Hostname: page-component-6d856f89d9-5pczc Total loading time: 0 Render date: 2024-07-16T08:17:38.242Z Has data issue: false hasContentIssue false

Le Play et la famille-souche des Pyrénées : politique, juridisme et science sociale

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Louis Assier-Andrieu*
Affiliation:
C.N.R.S. Toulouse

Extract

Lorsqu'on relit aujourd'hui l'ɶuvre de Le Play et de ses continuateurs, on est frappé par la place qu'y occupent autant dans ses propositions théoriques que dans ses conclusions politiques les sociétés occitanes. Ce dualisme entre projet scientifique sociologique et projet de réforme sociale marque le contenu de l'ensemble des ouvrages publiés par le maître et ses disciples jusqu'à ce qu'en 1885, trois ans seulement après sa mort, une scission institutionnelle sépare le courant delà Science sociale et celui de la Réforme sociale.

Summary

Summary

The expression famille-souche (stem-family) coined by Frederic Le Play should be understood in the context of its period. As a sociologist and politician Le Play would nor have made a peasant family from the Pyrenees the paradigm for the stem-family, nor would he have made this peasant family the model for a plan of social reform promoted by the Second Empire, or made the devolution of land inheritance a fundamental principle of social order had his work not coincided with a specific contradiction in legal terms between the Languedoc area and French society as a whole. Bearing in mind the original setting of the concept as well as the basic doctrine of Le Play, this article attempts to examine the ethnographic, political and juridical reasons for the dominant role of the inheritance system in the formation of family and social structures in Leplaysian sociology.

Type
Morphologie Sociale
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1984

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

References

Notes

1. Savoye, Antoine, « Les continuateurs de Le Play au tournant du siècle », Revue française de Sociologie, 1981, XXII-3, pp. 315344.CrossRefGoogle Scholar

2. Grand, Roger, Avant-propos au Recueil d'études sociales à la mémoire de Frédéric Le Play, Paris, Picard, 1956, p. X.Google Scholar

3. Boudon, Raymond, « An Introduction to Lazarsfeld's Philosophical Papers », dans Lazarsfeld, Paul S., Qualitative Analysis : Historical and Critical Essays, Boston, Allyn and Bacon, 1972, pp. 410427.Google Scholar

4. Play, Frédéric Le, Les Ouvriers européens. Études sur les travaux, la vie domestique et la condition morale des populations ouvrières de l'Europe, précédées d'un exposé de la méthode d'observation, Paris, Imprimerie Impériale, 1855, 301 p.Google Scholar

5. Cochtn, Augustin, Les Ouvriers européens. Résumé de la méthode et des observations de M. F. Le Play, Conseiller d'État, Ingénieur des Mines, Paris, Ch. Donniol, 1856, p. 39.Google Scholar

6. Frédéric Le Play, Les Ouvriers européens, 1869, 2e édit., I, p. 237.

7. Rapporté par Méline, Pierre, P.G.F. Le Play. L'oeuvre de science, Paris, Bloud, col. Philosophes et penseurs, 1912.Google Scholar

8. Frédéric Le Play, Les Ouvriers européens, 1879, p. 9.

9. Play, Frédéric Le, L'Organisation de la famille suivant le vrai modèle signalé par l'histoire de toutes les races et de tous les temps, Tours, Marne, 1871, p. 11.Google Scholar

10. Ibid., p. 11.

11. Il le confesse notamment dans son dernier ouvrage, que d'aucuns considèrent comme son testament intellectuel : « la pensée première de l'oeuvre a été conçue en juillet 1848, après les deux effusions de sang qui avaient eu lieu à Paris en février et en juin. Cette pensée ne vint pas de moi : elle naquit tout à coup dans l'esprit des quatre partis réformistes qu'avaient créés nos révolutions, mais qui, à la vue des maux de la patrie, se trouvèrent alors réunis par l'évidente nécessité de la réforme sociale. Sur l'indication de plusieurs notabilités du temps [il s'agit en particulier de Thiers] qui, pendant les années précédentes, avaient suivi mes travaux pour en appliquer les résultats, quelques chefs de ces partis vinrent alors m'inciter à publier les faits sociaux que j'avais recueillis et les inductions que j'en avais tirées », Play, Frédéric Le, La Constitution essentielle de l'humanité. Exposé des principes et des coutumes qui créent la prospérité ou la souffrance des Nations, Tours, Marne, janvier 1881, p. 286.Google Scholar

