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Diversités sexuelles et construction nationale : Une exploration des frontières de l'homonationalisme au Québec

Published online by Cambridge University Press:  04 June 2021

Valérie Lapointe*
Affiliation:
Doctorante en politique canadienne, École d’études politiques, Université d'Ottawa, 120 rue Université, pièce 7005, Ottawa, ON, K1N 6N5
Luc Turgeon
Affiliation:
Professeur agrégé à l’École d’études politiques, Université d'Ottawa, 120 rue Université, pièce 7005, Ottawa, ON, K1N 6N5
*
*Auteure correspondante. Courriel : vlapo046@uottawa.ca
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Résumé

Cet article fait l'analyse des discours homonationalistes dans un contexte qui a été peu exploré à ce jour, soit celui d'une nation minoritaire (le Québec) à l'intérieur d'un État multinational (le Canada). Dans la mesure où le nationalisme se construit souvent en opposition avec un « Autre », nous tentons de cerner qui est cet « Autre » dans l'homonationalisme québécois. En particulier, nous explorons si cet « Autre » peut également prendre la forme de la nation majoritaire par l'entremise d'une analyse d'articles publiés entre 1990 et 2017 dans différents journaux québécois (La Presse, Le Devoir et le Journal de Montréal). Nos résultats démontrent que si c'est le « Canada anglais » qui était plus susceptible dans la première moitié des années 2000 d’être « l'Autre » du nationalisme sexuel québécois, depuis la fin des années 2000, ce sont davantage les musulman/es (ici et ailleurs) et les immigrant/es qui font l'objet d'une altérisation dans les discours homonationalistes au Québec.

Abstract

Abstract

This article analyzes homonationalist discourses in a context that has received little attention so far: a minority nation (Quebec) within a multinational state (Canada). To the extent that nationalism is often constructed in opposition to an “Other,” we attempt to identify who this “Other” is in Quebec's homonationalism. In particular, we explore whether this “Other” can also take the form of the majority nation through an analysis of articles published between 1990 and 2017 in various Quebec newspapers (La Presse, Le Devoir and Le Journal de Montréal). Our results show that if it is “English Canada” that was more likely in the first half of the 2000s to be the “Other” of Quebec's sexual nationalism, since the end of the 2000s, it is more often Muslims (here and elsewhere) and immigrants who are the object of an alteration in homonationalist discourses in Quebec.

Type
Étude originale/Research Article
Copyright
Copyright © The Author(s), 2021. Published by Cambridge University Press on behalf of the Canadian Political Science Association (l’Association canadienne de science politique) and/et la Société québécoise de science politique

Introduction

« Je pense à tous ceux qui ont eu le courage de combattre l'homophobie, ceux qui ont mené la lutte pour un Canada plus juste à une époque très différente de la nôtre. Aujourd'hui, accepter la différence, ça fait partie des valeurs fondamentales des Canadiens. Des valeurs qui sont reflétées dans nos lois, dans la CharteFootnote 1 ». Ces paroles sont celles de Justin Trudeau, prononcées lors d'une allocution faite à Montréal en mai 2016 alors qu'il venait de recevoir, à titre de premier ministre du Canada, le prix Laurent McCutcheon pour son apport à la lutte contre l'homophobie. Une remise de prix qui symbolise un changement des mentalités face aux communautés lesbiennes, gais, bi-sexuel/les, trans et queer (LGBTQ+) du pays puisque l’État fédéral ainsi que les États provinciaux ont longtemps nié, à ces communautés, le droit à la citoyenneté. La nation canadienne se définirait donc aujourd'hui, comme le soutien Trudeau, par ses valeurs d'acceptation et, nous pouvons le penser, d'inclusion à l’égard des diversités sexuelles.

Les communautés LGBTQ+, auparavant exclues de l'idéal national, se positionnent désormais au centre de la communauté nationale imaginée. En effet, alors que le nationalisme a longtemps mis à la marge toute forme de citoyenneté qui menaçait l'idéal de la masculinité patriotique, aujourd'hui ces marges redéfinissent l'idéal nationaliste (Jaunait, Reference Jaunait2011). L'inclusion des diversités sexuelles dans les discours nationaux a eu comme effet un déplacement des marges de la citoyenneté et a permis la mise en place de nouvelles « frontières symboliques » de la nation. Si cette place « nouvelle » et « substantielle » pour les communautés LGBTQ+ dans le dessein national canadien est facilement observable depuis l’élection de Justin Trudeau, qu'en est-il de la relation entre le progressisme québécois souvent déclaré à l’égard des communautés LGBTQ+ et la fabrication narrative de la nation au Québec ?

Notre étude s'inscrit dans un contexte qui a été documenté et qui continue de l’être aujourd'hui, soit celui de la montée de l'homonationalisme et/ou du nationalisme sexuel dans différents pays en Occident, notamment en Europe de l'Ouest (Mepschen et coll., Reference Mepschen, Duyvendak and Tonkens2010; Jaunait et coll., Reference Jaunait, Renard and Marteu2013), aux États-Unis (Puar, Reference Puar2007) et au Canada (Dryden et Lenon, Reference Dryden and Lenon2016; Smith, Reference Smith2020). Puisque la question de l'homonationalisme en contexte québécois a été l'objet de relativement peu d’étudesFootnote 2, notre recherche tente d'enrichir la littérature en saisissant si et comment l'homonationalisme a évolué au Québec et par rapport à qui et à quoi. Pour ce faire, nous nous appuyons sur une analyse d'articles publiés dans des journaux québécois entre 1990 et 2017.

Ainsi, en plus de contribuer à la littérature émergente sur l'homonationalisme au Québec, notre article répond à l'appel, en provenance d'un nombre grandissant de chercheur/es (Hartal et Sasson-Levy, Reference Hartal and Sasson-Levy2018; Dhoest, Reference Dhoest2020), à mieux ancrer le concept dans des contextes particuliers. Plus spécifiquement, il est, à notre connaissance, l'un des premiers articles à explorer le discours homonationaliste dans le contexte d'une nation minoritaire au sein d'un État multinational.Footnote 3 En effet, les études empiriques sur l'homonationalisme portent à ce jour principalement sur le monde post-9/11 et sur la fabrication narrative entourant la relation de l'Occident avec le « monde musulman » (Puar, Reference Puar2007; Puar et Cervulle, Reference Puar2013). Elles permettent ainsi de comprendre comment l'Occident se définit par rapport à « l'Autre ». Or, sachant que le nationalisme québécois s'est longtemps réfléchit en compétition avec le nationalisme canadienFootnote 4, le Québec semble être un terrain de recherche fécond pour approfondir la conception de l'homonationalisme et de ses effets matériels dans un contexte de dualité entre nationalismes minoritaire et majoritaire au sein d'un même État. Ce faisant, nous tentons de comprendre si et comment le « reste du Canada » ou « le Canada anglais » a été et est encore l'un des « Autres » de l'homonationalisme au Québec. Par conséquent, le processus d'altérisation à l’œuvre au sein de l'homonationalisme québécois a donc le fort potentiel d’être pluriel.

