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La problématique de l'incompatibilité des fonctions ministérielles et du mandat de député en système politique étatique de type parlementaire*

Published online by Cambridge University Press:  10 November 2009

P. Soldatos
Affiliation:
Université Laurentienne et Université Libre de Bruxelles

Abstract

The author explores the socio-political implications of the rule of the incompatibility of ministerial functions with the member's mandate in political systems of the parliamentary type. Taking as a hypothesis recourse to the aforesaid norm of the system, he tries to highlight the sociological factors that shape the decision-making capacity of the system's authorities as well as the sources of legitimation of their value-allocating functions.

At the conceptual level the model rests on the identification of five variables: the incompatibility rule (A); strengthening of the executive (B); technological rationality (C); decision-making capacity (D); and sociological legitimacy (E). He explores, in another connection, different linkages between these variables, accenting particularly the relations A → D and A → E.

From the methodological point of view, the present analysis relies on both inductive and deductive reasoning. Resting, in effect, on an observation of the French case which reduces incidents to their historical-political essentials and which separates out certain general socio-political aspects of the incompatibility rule, the author permits himself some generalizations expressed in terms of provisional hypotheses, the verification of which, it should be emphasized, would require “longitudinal” historical-political studies and comparative analyses of decision-making.

In conclusion, the author states that the advance in schematization which this study represents is limited to the formulation of a “pre-model” whose essential purpose is to make available to those who have become interested in the sociological analysis of the components of this problem the variables which seem to permit the ultimate reconstitution of the observed phenomenon: the exploration of the specific way in which the designated variables are related to one another, the identification of the rules covering their interaction, and evaluation of the intensity of factors which affect them constitute the principal levels of development of this theoretical framework.

Type
Articles
Copyright
Copyright © Canadian Political Science Association (l'Association canadienne de science politique) and/et la Société québécoise de science politique 1972

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References

1 Debré, M., « La nouvelle Constitution », Revue française de science politique, no 1 (1959), 15.Google Scholar

2 Dans le système politique des Etats-Unis, par exemple, fondé sur une certaine conception du principe de la séparation des pouvoirs, les ministres ne pourront « faire partie de l'une ou de l'autre Chambre » tant qu'ils rempliront leurs fonctions gouvernementales (voir le texte de l'art. ier, section 6 de la Constitution américaine, à la lumière de la pratique constitutionnelle de ce système).

3 Une des dernières pièces versées au dossier de l'incompatibilité a été la proposition de loi constitutionnelle présentée en 1968 par le sénateur français M. Prélot et visant à la modification, voire à la suppression de l'article 23 de la Constitution de 1958 qui rend incompatibles les fonctions de membre du gouvernement avec le mandat parlementaire.

4 I1 faut éviter une interprétation fonctionnelle du terme « exécutif » : il s'agit de structures d'autorité autres que le Parlement, les juridictions ou les organismes consultatifs, qui ne se bornent pas à exécuter les lois.

Sur le renforcement de l'exécutif, voir Charlier, R.-E., « Les institutions contemporaines tendant au renforcement du pouvoir », cours de doctorat, Faculté de droit, Paris, 1966.Google Scholar

5 Voir, , en particulier, son ouvrage Beyond the Nation-State (Stanford, 1964).Google Scholar

6 Un pouvoir « personnalisé » n'est pas, nécessairement, un pouvoir « personnel ». Cette dernière notion désigne une autorité absolue, s'exerçant sans contrôle, tandis que la première n'exclut ni une structure exécutive de type collégial, ni des mécanismes de responsabilité politique, contrôlés par le Parlement. En ce sens, voir Goguel, F., « Quelques remarques sur le problème des institutions politiques en France », Revue française de science politique, no 1 (1964), 89.Google Scholar

7 Ainsi que le remarque Hauriou, A., Droit constitutional et institutions politiques (Paris, 1970) 628Google Scholar, « quand il suffit de presser un bouton pour déclencher un engrenage qui risque d'effacer toute vie à la surface de la planète, ou, tout au moins, d'entraîner la mort de centaines de millions d'individus, la décision peut difficilement être confiée à un Parlement ».

