La situation économique et financière pendant l’année 1947 a été caractérisée par les évolutions suivantes:

1°) une activité industrielle en hausse. En 1946 l’indice de la production industrielle s’est maintenu toute l’année en-dessous de la moyenne de 1936-1938; fin 1947, cet indice a atteint et dépassé, le niveau d’avant-guerre.

En dépit du maintien de pratiques restrictives sur le marché du créait, les banques privées et les organismes paraétatiques ont développé, en 1947, une activité particulièrement intense. En raison des besoins de financement de la reprise économique et des transactions du commerce extérieur, les appels au marché des capitaux, bien que plus considérables qu’en 1946, sont restés cependant très inférieurs aux besoins. Les entreprises ont généralement suivi une politique d’auto-financement. Le marché boursier des titres à revenus variables est resté dans un marasme complet qui, ne pouvant s’expliquer par la haute conjoncture internationale, apparaît en partie attribuable à la politique d’assainissement monétaire.

Plus encore qu’en 1946, la politique sociale de cette année a été influencée par des considérations d’ordre économique.

Le problème de la sécurité sociale ayant été réglé dans ses grandes lignes, tout au moins provisoirement, l’attention s’est reportée davantage sur ce que l’on est convenu d’appeler la politique des prix et salaires. Comme on le verra dans les pages qui suivent, et plus spécialement dans la troisième partie de la présente étude, bien des décisions prises dans le domaine des salaires ont été inspirées par le souci de se conformer à une politique économique déterminée.

C’est ainsi que la résolution de ne pas autoriser une hausse générale des salaires adoptéelors de la Conférence nationale du Travail de juin 1947, fut justifiée par la nécessité de ne pas aggraver davantage nos prix de revient, et cette justification fut admise par tous les milieux intéressés. C’est dans le même esprit que l’on imagina le système des allocations dites « compensatoires de la hausse des prix »: il s’agissait de ne pas incorporer définitivement dans le salaire, élément rigide du coût de production, une majoration que l’on croyait à l’époque, devoir être strictement temporaire. De même encore, l’octroi du double pécule de vacances, d’un mois supplémentaire d’allocations familiales et d’une prime exceptionnelle d’assiduité, fut également décidé en dernier ressort parce qu’il permettait d’éviter un mouvement général des salaires qui eut risqué d’entraîner à son tour une hausse générale des prix.

Cependant ,si ces diverses dispositions étaient justifiées du point de vue de l’opportunité immédiate, elles portent la marque d’une certaine improvisation et le caractère de mesures de circonstance; au point de vue de la technique législative dans le domaine des salaires, elles n’ont pas constitué un progrès. La méthode de fixation des salaires à plus longue échéance devra nécessairement s’inspirer d’autres principes.

De nouveaux progrès ont été accomplis en 1947 dans le relèvement de notre production de houille, qui s’est accrue de plus d’un million six cent mille tonnes par rapport à l’année précédente.

Nos mines ont réussi, en effet, à compenser le départ des prisonniers de guerre allemands par la mise au travail d’importants contingents d’ouvriers étrangers, dont elles ont effectué l’apprentissage en un temps très court. I’effectif du personnel présent dans nos charbonnages a pu être maintenu, de cette manière, à son niveau précédent, supérieur d’environ 7 % à celui de 1939. D’autre part, son rendement s’est légèrement amélioré, passant à 77 % de celui de 1939 en décembre 1947, contre 72 % en décembre 1946. Nous avons pu produire ainsi, l’an dernier, 82 % du charbon que nous avions extrait pendant la dernière année normale d’avant-guerre.

Mais le prix de revient de ce charbon a subi de nouvelles et inquiétantes augmentations, à la suite des nouvelles majorations de salaires et de charges sociales imposées par le Gouvernement aux charbonnages belges. Il s’établit nettement au-dessus du prix de vente fixé par ce même Gouvernement, et constitue ainsi l’ensemble de nos mines en perte—une perte qui n’est plus compensée qu’en partie par des subsides de l’Etat. Quoique les mines à bas prix de revient soient contraintes de céder la plus grande part de leurs bénéfices aux mines à prix de revient élevé, ces dernières ne voient apurer ainsi qu’une partie de leur déficit. Leur situation s’aggrave de jour en jour, et va acculer un certain nombre d’entre elles à la fermeture, ou plutôt, en vertu des récentes dispositions légales, à la réquisition par les pouvoirs publics.

Au cours de l’année 1947, de nouveaux et importants progrès ont été réalisés dans la production sidérurgique, aussi bien en Belgique qu’au Grand-Duché de Luxembourg. Le progrès a été particulièrement marqué au cours des derniers mois de l’année en ce qui concerne la Belgique, et avait pu commencer dès l’été au Grand-Duché qui avait eu du retard au début de l’année. Dans l’ensemble l’année a donc été très favorable et elle n’a été marquée d’aucun incident vraiment sérieux. Dans ses grandes lignes l’exploitation des usines sidérurgiques belgo-luxembourgeoises ne s’est pas écartée des méthodes adoptées en 1946 et que nous avons discutées dans notre chronique se rapportant à cette année. Le présent aperçu pourra donc être succinct.

L’année 1947 s’est encore écoulée sous le signe de la crise du logement. Bien qu’on ne dispose pas de chiffres précis, on peut aisément se faire une idée approximative du déséquilibre qui subsiste dans ce domaine.

