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De la nature de la surabondance du Premier chez Plotin

Published online by Cambridge University Press:  13 April 2010

Agnés Pigler
Affiliation:
Dijon, France

Abstract

The nature of the One poses a formidable problem. At the source of procession there is, on the one hand, a discontinuity between the First and derived hypostases, since the One is anything but what it gives, since it is beyond its gifts as absolute transcendence and absolute otherness, and since it forever remains the same in its venerable immobility. But, on the other hand, there is a continuity from the Principle to its begotten, inasmuch as its derived energy is like its image, like a trace ensuring the erotic-dynamic process which is transmitted to lower beings in return for their conversion toward the Highest. Confronting the problem of that apparently irreconcilable duality is the search to determine why the One overflows, what is the nature of that overflowing, and how that overflowing might be at the foundation of procession.

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Articles
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Copyright © Canadian Philosophical Association 2004

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References

Notes

1 Ennéade III, 8 (30), 10, 1–2.

2 Cf. Ennéade V, 4 (7), 2.

3 Cf. Ennéade IV, 8 (6), 6.

4 Cf. Ennéade V, 3 (49), 16. Pour ce traité, cf. Ham, B., Plotin. Traité 49 (V, 3), introduction, traduction, commentaire et notes, Paris, Cerf, 2000.Google Scholar

5 Cf. Ennéade VI, 9 (9), 5, 36–37. Pour ce traité, cf. Hadot, P., Plotin. Traitè 9 (VI, 9), introduction, traduction, commentaire et notes, Paris, Cerf, 1994.Google Scholar

6 Pour une analyse plus détaillée du profond changement auquel sont soumises les notions de puissance et d'acte, cf. Narbonne, J.-M., La Métaphysique de Plotin, Paris, Vrin, 1994, p. 2657Google Scholar. Du même auteur, voir Plotin. Traité 25 (II, 5), introduction, traduction, commentaire et notes, Paris, Cerf, 1998.Google Scholar

7 Ennéade VI, 8 (39), 20, 14. Pour ce traité, cf. Leroux, G., Plotin. Traité sur la liberté et la volonté de l'Un. Ennéade VI, 8 (39), introduction, texte grec, traduction et commentaire, Paris, Vrin, 1990.Google Scholar

8 Cf. ibid., 17–18.

9 C'est ce qu'établit Aristote en Métaphysique M, 7, 1072a24–26 : «Dieu est ce qui meut sans ētre mū, ētre éternel, substance en acte (ένέργεια οὐσα)», ainsi qu'en Métaphysique M, 7, 1072b26–29 : «Et la vie aussi appartient à Dieu, car l'acte de l'Intelligence est vie, et Dieu [qui est essence] est cet acte même; et l'acte subsistant en soi (ἐνέργεια δὲἡθ' αὐτὴν) de Dieu est une vie parfaite et éternelle. Ainsi appelons-nous Dieu un vivant éternel parfait». (C'est nous qui soulignons.)

10 Ennéade VI, 8 (39), 7, 53–54.

11 Ibid., 16, 29.

12 Ibid., 20, 9–11 (c'est nous qui soulignons).

13 Ennéade II, 5 (25), 2, 31–33 (c'est nous qui soulignons). Ce traité est intituié par Porphyre «Que veut dire “en puissance” et “en acte”?». Cf. aussi J.-M. Narbonne, La Métaphysique de Plotin, surtout le commentaire.

14 Ibid., 1, 12–13.

15 J.-M. Narbonne, La Métaphysique de Plotin, p. 33.

16 Aristote, Métaphysique H, 1, 1042a27–28 : «J'appelle matiére ce qui, n'étant pas un être déterminé en acte, est, en puissance seulement, un être déterminé» (ὕλη δὲ λέγω ἣ μὴ τόδε τι οὖσα ἐνεργείᾳδυνάμει ἐστὶ τόδε τι). Sur ce point, cf. G. Romeyer Dherbey, Les Choses mêmes. La Pensée du réel chez Aristote, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1983, p. 208–217.

17 Ennéade V, 3 (49), 15, 34.

18 Ennéade VI, 8 (39), 21, 1–5.

19 J.-M. Narbonne, La Métaphysique de Plotin, p. 32.

20 Ennéade VI, 8 (39), 16, 22.

21 Cf. Ennéade VI, 5 (23), 4, 13–14 : «Nous disons que la nature divine est infinie»; Ennéade IV, 3 (27), 8, 36 : «Dieu est une infinité de puissance»(τῇδυμει ὸ ἅπειρον).

