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En Angleterre : Ce qu'Aldous Huxley fait du Père Joseph

Published online by Cambridge University Press:  22 September 2017

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Le nouveau livre de Aldous Huxley, Eminence grise, est un livre d'histoire, un livre de politique, un livre de religion. Son personnage central, le Père Joseph, nous ramène aux temps troublés, de la guerre de Trente Ans. Mais l'histoire pure, l'histoire pour l'histoire, intéresse peu Aldous Huxley ; pas plus d'ailleurs que le roman pour le roman ; et s'il met en scène des personnages historiques : Richelieu, Wallenslein, Louis XIII, Marie de Médicis (pour rie citer que les plus notoires) ; s'il brosse un tableau de la guerre de Trente Ans et des misères du peuple (d'après Gallot) ; s'il plonge même dans les subtilités de la chicane diplomatique pour débrouiller le jeu du Père Joseph à la Diète de Ratisbonne, ce n'est pas dans l'intention de ressusciter le passé pour lui-même. Son dessein est d'abord psychologique. Il s'agit pour lui de démêler le drame d'une vocation mystique contrariée, d'un grand saint avorte, d'un visionnaire détourné de Dieu, tente par Satan, et vendant son âme pour l'amour non de l'or (il reste pauvre), non des femmes (il reste chaste), non même de la puissance (il reste l'aide, le second, l'ombre du puissant cardinal), mais pour l'amour de l'Eglise, de son Roi, et de la Providence divine dont l'Eglise et le Roi sont a ses yeux les instruments. Ainsi se damnent les grands saints.

Type
En Lisant des Livres
Copyright
Copyright © Les Éditions de l'EHESS 1945

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References

page 113 note 1. Grey Eminence ; Londres, Chatro et Windus, 1941

page 114 note 1. Malheureusement, les efforts du Père Benêt pour se justifier [d'attacher à la Pratique ‘de la Passion une importance qui n'est guère compatible avec les vrais élans vers le pur Divin] appartiennent à cette sorte d'arguments pour nous complètement abracadabrants [complelely fantustic vigmaroles], mais si précieux semblet- il, et en apparence si convaincants pour tes théologiens du Moyen Age ou de la Renaissance. On enfile à la suite une douzaine de citations de l'Ancien et du Nouveau Testament, pour élayer une affirmation dont la vérité reste à démontrer. Parmi ces citations, certaines semblent bien avoir un rapport lointain avec le point litigieux. Mais ta plupart, d'entre elles ne s'en rapprochent ni de près ni de loin, et doivent en conséquence être soumises à une série d'interprétations arbitraires.’ N'importe quelle (proposition peut ainsi prendre, en fin de compte, n'importe quel sens. Ainsi, le ipere Benêt trouve une confirmation de sa thèse jusque dans l'anecdote biblique de Raliaib. Ce bout de fil rouge que ta ^prostituée- de Jéricho attache à sa fenêtre, pour servir de ‘guide aux Israélites qui envahissent la ville, signifie, eu langage gnophélique que « ‘Dieu désire que nous (placions la passion rouge et « sanglante de N.S.J.C. à la fenêtre de notre maison intérieure (qui est notre en- » tendement) afin que méditant sans cesse sur elle, nous nous absorbions dans sa contemplation » que ce genre de chose ait jamais convaincu spersonne est pour nous incompréhensible. » [p. 74]

page 117 note 1. Un monde entièrement non-mystique serait un monde totalement aveugle et insensé. Or, depuis le début du XVIIIe siècle jusqu'à nos jours, les sources de la connaissance mystique n'ont cessé d'aller s'appauvrissant sur toute la planète. Nous nous sommes dangereusement aventurés dans les ténèbres. Et par une tragique ironie du sort (due, bien sûr, à l'ignorance qui se mêlait à leurs bonnes intentions) le Père Benêt et Pierre de Berulle, cet illuminé et cet esprit brillant, pétri de sainteté, prennent rang parmi les hommes qui ont contribué à l'assombrissement de l'esprit humain..

page 119 note 1. L'Angleterre dans tout ceci a joué son rôle, nouant les coalitions pour éliminer le gêneur (Louis XIV ou Napoléon) et rétablir par la guerre et l'épuisement le fameux équilibre européen. Huxley ne dil rien du rôle do Guillaume d'Orange, avant et après sa montée sur le trône des Sluarts, ni du rôle des ministres anglais de Pitt à Canning et a Castleragb. Au dessein d'hégémonie française exposé dans le pseudo-teslament politique de Richelieu, répond sans doute, à deux siècles de là, la politique de Bismarck. Mais il y a aussi due réponse permanente anglaisé : cette doctrine d'équilibre (dont le ,plan fédéraliste de Huxley est une forme) qui l'ut celle d'Èlizabeth et de Cromwvell; celle de Guillaume d'Orange et de Canning; celle de Churchill aujourd'hui.

