Résumé
L’article rétrace le développement des études de grec moderne en Allemagne à travers les différents domaines d’intérêt: les chants populaires et le folklore, la lexicographie et l’histoire du vernaculaire, l’historiographie philhellénique, la littérature médiévale et moderne. Dans ce contexte, l’apport de Karl Krumbacher à l’émancipation des études byzantines et néo-helléniques fut décisif. Avec son Seminar für mittel- und neugriechische Philologie et sa revue Byzantinische Zeitschrift (1892–1909) le byzantiniste a non seulement encouragé les recherches sur le monde grec médiéval et moderne et promu les échanges intellectuels dans plusieurs thematiques, mais il a réussi à créer un vaste réseau de linguistes, ethnologues, archéologues, éologiens, hellénistes, médiévistes et éo-hellénistes, qui ont é, au tournant du XXe siè;cle, une forme de ‘philhéllenisme scientifique’.
Mots-clés: Byzance, chants populaires, études néo-helléniques, philhellénisme, grec moderne vernaculaire
Dans sa ‘leçon d’ouverture’ du cours de grec moderne à l’École spéciale des langues orientales vivantes à Paris, le 20 février 1904, Jean Psichari, nommé professeur de cette chaire à la mort d’Émile Legrand (1887–1904), choisit de présenter à son auditoire le tableau des études de grec moderne en France au XIXe siècle. Psichari voyait dans l’introduction de l’enseignement du grec vulgaire a l’École, le 15 frimaire an IX (16 décembre 1800), ‘un premier éveil du philhellénisme en France’, l’écho d’un projet politique, plutôt fade, du général Bonaparte de rétablir une ‘République grecque’. Cependant, s’empressait de remarquer par la suite le linguiste, il serait faux de vouloir attribuer au philhellénisme l’émergence des études néo-grecques en France ou ailleurs; le philhellénisme ‘a fait la Grèce’, soulignait-t-il. Et il complétait: ‘Peut-être aurait-il dû s’en tenir là […]. Le philhellénisme exagéré […] a hypnotisé la Grèce dans une imitation vague du passé, l’affaiblissant du même coup pour les créations de l’avenir’.
Somme toute, le philhéllenisme classique n’était donc pas à l’origine des études de la langue et de la culture de la Gréce moderne; bien au contraire, attaché aux cnémides et aux chlamydes, il avait plutôt retardé leur développement. En effet, jusqu’à la fin des années 1860, la production philhéllenique francaise se limitait à des récits de voyage, à quelques enquêtes géographiques et historiques réées par les membres de l’Ècole française d’Athènes, à certains rapports politiques sur la question d’Orient et aux Chants populaires de la Grece moderne de Claude Fauriel.