Qui plus est, le Québec s'avère être un cas particulièrement intéressant pour analyser les frontières symboliques contemporaines d'une communauté sexuelle imaginée, en ce sens qu'il entretient une relation particulière à la fois avec la/les religion(s), mais également avec les diversités sexuelles, et ce, depuis les années 1970. En effet, l'adoption de la loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne (1977) a fait du Québec la première province canadienne à interdire la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. De surcroit, le Parti Québécois, véhicule politique du nationalisme au Québec, a été au pouvoir lors de l'adoption de trois autres projets de loi majeursFootnote 5 permettant aux personnes qui s'identifient dans le large spectre de la diversité sexuelle de jouir de davantage de droits et de protection de la part de l’État. Le Bloc Québécois, qui représente le second véhicule politique du nationalisme québécois et qui agit dans l'arène fédérale de gouvernance, a, pour sa part, été relativement favorable aux enjeux qui touchent les diversités sexuelles (Rayside, Reference Rayside1998 : 130). Les communautés LGBTQ+ ont ainsi été incorporées dans le discours national via différents canaux dont les partis politiques ne sont que l'un des lieux de valorisations.

Par ailleurs, notre article est divisé en quatre parties. La première partie dresse un portrait de la façon dont l'homonationalisme a été mobilisé dans la littérature et la deuxième fait état du contexte québécois spécifique à notre étude de cas. La troisième section présente succinctement notre question de recherche et notre méthodologie. La quatrième section présente les résultats de notre recherche. Si on retrouve dans la presse francophone un discours qui met au cœur de la distinction québécoise la relation de la province avec les diversités sexuelles, les résultats de notre étude montrent que les frontières symboliques vont au-delà du rapport au monde musulman. Une découverte qui pave la voie à des réflexions plus larges sur la façon dont s'articule l'homonationalisme dans des États multinationaux.

Nationalisme sexuel et homonationalisme

Le nationalisme sexuel est une conceptualisation relativement récente qui rend compte des mutations dans le temps et dans l'espace du nationalisme viril. Alors que le nationalisme a longtemps mis à la marge toute forme de citoyenneté qui menaçait l'idéal de la masculinité patriotique, aujourd'hui ces marges ne sont plus perçues comme un danger pour la nation, permettant au contraire d'en redéfinir les contours (Jaunait, Reference Jaunait2011). Ainsi, les communautés LGBTQ+ (lesbiennes, gais, bisexuel/les, trans et queers), auparavant exclues de l'idéal national, se positionnent désormais au centre de la communauté imaginée nationale (Dudink, Reference Dudink2013). Un déplacement de la périphérie vers le centre qui a modifié les dynamiques du nationalisme contemporain et qui, conséquemment, a permis d'en redessiner les frontières. Cette redéfinition du nationalisme a émergé lorsque les luttes menées par les différents mouvements féministes ainsi que par la frange institutionnaliste du mouvement LGBTQ+ a exigé du système démocratique qu'il soit plus inclusif, ce qui a été qualifié de « démocratie sexuelle » (Jaunait, Reference Jaunait2011). En effet, lorsque le mouvement LGBTQ+ est passé d'un mouvement de libération (« gay liberation ») à un mouvement de droit (« right talk »), il a modifié son discours (Smith, Reference Smith1999; Warner, Reference Warner2002) et a influencé la façon dont la nation s'est représentée et s'est réfléchie. L'arrimage entre un discours d'inclusion et un discours axé sur la défense des droits a influencé la façon dont les nations démocratiques se sont définies dans le monde contemporain (Jaunait, Reference Jaunait2011). Aujourd'hui, nous assistons à une place « nouvelle » et « substantielle » pour les diversités sexuelles dans le processus de réarticulation des prérequis à l'appartenance à la nation et aux discours qu'il induit. Cette conceptualisation du nationalisme sexuel fait état des transformations du rapport qui existe entre nationalisme, genre et sexualité. Il permet également de faire émerger une problématique liée à ces transformations : celles de la construction de « nouvelles » frontières symboliques à l'identité commune. En ce sens, largement inspirée de la littérature susmentionnée, une question s'ancre dans notre réflexion: si les queers ne sont plus les étrange/rs de la nation, mais en deviennent, au contraire, une composante centrale, qui est cet « Autre » duquel elle se distingue et qui potentiellement menace les queers et conséquemment, la nation?

Ce sont les récents travaux de Jasbir Puar (Reference Puar2007; Reference Puar2013)Footnote 6 qui ont permis de conceptualiser et surtout de problématiser l'arrimage entre les discours nationaux et les diversités sexuellesFootnote 7 pour développer le terme d'homonationalisme au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Elle en donne cette définition, largement reprise par la suite, notamment dans le champ des études sur les genres et les sexualités : « L'homonationalisme désigne l'inclusion de l'homosexualité dans le discours national produit notamment par les États-Unis dans leur “guerre contre le terrorisme”, proclamant la supériorité sur les autres d'une civilisation qui aurait aboli toute oppression sexuelle–alors même que les homosexuel.le.s de ce pays continuent de souffrir de discriminations et d'une oppression directement liée à leur sexualité. Opposant les identités gay et musulmane, du même coup, ce discours fait de l'homosexualité une réalité blanche » (Puar, Reference Puar2013 : 151). Qui plus est, Puar soutient que l'homonationalisme se manifeste notamment (mais non exclusivement) par l'exceptionnalisme sexuel. Ce dernier se caractérise par 1) l'affirmation d'une distinction et 2) l'affirmation d'une excellence (sexuelle) souvent accolée à la notion de progrès (Reference Puar2013: 154). Puar permet ainsi de mettre en lumière une frontière imaginée de la nation américaine sur la base de ces caractéristiques, soit celle qui existe entre les États-Unis (Occident) et le monde musulman (Orient).

La conceptualisation que fait Puar de l'homonationalisme et de ses manifestations représente un apport théorique important. S'il est vrai que c'est le contexte américain, au lendemain des attaques terroristes du 11 septembre 2001, qui constitue l'espace géographique et temporel de l'analyse de Puar (Reference Puar2007), la circulation d'un discours nationaliste portée sur l'idée de l’égalité des genres et de l'inclusion des diversités sexuelles, désormais porte-étendard d'un progressisme et d'un idéal démocratique est, quant à elle, applicable à d'autres contextes nationaux, dont le Canada. Dryden et Lenon (Reference Dryden and Lenon2016) y consacrent d'ailleurs un ouvrage et font la démonstration que l'homonationalisme est aussi une réalité canadienne.Footnote 8 Elles soutiennent notamment que la citoyenneté relative dont jouissent certaines personnes LGBTQ+ (lesbiennes, gais, bisexuel/les, trans et queers) n'est rendue possible que parce qu'elle a des assises sur d'autres composantes de la nation canadienne, nommément le néolibéralisme, le conservatisme et l'hégémonie de la blanchité. La nation est alors comprise comme une communauté imaginée qui étend les privilèges de la citoyenneté à certaines personnes LGBTQ+ par le truchement de différentes institutions dont le mariage n'est que l'apanage.

