La présente étude, relative à l'un des problèmes les plus essentiels de l'heure, a été rédigée en pleine guerre, alors que l'occupation du pays nous empêchait de maintenir les contacts intellectuels avec l'étranger. En fait, elle fut écrite et discutée au premier semestre de 1942, avant que le problème eut reçu une publicité quelconque à la radio ou dans les rares écrits traversant le blocus. Le document ronéographié qui fut diffusé en un nombre restreint d'exemplaires, porte la date du 16 juin 1942. Nous tenons à dire ici qu'il fut le fruit de discussions approfondies sur un texte de portée plus réduite et que nous devons beaucoup aux suggestions de divers amis, notamment de MM. François Cracco, Jean Jussiant, Charles Roger et Pierre Van der Rest.

Lés théoriciens de l'économie moderne, en leurs études relatives à la dynamique, ont généralement limité leur analyse au cas simplifié ou irréel d'une économie fermée. Leur horizon est en outre restreint par le fait qu'ils visent à dégager le mécanisme des variables qui déterminent, à courte échéance, l'emploi des facteurs de production dont la structure est supposée donnée. Les effets sur le rendement social de l'économie en longue période sont absents des préoccupations. Les critères qui servent à discriminer les mesures de politique économique ne valent donc que pour les effets à échéance rapprochée.

L'instabilité de la monnaie, en influençant directement ou indirectement les conditions de la production dans tous les secteurs de l'économie belge depuis 1919, a déterminé l'évolution de la structure industrielle et, par conséquent, celle des salaires au cours de l'entre-deux-guerres. L'économie belge devait être particulièrement sensible aux mouvements du change en raison de l'exiguïté de son marché intérieur, dont l'action stabilisatrice n'a pu éluder les chocs de la conjoncture monétaire, contrairement à ce qui se passe dans de grandes aires économiques.

A partir de février 1946, l'Institut de Recherches Économiques et Sociales reprendra le diagnostic trimestriel de la conjoncture économique de la Belgique et du Luxembourg, qu'il avait publié régulièrement de 1930 à février 1940.

Jusqu'ici la documentation statistique s'est avérée insuffisante à cet effet; en ce moment elle comporte encore de graves déficiences, alors que par maints aspects le problème est plus compliqué qu'en temps normal. Le service économique de Harvard débuta cependant dans la voie des diagnostics à la fin de 1919 et, avec des moyens statistiques précaires, put dégager correctement les tensions de la vie économique américaine de 1920. Le caractère très marqué des tensions actuelles remedie d'ailleurs, en partie, aux défaillances de l'analyse statistique. Cela nous autorise à apprécier les forces économiques en présence en 1946 et à dégager, dés à présent, quelques traíts saillants de la conjoncture économique beige qui puissent servir de guide dans l'appreciation de la situation. Nous voulons les signaler ici en nous abstenant expressément de tout exatnen de chiffres.