12. Frédéric Le Play, op. cit., 1871, p. xx.

13. Ibid., p. 112.

14. Ibid., p. 112.

15. Lettre du 17 avril 1829 de Play, Frédéric Le à sa mère, Voyages en Europe. 1829-1854. Extraits de sa correspondance publiés par Albert Le Play, Paris, Pion, 1899, pp. 9798.Google Scholar

16. Frédéric Le Play, op. cit., 1871, p. 99. A l'appui d'une analyse des effets du Code civil dans les campagnes, Théodore Zeldin rend compte du cas Mélouga dans le premier volume de son Histoire des passions françaises, en reproduisant toutefois les appréciations propres de Le Play, Paris, Éditions du Seuil, 1980, pp. 177-178.

17. Ibid., p. 152.

18. Ibid., p. 152.

19. Ibid., p. 106.

20. Play, Frédéric Le, « Paysans en communauté du Lavedan », dans Les Ouvriers des Deux Mondes, Paris, Société Internationale des Études Pratiques d'Économie Sociale, 1857, I, n° 3, pp. 107160.Google Scholar

21. Frédéric Le Play, op. cit., 1871, p. 176.

22. Ibid., p. 180.

23. Appendice d'Emile Cheysson inclus dans L'Organisation de la famille.

24. Cité par Cheysson, dans la seconde édition de L'Organisation delafamille, 1875,p. 251.

25. Ibid., pp. 248-249.

26. Cité par Cheysson, dans la 3e édition de L'Organisation de la famille, 1884, pp. 295-296.

27. De La Selle, « Le dernier épisode de l'histoire des Mélouga », La Réforme sociale, 1883, 15 septembre, pp. 327-328.

28. Augustin Cochin, op. cit., 1856, p. 41.

29. Frédéric Le Play, Les Ouvriers européens, 2e édit., 1879,1, p. xi.

30. « La famille-souche la mieux organisée est celle qui se maintient depuis vingt-cinq siècles sur les deux versants des Pyrénées », Frédéric Le Play, op. cit., 1871, p. 106.

31. Comme en témoigne sa justification du choix de la famille Mélouga pour illustrer L'Organisation de la famille : « Je l'ai prise en France pour conjurer les répugnances que mes concitoyens opposent habituellement à l'imitation des étrangers, et, pour faciliter les vérifications (c'est moi qui souligne), je l'ai choisie aux portes d'une ville fréquentée annuellement par des milliers de voyageurs », op. cit., 1871, p. 112.

32. Ce terme désigne chez Le Play un ensemble de pratiques et non une coutume rédigée d'origine médiévale. Fidèle à son aversion de la culture livresque, il ne cite jamais les Coutumes de Barèges et du pays de Lavedan, pourtant publiées à Bagnères en 1837. Comme le dit nettement Paul Ourliac, « il tient pour certain que les pratiques qu'il écrit traduisent la coutume ancienne ; mais il ne fait de celle-ci aucune étude précise » : « La famille pyrénéenne au Moyen Age », dans Recueil d'études sociales à la mémoire de Frédéric Le Play, op. cit., p. 258.

33. Frédéric Le Play, Oeuvres, Paris, Éditions d'Histoire et d'Art, Librairie Pion, 1941, II, « La réforme de la Société. Le travail ».

34. Duroselle, Jean-Baptiste, Les Débuts du catholicisme social en France (1822-1870), Paris, Presses Universitaires de France, Bibliothèque de la science politique, 1951, p. 685.Google Scholar

35. Frédéric Le Play, OEuvres, op. cit., 32, p. 7.

36. Frédéric Le Play, L'Organisation de la famille, op. cit., 1871,p. 111.

37. Ibid., p. 112.

38. Frédéric Le Play, OEuvres, tome II, p. 8.

39. Frédéric Le Play, op. cit., 1871, p. 107.

40. Le Play cite à l'envi dans ses écrits le projet féodal que caressait l'empereur en promulgant les lois successorales du Code civil : « tout ce qui ne vous est pas attaché va se détruire en peu d'années, et ce que vous voulez conserver se consolidera (…) Il faut établir le Code civil chez vous, écrivait-il en 1806 à Joseph, roi de Naples ; il consolide votre puissance, puisque par lui, tout ce qui n'est que fidéicommis tombe, et qu'il ne reste plus de grandes maisons que celles que vous érigerez en fiefs », lettre du 5 juin 1806, Mémoires du roi Joseph, Paris, 1853, II, p. 275.

