios anthropos », Eestskrift L. L. Hammerich, Copenhague, 1952, pp. 26-36 Google Scholar) ; Cūchulainn en Irlande (cf. Christian J. Guyonvarc'h - éd. et trad.-et Françoise Le Roux - commentaire - , «La conception de CUchulainn », Ogam XVII, fasc. 3-6, 1965, pp. 379-380 et 403-405), quoique radicalement différents l'un de l'autre, sont des cas intéressants « d'homme complet ». A un moindre niveau, car les exemples cités se ramènent presque tous à des simples formules passe-partout, on pourrait citer Denys D'Halicarnasse 4. 45 (présentation de Turnus Herdonius), « Plutarque », Publicola 21.4 (présentation d'Appius Clausus) et certains des çlokas épiques relevés par Alf Hiltebeitel, The ritual of battle, Krsna in the Mahābhārata, Ithaca, 1976, pp. 192-229.

41. astra désigne avant tout l'arc, l'arme de jet et castra l'épée. A la suite de F. Eden Pargiter, The M.P., Delhi, 1969, p. 109, je corrige yogydni yuddha en yuddha niyogya.

42.

prāgbabhūva mahāvïryah çatrujinnāma pàrthivah

tutosa yasya yajnesu somàvāptyā purandarah (1).

tasyātmajo mahàviryo babhūvàrividàranah

buddhivikramalāvanyairguruçakrāçvibhih samah (2).

sa samknavayobuddhisattvavikramacestitaih

nrpaputro nrpasutairnityamaste samàvrtah (3).

kadācicchāstrasambhāravivekakrtaniçcayah

kadācit kāvyasamlāpagïtanātakasambhavaih (on attend le sing.) (4).

tathaivāksavinodaiçca

çastrātravinayesu ca

yogyāni yuddhanāgāçvasyandanābhyàsatatparah (5).

reme narendraputro ‘sau narendratanayaih saha

yathaiva hi divā tadvadrātrāvapi muddyutah (6).

tesàntu krïdatām tena dvijabhūpaviçàm sutāh

samānavayasah pritya rantumàyàntyanekaçah (7).

Ed. K. M. Banerjea, Bibl. Indica, Calcutta, 1862.

43. Cf. E. Washburn Hopkins, Epic mythology (1915), éd. indienne, Delhi, 1968, pp. 180- 181. Les ouvrages d'Abel Bergaigne, La religion védique d'après les hymnes du Rgveda, 2e éd., Paris, 1963, vol. I, pp. 299-304 et de Macdonell, Arthur A., Vedic mythology, éd. indienne, Delhi, 1971, pp. 101-104 Google Scholar contiennent d'importantes monographies concernant Brhaspati.

44. Stig Widander, Cf., « Nakiila et Sahadeva », Orientalia suecana, VI, (1957) 1958, pp. 66- 96 Google Scholar et ME., I, pp. 73-89. Mais avant tout les Açvin sont secourables (ils soignent, rajeunissent†) et serviables, cf. A. A. Macdonell, op. cit., pp. 49-54.

45. On se souvient que c'est à ces dieux que sont destinés les talismans fonctionnels façonnés par les Rbhu : la vache magique revient à Brhaspati, les deux chevaux bais à Indra et le char à trois roues aux Açvins qui portent grāce à lui « leur bienveillance à travers le monde » ; je renvoie à Dumézil, G., Tarpeia, essais de philologie comparative indo-européenne, Paris, 1947, pp. 207- 214 Google Scholar.

46. Cf. DSIE., p. 225, n. 4.

47. Cf. ci-dessus, n. 43.

48. Par ex. Rgveda 4, 24, 3 ; SB. V, 1, 5, 5-6; Aitareya B. VII, 23†

49. Cf. ME., I, pp. 65-94 (en particulier pp. 70-76 et 89-94).

50.