22 Ennéade V, 5 (32), 10, 22–23 et 11, 1–5.

23 Cf. Ennéade VI, 8 (39), 15, 1 : «L'Un est à lui-même à la fois objet aimé, Amour et Amour de soi»; ibid., 16, 12–14.

24 Pour une analyse détaillée de la lecture plotinienne des cinq genres du Sophiste de Platon, cf. Montet, D., Archéologie et généalogie. Plotin et la théorie platonicienne des genres, Grenoble, J. Million, 1996Google Scholar. Bien que, dans cet ouvrage, l'auteur adopte un angle de lecture différent du nôtre (il s'agit de comprendre dans quelle torsion ou quelle fidélité Plotin s'inscrit par rapport aux genres platoniciens du Sophiste, eu égard à sa propre démarche métaphysique), nous pensons néanmoins pouvoir y retrouver la même ligne interprétative que la nôtre, qui considère l'Un comme une transcendance/immanence. On remarquera que l'Indécision quant à ces notions provient, selon D. Montet, de l'Inscription généalogique du Premier eu égard à ce qui vient après lui.

25 Ennéade V, 5 (32), 10, 14–16 (c'est nous qui soulignons).

26 Ennéade VI, 7 (38), 39, 31. Pour ce traité, cf. Hadot, P., Plotin. Traité 38, introduction, traduction, commentaire et notes, Paris, Cerf, 1988.Google Scholar

27 Ibid., 32–33 (c'est nous qui soulignons); Ennéade V, 4 (7), 1, 26–28.

28 Cf. Ennéade V, 2 (11), 1.

29 Ennéade V, 5 (32), 12, 48–49.

30 Ennéade V, 2 (11), 1, 7–9.

31 Pour Plotin, il s'agit, en recourant à l'analogie, d'insister sur la resemblance nécessaire du Nοῦς avec l'Un, ressemblance qu'il indique en termes de procession, de filiation, de trace de l'Un dans ses dérivés. Le traité 38 (VI, 7) développe les questions liées à la détermination d'une telle ressemblance, questions oú s'engage le sens de la transcendance et de l'immanence du Premier.

32 Voir notamment Ennéade V, 4 (7), 1; Ennéade VI, 8 (39), 16.

33 Ennéade V, 4, (7), 2, 22–23 : μ ένοντος ο ὖν α ύτοῦ ἐν τ ᾧ ο ἰκε ῳ ἢ θει ἐ ξ α ὐτοῦ μ ὲν τ ὸ γιν όνενον γ ίνεται, μ ένομτος δ ὲ γ ίνεαι

34 Ennéade VI, 8 (39), 16, 15.

35 Cf. Ennéade V, 1 (10), 7.

36 de Gandillac, M., La Sagesse de Plotin, Paris, Vrin, 1952, p. 61.Google Scholar

37 Étienne Gilson faisait remarquer, à ce propos, que «dans une doctrine de l'Être, l'inférieur n'est qu'en vertu de l'être supérieur. Dans une doctrine de l'Un, c'est au contraire un principe général que l'inférieur n'est qu'en vertu de ce que le supérieur n'est pas. En effet, le supérieur ne donne jamais que ce qu'il n'a pas, puisque, pour pouvoir donner cette chose, il faut qu'il soit au-dessus d'elle (VI, 7 (38), 17). C'est d'ailleurs précisément en ces termes que Plotin a posé le probleme : “Comment l'Un a-t-il conféré ce qu'il ne possédait pas?” (V, 3 (49), 15). Or, nous connaissons déjà sa réponse : “C'est parce que rien n'est en l'Un, que tout vient de lui et, pour que l'être soit, il faut que l'Un lui même ne soit pas être, mais ce qui l'engendre. L'être est done comme son premier-ne” (V, 2 (11), 1)» (L'Étre et lé'essence, Paris, Vrin, 1981, p. 42).Google Scholar

38 Cf. Ennéade VI, 8 (39), 16.

39 Cf. Ennéade V, 2 (11), 1; V, 5 (32), 12.

40 Cf. par exemple Ennéades IV, 8 (6), 5; V, 4 (7), 1; V, 1 (10), 6; V, 3 (49), 15.

41 «L'être parfait engendre un être moindre que lui» (Ennéade V, 1 (10), 6, 36).

