Cet article s’intéresse à l’émergence du paradigme de la « piraterie » et de la « lutte contre les pirates » chez les élites urbaines de Lübeck aux xve et xvie siècles. À la suite d’études récentes sur la gestion de conflits maritimes ayant interrogé l’usage analytique du terme « piraterie », il montre que des villes comme la hanséatique Lübeck ont instrumentalisé le discours sur la « piraterie » afin de criminaliser et de marginaliser leurs adversaires et concurrents dans le cadre d’une transformation économique structurelle. Grâce à une lecture attentive des documents des Bergenfahrer de Lübeck, une corporation de marchands commerçant avec la Norvège, l’auteur révèle comment les acteurs ont utilisé ce concept pour justifier leur propre violence : en présentant celle-ci comme une lutte contre de prétendus pirates, ils entendaient stabiliser leurs identités de groupe. La « lutte contre les pirates » est ainsi devenue paradigmatique pour les élites urbaines telles que les Bergenfahrer, représentant leur cohésion sociale en tant que communautés de violence.