8 En ce sens, voir Meynaud, J., Introduction à la science politique (Paris, 1961), 233.Google Scholar

9 Nous empruntons ce terme à Bernard, S., « Les facteurs de la décision politique en régime démocratique », cette REVUE, I no 2 (juin 1968), 151.Google Scholar

10 Aux Etats-Unis, l'importance, depuis Roosevelt, F.D., du « leadership » présidentiel s'inscrit dans les faits du système. Cater, Voir D., Qui gouverne à Washington? (Paris, 1964).Google Scholar Cette prééminence se situe au niveau des rapports institutionnels et n'exclut point l'influence du complexe militaro-industriel sur le système politique américain. A ce sujet, Chomsky, Voir N., L'Amérique et ses nouveaux mandarins (Paris, 1969)Google Scholar; Shoup, G., « The New American Militarism », Atlantic Monthly (avril 1969)Google Scholar; Mills, C. Wright, L'élite du pouvoir (Paris, 1969).Google Scholar

11 En Grande-Bretagne, la clarté de la lutte politique, liée au bipartisme rigide et à la polarisation électorale et parlementaire qui s'en suit, marque la prééminence moderne du cabinet de Sa Majesté, dirigé par un premier ministre investi implicitement par le peuple. Cadart, Voir J., « Personnalisation et collégialité du pouvoir en Grande-Bretagne », Personnalisation du pouvoir (Paris, 1964), 223Google Scholar et suivantes.

12 Sur la fonction de renforcement de l'exécutif, assignée par le législateur constitutionnel français à la règie de l'incompatibilité, voir Debré, « La nouvelle Constitution », 7–27; Demichel, A., « De l'incompatibilité entre les fonctions de ministre et le mandat parlementaire », Revue française de science politique no 3 (1960), 616–47Google Scholar; Duverger, M., « Les institutions de la Cinquième République », ibid., no 1 (1959), 101–24Google Scholar; Noël, L., « Ministres et députés », ibid., no 2 (1968), 213–29.Google Scholar

13 Voir infra, paragraphe I.

14 En ce sens, Buffelan, Voir J., Introduction à la sociologie politique (Paris, 1969), 142.Google Scholar

15 Deslandres, Voir M., Histoire constitutionnelle de la France, de 1789 à 1870 (Paris, 1933).Google Scholar

16 Titre III, chap. 2, section IV, art. 2 de la Constitution du 3 sept. 1791.

17 Tout au plus, le ministre était-il alors, aux yeux de l'Assemblée, un traitre en sursis, ainsi que le révèle une intervention de Robespierre. « Je ne suis pas, déclarait-il, de ceux qui croient qu'il est absolument impossible qu'un ministre soit patriote et même j'accepte avec plaisir les heureux présages que nous offre M. Dumouriez. Quand il aura rempli ces présages… je serai disposé à lui décerner les éloges dont it sera digne… » Cité par Demichel, « De l'incompatibilité entre les fonctions », 627.

18 Voir art. 135 et 136 de la Constitution du 5 fructidor an III (22 août 1795).

19 En ce sens, voir Deslandres, Histoire constitutionnelle, 306.

20 L'article 44 de cette Constitution stipule: « Les ministres ne peuvent être membres du corps législatif ».

21 Cette expression ne désigne pas seulement les règles d'organisation du travail parlementaire et de la procédure législative, mais elle se réfère, également, à une rationalisation des rapports entre le gouvernement et le Parlement (aménagement des règles concernant la responsabilité politique, désignation des membres du gouvernement), visant à établir un nouveau point d'équilibre institutionnel et politique. (Voir Duverger, « Les institutions de la Cinquième République », 116–18).

22 L'article 23 de la Constitution de 1958, reprenant le principe du non-cumul de l'article 21 de l'avant-projet constitutionnel, prévoit que « les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire ».