42 Ennéade V, 1 (10), 6, 3–8.

43 Ibid, 19–22.

44 Joseph Moreau l'a clairement remarqué : «La dialectique négative suivant laquelle l'Un demeure inaccessible à la connaissance n'interdit pas le discourse ontologique : elle en fixe seulement les conditions et la portée. En exigeant que l'Un soit au-delà de l'essence et de la non-essence, elle nous oblige à le concevoir comme la puissance infinie qui produit tous les êtres, et tout en maintenant qu'il est au-delà de l'energeia, au-delà de l'intelligence et de la volonté, qui sont les activités les plus hautes que nous puissions saisir, elle nous autorise à voir en lui une sorte d'activité (οἷον ἐν έργια), qui est à vrai dire l'energie primitive (ἐν έργιαν τ ὴν πρώτην) d'oú dérivent tous les êtres» (Plotin ou la Gloire de laphilosophie antique, Paris, Vrin, 1970, p. 88Google Scholar; c'est nous qui soulignons).

45 Cf. Ennéade III, 8 (30), 10.

46 Ennéade V, 4 (7), 2, 34–39 : «Le Premier demeure dans l'état qui lui est propre, mais en même temps, de la perfection et de l'énergie qui lui sont immanents, vient une énergie engendrée qui, dérivant d'une si grande puissance, de la puissance suprême, va jusqu'à l'être et l'essence […]. Car le Premier est au-delà de l'essence (ἐκεῖνο γ ὰρ ὲπέκεινα οὐσἰασ)».

47 Ibid., 29–31 : καἰ ἠ μὲν τῆσ οὐ σίασ ὲ σ τ ιν ἐνέργια ἕκαστον, ἠ δ ὲ ὰπʼἐκείνησ, ἥν Δεῖ παντὶἔπεσθαι ἐξ ἀνάγκησ ἑτἑραν οὖσαν αὐτοῦ

48 Cf. Rutten, Ch., «La doctrine des deux actes dans la philosophie de Plotin», Revue philosophique, no 146 (1956), p. 100106.Google Scholar

49 Rappelons que la liberté de l'Un se définit, dans ce traité 39, par la maîtrise de soi et l'affranchissement par rapport à ce qui vient après, l'inférieur. Mais dans tous les contextes des Ennéades, la liberté signifie le non-asservissement et la souveraineté (par exemple en II, 2 (14), 2). L'Un qui est παρ ʼ αὐτο ῦ est done absolument libre, puisqu'il se possède et, pourrait-on dire, s'appartient lui-même. C'est cette appartenance de l'être à soi qui est le fondement de la souveraineté.

50 Ch. Rutten, «La doctrine des deux actes dans la philosophie de Plotin», p. 106.

52 Cf. Ennéade V, 3 (49), 15.

53 Ennéade V, 4 (7), 2.

54 Cf. Ennéade V, 1 (10), 6, 52–53 : «L'être engendré est nécessairement avec lui, n'étant plus sépar' de lui que parce qu'il est autre que lui». (C'est nous qui soulignons.) Bien que dans ce contexte il s'agisse de L'être engendré, le raisonnement vaut pour l'acte de l'essence et l'acte dérivé de l'essence : ce qui sépare ces deux actes, c'est justement leur différence, comme Plotin le dit au traité 7 (V, 4), 2, 28–31, déjà cité. D'ailleurs, au même trait', Plotin, pour expliquer comment de l'acte de l'essence peut être engendré un autre acte qui dérive de lui mais qui n'est pas lui, prend l'exemple du feu : «dans le feu il y a une chaleur qui constitue son essence, et une autre chaleur qui vient de la première, lorsqu'il exerce l'activité inhérente à son essence, tout en demeurant en lui-même» (ibid., 31–34).

55 Nous nommerons cette Vie du Principe l'archi- Vie. En effet, si la Vie de l'Un est une archi- Vie, c'est parce qu'elle n'est ni au commencement ni au principe de la vie ontologique, puisque au contraire c'est celle de l'Intelligence qui est le véritable archétype de toute forme de vie. l'archi- Vie est en vérité «une Vie qui est une puissance universelle» (Ennéade VI, 7 (38), 17).

