Un grand nombre des problèmes soulevés par la question du chômage tie peuvent être examinés dans leurs détails qu’à la condition de les situer dans le cadre des institutions qui, dans l’état présent de la législation, organisent le secours aux sans-travail.

Aussi pensons-nous que tout examen de l’emploi de> la main-d’œuvre dans notre pays doit être accompagné d’un bref exposé de l’organisation de l’assistance-chômage, étant entendu qu’il convient de se tenir à l’écart des opinions politiques divergentes et des thèses économiques contradictoires qui s’affrontent à propos du problème du chômage.

Notre exposé du mouvement de la législation sociale en 1930, a revêtu, pendant cette année, une importance extraordinaire.

Depuis que le législateur s’est orienté vers un programme de mesures de police industrielle, d’assurance et de prévoyance sociale, il n’est pas une année au cours de laquelle une telle abondance de réformes ait été réalisée : loi du 14 juillet 1930 sur l’assurance en vue de la vieillesse et du décès prématuré, loi du Ier août 1930 sur les pensions des ouvriers mineurs, loi du 18 juin 1930 sur les pensions d’employés, loi du 18 juin 1930 sur la réparation des dommages résultant des accidents du travail, enfin, loi du 4 août 1930 portant généralisation des allocations familiales.

Au cours de 1931, les finances publiques se sont comportées comme il fallait s’y attendre. Des difficultés semblables à celles qui furent rencontrées à l’étranger ont surgi, mais grâce aux mesures prises elles n’eurent pas jusqu’ici de conséquences graves.

Le budget de 1931 présentait cependant deux points particulièrement faibles. Tout d’abord, il n’était qu’imparfaitement équilibré; il se trouvait notamment à la merci de la régression des recettes à résulter nécessairement d’une aggravation éventuelle de la crise. D’autre part, il fallait redouter les crédits supplémentaires, cette plaie des finances belges.

La présente étude est basée, en ordre principal, sur les statistiques du commerce extérieur du Congo publiées par le Ministère des Colonies et, en second lieu, sur des renseignements puisés dans les rapports et bilans des Compagnies de chemins de fer et de navigation. Elle aurait, sans doute, pu être utilement complétée par un aperçu général de l’activité et de la situation des entreprises européennes et du nombre de travailleurs indigènes qu’elles employent, ainsi que de la situation budgétaire et des finances publiques; mais tous les éléments nécessaires pour établir cet aperçu d’une manière objective, n’existent pas encore — notamment, le rapport aux Chambres législatives sur l’Administration de la Colonie en 1930 n’a pas paru (1), — et tous les bilans des sociétés coloniales n’ont pas été publiés à ce jour. Néanmoins, il semble que les données recueillies et groupées ici permettent déjà de se faire une idée concrète du mouvement et de la situation pour l’exercice sous revue.

Dans une industrie aussi complexe que l’agriculture belge il est difficile, sinon impossible, de porter un jugement d’ensemble reflétant la position exacte. Si la situation est des plus difficiles dans l’ensemble des branches, il y a toujours l’une ou l’autre partie plus privilégiée, soit par suite de l’habileté professionnelle supérieure du chef d’exploitation, soit par suite de conditions spéciales permettant une production avec un prix de revient moindre. La nature du sol exploité, le faire valoir direct, le taux du fermage, la composition de la famille du cultivateur etc., sont des facteurs qui multiplient à l’infini les conditions d’exploitation. On ne peut pas perdre de vue qu’il y a en Belgique environ 300.000 agriculteurs exploitant plus d’un hectare et 90.000 moins d’un hectare. Ces derniers, s’occupant en ordre principal de culture maraîchère et d’aviculture, jouent cependant un rôle important dans l’économie agricole du pays. Cette culture morcelée est évidemment un avantage dans la situation de crise que nous traversons, d’autant plus qu’un grand nombre de petits et moyens cultivateurs sont, au moins partiellement, propriétaires des terres qu’ils cultivent, et en tout cas du cheptel vivant et mort. D’autant plus que la diversité des opérations faites par le paysan belge a réparti les risques.

L’ année 1931 a été extrêmement défavorable pour l’ensemble des valeurs mobilières. La conjoncture générale a exercé une influence déprimante sur les cotations boursières qui se sont montrées aussi sensibles aux phénomènes économiques proprement dits qu’aux inquiétudes et incertitudes perceptibles dans la situation politique internationale.

Il faut bien dire cependant que l’année avait débuté dans des conditions assurément mauvaises, mais qui ne semblaient pas devoir durer. Aux mois de février et de mars l’on vit percer une lueur d’espoir interprétée alors comme le présage de temps meilleurs. En fait, des pointes de reprise se sont présentées au printemps dans une série de cotations et la liquidation de la crise semblait de toute façon suffisamment avancée au début de l’été, pour faire croire que le fond de la dépression était atteint et ne serait pas dépassé.