page 120 note 1. « On loue sa .politique comme si elle avait été particulièrement heureuse; et, l'on blâme ceux qui s'y opposèrent pour leur courte vue ! Ecoutez, par exemple, ce que Gustave Fagniez trouve à dire de la paysannerie et de la bourgeoisie françaises qui voulurent s'opposer à sa politique belliqueuse : « Dans leur égoïsme borné, les masses ne .peuvent pas supporter longtemps sans récriminer les sacrifices dont les générations futures doivent récolter les fruits. » Et cela, tout de suite après-un passage.où il expose la nature particulière de ces, fruits : l'union de l'Europe entière liguée contre Louis XIV et la ruine de la nation française. Un tel manque de logique ne peut s'expliquer que par le fait que lorsque les gens partent de leurs gloires nationales, ils les mesurent à l'échelle courte du temps. Rétrospectivement Richelieu. Louis XIV, Xapoléon suscitent plus d'admiration pour l'éclat fugitif de leur gloire, que de haine pour les misères dont cette gloire fut payée. »

page 121 note 1. Woolf, Virginia ; Cf. Three Guincas ; New-York, Harcourt, Brace et C°, 1938 Google Scholar.

page 121 note 2. Et il ajoutait : « Il y a une vérité supérieure à la vérité du présent, il y a un Dieu au-dessus des faux dieux d'aujourd'hui. Qu'ils se battent, si tel est leur bon plaisir, et qu'ils tombent aux pieds de leurs idoles, ces hommes, -mes frères. C'est leur affaire. Moi, tant que je le pourrai, je me sauverai. Car je crois que la vertu essentielle est d'être heureux, de vivre dans la lumière de la vérité, de refuser sa soumission au mensonge de ces temps égoïstes. »

page 122 note 1. Correspondance de Lawrence (préfacée par M. Buxley), 3 vol. (Leipzig, Albcrtson), t. II, p. 67 et 116-117).

page 122 note 2. « …Toute cette guerre, et tout ce battage autour de l'idée de Patrie, pour moi, c'est faux. Je ne sens ipas ça au fond ,de moi-même, la Patrie; je n'ai te passion ni pour mon pays, le sol, ni pour ma maison, ni pour mes meubles, ni pour mon argent. Alors pourquoi faire semblant? Et je ne veux pas rentrer dans la bagarre pour aider le vbisin. A lui de décider s'il y va, ou s'il reste chez lui, c'est son affaire. » •— Lawrence eût été sur.pris, et furieux! si on lui avait dit qu'il citait Voltaire : la patrie du mitron, qu'est-ce que c'est?\

page 123 note 1. J. Middleton Murry, Evolution d'un intellectuel. Chapitre XI, p. 126. Edition anglaise, 1920 : chez Jonathan Cape, Londres.

page 123 note 2. « The educated gentlcmen's daughters ».

page 123 note 3. Lettres de Lawrence. Op. cit., préface, passim. Notons au passage que, dans Contrepoint, Lawrence est représenté par le .personnage de Mark Rampion, le peintre.

page 123 note 4. Ses contacts avec te XVIIe siècle français, et notamment avec Pascal, qui vécut un drame analogue, semblent avoir pesé sur son choix. Mais d'autres influences ont dû jouer. L'Inde a pu exercer son prestige. Le problème s'est présenté comme un dilemme entre la sagesse orientale et la civilisation de l'Occident. Eycless in Gaza, et Ends and mrans, annonçaient la tentation, mystique. Avec ce nouveau livre, le choix semble consommé. Et c'est le rationaliste gui a cédé.

page 124 note 1. Et encore : « La philosophie mystique peut se résumer en une formule : « plus grande la part de la créature, plus petite la part de Dieu ». — Les activités des hommes et des femmes avant la régénération appartiennent presque tout entières à l'ordre de la créature. En conséquence, elles excluent presque totalement Dieu. Et si l'histoire des sociétés exprime la volonté de Dieu, c'est presque toujours négativement. Les crimes collectifs et les folies commises par les sociétés humaines n'ont de rapport avec la volonté divine que dans la mesure où ils traduisent des actes de rébellion contre cette volonté. C'est dans ce sens seulement qu'on peut les regarder, elles et leur suite, comme providentielles. »

page 125 note 1. On remarquera, en passant, combien cette argumentation de Huxley contre les politiques est fidèle à l'apologétique pascalienne.

page 125 note 2. Wilfrid Owen : The Smïle. (Edition Blunden). Cette paraphrase ne prétend pas traduire la plainte si douce, en mineur, de ce poème exquis.