56 Ennéade II, 4 (12), 15. Pour ce traité, cf. Narbonne, J.-M., Plotin. Les deux matieres. Ennéade II, 4 (12), introduction, texte grec, traduction et commentaire, Paris, Vrin, 1993.Google Scholar

57 Ennéade VI, 7 (38), 17.

58 Ennéade V, 3 (49), 11, 5–8.

59 C'est ce qu'affirme Plotin en parlant de la matière intelligible : «Le principe de la matière intelligible, c'est l'altérité et le mouvement premiers; c'est pourquoi on appelle altérité ce mouvement, car mouvement et altérité sont nes ensemble. Le mouvement et l'altérité qui viennent de l'Un (ἀπὸ τοῦ πρώτου)sont indéfinis et ont besoin de lui pour être déterminés; ils sont définis quand ils se tournent vers lui» (Traité 12 (II, 4), 5, 29–32). Ou encore : «Le mouvement et l'altérité sont choses indéfinies et, venant du Premier, ils ont aussi besoin de lui pour se définir; ils se définissent par leur conversion vers lui; avant cette conversion, la matière ou altérité est indéfinie; elle n'est pas bonne et elle est privée de la lumière du Bien» (ibid., 33–35; c'est nous qui soulignons).

60 Insistons encore : s'il y a bien chez Plotin une problématique de l'Un et du multiple, et si la question de savoir comment de l'Un peut provenir le multiple est cruciale, c'est parce que la multiplicité n'est en aucune manière une division ou une participation du Principe. L'Un est au-delà de ce qu'il donne, transcendant vis-à-vis de ce qui vient après lui: il y a du multiple parce que l'Un permet à l'énergie dérivée d'actualiser ce dont elle est seulement en puissance. Le Premier est indifférencié, simple et ne se prête nullement à la détermination. Plotin le dit de facon exemplaire au traité 10 (V, 1), lorsqu'il parle de la conversion du Principe vers lui-même. Celle-ci ne doit pas être entendue comme un movement venant affecter l'immobilité du Premier et le soumettre à un processus de différentiation. Dans l'Acte pur de l'Un se trouvent scellés l'identité et le repos originaires inhérents au Principe. Au-delaà de toute détermination statique ou dynamique, l'Un surabonde, et cette énergie dérivée, née de son effusion et de sa profusion, se tourne vers lui pour en être fécondée.

61 Cf. Ennéade V, 2 (11), 1.

62 Voir par exemple Ennéades V, 1 (10), 3, 8–12; IV, 5 (29), 7, 4.

63 Ennéade VI, 7 (38), 40, 6–7.

64 Ennéade III, 8 (30), 10, 1–10.

65 J. Moreau, Plotin ou la Gloire de la philosophie antique, p. 93–94.

66 Dans un autre traité, le 38 (VI, 7), Plotin souligne aussi la transcendance du Principe quant à la vie, ici la vie du Nοῦς: «Si la vie est dans le Nοῦς, le donateur a sans doute donné la vie mais il est lui-même plus noble et plus beau que la vie. Le Nοῦς a done reçu la vie et il n'a pas besoin d'un donateur qui soit lui-même multiple et varié. Et la vie est une certaine trace du Bien, mais elle n'est pas la Vie du Bien» (17, 11–14; c'est nous qui soulignons). Le donateur de la Vie est plus noble et plus beau que la vie qu'il donne, et Plotin, s'il va jusqu'à dire que l'Un ne pense pas, ne dit jamais qu'il est prive de vie. Ici, il indique que la Vie de l'Un n'est ni multiple ni variée comme l'est celle de l'Intelligence. C'est done qu'à l'endroit du Principe, il convient de penser une détermination plus originelle de la ς ω ή, dont la vie de l'Intelligence n'est qu'une trace. L'au-delà de la vie de l'Intelligence ne peut être, comme nous avons tentée de l'établir, qu'une archi- Vie d'oú dérive la vie indéterminée, qui n'est ni la vie du Premier ni celle du Nοῦς, mais qui est la matière intelligible, la puissance infinie, la vie illimitée, acte dérivé de l'Acte pur de l'Un qui constitue sa Vie même.

67 L'Intelligence est, en effet, l'acte d'un Acte antérieur qui est celui de l'Un (cf. Ennéades V, 4 (7), 2, 36–37; VI, 7 (38), 21, 2–6), comme l'Âme est l'acte de l'actualisation préalable de l'Intelligence (cf. Ennéades V, 1 (10), 3, 8–9; V, 2 (11), 1, 16–17).