41. Il faut retenir à cet égard que, s'il avait bien perçu le rôle de la coutume, qui domine les volontés individuelles, dans les successions lavedanaises, Le Play avait privilégié dans son programme de réforme l'autorité paternelle avec, comme instrument de son exercice, la liberté testamentaire ; liberté restreinte, dans son esprit, au pouvoir d'avantager sans entraves légales l'un des enfants. Ainsi, avec une nuance et un détour dans le vocabulaire du droit, il s'agit bien d'opposer la coutume au droit et non le libre arbitre individuel à la collectivité abstraite : Le Play n'est pas un libéral, mais le partisan d'un ordre ancien dont la permanence transparaît dans la coutume des populations rurales, et particulièrement des populations pyrénéennes.

42. Le Play leur exprime sa gratitude morale en les comptant parmi les « autorités sociales » dont il dresse le tableau d'honneur dans la 4e édition de La Réforme sociale en France déduite de l'observation comparée des peuples européens, Tours, Marne, 1879,1, pp. XLD-LV.

43. Ribbe, Charles De, LePlay d'après sa correspondance, Paris, FirminDidot, 1884, p. 142.Google Scholar 44. Claudio Jannet, « La réforme du Code civil selon les jurisconsultes des pays à famillesouche »,appendice 3 inclus dans L'Organisation de la famille, 1871, pp. 242-243.

45. Réquier, Jules, « Partages d'ascendants. Observations sur l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 24 juin 1868 », Revue pratique de Droit français, 1868, XXVI, 1-15 septembre, pp. 12 Google Scholar, 20.

46. Réquoer, Jules, « Partages d'ascendants. Estimation des biens pour estimer la lésion. Réforme législative », Revue pratique de Droit français, 1866, XXIV, 1-15 décembre, p. 20.Google Scholar

47. Ibid., p. 20. On trouvera un exposé complet des thèses de Réquier sur les successions rurales, fondées sur une interprétation des résultats de l'enquête agricole de 1866, et orientées en faveur d'une réforme législative ou tout au moins d'une modification des interprétations données par la Cour de cassation des textes en vigueur, dans son Traité théorique et pratique des partages d'ascendants, Paris, Imprimerie et Librairie Générale de Jurisprudence, 1868.

48. L'opposition des tenants du droit écrit fut particulièrement vive durant la période révolutionnaire où, nous dit Joseph Goy, on agita trois fois devant les assemblées la menace d'une sécession des provinces occitanes, J. Goy, « Les intellectuels et la pratique sociale : des imprudences de la législation successorale révolutionnaire au « bricolage » du Code civil », inédit.

49. Jannet, Claudio, Les Résultats du partage forcé des successions en Provence d'après une enquête privée faite sous les auspices de la Société des Études pratiques d'Économie sociale, Paris, Guillaumin Google Scholar, étude réalisée en 1867 et rééditée en 1871 à l'occasion du projet de loi de réforme des art. 382 et 1079 du Code civil, Baragnon et Mortimer-Ternaux.

50. Guérin, U., « Un côté de la réforme successorale, les partages d'ascendants », La Réforme sociale, 1883, VI, pp. 293305.Google Scholar

51. L'essentiel de la carte exemplaire des « populations les plus laborieuses et les plus morales » concerne la grande Occitanie : « nos provinces basques, les pays de Foix et de Comminges, le Roussillon, l'Armagnac, la Chalosse, la majeure partie de la Gascogne et du Languedoc, le Rouergue et le Quercy, la haute Auvergne, le Velay, le Vivarais, le Gevaudan, la Haute- Provence, le pays de Nice, la Savoie, le Dauphiné, les montagnes du Forez, de la Franche-Comté et duMorvan », Frédéric Le Play, Les Ouvriers européens, 1871, p. 87.