Par ailleurs, Smith (Reference Smith2020 : 68) soutient que le Canada est un exemple empirique de la façon dont l'homonationalisme et l'homophobie peuvent cohabiter dans un même espace législatif et politique. Elle réfère notamment aux excuses du gouvernement canadien en 2017 à l’égard des communautés gaies et lesbiennes pour la purge qu'elles ont subie au sein de la fonction publique et des forces armées canadiennes. Ces excuses permettent deux choses : 1) de faire de la nation canadienne une nation désormais ouverte et inclusive à l’égard des diversités sexuelles en reléguant à l'histoire du passé des discriminations enchâssées dans les lois; 2) de normaliser la vie des gais et lesbiennes en soulignant le fait que leurs modes de vie s'inscrivent dans le libéralisme canadien (Smith, Reference Smith2020 : 80). Ce faisant, Smith démontre que les discriminations à l’égard des communautés LGBTQ+ qui demeurent, à ce jour, dans les lois canadiennes, passent sous le radar de l'imaginaire national alors même que ces effets matériels sont tangibles. Un constat qui s'inscrit en continuité avec le collectif de Dryden et Lenon (Reference Dryden and Lenon2016) qui constitue l'unique ouvrage, à ce jour, se consacrant entièrement à l'homonationalisme canadien.

Cependant, ce dernier ouvrage laisse dans l'ombre les enjeux nationaux du Québec. Pourtant, l'une des spécificités du fédéralisme canadien est justement son contexte multinational à l'intérieur duquel le Québec joue un rôle de premier plan. Cette situation n'est pas unique à la littérature sur le cas canadien puisque, comme nous l'avons précédemment mentionné, à notre connaissance, peu d’études ont à ce jour exploré si les discours homonationalistes sont mobilisés dans le contexte de la concurrence entre différents projets nationaux au sein d'un État multinational. Or, comme l'a affirmé Alexander Dhoest (Reference Dhoest2020 : 158), ce qui caractérise l'homonationalisme, c'est d'abord et avant tout un type de discours qui oppose un groupe national ouvert à la communauté LGBTQ+ à un groupe extérieur perçu et présenté comme homophobe. Il affirme ainsi que l'homonationalisme peut se concevoir comme une forme « d'homo-centrisme ». Tout comme l'ethnocentrisme, l'homonationalisme s'inscrit donc dans une prédisposition à diviser le monde entre endogroupe et exogroupe (Kinder et Kam, Reference Kinder and Kam2009).

Fabrication narrative de la « communauté sexuelle imaginée québécoise »

Notre revue de la littérature sur le nationalisme sexuel et l'homonationalisme nous a permis de relever essentiellement deux éléments importants : 1) les études empiriques portent principalement sur le monde post-11 septembre 2001 et sur la relation que l'Occident entretient avec le « monde musulman »; 2) les réflexions théoriques s'inscrivent plus globalement dans une tendance de (re)construction des « communautés imaginées » ou, pourrait-on dire, des « communautés sexuelles imaginées ». Cette « communauté sexuelle imaginée » a été principalement théorisée comme renvoyant à une fabrication narrative où l'on trace une frontière entre musulman et gai (Bilge, Reference Bilge2012), où le premier menace le second, si bien que les termes « musulmans » et « homophobes » peuvent parfois être perçus comme des mots interchangeables dans la circulation des discours homonationalistes (Benhadjoudja, Reference Benhadjoudja2017 : 278).

Dans le contexte québécois, la littérature sur l'homonationalisme et le nationalisme sexuel a ainsi principalement abordé cette question à un moment particulier de la fabrication narrative du « nous » québécois/es, soit celui des débats autour de la laïcité et de la montée de ce que Benhadjoudja (Reference Benhadjoudja2017 : 274) conceptualise comme le « sécularonationalisme ». En effet, les débats entourant la crise des accommodements raisonnables, et plus récemment ceux entourant la « Charte des valeurs » ou encore la loi sur la laïcité de l’État (la loi 21), ont créé un contexte particulier au Québec pour définir à la fois le « nous » de la nation québécoise, une nation qui s'imagine et se définit comme une société laïque et sécuralisée, depuis la Révolution Tranquille, et qui désire inscrire cette laïcité dans ses valeurs profondes avec ce qu'elle promet en termes d'égalité entre les sexes et les sexualités et le « eux » (Benhadjoudja, Reference Benhadjoudja2017 : 276).

Cette mise à l'avant-plan des valeurs de laïcités comme élément central à la fois de la définition du « nous » Québécois/e et des frontières de cette nation constitue dans les faits un phénomène relativement récent, le fruit d'une redéfinition de l'identité québécoise. Comme l'indique Jean-François Dupré (Reference Dupré2012 : 239), si la laïcité était perçue auparavant comme un jalon important dans l’évolution historique du Québec, elle est maintenant présentée comme une « pierre angulaire » de la culture québécoise que les immigrant/es doivent intégrer. Pour Dupré, un tel discours s'inscrit dans une volonté chez certain/es intellectuel/les et politicien/nes de remettre le groupe majoritaire d'origine canadienne-française au cœur de l'identité et des institutions politiques québécoises.

Si la question des « valeurs québécoises » a fortement marqué les récents débats sur la laïcité, ce discours n'est cependant guère nouveau. En fait, la question du caractère distinct des valeurs québécoises, au Canada ou en Amérique du Nord, est une constante dans l'histoire du nationalisme québécois. Ce qui a cependant changé est la nature de ces valeurs distinctes. Ainsi, avant les années 1960, les discours d'intellectuels et de politiciens mettaient l'accent sur les valeurs traditionnelles associées à l’Église, la famille et la patrie. Graduellement, après les années 1960, l'accent a été mis sur les valeurs progressistes du Québec en regard du reste de la fédération canadienne. Un tel discours a connu son apogée lors de la période qui a précédé le référendum de 1995. Selon Alain-G. Gagnon et Guy Lachapelle (Reference Gagnon and Lachapelle1996 : 181, notre traduction), ce référendum a démontré l'existence de « deux projets sociétaux » :

Depuis le rapatriement de la constitution canadienne de la Grande-Bretagne en 1982, les Québécois ont continué à façonner une vision d'eux-mêmes qui se caractérise par une nette différence avec le projet politique canadien de citoyens indifférenciés. En se basant sur un modèle libéral communautarien, les nationalistes québécois ont proposé un projet sociétal qui a pour objectif une société juste et humaine, alors que la plupart des provinces anglophones et le gouvernement fédéral ont graduellement adopté un projet néolibéral qui sape les droits collectifs.

