L'esthétique, philosophique, notamment depuis Bosanquet, cherche à se donner une histoire, et qu'elle n'y réussisse guère porte à réfléchir tout autant sur l'histoire et la philosophie que sur l'esthétique elle-même. Certains ouvrages de parution récente nous préviennent d'ailleurs de ne pas nous agiter à côté de la question en nous lançant dans des querelles de mots. Les philosophies, nous le savons depuis longtemps, et ils ne se privent pas de nous le rappeler avec une Constance indéfectible, sont de fameux parleurs, toujours un peu sophistiques sur les bords et rarement socratiques tout au fond. Le bruit des paroles nombreuses et haut sonnantes donne l'illusion de dissiper le vide et de dissoudre dans la conscience les choses sans cesse gênantes par leur massivité. Beaucoup de temps et d'érgie se gaspillent à dirimer des faits dont le nom nous dérange. L'esthétique a souffert des maîtres-ès-lexicologie. Et il faut bien avouer que les philosophes esthéticiens ont souvent œuvré contre leur propre intérêt en cultivant avec une prédilection douteuse “cet obscurantisme bien-pensant qui ne cesse de menacer la philosophie”.