Cet article part d’une enquête menée entre 2011 et 2017 sur de deux lieux deculte protestants à Tianjin, ville située au sud-est de Pékin : un templeofficiel et un « point de rassemblement domestique ». Prenant appui surl’observation de 83 moments de culte ainsi que sur des échanges avec desprédicateurs et des fidèles, cette étude s’inscrit dans un contexte d’essor dureligieux, celui notamment du protestantisme, et de multiplication desrassemblements publics en dépit des contraintes rencontrées. L’analyse montrecomment, là où des références au passé ne peuvent être mobilisées pour éclairerl’expérience présente, prédicateurs et auteurs de témoignages s’emparent de laBible et de ses « histoires vraies » pour pouvoir parler des événements etsituations rencontrées au quotidien et en proposer un sens moins brouillé. LaBible offre en effet de nouveaux usages linguistiques qui permettent denouvelles formes d’interprétation, à distance des incertitudes mais aussi desrigidités idéologiques du langage disponible dans la Chine duxxie siècle. Elle propose des repères qui échappent àl’emprise du doute et auxquels peut s’arrimer l’expression de toutes sortesd’inquiétudes et d’incertitudes. La figure du « faux croyant » mais aussi celledu mauvais concitoyen sont ainsi déplorées à la lumière d’un même mal : lesfaux-semblants. La langue, première modalité de l’apparaître et dénoncée à cetitre comme lieu privilégié de diverses dissimulations, surgit ici pour nommeret contenir pareil soupçon, mais aussi pour proposer des interprétations et desorientations moins incertaines.