Dans son ouvrage « On the Fringe » le politologue David Rayside (Reference Rayside1998 : 130) soulignait que le mouvement souverainiste au Québec était largement investi dans les années 1990 par des sociaux-démocrates qui adoptaient majoritairement une attitude libérale à l’égard de la diversité sexuelle. Cette attitude constituait, pour ces mêmes nationalistes québécois/es, une caractéristique les distinguant du reste du Canada anglais. Malgré cette piste de réflexion intéressante, trois questions demeurent en suspens et rendent nécessaire une analyse plus poussée du discours homonationaliste québécois depuis les années 1990: 1) est-ce que l'homonationalisme québécois a suivi une trajectoire similaire au nationalisme québécois?; 2) dans quelles circonstances un tel discours tend-il à être présent?; 3) l'homonationalisme est-il une composante importante du nationalisme québécois contemporain?

Frontières symboliques et méthodologie

Nous avons expliqué précédemment que l'inclusion des diversités sexuelles dans le discours national a eu comme effet un déplacement des marges de la citoyenneté et a donné lieu à la mise en place de nouvelles « frontières symboliques » des nations. La supériorité de la nation sexuelle imaginée est donc fondée sur un « nous » inclusif et égalitaire et sur un « eux », un « Autre » jugé archaïque, homophobe et conservateur. Ces frontières, nous les avons réfléchies aux fins de la recherche en deux catégories; l'une en relation avec le reste du Canada et l'autre, celle qui est habituellement présentée dans la littérature sur l'homonationalisme, en relation avec les musulman/es d'ici et d'ailleurs (de même que les immigrant/esFootnote 9).

Afin d'analyser l’évolution de l'homonationalisme québécois, nous avons effectué une analyse de contenu de la presse écrite francophone en arrêtant notre choix sur trois médias d'importance au Québec, soit les journaux Le Devoir, La Presse (ou Cyberpresse) et le Journal de Montréal Footnote 10. L'analyse des médias pour saisir la place qu'occupent les diversités sexuelles dans la construction nationale au Québec nous semblait une avenue intéressante puisque ces derniers jouent un rôle clé dans la façon dont nous comprenons les phénomènes sociaux (May, Reference May2016 : 1335). Ils transmettent l'information tout en créant des perceptions partagées sur ces informations et peuvent même parfois alimenter des crises en attirant le regard de la population sur un phénomène sur lequel ils mettent (et amplifient) l'emphase comme le démontrent Giasson, Brin et Sauvageau (Reference Giasson, Brin and Sauvageau2010) dans leur étude sur le discours médiatique autour de la crise des accommodements raisonnables.

Le projet de recherche initial ne comprenait que les journaux La Presse ( ou Cyberpresse) et Le Devoir puisque les journaux appartenant à la compagnie Québecor ne sont pas disponibles avant 2006 dans la banque de données EUREKAFootnote 11. Cependant, un bref regard à la moyenne des tirages des quotidiens québécois nous a suffi pour nous convaincre de la pertinence d'intégrer, à partir de 2006, le Journal de Montréal à notre analyse. En effet, le Journal de Montréal est le quotidien ayant le plus important tirage au Québec, et ce, pour l'ensemble de la période couverte. En 2016, à titre d'exemple, le Journal de Montréal récoltait un lectorat de 2 896 000 contre 2 161 000 pour La Presse et 901 000 pour Le Devoir (un différentiel de plus d'un demi-million face à La Presse et de près de deux millions face au Devoir) (Jacques, Reference Jacques2017). Étant donnée la majorité marquée de lecteur/ices pour ce journal, une analyse qui s'intéresse à la construction du discours national contemporain au Québec ne peut qu’être enrichie par la prise en compte du Journal de Montréal, même si le contenu archivé ne comprend qu'une partie de la période couverte par la présente étude.

La période choisie aux fins de l'analyse s’étend du 1er janvier 1990 au 31 décembre 2017. Les années 1990 ont été marquées sur la scène internationale par la mise à l'agenda politique de la reconnaissance juridique des lesbiennes et des gais. Le Québec ne fait pas exception puisque le mouvement social est très actif lors de cette période, comme ailleurs au Canada (Warner, Reference Warner2002). Ainsi, alors que Puar (Reference Puar2013) conceptualise l'homonationalisme comme un phénomène qui émerge en réponse aux attaques terroristes perpétrées aux États-Unis en septembre 2001, l’émergence de l'homonationalisme dans la province peut être liée à d'autres conjonctures politiques propres au contexte québécois, comme nous l'avons souligné précédemment. En commençant notre analyse au début des années 1990, nous nous donnons la chance de couvrir une élection référendaire ainsi que l'amorce des débats sur les unions de même sexe et ceux entourant la filiation des personnes non hétérosexuelles. La période de l’étude se termine le 31 décembre 2017, soit lors des premiers balbutiements de notre projet de recherche.

Notre recherche a été effectuée à partir de la base de données Eureka.cc et plusieurs mots-clés ont été employés pour nous permettre de dégager le contenu qui traite des diversités sexuelles au Québec tout en traçant une frontière avec un « Autre » présenté comme opposé à cette diversité. Cet « Autre », suivant la conceptualisation qui émerge de la littérature sur l'homonationalisme ainsi que celle plus large sur la politique québécoise et canadienne, nous l'avons codifié comme suit dans le moteur de recherche : musulman*, islam*, arabe*, immigra*, « reste du Canada » et « Canada anglais ». Notre catalogue a fait ressortir 971 articles combinant sur une même page des termes reliés à la diversité sexuelle au Québec et des termes liés à l'immigration et au reste du Canada (anglais)Footnote 12. Nous avons ensuite procédé à un premier tri en éliminant le contenu consacré aux arts de la scène et du spectacle (cinéma, théâtre, littérature et humour) ainsi que le contenu qui donnait une signification autre au terme « gai » que celle utile pour notre recherche, incidemment les articles qui faisaient usage du terme « gai » au sens de « joyeux » ou « heureux ». Qui plus est, nous avons également rejeté les documents qui compilaient plusieurs « billets d'humeurs » des lecteur/ices lorsque ceux-ci employaient les termes liés à la diversité sexuelle dans un billet d'humeur et qu'un autre billet d'humeur employait un de nos mots-clés, « musulman » par exemple, pour émettre une idée sans rapport avec la précédente. Ce premier tri a nécessité un premier survol de l'ensemble du corpus et a été effectué manuellement puisque le moteur de recherche utilisé ne pouvait faire ce type de distinction de manière automatisée. Nous avons conséquemment effectué un premier tri pour un total de 97 articles codés. Ces 97 articles ont ensuite été transférés puis codés par une seule personne avec le logiciel mixte NVivo. La grille de codification élaborée pour une première analyse a fait usage de quatre variables. Dans un premier temps, nous avons documenté s'il s'agissait d'un article d'opinion (éditorial, chronique, lettre à l’éditeur) ou non. Dans un second temps, nous avons déterminé si l'article présentait un discours homonationaliste, une critique de l'homonationalisme ou si l'article contenait à la fois un discours homonationaliste et une critique de ce discours. Dans un troisième temps, nous nous sommes penchés sur les frontières que ce discours induit, soit des frontières avec a) le reste du Canada; b) avec les immigrant/es et le monde musulman; c) avec à la fois le Canada et le monde immigrant/e/musulman, et finalement d) avec des frontières indéterminées dans l'article. Dans un quatrième et dernier temps, nous avons exploré si l'article avait ou non recours à un sondage pour soutenir l'argument d'une « excellence sexuelle » du groupe majoritaire en relation avec un « Autre ». Lors d'une deuxième séance de codage incluant cette fois les deux chercheur/es, 66 articles ont finalement été retenu pour les fins de l’étude sur les frontières du nationalisme sexuel québécois. Nous avons rejeté les articles, lors de cette deuxième séance de codage, dont le caractère homonationaliste pouvait possiblement être contesté.