23 Déjà avant la fin de la IIIe République, commençait à se developper le mouvement en faveur de la règle de l'incompatibilité (voir A. Tardieu, La profession parlementaire [Paris, 1934]). Après la dernière guerre, l'idée a été reprise par les cercles gaullistes (voir Capitant, R., Pour une constitution fédérale [Paris, 1946])Google Scholar, et par le général de Gaulle lui-même, qui, contrairement aux affirmations du professeur Demichel (« De l'incompatibilité entre les fonctions », 630), souligna, dès son discours de Bayeux, que « du Parlement, composé de deux Chambres et exerçant le pouvoir législatif, il va de soi que pouvoir exécutif ne saurait procéder… » (discours publié dans la Revue française de science politique, no 1 (1959) 188–92). Elle a été, enfin, défendue très fermement par le général de Gaulle, lors des entretiens qu'il a eus à l'hôtel « La Pérouse », avec les présidents des groupes du Parlement, le 31 mai 1958 (voir Ch. de Gaulle, , Mémoires d'espoir (Paris, 1970), 32–6).Google Scholar

24 Constitution du 3 sept. 1791.

25 Constitution du l'an III (1795).

26 Constitution du 14 jan. 1852.

27 Constitution du 4 oct. 1958

28 Le général de Gaulle a fait allusion, dans son programme de réforme constitutionnelle défini à Bayeux, à la règie de l'incompatibilité, fondée, selon lui, au principe de la séparation des pouvoirs. Voir, Revue française de science politique, no 1 (1959), 191.Google Scholar Voir, également, Capitant, Pour une constitution fédérale.

29 Voir, notamment, Noêl, « Ministres et députés », 216.

30 Cette conception comporte d'assez nombreuses variantes dont la plus rigoureuse est celle de Malberg, R. Carré de, Contribution à la théorie générale de l'Etat (2 vol., Paris, 1920–2).Google Scholar

31 Ainsi que le souligne le professeur Eisenmann, dans une interprétation du système de Montesquieu à laquelle se rallie cette étude la séparation fonctionnelle exige que chacun des organes d'un système étatique exerce « en pleine indépendance, d'une façon à la fois intégrate et exclusive, une fonction étatique ». Ch. Eisenmann, , « L'Esprit des lois et la séparation des pouvoirs », Mélanges Carré de Malberg (Paris, 1933), 165.Google Scholar

32 Dans l'optique d'une séparation matérielle, il serait « interdit aux autorités d'avoir aucun contact, aucune relation ou communication ». Ibid.

33 Le veto législatif est, donc, une attribution législative.

34 Ils ne deviendront lois qu'avec le consentement du monarque.

35 Selon Montesquieu « La puissance exécutrice… doit prendre part à la législation par sa faculté d'empêcher ».

36 « Dans un Etat libre, la puissance législative… a le droit et doit avoir la faculté d'examiner de quelle manière les lois qu'elles a faites ont été exécutées ».

37 Cette activité du Parlement est suffisamment mise en relief par Eisenmann, « L'Esprit des lois… » 171.

38 « Il faut donc que ce soit la puissance exécutrice qui règle le temps de la tenue et de la durée de ces assemblées ».

39 On pourrait y ajouter de nombreux passages de l'Esprit des lois prônant une collaboration étroite des autorités, « forcées d'aller de concert ».

40 En ce sens, voir Eisenmann, « L'Esprit des lois… », 180.

41 D'ailleurs, la Grande-Bretagne, dont le système politique des XVIIe et XVIIIe siècles a été une source d'inspiration pour Montesquieu, ne connaît pas la règie de l'incompatibilité. Il a même existé, pendant longtemps, l'obligation pour les députés, nommés ministres, de se soumettre aussitôt à la réélection pour faire confirmer leur mandat. (Voir Demichel « De l'incompatibilité des fonctions », 618.)

42 La vie politique française du XVIIIe siècle a prouvé le bien-fondé de cette crainte: au régime de monarchie limitée de 1791 a succédé le système de dictature d'Assemblée.

43 Seule la responsabilité pénale est prévue dans l'Esprit des lois. En revanche, la responsabilité politique n'y est pas évoquée. La « ratio » de cette indépendance repose sur l'idée de collaboration des pouvoirs qui demeurent ainsi forcés de s'entendre. (Voir Eisenmann, « L'esprit des lois… », 180 et suivantes.)

44 Voir, son étude « La politification; trois essais », Politique, Revue Internationale des doctrines et des institutions, no 2 (avril-juin 1961).Google Scholar

45 Formulation rapportée par Buchmann, J., « La capacité décisionnelle du système communautaire européen », La décision dans les Communautés européennes (Bruxelles, 1969), 458.Google Scholar Buchmann (ibid.), se livre, également, à une esquisse des formulations de Duclos et de Bernard.