Rāmāyana 68, 1-5 (éd. crit. de G. H. Bhatt, Baroda, 1960):

tatô ràtryām vyatîtàyām sopādhyāyah

sabāndhavah rājā

daçaratho hrstah sumantramidamabravit (1).

adya sarve dhanàdhyaksà dhanamādàya puskalam

vrajantvagre suvihità nānàratnasamanvitāh (2).

caturangabalam cāpi çïghram niryātu sarvaçah

mamājn̄āmakàlam ca yànayugyamanuttamam (3)

vasistho vāmadevaçca jābàliratha kàcyapah

màrkandeyaçca dïrghàyur rsih kātyāyanastathà (4).

ete dvijàh prayāantvagre syandanam yojayasva me

yathā kālàtyayo na syàddūtā di tvarayanti mām (5).

51. Cf. « Medb, la Souveraineté et les vertus royales” (dans ME., II, pp. 335-340), C. J. Guyonvarc'H, « La naissance de Conchobar » (version A = Livre de Leinster), Ogam, XI, fasc. 1, p. 60 (§ 7), mon art., « Les talismans du roi Cormac et les trois fonctions », Revue historique, 508, 1973, pp. 289-294 et ITIE., p. 22.

52. Éd. et trad. de Stokes, Whitley, Revue celtique, 15, 1894, pp. 272-336 Google Scholar et 418-484 ; 16, pp. 31-83, 135-167 et 269-283.

53. « The brigu cétach or “hundreded hospitalier”, was a landholder legally bound to entertain travellers and his chiefs soldiery, and to possess a hundred slaves and a hundred of each kind of domestic animal», W. Stokes, ibid., 15, p. 431.

54. Trad. d'après W. Stokes, ibid., 15, pp. 429-431.

55. L'irlandais a gardé le dérivé nert (de nertu) (cf. J. Vendryes, Lexique étymologique de l'irlandais ancien, 1960, N-10) alors qu'il perdait le radical °ner qui a survécu dans de nombreuses langues (sanskrit, avestique, grec, ombrien, osque) pour désigner de préférence l'homme viril, le guerrier, cf. G. Dumézil, Idées romaines, 1969, pp. 225-245.

56. Banba est avec Ériu et Fotla l'une des trois personnifications féminines de l'Irlande (voir en particulier Stewart Macalister, R. A., Lebor gabdla Érenn, vol. IV (= I. T. S., vol. XLI), Dublin, 1941 Google Scholar, section 7). Aussi le mot sert-il souvent et simplement à désigner l'Irlande. Mais notre texte précise qu'il s'agit de Banba ina flaithius c'est-à-dire de Banba dans sa souverainté, la personnification féminine du pouvoir royal sur l'Irlande (cf. ME., II, pp. 335-340). Inversement, lorsque les textes veulent par Banba désigner « la terre irlandaise », ils le font nettement, par exemple : « Gabais Mac con tir nïBanba « Mac-con took the land of Banba cach leth co glasmuir ngledend. » On every side as far as the pure-coloured green sea. » (éd. et trad. de Stokes, W., Revue celtique, 13, 1892, p. 467 Google Scholar).

57. Ce sont les richesses qui fondent la troisième fonction, non les notions de partage, de générosité ou de don qui n'en sont qu'un prolongement «moral » ; cf., sur ce point, ME., II, pp. 272-273.

58. Cf. les remarques finales de mon article « Les talismans du roi Cormac† », art. cité, pp. 293-294. A l'opposé, par ex., le mauvais jugement (gubreth) qui caractérise le roi indigne entraîne ipso facto la famine (les herbes, les feuilles et les céréales ne poussent plus) ; ainsi dans Stokes, W., «The battle of Mag Mucrime », Revue celtique, 13, 1892, § 64-66 Google Scholar.

59. Les faits romains ont été étudiés par G. Dumézil, R.R.A., pp. 184-185 et 575-576.

60. S'il est vrai que du strict point de vue de l'histoire des mots l'Iran n'est pas une « société à rëg », du point de vue de l'histoire comparée des idées elle forme avec les trois autres un groupe homogène.

61. Avec cette différence importante que, sur le plan social, la première fonction est représentée par les prêtres et leurs diverses activités, alors que, dans la perspective de la conception de la royauté, c'est l'autre aspect de la première fonction, la souveraineté juridique, qui est plus fréquemment retenu.

62. ITIE., p. 89.