Enfin, nous avons demandé à un assistant de recherche de coder un échantillon de 22 articles pour s'assurer de la validité du codage. Le pourcentage d'accord global était de 88,2%, incluant 90% pour la variable principale de notre étude, à savoir les frontières de l'homonationalisme québécois.Footnote 13 Cependant, pour l'une des catégories de notre étude, celle où l'on catégorisait l'article selon sa dimension homonationaliste (homonationaliste, critique de l'homonationalisme ou les deux), le pourcentage d'accord était de 68,2%, sous la barre généralement acceptée de 70% (Lombard et coll., Reference Lombard, Snyder-Duch and Bracken2002). Les désaccords étaient liés d'abord et avant tout à la présence additionnelle, dans des articles avec une dimension homonationaliste, d'une dimension critique de l'homonationaliste. Cette différence s'explique principalement par le fait que si les auteur/es de l'article ont codé comme contenant une critique de l'homonationalisme seulement des articles qui questionnaient explicitement le soi-disant progressisme québécois à l’égard des communautés LGBTQ+, l'assistant de recherche a, quant à lui, codé également des articles qui, tout en mentionnant le progressisme québécois ou l'excellence québécoise dans une perspective comparée, indiquaient tout de même la présence, encore aujourd'hui au Québec, d'homophobie ou encore de discrimination envers ces communautés. Bien que ce désaccord ne remette pas en question la présence d'une dimension homonationaliste dans ces articles, nous avons toutefois décidé de ne pas utiliser cette catégorie dans notre étude à la lumière du taux d'accord. L'analyse qui suit porte donc principalement sur les 60 articles qui présentent une dimension homonationaliste.

Analyse des résultats

Parmi les 60 articles de notre étude qui contiennent une dimension homonationaliste, 33 sont des textes de nouvelles et 27 des articles d'opinion. 27 articles ont été publiés dans La Presse, 21 dans Le Devoir et 12 dans le Journal de Montréal. La présence d'un discours homonationaliste est un phénomène relativement récent. En effet, nous avons recensé seulement trois articles dans les années 1990 qui font de la démocratie sexuelle un aspect constitutif de l'identité québécoise ou distinguant le Québec. C'est avec le débat sur le mariage des conjoint/es de même sexe lors de la première moitié des années 2000 que nous observons l’émergence d'un tel discours. Il s'agit également d'une période où le nombre d'articles qui met l'accent sur la démocratie sexuelle au Québec est relativement important. En effet, pour la période de 2000 à 2005 (inclus), on recense la publication de 25 articles que nous avons classés comme homonationalistes (41,7% des articles homonationalistes et 52,1% si on exclut les articles publiés dans le Journal de Montréal à partir de 2006). Ces articles mettent généralement de l'avant le statut distinct du Québec, où la diversité sexuelle est (ou serait) plus acceptée. En effet, un nombre important d'articles discute du caractère ouvert ou tolérant de la société québécoise à la suite de la publication de sondages sur l'appui des Québécois et des Canadiens au mariage de conjoints de même sexe.Footnote 14 C'est ainsi que le Québec est présenté lors de cette période comme « une société distincte » et « le paradis sur terre des gais » (La Presse, 27 janvier 2004 : A5) ou encore une province « favorable aux gais » (Le Devoir, 24 janvier 2005 : B6).

Outre la période entre 2000 et 2005, l'autre période importante où l'on observe un discours homonationaliste est celle de 2007 à 2014, période qui correspond aux débats entourant les accommodements raisonnables et la Charte des valeurs sous la gouverne du Parti québécois. Au cours de cette période, on recense la publication de 22 articles que nous avons classés comme homonationalistes (36,7% des articles homonationalistes ou 29,2% si on exclut les articles du Journal de Montréal). Le discours public durant cette période est similaire au discours homonationaliste présenté dans la littérature internationale. Comme nous le verrons plus loin, ce discours est mobilisé d'abord et avant tout en relation avec les minorités religieuses ou le monde musulman plutôt qu'avec le reste du Canada. De plus, si le discours de la première moitié des années 2000 insistait sur cette oasis qu'est le Québec, où les droits des gais ne « sont pas menacés » (Le Devoir, 28 juin 2004 : A6), c'est plutôt la menace qui pèse sur ces derniers qui est principalement mise de l'avant durant cette période. À titre d'exemple, on parle des « fondamentalistes [qui] nous forcent à reculer » (La Presse, 14 janvier 2014 : Débats 5) ou encore de « religions homophobes [qui] continuent de gagner du terrain au sein de la population » (Le Devoir, 7 novembre 2013 : A6).

En somme, nous observons un discours qui s'apparente à du nationalisme sexuel ou de l'homonationalisme dans la presse écrite québécoise. Comme en fait foi l'absence relative d'un tel discours dans les années 1990, il s'agit cependant d'un phénomène relativement récent associé à des « événements focalisant » (focusing events), c'est-à-dire des événements qui « reçoivent une attention du publique qui est intensive, substantive et relativement soutenue » (Alimi et Maney, Reference Alimi and Maney2018 : 760, notre traduction). Ces deux grands événements focalisant ont été le mariage entre conjoint/es de même sexe et la question des accommodements raisonnables.

L'objectif central de notre étude était d'explorer qui était « l'Autre » dans le nationalisme sexuel québécois. Comme le démontre le Graphique 1, notre hypothèse que le « Canada anglais » ou le « reste du Canada » a occupé une place importante dans l'imaginaire homonationaliste est largement corroborée par nos données. En effet, 33 des 60 articles (55%) dans notre corpus établissent une différence entre le Québec et le reste du Canada (64,6% si on exclut les articles publiés dans le Journal de Montréal), alors que 21 articles (35%) discutent des différences entre le groupe majoritaire au Québec et l'Autre (immigrant/es ou musulman/es) (22,9% si on exclut les articles du Journal de Montréal). Quatre articles établissent une différence à la fois avec le Canada et les immigrant/es et les musulman/es et deux articles ont des frontières indéterminées. Comme le démontre le Graphique 2, si l'on se penche uniquement sur les textes d'opinion, le reste du Canada est tout aussi susceptible d’être mentionné.

Graphique 1. Frontières de l'homonationalisme (nombre d'articles).

