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La préhistoire et ses mythes

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Jean-Paul Demoule*
Affiliation:
Université de Paris I

Extract

La préhistoire fait fonctionner l'imaginaire. Parce qu'on ne voit pas les sujets dont on parle, certes. Mais aussi parce qu'il s'agit d'origines, d'ancêtres, pour toute l'humanité ou pour tel groupe humain. Dans la crise actuelle de l'édition, on sait que les livres d'archéologie et d'histoire sont, parmi les sciences humaines, ceux qui se vendent le mieux. Devenir archéologue est, au niveau de l'imaginaire des vocations, en projet ou en regret, infiniment plus chargé que devenir ingénieur, électronicien ou médecin. Un film de préhistoire consacré à la « guerre du feu » fut, il y a quelques mois, un des succès cinématographiques de l'année. On sait aussi que la préhistoire, ne serait-ce que par sa contestation radicale de l'enseignement biblique et par le caractère fragmentaire et très progressivement dévoilé de ses objets d'étude, a eu, plus que d'autres sciences, une histoire mouvementée. Rien qu'au cours des quinze dernières années, l'ancienneté de l'homme vient encore de reculer de plusieurs millions d'années.

Summary

Summary

This article discusses the relation between prehistorical research—since its inception— and a wide variety of myths: the biblical myth of Genesis, which did not have only negative effects, but also stimulated the search for traces of "antediluvian man"; national myths (from the French Revolution onward), some of which, like the Germanie or Indo- European myths, had a wide impact, while others, like the Gallic myth, were less successful; 19th-century "primitivist" myths, which, despite paleontological evidence, persisted in tracing the origins of man back to an elusive "ape-man", who was said to have lived in mythical and uncomfortable settings such as caves, like dwellings, and "hut floors". But one must also include scientific or scientistic myths that attribute to scientific observation an autonomy that—as we have just seen—it never possessed, even if the object of the prehistorian's scientific study is becoming increasingly undifferentiated and de-territorialized. Finally, in the commonplace variety of prehistory offered by prehistorians for public consumption, one can detect the persistence of updated versions of the same myths.

Type
La Production du Document
Copyright
Copyright © Copyright © École des hautes études en sciences sociales Paris 1983

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References

Notes

1. Voir la récente exposition du Muséum d'Histoire Naturelle, et son catalogue, Voyages et découvertes, des voyageurs naturalistes aux chercheurs scientifiques, 1981, et, dans ce même numéro, l'article d'A. Schnapp, p. 760.

2. Paris, Saugrain l'aîné et Charles Etienne Hochereau, 2 vols ; sur ce frontispice, cf. aussi P. Vidal-Naquet, « Les jeunes, le cru, l'enfant grec et le cuit », dans Faire de l'Histoire, P. Nora et J. LE Goff Éds, t. III, Paris, Gallimard, 1974, pp. 137-166, et, pour une analyse sémiologique, M. DE Certeau, « Writing vs time : History and anthropology in the works of Lafltau », Yale French Studies, n°59, 1980, pp. 37-64.

3. Sur l'archéologie biblique, une mise au point des données modernes paraîtra en 1983 dans la revue Le Monde de la Bible, sous la direction de Huot, J.-L. et de Briend, J.. Vidal-Naquet, P., « Le texte, l'archéologue et l'histoire », dans L'Archéologie aujourd'hui, Schnapp, A. Éd., Paris, Hachette, 1980, pp. 173184 ;Google Scholar Blanc-Mouchet, J., « Ebla, un détournement de l'archéologie au profit de la politique », La Recherche, 107, janv. 1980, pp. 7779.Google Scholar

4. Sur l'histoire de la préhistoire, cf. Laming-Emperaire, A., Origines de l'archéologie préhistorique en France, Paris, Picard, 1964;Google Scholar Leroi-Gourhan, A., Le geste et la parole, vol. I, Albin Michel, 1964, pp. 939;Google Scholar KLIndt-Jensen, O., A History of Scandinavian Archaeology, Londres, Thames & Hudson, 1975;Google Scholar et sur celle des sciences naturelles : Mornet, D., Les sciences de la nature au XVIIIe siècle, Paris, 1911;Google Scholar Guyenot, , Les sciences de la vie au XVIIe et XVIIIe siècles. L'idée d'évolution, Paris, Albin Michel, 1941.Google Scholar

5. A. Laming-Emperaire, op. cit., pp. 167-172 ; K. P. Oakley, « La datation des os fossiles par leur teneur en fluor », dans A. Laming Éd., La découverte du passé, 1952, pp. 199-203.

6. Ridé, J., L'image du Germain dans la pensée et la littérature allemande, de la redécouverte de Tacite à la fin du XVIesiècle, Paris-Lille, Champion, 1977;Google Scholar « La fortune singulière du mythe germanique en Allemagne », études germaniques, 21e année, oct.-déc. 1966, pp. 489-505.

7. J.-P. DéMoule, « Les Indo-Européens ont-ils existé ? », La Recherche, 28, 1980 ; id., « The Indo-European problem and the tree-model », dans Colloque transdisciplinaire sur l'origine du langage, E. De Groslier Éd., à paraître.

8. Legrand D'Aussy, Mémoire…, 1799, p. 126 ; cité par A. Laming-Emperaire, 1964, cf. note 4, p. 102.

9. S. Reinach, « Esquisse d'une histoire de l'archéologie gauloise». Revue Celtique, 1896 ; S. Piggot, « Prehistory and the Romantic movement », Antiquity, XI, 1937, pp. 31-38.