68 Ennéade VI, 7 (38), 21, 4–6.

69 Ibid., 17, 25.

70 Ibid., 21, 4–5 : τἀγαθοῦ[…]μᾶλλον δὲνέργειαν.

71 P. Hadot, Plotin. Traité 38, p. 288.

72 Cf. Ennéade V, 1 (10), 6.

73 Ennéade V, 4 (7), 2, 31–34.

74 À ce propos, Jean Trouillard écrit: «Tout ordre dérivé tire de son générateur son pouvoir de conversion et, de cette conversion, intériorité et productivité […]. L'Un agit immédiatement à tous les degrés, il produit tous les ordres radicalement et du dedans, il éveille des initiatives conjointes à sa propre spontanéité. Cette coopérationne s'exerce pas seulement pour chaque plan dans l'émission de son reflet. Chaque ordre participe véritablement à l'efficacité du Bien dans sa propre genèse […]. La création revient done à une sorte d'irradiation par laquelle l'illuminé, dans la mesure oú il a su s'offrir, s'exposer à la source de la lumière, se trouve douè d'un pouvoir d'achèvement de soi-même» (La Procession plotinienne, Paris, Presses Universitaires de France, 1955, p. 8081; c'est nous qui soulignons).Google Scholar

75 Ennéade VI, 7 (38), 17, 32–33. II est vrai que l'indétermination qui sourd de l'Un est appelée aussi en II, 4 (12), 15 «la matière de l'intelligible». Mais quells que soient les termes par lesquels cette indétermination est nominée par Plotin, nous proposons de l'appeler génériquement, si l'on peut dire, proto-vie, pour les raisons que nous développons dans cette étude.

76 Ennéade VI, 7 (38), 21, 4–6.

77 En ce sens, le double mouvement de l'Intelligence, ce mouvement d'écart vis-à-vis de l'Un qui produit la vie illimitée et indéfinie du Nοῦς aimant, et ce movement de retour vers l'Un qui produit le Nοῦς comme hypostase achevée déployant la vie dans les formes, atteste qu'il y a bien continuité ontologique entre les deux moments de l'Intelligence. Plotin confirme ce point au traité 38 (VI, 7): «L'Intelligence est done devenue l'Intelligence en se remplissant des formes et elle a été l'Intelligence lorsqu'elle a achevé de se remplir des formes, et c'est dans le même moment qu'elle a 'té achevée et qu'elle a vu. Son Principe a done ete ce qu'elle était avant d'être remplie par les formes. Son autre principe a été le Principe qui, comme de l'extérieur, la remplissait, celui grâce à qui, en se remplissant des formes, elle a, en quelque sorte, reçu sa forme particulière» (16, 32–35).

78 Aussi peut-on dire que la puissance qui dérive de l'Un est supérieure a l'acte «parce qu'elle est puissance infinie de tous les actes possibles» (Hadot, P., Porphyre et Victorinus, Paris, Études Augustiniennes, 1968, t.1, p. 230).Google Scholar

79 «De la perfection qui est en l'Un et de l'activité qui lui est associée, l'activité engendrée reçoit l'existence», lisons-nous au traité 7 (V, 4), 2, 36–37; ou encore, au traité 38 (VI, 7), 21, 2–6 : «Cette Intelligence, cette vie sont semblables au Bien et on les désire aussi dans la mesure oú elles sont semblables au Bien. Et si je les appelle semblables au Bien, c'est parce que la vie est l'activité du Bien, ou plutôt l'activité qui dérive du Bien, et que l'Intelligence est cette même activité après qu'elle a été délimitée».

