Pour l'intelligence des forces réelles qui forgent le destin de l'homme, il n'est pas permis de négliger un facteur biologique majeur : la maladie. Au niveau individuel, l'importance du pathologique représente un fait banal. Les débuts de l'étude des incidences de la maladie sur l'histoire personnelle se confondent avec les premiers pas de la médecine, et avec les tout premiers balbutiements de l'art et de la réflexion philosophique. Par le truchement d'un effort tendant à comprendre l'influence des maladies sur l'activité des personnages célèbres, on croyait pouvoir atteindre aussi la « grande histoire ». Les maladies des chefs ne pouvaient-elles déterminer le sort des peuples ? Les historiographes grecs en étaient convaincus. Pensée légitime en une époque où l'on attribuait au génie personnel de quelques guides un rôle prépondérant sur la scène de l'histoire.

Voici une monographie remarquable sur un village du sud tunisien, due au sociologue Jean Duvignaud1. Remarquable, en premier lieu, par la méthode de présentation des résultats de l'enquête. Empruntante Oscar Lewis la technique de reconstitution de biographies croisées, l'auteur réussit à mettre à nu — de façon beaucoup plus « parlante » que par des séries de tableaux — la détresse physiologique, matérielle et intellectuelle d'un groupe humain; ses rythmes propres; ses relations avec l'extérieur.

Dans son ouvrage, « La poblaciôn espanola » Jorge Nadal dresse le schéma de l'histoire des épidémies depuis le XVIe siècle : la peste sévit jusqu'à la fin du XVIIe siècle, la variole au XVIIIe siècle, le choléra au XIXe siècle. Il rappelle la chronologie établie par Antonio Dominguez Ortiz pour les épidémies de peste qui touchent la majeure partie de la péninsule : 1598-1602, 1647-1652, 1676-1685. Nous pouvons nous demander dans quelle mesure la région périphérique qu'est l'ancien royaume de Grenade (correspondant aux actuelles provinces de Maiaga, Grenade et Alméria) s'insère dans cette chronologie ? Le cycle des pestes est-il le même que dans l'ensemble de la Castille ? Est-il uniforme dans les trois provinces tout au long des XVIe et XVIIe siècles ? Quel est le rôle de la peste dans le mouvement démographique de ces deux siècles ?

Panem et circenses : chacun sait la place énorme qu'occupe le don dans la vie collective à l'époque hellénistique et romaine. Tout membre de l'aristocratie gouvernante de chaque cité est tenu, par une sorte de morale de classe, de faire à ses compatriotes des libéralités et de donner des plaisirs au peuple, et, de leur côté, le peuple et la cité attendent cela de lui. C'est ce qu'on appelle l'évergétisme. L'importance en est telle que, dans une ville romaine, la majorité de ce que nous appellerions les monuments publics sont dus au mécénat de l'aristocratie locale, et que la majorité des fêtes populaires sont payées par cette même aristocratie ; imaginons que, dans chaque ville française, la mairie, l'école, le théâtre et, aux environs, le barrage électrique, soient des cadeaux de la bourgeoisie locale et que la même bourgeoisie offre à tous les travailleurs l'apéritif et le cinéma. Les largesses de l'aristocratie hellénistico-romaine n'étaient pas toujours légalement ou moralement obligatoires; elles s'expliquent aussi par un mécénat spontané, ou plutôt la distinction n'a pas beaucoup de sens.

La note ci-dessous représente un premier bilan brièvement résumé du travail de synthèse qui a été accompli au Centre de Recherches Historiques (VIe section de l'École Pratique des Hautes Études) pour préparer le rapport sur l'histoire de la production agricole, présenté au premier congrès de l'Association française des historiens économistes.

Ce travail a été réalisé par une équipe qui comprenait notamment, Mme M. Baulant, M. J. P. Desaive, J. Goy, Mlle A. L. Koenig, M. E. Le Roy Ladurie (qui a rédigé cette note). La périodisation proposée ci-dessus dérive des travaux de cette équipe et aussi des informations aimablement fournies par un groupe d'historiens dont la plupart ont également présenté à ce congrès des communications détaillées. Parmi ceux-ci, nous voudrions plus spécialement remercier : MM. Aymard, Devèze, Deyon, Prêche, Gangneux, Lemarchand, Morineau, Neveux, Perrin Ponsot, Ruwet, Silbert, Mme Veyrassat-Herren.

En tout état de cause, le texte même de cette note n'engage que la responsabilité de son rédacteur.

Entreprises en 1964 par le Centre de Recherches Historiques, avec la participation de l'Institut d'Histoire de la Culture Matérielle de Varsovie et l'aide du C.N.R.S. les fouilles francopolonaises sur des sites de villages désertés font l'objet d'une publication actuellement sous presse. Il ne s'agit encore que d'une publication préliminaire mais fortement documentée et qui dégage bien l'essentiel des résultats. L'histoire des sites explorés s'y révèle complexe : origines parfois lointaines (Dracy), phases de destruction et de reconstruction (Montaigut). construction permanente (Condorcet), déplacement du village (Saint-Jean-le-Froid) ; elle esquisse le plan du village (Dracy) et parfois sa géographie sociale (Montaigut).