10. Cf. les Actes du colloque Nos ancêtres les Gaulois, organisé par le Centre de recherches révolutionnaires et romantiques, Clermont-Ferrand, 23-25 juin 1980 ; et M. Ozouf. « Les Gaulois à Clermont-Ferrand », Le Débat, nov. 1980, pp. 93-10.3. Ce colloque s'est déroulé deux mois à peine après un congrès d'archéologues tenu dans la même ville et consacré aussi aux Gaulois, sans que ces deux manifestations aient Été même au courant l'une de l'autre…

11. Ce qui autorise régulièrement des tirades symétriques sur la barbarie gauloise, et au « Français rougissez de vos tristes aïeux » de l'Abbé Delisle on a pu voir il y a quelques mois un honorable universitaire faire encore Écho(M. Rouche,” La violence des Gaulois », L'Histoire, n° 30, janv. 1981. pp. 38-45). L'univers mythique, direct ou inversé, reste la seule référence et l'heure des données archéologiques n'est toujours pas venue (cf. aussi la note précédente).

12. Sur l'archéologie nazie, cf. Bollmus, R., Das Amt Rosenberg une! seine Gegner, Stuttgart, 1970;Google Scholar Kater, M., Das « Almenerbe » der S. S., 1935-1945, Stuttgart, 1974;Google Scholar Schnapp, A., « Archéologie, archéologues et nazisme », dans Le Racisme. Mythes et sciences, Bruxelles, éditions Complexes, 1981.Google Scholar Et sur les prodromes, Klfjn, L. S., « Kossina im Abstand von vierzig Jahren », Jaschreschrift mitteldeutschen Vorgeschichte, 58, 1974, pp. 755.Google Scholar

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14. Op. cit., note 4.

15. Rahan, pour mémoire, est le héros préhistorique, blond et positif, qui ré-invente toute la technologie humaine au fil du très populaire hebdomadaire enfantin Pif le Chien, proche du Parti communiste français.

16. Cf. Stieren, A., « Bandkeramische Grossbauten bei Bochum und ihre Parallelen in Mitteleuropa », Bericht Rôm-German. /Commission, 33, 1951, pp. 6188 Google Scholar, fig. l-ll ; cf. aussi A. Coudart, « A propos de la maison néolithique danubienne », Actes du Colloque interrégional sur le Néolithique du Nord-Est de la France, Sens (oct. 1980), 1 982, pp. 2-23.

17. Buttter, W. et Haberey, W., Die Bandkeramische Ansiedlung in Kôln-Lindenthal, Berlin, Rômisch-Germanisch. Forsch. Google Scholar, 1 L Buttler fut tué durant la deuxième guerre.

18. Paret, O., Das neue Bild der Vorgeschichte, Stuttgart, 1948.Google Scholar

19. Par un archéologue amateur, H. Carré, à Sainte-Pallaye (Yonne) en 1957, et en 1965 à Cysla- Commune (Aisne), par M. Boureux, alors archéologue amateur : cf. Bailloud, G., Le néolithique du Bassin parisien, Paris, éditions du C.N.R.S., 1974.Google Scholar

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22. Trad. franc. : Paret, O., Le mythe des cités lacustres, Paris, Dunod, 1948;Google Scholar O. Paret, qui fut conservateur des Antiquités dans le Bade-Wurtemberg, est surtout connu par ces recherches destructrices.

23. Cf. note 12.

24. Petrequin, P., « Les cités lacustres », La Recherche, I 13, juil.-août 1980, pp. 778785.Google Scholar

25. Cf. Fayerabend, P., Contre la méthode, Paris, éditions du Seuil, 1979 Google Scholar, et Holton, G., L'imagination scientifique, Paris, Gallimard, 1981;Google Scholar ce dernier remarque (pp. 411-412) que la foi en la rigueur s'accompagne en général, comme chez Popper ou Lakatos, d'un vigoureux conservatisme politique ! Pour une application du débat à l'archéologie, cf. le dernier chapitre du livre de Gardin, J.-C., Une archéologie théorique, Paris, Hachette, 1979.Google Scholar

26. Kapferer, J. N. et Dubois, B., échec à la science, la survivance des mythes chez tes Français, Paris, Nouvelles Éditions Rationalistes, 1981.Google Scholar

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29. J.-P. DemoulE, « Le néolithique, une révolution ? », Le Débat, mai 1982, n° 20, pp. 54-75.

30. Cf. note 7.

31. La vie mystérieuse des chefs-d'œuvre, la science au service de l'art, ministère de la Culture et de la Communication, Paris, Éditions de la Réunion des Musées Nationaux, 1980.

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33. Thuillier, P., Les biologistes vont-ils prendre le pouvoir ? La socio-biologie en question, I. Le contexte et l'enjeu, Bruxelles, éditions Complexes, 1981.Google Scholar

34. Cf. la traduction française Age de pierre, âge d'abondance (Paris, 1976) du titre du livre de Sahlins, M., plus sobrement intitulé Stone Age Economies, Chicago, Aldine, 1972.Google Scholar

35. Cf. par exemple Borneman, E., Le patriarcat, Paris, P.U.F., 1979 Google Scholar (trad. franc, très abrégée de l'édition allemande) ; sur ce sujet, J.-P. DemoulE, A. Schnapp et al., « Le matriarcat a-t-il existé ? », entretien dans L'Histoire, à paraître.

36. Cf. note 3.