Graphique 2. Frontières de l'homonationalisme/Articles d'opinion (nombre d'articles)

Les articles qui établissent une « frontière » entre le Québec et le reste du Canada tendent à souligner la plus grande ouverture et la plus grande tolérance des Québécois/es comparativement aux autres Canadien/nes. Comme nous l'avons indiqué dans la section précédente, plusieurs articles qui mettent de l'avant le caractère distinct du Québec au Canada le font dans le contexte du débat sur le mariage des conjoint/es de même sexe, entre autres à la suite de publications de sondages ou d’études qui mettent de l'avant la spécificité québécoise. Dans le cadre de ce débat, le Québec est régulièrement présenté comme une société distincte à l'avant-garde ou en avance sur le Canada anglais (La Presse, 27 juillet 2002 : B1; Cyberpresse, 28 octobre 2006), qui, lui, est « en convulsion » (Le Devoir, 1er août 2003 : A9).

Il importe de mentionner que dans certains articles, la question du mariage entre conjoint/es de même sexe et l'ouverture des Québécois/es sont mentionnées comme étant certaines parmi plusieurs questions qui distinguent le Québec du Canada anglais. À titre d'exemple, dans une lettre ouverte à Maxime Bernier, un jeune Québécois écrit ainsi : « Nos visions aussi sont différentes : ouverture de l'homoparenté (sic), le mariage homosexuel, l'environnement, l'ouverture sur le monde, la laïcité, la vie citoyenne, etc. Tout cela, le Québec est à l'avant-garde sur le Canada anglais » (Cyberpresse, 28 octobre 2006). Enfin, dans une chronique publiée dans le Journal de Montréal, l'humoriste Martin Petit contraste les différentes façons dont la nation québécoise se différencie de la nation de Stephen Harper :

Parce que du point de vue de Harper, le Québec est une nation fatigante. On n'est pas une nation parce qu'on est beau et intelligent… Naïf ! Non, on est une nation parce qu'on sera jamais comme la tienne, comme sa nation à lui. Sa nation de wannabe cow-boy anglo-catholique-créationniste anti-mariage gai et pro-pollueur, parce c'est payant les sables bitumineux. Voilà sa nation à lui. Donc, quand il nous regarde, nous la nation francophone athée pro-jeux gais, pro-Kyoto et où le country sera toujours un peu quétaine, il se dit : ils ne sont pas comme moi, et je ne veux pas être comme eux (Journal de Montréal, 26 novembre 2006 : 26).

Dans cette frontière entre le Québec et le Canada, comme le laisse sous-entendre la dernière citation, l'Alberta a occupé une place prépondérante, tout comme le premier ministre Harper. Dans une chronique publiée dans La Presse en 2008 (18 mai : A7), le chroniqueur Stéphane Laporte établit un contraste entre les débats au Québec sur les grands enjeux sociaux, dont les droits « des homosexuels », et le « Canada de Harper ». Quant à l'Alberta, elle est souvent présentée comme le symbole de ce Canada moins ouvert à la citoyenneté sexuelle. Dans un article publié lors de la campagne de 2004, un candidat québécois sous la bannière du Parti conservateur, ouvertement gai, discutant de la question de l'ouverture face aux diversités sexuelles, affirme que lorsque « tu arrives en Alberta, tu as l'impression de débarquer dans les années 1950 » (La Presse, 23 juin 2004 : A20). Et dans une lettre d'opinion publiée en 2006, une jeune Québécoise de passage en Alberta compare les deux sociétés :

C'est parfois déroutant combien ils ne sont pas aussi ouverts que nous sur plusieurs sujets. Homosexualité, sexe, relations, argent …. Vous ne pouvez imaginer combien ils trouvent scandaleuse l’élection d'André Boisclair !!! “Un gai, ex-drogué” ???!! Ouf …!! Mais bon, à chacun son point de vue. Des fois, je m'ennuie pas mal de notre liberté québécoise » (Cyberpresse, 10 janvier 2006).

Comme le démontre le Graphique 3, après la légalisation du mariage entre conjoint/es de même sexe en 2006, la présentation d'un Québec avant-gardiste en opposition à un Canada anglais conservateur est de moins en moins présente dans notre corpus, le dernier article établissant une frontière seulement avec le reste du Canada ayant été publié en 2013. Bien que le Canada ne disparaisse pas nécessairement du discours homonationaliste, il est discuté comme nous le verrons plus bas en conjoncture avec d'autres menaces qui pèseraient sur les droits des communautés LGBTQ+. En fait, depuis la deuxième moitié des années 2000, c'est beaucoup plus en relation avec les immigrant/es, de même qu'avec les groupes religieux au Québec et à l’étranger, qu'est discutée la démocratie sexuelle au Québec.

Graphique 3. frontières de l'homonationalisme, 1990–2017 (nombre d'articles)

C'est en effet à cette époque que sont publiés les premiers articles qui font état de la plus faible tolérance des Québécois/es issus de l'immigration envers la diversité sexuelle, parfois à la suite de la publication de sondages sur cette question (Cyberpresse, 15 mai 2009; Le Devoir 15 mai 2009 : A5). L'un de ces textes d'opinion, publié en 2013, après avoir mentionné quelques-uns des bienfaits des luttes sociales au Québec et au Canada, dont les droits des gais et lesbiennes, affirme que l'on pourrait penser que « la dernière chose qu'une démocratie libérale voudrait tolérer serait un risque interne à la survie de nos valeurs, que ce soit l'arrivée de l'Islam sur nos rives, la résurgence de la chrétienté avec l'arrivée de gens de l'Amérique latine et d'ailleurs, ou encore les décrets incroyablement répressifs du judaïsme orthodoxe » (La Presse, 2 octobre 2013 : A24). Quant à la chroniqueuse Lise Ravary, elle affirme dans une chronique publiée en 2013 que la rectitude politique nous empêche de discuter du défi « d'intégrer encore plus d'individus dont le regard sur l’égalité hommes-femmes, l’éducation des enfants, les droits des homosexuels et la place de la religion dans la société [qui] pourraient diverger du nôtre » (Journal de Montréal, 23 juillet 2013 : 23).

Au-delà des valeurs des immigrant/es, on retrouve de façon marquée un discours qui mentionne la tolérance des Québécois/es de façon comparée, tout en indiquant que cette même tolérance est menacée par diverses communautés. Dans ces articles, on souligne parfois la tolérance et l'ouverture des Québécois/es non seulement en relation avec le reste du Canada, mais également avec le reste du monde, en particulier le monde musulman. Après avoir affirmé, comme nous l'avons cité auparavant, que les droits des diversités sexuelles n’étaient pas menacés au Québec, un lecteur du Devoir écrit dans une lettre d'opinion qu'un Québec indépendant se « fera alors un plaisir d'aller à la rescousse des femmes et des homosexuels de toutes les parties du monde, de l'Ontario et de l'Alberta plus particulièrement. Nous irons les aider, s'il le faut! » (Le Devoir, 28 juin 2004 : A6). Dans une lettre ouverte d'André Gagnon qui compte 600 cosignataires, on mentionne à la fois le rôle clé joué par le Québec dans l'adoption des droits LGBT au Canada (et le conservatisme du reste du Canada) tout en dénonçant le retour des intégrismes religieux et ceux qui, en s'acharnant à « défendre les privilèges religieux », « s'alignent objectivement sur le programme de Stephen Harper en attaquant la laïcité, qui constitue la véritable menace à nos droits » (Le Devoir, 22 janvier 2014 : A9).