46 Voir « Les facteurs de la décision politique en régime démocratique », 151 et suivantes.

47 Nous parlerons, ci-après, de « facteurs positifs » et de « facteurs négatifs ».

48 Le général de Gaulle aurait-il été un grand parlementaire? Rien n'est moins sûr; ceci, d'autant plus qu'il était allergique au dialogue avec les assemblées, que ce fût l'Assemblée consultative dans ses sessions d'Alger ou l'Assemblée nationale. Adolphe Thiers, homme d'Etat incontestable, fut un médiocre parlementaire.

49 « Ministres et députés », 212.

50 Sans la règle de l'incompatibilité, il sera très difficile de se débarrasser des « leaders » de l'Assemblée.

51 La capacité décisionnelle d'un système politique ne dépend pas seulement de la rationalisation du processus décisionnel ou de certaines autres situations objectives. Elle est étroitement liée aux aptitudes personnelles des décideurs.

52 Nous empruntons ce terme à Hauriou, Droit constitutionnel, 611. D'autres auteurs parlent de sociétés industrielles avancées, de sociétés post-industrielles, de sociétés « technocratiques ».

53 Il s'agit des aspects techniques (ressources humaines, ressources financières, ressources matérielles, etc.) d'un problème à résoudre, qui déterminent la formulation de l'énoncé technique de la décision.

54 Bien entendu, ce phénomàne concerne, également, l'action des autres pouvoirs et, notamment, celle du Parlement.

55 Le club français « Jean-Moulin » parlait, en 1961, d'une « zone d'opacité », due aux exigences techniques des problèmes actuels. Sur les problèmes du développement technico-économique et les difficultés décisionnelles qu'il engendre, voir: Bartoli, L., « La rationalité des décisions de politique économique et la crise du pouvoir dans les sociétés capitalistes industrielles », Economie appliquée (Paris, 1962)Google Scholar; Charlier, « Les institutions contemporaine »; Delvolve, P. et Lesguillons, H., Le contrôle parlementaire sur la politique économique et budgétaire (Paris, 1965)Google Scholar; Galbraith, J.K., Le nouvel Etat industriel (Paris, 1968)Google Scholar; Hamon, L. et autres, La personnalisation du pouvoir (Paris, 1964)Google Scholar; Hauriou, Droit constitutionel, 610–47; Meynaud, J., La technocratie, mythe ou réalité (Paris, 1964)Google Scholar; Servan-Schreiber, J.-J., Le déft américain (Paris, 1967).Google Scholar

56 Il s'agit de technocrates, c'est-à-dire de techniciens que se servent de leurs connaissances techniques pour orienter le pouvoir de distribution autoritaire de valeurs dans un système politique.

57 Ces propositions, similaires, d'un point de vue juridique, à des avis, constituent sur le plan politique, des pré-décisions soumises à la « ratification » des autorités exécutives. Sur ce sujet, voir « Face à face avec Edgar Faure », in L'expansion, no 22; voir également Galbraith, Le nouvel Etat industriel.

58 Sur les techniciens et les fonctions exécutives, voyez Billy, J., Les techniciens et le pouvoir (Paris, 1963)Google Scholar; Viansson-Ponté, P., Les politiques (Paris, 1967).Google Scholar

59 Au sens juridique et politique du terme.

60 Voir l'art. 155, al. Ier et 4 du traité CEE et son interprétation par Cartou, L., « Le rôle de la Commission », in La décision dans les Communautés européennes (Bruxelles, 1969), 311.Google Scholar Sur la même question, voir également notre ouvrage, Vers une sociologie de l'intégration communautaire, à paraître, nos 96–9 (un texte ronéotypé a été diffusé en juin dernier par la Direction générale « Presse et information » des Communautés européennes).

61 Le Canada nous offre des exemples d'un tel phénomàne de transformation de la politique des partis. Le processus de mutation a été amorcé sous l'administration libérale King-St-Laurent. Sur ce sujet voir Hodgetts, J.E., « The Liberal and the Bureaucrat », Queen's Quarterly, LXII, no 2 (1955) 176–83Google Scholar; Meisel, J., L'évolution des partis politiques canadiens, Cahiers de la Société canadienne de science politique, no 2 (Montréal, 1966).Google Scholar

62 En France, par exemple, depuis l'avànement de la ve République, la règle de l'incompatibilité a, parfois, poussé à nommer des ministres techniciens plutôt qu'à choisir des parlementaires.