80 Cf. Ennéade VI, 7 (38), 35, in fine.

81 Ennéade V, 2 (11), 1, 7–11.

82 Ennéade VI, 7 (38), 17, 15.

83 Ibid., 32, 23–28.

84 Ennéade V, 3 (49), 11, 4–5.

85 D'un autre point de vue, on peut dire que la fécondité, ou la générosité de l'Un, s'épanche dans la vie pré-noétique et s'interprète selon deux registres de la puissance : cette puissance peut s'entendre comme celle qui est donnée a l'Intelligence d'engendrer les formes, c'est la puissance enceinte du multiple; mais aussi, quant à la dérivation originelle, comme puissance érotique. C'est cette puissance érotique qui permet la conversion vers l'Origine absolue et qui garde trace de l'Amour de l'Un dans la continuité de la vie. On retrouve là encore le doublet transcendance/immanence, puisque l'Un est radicalement au-delà de la possibilité eidétique que contient la puissance qui dérive de lui, mais il est immanent à ses dérivés, puisque l' ἔρως contenu dans la puissance dérivée est la trace de l'Un, ce qui, dans les dérivés, conserve une ressemblance avec le Bien. Que la puissance manifeste la générosite du Bien, c'est ce qui est aussi exprimée au traité 12 (II, 4), 15, 19 : «L'illimité [dans les intelligibles] est engendré par l'infinité de l'Un, soit par sa puissance infinie, soit par son éternité sans fin (ἐκτῆς τοῦ ένὸς ἀπειρίας ἤ δυνάμεως ἢ τοῦ ὰεί)»; 38 (VI, 7), 15, 23 : «Ce qu'il [le Nοῦς] a engendré provient de la puissance du Bien (ἀγαθοῦ ἐκ δυμάμεως)»; ibid., 18, 5–6 : «La vie vient du Bien dans l'Intelligence car elle s'est formée à partir de l'énergie qui dérive du Bien (ἐκ γὰρ τῆς παρ ʼἐκείνου ἐνεργείαςύπέὓτη)». Pierre Hadot résume ainsi ce point, dans son commentaire du Plotin. Traité 38, p. 140 : «La vie est l'image la moins imparfaite de l'Un parce qu'elle est un mouvement qui garde en lui-même l'infinité de puissance».

86 Ennéade IV, 8 (6), 6, 7–16. Au traité 27 (IV, 3), 17, la procession est expliquée par le schème de l'irradiation de la lumière, de même qu'au traité 33 (II, 9), 3, et au traité 6 (IV, 8), 3.

87 Ennéade V, 1 (10), 3, 21–22.

88 Ennéade VI, 8 (39), 17, 25–27.

89 Ennéade VI, 7 (38), 17, 14–15.

90 Ennéade V, 1 (10), 6, 50–51.

91 Même si, comme le note J. Trouillard : «La générosité ne peut manquer à la simplicité qui est surabondante. Plus on comprend que l'expansion parfaite n'entraîne aucun appauvrissement, aucun gain, aucune dépendance en l'unité qui s'exprime, plus il devient difficile de la refuser a sa plénitude» (La Procession plotinienne, p. 6). C'est done la perfection même du Principe qui est la cause du surgissement de la multiplicité. Mais de cette perfection productrice, il faut retrancher tout agir et tout dessein, toute volonté, et même toute générosité, si l'on entend par générosité la bienveillance d'un Dieu pour sa création. La générosité de l'Un est seulement le signe d'une spontan'it' pure qui produit par effusion de surabondance.

92 Ici encore, nous renvoyons à P. Hadot, «Être, vie, pensée chez Plotin et avant Plotin», dans Les Sources de Plotin. Entretiens sur l'Antiquité grecque classique, Vandœuvres et Genève, 21–29 août 1957, Genève, Publications de la Fondation Hardt, 1960, tome V, p. 105142.Google Scholar

93 Cf. Ennéade V, 1 (10), 3, 8–9.

94 Ainsi se justifie, pensons-nous, le renversement complet que Plotin fait subir à la notion de puissance par rapport à Aristote. Chez lui, la puissance est toujours excédentaire, elle a le pouvoir de se définir et de se déterminer par elle-même; elle est une puissance active supérieure à l'acte qu'elle contient et que n'épuise aucun acte. Cette notion de puissance régit toute la métaphysique plotinienne. Elle n'est autre que la vie indéterminée et illimitée, la proto-vie universelle et sans forme qui sourd de l'Un, traverse tous les niveaux de l'ontologie plotinienne sans s'épuiser ni s'altérer dans la succession de ses actualisations. La puissance s'amoindrit seulement au fil de la procession, au fur et à mesure de son plus grand eloignement d'avec sa source, l'Un. Une telle puissance active est, en vérité, ladynamique érotique qui préside au double mouvement de la procession/conversion, et qui est encore à l'origine de la création du sensible par l'Âme inférieure.

95 Cf. Ennéade III, 4 (15), 1, 8–10.