Cet intégrisme religieux, au Québec et à l’étranger, est discuté dans un certain nombre d'articles. À titre d'exemple, dans une lettre publiée en 2014, un lecteur de La Presse, après avoir rappelé la condamnation de « l'homosexualité » par les fondamentalistes, défend ainsi le projet de charte des valeurs :

Ce qui est sûr, c'est qu'on voit en ce moment, un peu partout dans le monde (et depuis des siècles), des guerres de religion, impliquant toutes ces croyances, juive, musulmane, chrétienne, hindouiste, etc. On est assez près pour tout savoir. Est-ce qu'on est trop loin pour en subir les conséquences ? N'y a-t-il pas lieu de s'inquiéter un peu, de prévenir, d'envoyer un message clair afin de faciliter le mieux vivre ensemble ? Depuis l'an 2000, il est entré au Québec 750 000 immigrant/es (déclarés). Tous ont besoin de savoir ce que l'on est, ce à quoi l'on aspire (La Presse, 14 janvier 2014 : Débats 5).

En bref, le nationalisme sexuel québécois s'est d'abord et avant tout exprimé au début des années 2000 en relation avec le reste du Canada. Ce dernier a longtemps été perçu comme plus conservateur que le Québec sur la question des droits des diversités sexuelles. Après 2005, le Canada n'a pas entièrement disparu du discours sur la démocratie sexuelle au Québec. Cependant, il est d'abord et avant tout mentionné dans le contexte où l'imaginaire collectif perçoit une montée des fondamentalismes religieux dans la province. En cela, le discours homonationaliste recensé dans la presse écrite québécoise reflète la transformation du discours nationaliste québécois au cours de cette période, c'est-à-dire un discours nationaliste qui met l'emphase sur les valeurs distinguant le Québec du reste du Canada à un discours nationaliste davantage axé sur les valeurs qui distinguent les membres du groupe majoritaire de celles associées aux nouveaux arrivants.

Si notre analyse a porté sur 60 articles contenant une dimension homonationaliste, il importe également de mentionner que des articles publiés lors de cette période ont remis en question le caractère distinct de la démocratie sexuelle québécoise. À titre d'exemple, dans un texte paru en 2007, après une discussion sur les jeux gais s’étant tenus à Montréal en 2006, le chroniqueur Christian Rioux se moque d'un discours montréalo-centriste présentant le Québec « comme l'endroit le plus cool, le plus tripant et le plus progressiste du monde ». Ce dernier souligne qu'il a entendu, à la même époque sur une tribune téléphonique, un jeune Québécois de l'extérieur de Montréal se positionnant contre le mariage gai (Le Devoir, 23 mars 2007 : A3). D'autres articles, quant à eux, tout en soulignant les progrès faits au Québec dans une perspective comparée, relativisent l'ouverture des Québécois/es et soulignent les difficultés auxquelles font encore face les communautés LGBTQ+ (La Presse, 15 août 2015 : A29; Le Devoir, 18 juin 2016 : B1). Finalement, des commentatrices ont également dénoncé ce qu'elles perçoivent comme une certaine hypocrisie dans le discours public autour de la religion et des droits des diversités sexuelles, en particulier à la lumière de la position de l’Église catholique sur cette question. La chroniqueuse du Journal de Montréal, Josée Legault, affirme ainsi dans une chronique publiée en 2015 (17 avril 2015 : 6) :

Le maire Tremblay n'est pourtant pas seul à hiérarchiser les religions. Notez les réactions outrées quand un imam nie l’égalité des femmes ou des homosexuels pendant qu'on ignore les mêmes élucubrations discriminatoires lorsqu'elles viennent d'un curé ou d'un évêque.

En bref, il importe de souligner que le discours homonationaliste au Québec est parfois contesté, entre autres parce qu'il peut passer sous silence, comme nous l'avons mentionné plus tôt à la lumière des travaux de Smith (2018), que l'homophobie et l'homonationalisme peuvent cohabiter dans la même société.

Conclusion

Les principaux objectifs de cet article étaient doubles : explorer la place et le rôle que jouent les communautés LGBTQ+ dans l'espace médiatique québécois en relation avec le progressisme souvent autoproclamé de la nation québécoise et le positionner dans le temps, puis explorer qui est cet « Autre » dans le nationalisme sexuel québécois qui occupe une place prépondérante dans l'imaginaire collectif. Deux grandes conclusions ressortent de notre analyse. Premièrement, ce n'est que depuis le début des années 2000 que les diversités sexuelles et la démocratie sexuelle sont devenues des composantes importantes de la spécificité de la nation québécoise. Ce discours a principalement été mobilisé dans le cadre de grands débats de sociétés, comme ceux sur le mariage entre conjoint/es de même sexe, la crise des accommodements raisonnables ou encore le projet de Charte des valeurs. Il n'en demeure pas moins que le nombre d'articles homonationalistes dans notre corpus demeure relativement petit (moins de trois par année depuis 2000). Notre recherche tend donc à confirmer l'argument de Bilge (Reference Bilge2012 : 305) selon lequel on observe beaucoup plus un addenda homonormatif au nationalisme hétéronormatif québécois qu'une réelle substitution. Dans cette perspective, on peut affirmer que le discours homonationaliste est sans doute moins présent au Québec que dans un pays comme les Pays-Bas, où il occupe une place centrale dans le discours public (Mepschen et coll., Reference Mepschen, Duyvendak and Tonkens2010). De plus, il semble à première vue occuper une place beaucoup moins importante dans la construction nationale que le discours autour de « l’égalité des sexes ». D'autres sources mériteraient cependant d’être analysées pour explorer l’étendue et la nature de l'homonationalisme au Québec. On peut penser entre autres aux guides à l'intention des nouveaux arrivants.

Deuxièmement, notre recherche démontre que l'homonationalisme, qui s'inscrit dans un processus de construction d'un « nous » et d'un « eux » propre au nationalisme, n'a pas été seulement mobilisé en relation avec le « monde musulman » et les minorités religieuses. En fait, nous avons démontré que, dans un État multinational comme le Canada, l'homonationalisme peut être mobilisé contre d'autres groupes « nationaux ». L'homonationalisme québécois a, en effet, d'abord et avant tout émergé dans le contexte des débats sur le mariage entre conjoint/es de même sexe, puisque le Québec s'auto-représentait comme une province/nation à l'avant-garde en termes de démocratie sexuelle, alors que le « reste du Canada » ou le « Canada anglais » (ou différentes composantes de ce Canada anglais, en particulier l'Alberta) était quant à lui présenté comme un « Autre » conservateur et intolérant. Depuis la fin des années 2000, c'est beaucoup plus les musulman/es (ici et ailleurs) et les immigrant/es plutôt que le reste du Canada qui sont au cœur du discours homonationaliste au Québec.

