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The Human Factor: Gorbachev, Reagan, and Thatcher and the End of the Cold War Archie Brown, New York : Oxford University Press, 2020, pp.500

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The Human Factor: Gorbachev, Reagan, and Thatcher and the End of the Cold War Archie Brown, New York : Oxford University Press, 2020, pp.500

Published online by Cambridge University Press:  11 February 2021

Jacques Lévesque*
Affiliation:
Université du Québec à Montréal
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Abstract

Type
Book Review/Recension
Copyright
Copyright © The Author(s), 2021. Published by Cambridge University Press on behalf of the Canadian Political Science Association (l'Association canadienne de science politique) and/et la Société québécoise de science politique

Archie Brown a été l'auteur de trois livres très remarqués sur Mikhail Gorbatchev, la perestroïka et la fin du communisme en Europe de l'Est. Onze ans plus tard, avec l'ouverture d'une masse d'archives et de témoignages de très nombreux acteurs, c'est un ouvrage monumental qu'il nous propose ici.

On savait déjà que Margaret Thatcher avait été la première des chefs d'État occidentaux à rencontrer Gorbatchev en 1983 avant même qu'il devienne chef du Parti communiste de l'URSS en 1985 et qu'il lui avait fait une forte impression. On a vu par la suite qu'il s'est agi là d'une véritable fascination à l'endroit de celui-ci en raison de sa capacité d'écoute et de réponses non-stéréotypées à des questions provocantes sur ce qui pouvait et devait être fait pour faire cesser la course aux armements et avancer les rapports Est-Ouest. Il faut rappeler que Thatcher était opposée au projet américain de bouclier anti-missiles que son secrétaire aux affaires étrangères appelait « une nouvelle ligne Maginot ».

Avec force détails et documents à l'appui Archie Brown montre le rôle décisif que Thatcher a joué auprès de Reagan pour l'amener à mettre de côté sa vision de « l'Empire du Mal » et à prendre au sérieux les propositions avancées par Gorbatchev. Là encore les affinités entre ces deux dirigeants y ont largement contribué. Bien avant l'arrivée de Gorbatchev, Reagan avait une grande admiration et beaucoup de respect pour Margaret Thatcher comme personnage politique de droite très combattif.

Le titre du livre, « The Human Factor » peut paraître curieux. Il tient d'une part à ce qu'il est focalisé sur la vision des enjeux et des débats au sommet du pouvoir dans chacun des trois États concernés. De façon critique et fort intéressante l'auteur nous fait voir qui a fait avancer ou retarder le cours des choses; comment et pourquoi. D'autre part, Gorbatchev lui-même a parlé à plusieurs reprises de l'importance du facteur humain dans ses rencontres politiques. Archie Brown, qui l'a rencontré à plusieurs reprises, montre en quoi il était un « optimiste biologique » malgré toutes les difficultés et déboires rencontrés et qu'il avait une « capacité exceptionnelle de convaincre » ses interlocuteurs.

Le livre ne se limite pas à un examen critique de ce qui s'est passé dans les lieux du pouvoir de chacun des trois États. Il s'accompagne d'une solide analyse des grands enjeux économiques, idéologiques, sociaux et militaires déterminants de l'époque en question. L'auteur situe la fin de la guerre froide à la fin de 1989 avec le sommet de Malte entre George Bush senior et Gorbatchev, peu après la chute du mur de Berlin. Les trois derniers chapitres nous conduisent à la fin de l'URSS en décembre 1991. C'est la période où ce sont principalement joué les enjeux et conflits internes, solidement analysés, qui ont conduit à cette issue.

C'est dans cette troisième partie du livre qu'Archie Brown démolit efficacement la thèse triomphaliste répandue dans la monde académique américain selon laquelle ce serait Reagan, notamment par la course aux armements, qui aurait été le grand vainqueur de la guerre froide. Des trois personnages du sous-titre du livre, il souligne nettement que c'est le premier qui a joué de loin le rôle le plus crucial dans tout le parcours. Il a été beaucoup plus mal servi par George Bush. En avril 1991, en raison des difficultés économiques entrainées par ses réformes, Gorbatchev lui demanda un prêt de $1.5 milliard pour l'achat de céréales américaines qui lui fût refusé. Parlant à ses proches Bush leur dit: « Il semble croire qu'on lui doit de l'aide économique parce que nous le soutenons politiquement » (349).

De toutes les concessions que Gorbatchev a été amené à faire, la plus importante n'aura pas été celle de la réunification de l'Allemagne même s'il aurait nettement préféré une confédération des deux États. Pendant sept mois il s'est objecté à son inclusion dans l'OTAN. Il a proposé sous différentes formes possibles la mise en oeuvre d'un nouvel ordre international en Europe. Entre autres un sous-système de sécurité pan-européen qui aurait remplacé l'OTAN et le Pacte de Varsovie. Même si les accords de Potsdam de 1945 lui donnaient un droit de véto sur la réunification allemande, il choisit de ne pas l'utiliser pour ne pas gâcher l'euphorie européenne et mondiale et ses bénéfices escomptés. On lui promit pour cela que l'OTAN ne s'étendrait pas au-delà de l'Allemagne. Il eut le tort de ne pas demander de garanties contractuelles là-dessus. Comme Archie Brown le souligne en conclusion, la violation de cette promesse a été extrêmement lourde de conséquences par la suite et jusqu'à nos jours.

Dès 1993 avec le projet d'inclusion de la Pologne, de la Hongrie et de la Tchéquie dans l'OTAN, Eltsine et tout son entourage politique pro-occidental s'y sont vivement opposés. Ils se sont dits très mal récompensés d'avoir démantelé l'URSS pour « rejoindre les rangs du monde civilisé » selon leurs propres termes. L'OTAN élargie allait devenir la principale organisation de sécurité collective en Europe dont la Russie était exclue. L'élargissement de l'OTAN allait se poursuivre avec l'inclusion des trois États baltes et de bien d'autres. Habitué à ce que la Russie malgré toutes ses protestations s'inclinait devant ces faits accomplis, George Bush junior, sous-estimant apparemment le redressement économique de la Russie, fit adopter par l'OTAN en avril 2008 une résolution à l'effet que la Géorgie et l'Ukraine deviendraient membres de l'OTAN. Le résultat en fut quelques mois plus tard la guerre de Géorgie et son démembrement partiel, suivi en 2014 de celui de l'Ukraine à la suite du renversement du pouvoir en place et de son remplacement par un gouvernement demandeur d'OTAN. Avec la mise au ban de la Russie par le monde occidental, a-t-on raison de parler d'une nouvelle guerre froide comme on l'entend?