D’après un rapport du Ministère de la Coordination économique et du Rééquipement national, publié au mois de mai 1947, il restait à ce moment encore un minimum de 50.000 logements à construire pour compenser ceux qui avaient été entièrement ou partiellement détruits par fait de guerre.

En considérant comme normale l’activité de la construction d’habitations depuis 1945, hypothèse évidemment trop favorable, il n’en faut pas moins tenir compte du retard qui, dans ce domaine, s’est accumulé pendant la période quinquennale 1940-1944. En estimant que la construction de 15.000 maisons par an s’impose pour maintenir au même niveau le nombre d’habitations—et dans pareille estimation, la vie d’un immeuble dépasse 100 ans—on se trouve donc en présence d’un déficit supplémentaire de 75.000 maisons.

Des efforts appréciables de reconversion dans le domaine agricole avaient eu une répercussion marquée sur l’évolution de l’agriculture belge en 1946.

Normalement les résultats favorables auraient évolué en s’améliorant durant l’année 1947. Les disponibilités en biens de production fondamentaux comme les engrais, les semences sélectionnées, les fourrages, n’ont certainement pas diminué, dans certains cas elles ont même augmenté. Le rétablissement du cheptel continuait sa marche.

Par contre des circonstances, dont les unes étaient d’ordre économique général et les autres créées par la nature, ont désaxé la reprise normale.

La situation agricole est restée tributaire des conditions mondiales dans le domaine du ravitaillement ainsi que des mesures d’austérité monétaire que la Belgique s’est imposée dès 1944: maintenir les prix. De ces facteurs est née la nécessité de continuer, au moins en partie, la politique des subsides. Petit à petit ceux-ci ont disparu, de sorte qu’à la fin de l’année sous revue, il n’en restait plus que l’un ou l’autre dans le secteur laitier.

L’économie belge a pu consolider, en 1947, la stabilité qu’elle avait retrouvée à la fin de l’année précédente: les hausses de prix et de salaires sont demeurées relativement très modérées, tandis que le pouvoir d’achat et la demande intérieure, gouvernés par le facteur monétaire et la politique de crédit, ont été maintenus à un niveau correspondant à celui de la production et des possibilités d’approvisionnement. Ce résultat ayant été atteint par une politique de conception relativement libérale et agissant sur les causes de l’inflation plutôt que sur ses effets, la plupart des restrictions et réglementations de l’économie de guerre ont pu être graduellement supprimées.

Sous l’impulsion de ces facteurs, le commerce extérieur a suivi la même évolution favorable. L’entrave du système de contingentement et licences qui, dans presque tous les pays, a pour mission d’éviter un développement immodéré des importations, a pu être fortement desserrée. A la suite des mesures qui ont permis d’obvier à un développement exagéré du pouvoir d’achat, les importations, après avoir atteint un niveau permettant de satisfaire la demande de produits étrangers, se sont stabilisées d’elles-mêmes. De leur côté les exportations, sous l’impulsion de l’initiative privée, jouant beaucoup plus librement qu’ailleurs, et des forces d’expansion naturelle d’une économie en état d’harmonie suffisante, ont continué à se développer. Le déficit de la balance commerciale s’est réduit et a pu être compensé par d’autres sources de revenus étrangers. La balance des paiements est par conséquent demeurée suffisamment équilibrée et il n’y a pas eu sur le marché des changes de tension nécessitant un retour à une politique de restriction des importations qui aurait d’ailleurs été contraire à l’esprit même de toute la politique économique suivie. En un mot, l’évolution du commerce extérieur que l’on pouvait prévoir au début de 1947 s’est réalisée.

Le gouvernement belge n’a pas cru opportun de publier en 1947 les index des prix ainsi qu’il le faisait avant la guerre: il n’a repris cette tradition qu’en mars 1948. Cependant, en ce qui concerne les prix de détail, le département des Affaires économiques a donné chaque mois un chiffre global qui permet de suivre l’évolution dans ce secteur, mais il l’a entouré de commentaires qui soulignaient à juste titre les réserves nécessaires. On a pu notamment faire ressortir parfois qu’une hausse des prix était en réalité la manifestation d’une amélioration pour le consommateur, du fait que précédemment on s’en tenait à un prix officiel devenu théorique, parce que le produit était pratiquement introuvable, alors que le nouveau prix était celui d’une denrée plus largement ou même librement offerte. D’un autre côté, la disparition aujourd’hui complète du marché noir a provoqué finalement une diminution réelle du coût de la vie en Belgique.

L’évolution du Congo belge, au cours des années 1940 à 1946, fut, évidemment, entièrement dominée par la conjoncture de guerre d’abord, d’immédiat après-guerre ensuite. Séparée de la mère patrie par les circonstances, la Colonie’ se tourna vers les alliés, pour soutenir leur effort de guerre de tous ses moyens. Elle eut aussi à se soumettre à leur discipline.

La parité du franc belge et du franc congolais découlait de l’article 6 de la Convention du 21 juin 1935 entre l’Etat belge et la Colonie, pour l'émission de billets de banque et de monnaies fiduciaires métalliques. Cet article déterminait le poids d’or fin du franc congolais—égal à celui du franc belge—à 0,03001264 grs. Le même article fixait les conditions d’émission et de remboursement des billets par la Banque du Congo belge.