Il y a deux ans, nous examinions, dans ce même bulletin, la situation de l’industrie charbonnière belge pendant l’année 1929, et nous en profitions pour étudier son évolution cyclique pendant les vingt-quatre années antérieures (1). Cette étude nous avait conduit à formuler des prévisions pessimistes sur l’avenir prochain qui attendait nos houillères, prévisions qui furent jugées par d’aucuns prématurées. On était alors, en effet, en pleine prospérité dans le monde de la houille. L’année 1929 venait de se clôturer avec un stock extrêmement réduit (353.000 tonnes en chiffres ronds), et les prix demeuraient fermes aux niveaux maxima atteints en décembre. Beaucoup attribuaient ces heureux résultats à la cartellisation, effectuée peu de temps auparavant, et qui leur paraissait devoir mettre l’industrie charbonnière belge à l’abri des aléas. Aucun nuage ne se montrait à l’horizon, et le coup de tonnerre qui avait éclaté en novembre dans le ciel boursier semblait une simple réaction contre les « excès de la spéculation».

Notre commerce extérieur est atteint par la crise depuis novembre 1929. Son volume global n’a cessé de diminuer durant toute l’année suivante. Une brève reprise se manifesta au début de 1931; elle fut suivie d’une période stationnaire qui dura jusqu’au mois d’octobre. A ce moment une nouvelle et brusque régression se produisit, à la suite de la baisse plus accentuée des prix et des mesures de restriction ou de réglementation que prirent une série d’États éprouvés par la crise financière de cet été.

Du point de vue de l’analyse de la conjoncture économique l’activité de la Société Nationale des Chemins de Fer Belges est particulièrement révélatrice de l’état général des affaires. Elle constitue d’ailleurs la plus importante entreprise de transport du pays, et à ce titre seul mérite notre intérêt.

Nous ne possédons encore que des statistiques très incomplètes sur l’activité de la société au cours de l’exercice 1931. La plupart des chiffres qui nous sont donnés nous renseignent sur la situation jusqu’au mois d’octobre seulement. Exceptionnellement, nous pourrons fournir quelques chiffres relatifs aux résultats des mois de novembre et décembre.

La dépression qui sévit dans l’industrie cotonnière et linière depuis la fin de 1928 s’est accentuée nettement dans le courant de l’année 1930 et s’est fortement aggravée en 1931 au moment où la chute de la Livre anglaise et l’application des droits Runciman provoqua une rectriction nouvelle de l’activité de toutes les usines. C’est pour cette dernière raison que la situation de cette industrie en 1931 n’est comparable à celle des années précédentes que durant les dix premiers mois de l’année, la première liste frappant d’un droit d’entrée de 50 % l’importation en Angleterre des tissus de lins purs et mixtes ayant été publiée le 21 novembre et la troisième liste frappant tous les tissus de coton, à l’exclusion des filés, ayant été appliquée un mois après.

Le trimestre écoulé depuis notre dernière chronique a enregistré les effets, sur l’activité industrielle et commerciale, du désarroi financier et monétaire provoqué par la dépréciation de la livre sterling. S’il est un moment où la panique des esprits, l’interventionnisme souvent hâtif des gouvernements, les mesures de sécurité prises sur un plan individuel par les créanciers de toutes catégories ont eu une influence prépondérante sur la marche de la conjoncture économique générale, ce fut bien pendant les derniers mois. Cette inquiétude générale du lendemain ne doit cependant pas faire perdre de vue le fait que les cycles économiques sont le résultat de forces plus profondes, qui peuvent être tenues en arrêt pendant un certain temps par des phénomènes extérieurs, mais qui agiront avec d’autant plus d’efficacité le jour où elles commenceront à avoir le dessus. Ceci nous amène à quelques considérations générales avant d’aborder, une fois de plus, l’examen des faits.

Aux Pays-Bas le recul de la conjoncture, qui a commencé au second semestre de 1929, s’est poursuivi sans atténuation pendant tout le cours de 1931. Si on élimine les variations saisonnières et les petites fluctuations accidentelles, on constate pour la plupart des indices un mouvement de régression rectiligne. Celui dont la baisse est la plus forte, l’indice du cours des actions, accuse un recul de 55 %, si on compare le chiffre moyen de 1931 à celui de 1929. Entre le maximum, qui fut atteint en février 1929 et le minimum provisoire, que donne l’indice de décembre 1931, le recul est de 72 %. I/indice des prix de gros, dont le niveau moyen était en 1929 de 142 et en 1931 de 97 n’est plus en décembre qu’à 85. Les importations et les exportations, mesurées en valeur, sont en recul d’environ 33 %. Le trafic des marchandises dans les ports de Rotterdam accuse une réduction d’un tiers, et dans le port d’Amsterdam une régression d’un sixième. Le transport des marchandises par rail a diminué en 21 mois d’environ 12 %. La moyenne mensuelle des virements de la Nederlandsche Bank qui s’élevait en 1929 à 3.560 millions de florins ne se montait plus en 1931 qu’à 2.460 millions. Au cours du dernier trimestre elle tombe à 1.760 millions, soit une régression respectivement de 31% et de 51%. Dans les bourses du travail la proportion des offres aux demandes d’emploi baissa de 379 à 156 %, le montant des placements de 216 à 108. A la fin de 1931, le nombre des chômeurs inscrits aux bourses de travail s’élevait à 246.000. A la fin de janvier, on peut, en se rapportant aux chiffres provisoires l’évaluer à 300.000. Il y a un an, il n’était que de 146.400.