52. Ribbe, Charles De, Le Play d'après sa correspondance, Paris, Firmin Didot, 1884, p. 314.Google Scholar

53. Ibid., p. 16.

54. Lettre de Claudio Jannet à Ribbe, Charles De cité par ce dernier dans Mes Souvenirs sur Claudio Jannet (1857-1894), Paris, 1895, pp. 1718.Google Scholar

55. Charles Maurras, cité par Mccearney, James, Mourras et son temps, Paris, Albin Michel, 1977, p. 57.Google Scholar

56. Althusser, Louis, Montesquieu, la politique et l'histoire, Paris, Presses Universitaires de France, 1974 (1959), p. 111.Google Scholar

57. Roger Grand, article cité, p. VIII.

58. Durkheim, Emile, Les Règles de la méthode sociologique, Paris, Presses Universitaires de France, 1947, p. 35.Google Scholar

59. Frédéric Le Play, op. cit., 1881, p. 293.

60. Ce mouvement est le seul dans le courant le playsien à trouver grâce aux yeux de Durkheim. Dans « La sociologie en France au xrx’ siècle », ce dernier justifie dans une simple note infrapaginale l'absence dans sa recension de l'école Le Play dont les préoccupations sont « plus pratiques que théoriques » et dont le système se fonde sur un « préjugé religieux » dans La Science sociale et l'Action, Paris, Presses Universitaires de France, 1970, p. 133.

61. La Science sociale, 1892, XIII, pp. 308-320, 457-472 ; XIV, 218-338 ; 1893, XV, 119-132 ; 182-195 ; 276-284 ; 445-462 ; texte réuni en un volume et publié dans une version légèrement abrégée sous le titre La Vallée d'Ossau, Pau, 1894.

62. Ibid., XIV, p. 235.

63. Ibid., p. 233.

64. Demolins, Edmond, « L'état actuel de la science sociale d'après les travaux de ces dix dernières années », La Science sociale, 1893, XV, p. 13.Google Scholar

65. Fernand Butel, article cité, XV, p. 279.

66. Edmond Demolins, article cité, p. 13.

67. Ibid., pp. 13-14.

68. Il s'agit d'une note explicative qu'Edmond Demolins a incluse au sein de l'étude de Butel, 1892, XIV, p. 237, note 1.

69. Fernand Butel, article cité, 1892, XIV, pp. 237-238.

70. Ibid., pp. 221-222.

71. J. B. V. Coquille, La Coutume, Paris, Lecoffre, 1894, p. 4.

72. « C'est la maison qui compte dans les relations sociales », F. Butel, La Science sociale, 1892, XIV, p. 233.

73. Cf. son essai théorique « Contribution à une problématique de la communauté villageoise dans le domaine européen » (1970) dans Parain, Ch., Outils, ethnies et développement historique, Paris, Éditions Sociales, 1979, pp. 425460.Google Scholar

74. F. Butel, article cité, 1892, XIV, pp. 228-229.

75. « Les conditions et les besoins du travail variant du tout au tout suivant qu'il s'agit du pâturage ou de la culture, la propriété revêt, par là même, une forme différente suivant qu'elle s'applique à l'un ou à l'autre », Ibid., p. 234.

76. On peut ajouter à ces auteurs bien connus Viollet, Paul, Caractère collectif des premières propriétés immobilières, Paris, Guillaumin, 1872 Google Scholar, et Lacombe, Paul, L'Appropriation du sol. Essai sur le passage de la propriété collective à la propriété privée, Paris, Armand Colin, 1912.Google Scholar

77. F. Le Play, La Constitution essentielle de l'humanité, 1881, p. 286, et Bonnecase, J., La Notion de droit en France au XIXe siècle. Contribution à l'étude de la philosophie du droit contemporaine, Paris, Boccard, Bibliothèque d'histoire du droit et des institutions, t. VXIII, p. 43.Google Scholar

78. Thiers, A., De la propriété, Paris, Paulin Lheureux, 1848, p. 21.Google Scholar

79. Félicien Pariset élabora à partir de l'étude monographique et statistique des familles de métayers et de maîtres-valets du Lauragais et de la Montagne Noire (Midi toulousain) entre 1864 et 1876 un aménagement critique de cet autre principe cardinal de réforme sociale qu'était l'union des classes, Économie rurale, moeurs et usages du Lauragais, Paris, 1867 et Économie rurale, industrie, moeurs et usages de la Montagne noire, Paris, 1882.