63 Contrairement à certaines affirmations des fonctionnalistes, nous pensons que l'orientation du recrutement des dirigeants vers les milieux des techniciens n'élimine pas les situations conflictuelles au niveau de la prise de la décision politique: dans la mesure où la solution technique optimum n'existe que lorsque l'énoncé technique d'un problème comporte deux ou plusieurs solutions possibles, des conflits peuvent surgir au niveau du choix de l'une d'entre elles. D'autre part, il n'est pas dit que les techniciens soient imperméables à tout élément idéologique et que, par ailleurs, leur situation sociale d'origine ne sécrète des divergences au stade de l'élaboration de la décision politique.

64 Ils ne sont pas obligés, par exemple, de flatter les électeurs et de subordonner l'intérêt général à des considérations d'ordre local.

65 En revanche, lorsque le gouvernement se compose de parlementaires ayant opté pour les fonctions minisérielles, les intérêts locaux continuent à les préoccuper. En France, notamment, on a constaté que les parlementaires nommés ministres, continuaient, contrairement à l'esprit de la règie de l'incompatibilité, à se rendre chaque semaine dans leurs circonscriptions et à se pencher sur les problèmes locaux des électeurs.

66 Nous pensons aux cérémonies, aux fêtes, aux inaugurations et aux autres manifestations auxquelles les ministres doivent participer (sur ce sujet voir Noël, « Ministres et députés », 220).

67 Dans cet ordre d'idées, il serait souhaitable que l'application de la règle du non-cumul puisse s'étendre à toute fonction publique, même élective.

68 Le général de Gaulle a mis en relief, en des termes très éloquents, l'impuissance décisionnelle de la IVe République qu'il attribuait à la « course aux portefeuilles »: « tandis que se nouait et se dénouait, sans relâche, dans l'enceinte du Palais-Bourbon et dans celle du Luxembourg l'écheveau des combinaisons, intrigues et défections parlementaires, alimentées par les motions des congrès et des comités, sous les sommations des journaux, des colloques, des groupes de pression, dix-sept Présidents du Conseil, constituant vingt-quatre ministères, campèrent tout à tour à Matignon. C'étaient… tous hommes de valeur et, à coup sûr, qualifiés pour les affaires publiques… mais successivement privés, par l'absurdité du régime, de toute réelle emprise sur les événements… quoique chacun d'eux pût tenter, le pays et l'étranger assistaient donc au spectacle scandaleux de « gouvernements » formés à force de compromis, battus en brèche de toutes parts à peine étaient-ils réunis, ébranlés dans leur propre sein par les discordes et les dissidences, bientôt renversés par un vote qui n'exprimait, le plus souvent, que l'appétit impatient de candidats aux portefeuilles » (Mémoires d'espoir, 12).

69 Duverger, « Les institutions de la Cinquième République », 122, souligne l'importance du cumul en tant que déterminant de l'instabilité politique qu'a connue la France sous la IIIe et la IVe Républiques.

70 En France, par exemple, les articles 34 et 37 de la Constitution de 1958 limitent les fonctions legislatives du Parlement: le domaine réglémentaire (action du gouvernement) devient la règie et le domaine législatif proprement dit (activité du Parlement) l'exception.

71 Vedel, G., « Vers le régime présidentiel », Revue fratiçaise de science politique, no 1 (1964), 25.Google Scholar

72 Il s'agit d'une interprétation moniste qui n'a pas une portée générate.

73 Le système de partis multiples, notamment, provoque un grand morcellement des forces politiques qui favorise les combinaisons, les intrigues et les défections politiques.

74 Avis du Comité consultatif (cité par Demichel, « De l'incompatibilité entre les fonctions… », 636). On peut, en effet, se demander pourquoi ceux qui ont la confiance du peuple ne peuvent-ils pas assumer des fonctions d'exécution?