Conséquemment, il est possible d'affirmer qu'un discours homonationaliste est bien présent au Québec, bien que plus de recherches soient nécessaires pour explorer son étendue. Il est également possible de s'interroger sur l'avenir de cet homonationalisme québécois. Deux aspects seront à surveiller au cours des prochaines années. Le premier est le rapport avec le Canada dans la mesure où, comme le démontrait notre introduction, l'actuel Premier ministre Justin Trudeau a fait de l'acceptation des diversités sexuelles l'une des valeurs fondamentales des Canadiens. Le second est, malgré l'adoption de la loi sur la laïcité de l’État, la poursuite inévitable des débats sur cette question à la lumière à la fois des contestations juridiques en cours et de la volonté affichée de certains militant/es d’étendre l'interdiction du port de symboles religieux à d'autres catégories d'employé/es de l’État.

Remerciements

Nous tenons à remercier Michael Orsini et Daniel Salée, de même que les évaluateurs/trices anonymes de la revue, pour leurs commentaires judicieux et leurs suggestions. Nous remercions également Julien Doris et Dominic Durocher qui ont agi comme assistant de recherche. Valérie Lapointe souhaite reconnaître l'appui financier du Fonds de recherche du Québec — Société et culture et du programme de bourse d’études supérieures de l'Ontario.

Footnotes

1 Cité dans Bouvier-Auclair Raphaël (Reference Bouvier-Auclair2016).

2 La question de l'homonationalisme au Québec est cependant discutée comme nous le verrons plus loin, dans les travaux de Bilge (Reference Bilge2012) et de Benhadjouja (2017).

3 Dhoest (Reference Dhoest2020) a récemment exploré le discours homonationaliste en Flandres, incluant la nation de référence (Flandres, Belgique) dans ce discours. Cependant, l’étude n'explore pas le discours homonationaliste en relation avec les autres composantes de l’État multinational belge.

4 Voir notamment les différentes contributions à l'ouvrage de Labelle et coll. (Reference Labelle, Antonius and Toussaint2013).

5 La loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les conjoints de fait (1999) ; la loi instituant l'union civile des personnes de même sexe et modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives (2002) ; la Loi modifiant le Code civil en matière d’état civil, de successions et de publicité des droits (2013).

6 Si la conceptualisation que fait Puar de l'homonationalisme fait consensus dans la littérature, nous sommes conscient/es que son application a été la source de critiques (lire notamment les travaux de Zanghellini, Reference Zanghellini2012)

7 Nous préférons utiliser le terme « diversités sexuelles » plutôt que le terme « homosexuel/le » pour deux raisons: 1) il permet également de référer aux notions d'identité de genre et d'expression de genre; 2) contrairement à l'homosexualité conceptualisée comme une maladie dans le « Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (DSM) » jusqu’à la fin des années 1970, il s'agit d'un terme exempt d'une histoire péjorative liée à la biopolitique.

8 Il est à noter que Tremblay (Reference Tremblay2016) fait également émerger, dans le contexte canadien, le concept d'homofédéralisme, soit l'idée d'une compétition entre les provinces canadiennes en regard des enjeux des lesbiennes et des gais. Une conceptualisation qui permet de mettre à mal, via l'analyse de politiques publiques, cette idée rependue d'un soi-disant progressisme du Québec face au reste des provinces canadienne.

9 Si les travaux de Puar (Reference Puar2007; Reference Puar2013) permettent de mettre en exergue la dichotomie Occident/Orient particulièrement dans le rapport aux musulman/es (« d'ici et d'ailleurs »), d'autres auteur/es, particulièrement ceux qui écrivent sur le contexte canadien dans l'ouvrage de Dryden et Lenon (Reference Dryden and Lenon2016) peaufinent la notion de frontières symboliques et d'imaginaire national en l’élargissant aux immigrant/es et réfugié/es. Kortweg et Yurdakul (Reference Korteweg and Yurdakul2009) font de même avec leurs études de cas au Pays-Bas et en Allemagne.

10 Bien que ces trois journaux soient basés à Montréal, il n'en demeure pas moins a) qu'ils sont largement lus dans l'ensemble du Québec; b) que plusieurs des articles de ces journaux sont reproduits dans les journaux régionaux; c) que Le Devoir et La Presse ont une portée nationale. Nous sommes néanmoins conscient/es que la collecte de données dans des journaux régionaux auraient pu être bénéfique pour notre analyse. Ici encore ce sont des critères de faisabilité et de temps qui ont orienté notre choix.

11 Le Devoir était quant à lui disponible depuis 1992. Nous soulignons également que l'accès et la disponibilité des ressources sont essentiellement les raisons qui ont motivé le choix de faire une analyse de la couverture de la presse écrite. Les médias télévisuels et radiophoniques n’étant pas tenus par une obligation à l'archivage, l'analyse de ce type de médias nécessitait du temps et des ressources qui faisaient obstacle à la constitution d'un corpus substantiel. Conséquemment, ce sont des critères de faisabilité qui ont orienté notre choix vers la presse écrite.

12 Quatre groupes de mots distincts ont été employés pour la recherche : 1) (gai | LGBT | lesbienne | homosex*) & Québec* & « reste du Canada »; 2) (immigrant/e*) & (gai | LGBT | lesbienne | homosexu*) & Québec* & « reste du Canada »; 3) (musulman* OU islam* OU arabe*) ET (gai ou LGBT ou lesbienne ou homosexu*) ET Québec*; 4) gai | LGBT | lesbienne | homosex*) & Québec*.

13 Pour la présence de sondages, le taux d'accord était de 100% et pour la question du type d'article (article de nouvelle ou texte d'opinion) le pourcentage d'accord était de 95,5%.

14 De tels articles ont parfois été difficiles à classer. Tous les articles qui présentaient des données de sondage sur l'appui au mariage gai au Québec n'ont pas été retenus dans notre corpus d'articles. Seuls ceux qui indiquaient que le Québec était plus ouvert au mariage gai ou à la diversité sexuelle que le reste du Canada l'ont été. Nous nous inspirons ainsi de l'analyse de Giasson, Brin et Sauvageau (2010 : 386) qui, dans leur étude sur la couverture médiatique des sondages lors de la « crise » des accommodements raisonnables, affirment « qu'en commanditant et en commentant des études d'opinion, les médias participent à la construction de l'opinion publique et deviennent des producteurs de discours sur l'opinion publique ». Des 25 articles que nous avons classés comme étant « homonationalistes » publiés entre 2000 et 2005 (inclus), 15 présentent et/ou commentent un sondage sur l'opinion des Québécois/es et des Canadien/es sur la question du mariage des conjoints de même sexe et/ou le droit des membres de la communauté LGBTQ+ dans la société canadienne.

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Graphique 1. Frontières de l'homonationalisme (nombre d'articles).

Figure 1

Graphique 2. Frontières de l'homonationalisme/Articles d'opinion (nombre d'articles)

Figure 2

Graphique 3. frontières de l'homonationalisme, 1990–2017 (nombre d'articles)