75 Duverger, « Les institutions de la Cinquième Récutionpublique », 622.

76 Selon Demichel (« De l'incompatibilité entre les fonctions… », 618–19), la meilleure garantie de confiance et le meilleur gage de collaboration des pouvoirs réside dans l'existence de gouvernements dirigés par les chefs de la majorité parlementaire. Dans le même sens, voir Duguit, L., Traité de droit constitutionnel (Paris, 1911), I, 440.Google Scholar

77 En ce sens, voir Duverger, M., Institutions politiques et droit constitutionnel (Paris, 1970), 694–5.Google Scholar

78 Deutsch, K.W., dans son étude The Analysis of International Relations (Englewood Cliffs, NJ, 1968), 103Google Scholar, parle de « local opinion leaders » et de « local population ».

79 Cependant, en cas de constitution de gouvernements composés de ministres qui se sont dessaisis de leurs fonctions parlementaires, la perturbation ou l'arrêt des flux d'informations provenant des populations et des élites socio-économiques locales n'est pas toujours acquis. En France, par exemple, on a constaté que les parlementaires nommés ministres continuaient à se rendre dans leurs circonscriptions disposant de cette façon d'un réseau d'information sur les réalités locales.

80 Voir, notamment, Bastid, P. et autres, « L'idée de légitimité », Annales de philosophie politique (Paris, 1967).Google Scholar En revanche, M. Hauriou, très porté sur l'analyse sociologique des phénomànes politiques, proposa une définition du terme « legitimité » qui s'éloigne de l'optique juridique. Voir, Précis de droit constitutionnel (Paris, 1929).Google Scholar

81 Voir, notamment, Easton, D., A Systems Analysis of Political Life (New York, 1967), 278Google Scholar et suivantes; Lindberg, L., La Communauté européenne en tant que système politique (Bruxelles, 1967), 53, 56Google Scholar, ronéo.

82 Dans toute l'Europe du XIXe siècle, deux systèmes de légitimité s'affrontent: celui de l'hérédité monarchique d'une part; celui de la souveraineté nationale et de l'élection du gouvernement par les citoyens, d'autre part.

83 Le terme « régime » doit être entendu ici dans un sens systémique.

84 Voir, « Note sur la stratification du pouvoir », Revue française science politique, no 3 (1954), 480.Google Scholar

85 L'objet de la présente étude restreint considérablement la marge d'une discussion sur cette question et, notamment, sur les principales formules proposées par les juristes et par les politicologues, pour la définition du terme « légitimité ». Sans pouvoir en fournir un exposé nous nous contenterons d'esquisser notre propre acception de la légitimité.

86 Nous utilisons ici ce terme dans un sens différent de celui que D. Easton (A Systems Analysis of Political Life, 289–93), lui donne.

87 Il s'agit de l'utilité fonctionnelle des valeurs en question.

88 C'est-à-dire qu'il ne vise pas, séparément, chacun des actes des autorités au moment où ils sont produits. Le concept est emprunté à J.P. Buffelan, Introduction à la sociologie politique, 2.0

89 A défaut d'une légitimité idéologique, la soumission aux autorités peut-être acquise au moyen de l'appareil de contrainte monopolisée dont disposent les autorités étatiques.

90 Cette conception de la légitimité semble motiver la pratique constitutionnelle canadienne, selon laquelle les ministres non parlementaires doivent se faire élire dans un délai raisonnable. Et, s'ils ne sont pas élus, ils doivent normalement démissionner. Sabourin, Voir L.et al., Le système politique du Canada: les institutions fédérales et québécoises (Ottawa, 1965), 109.Google Scholar

91 C'est en vertu de ce raisonnement que les fonctionnalistes reconnaissent la légitimité de la Commission des Communautés européennes (efficacité de la rationalité technocratique).

92 Il s'agit de candidats battus aux élections et invités à faire partie d'un gouvernement. Sous la ve République, la France nous a donné de tels exemples. D'ailleurs, le peuple les a exclus des fonctions parlementaires seulement.

93 Voir supra, paragraphe I, A.

94 Ainsi que le souligne Duverger, « Les institutions de la Cinquième République », 122, la règie de l'incompatibilité est susceptible de modifier, de fond en comble, l'optique du Parlement.

95 En ce sens, voir Meynaud, Introduction à la science politique, 98.

96 Les limités que nous nous sommes fixées dans le cadre de cette étude, nous ont empêché de recourir à une analyse « longitudinale ».

97 Nous avons, également, dégagé certaines variables intermédiaires affectant le capacité décisionnelle d'un système qui connaît la règie de l'incompatibilité.