La pluralité de l’empire des Qing se manifestait à la fois dans les rituels de l’empereur, sa cour, ses histoires et ses monuments et dans la construction historique des cultures dont l’empire tirait sa légitimation. Le résultat fut, à la fin du XVIIIe siècle, l’objectivation par les textes et les rituels d’un nombre fini d’identités historiques, correspondant d’abord aux cultures qui avaient été instrumentalisées dans les conquêtes des Qing de 1616 à 1755. Cependant ces identités objectivées, à la fois historiques et rituelles, existaient parallèlement à des cultures plus subjectives et locales, inscrites dans la vie quotidienne, non seulement pour les Mandchous, les Mongols et les Hans, mais aussi pour les peuples qui n’avaient jamais eu d’existence officielle dans l’historiographie des Qing, en particulier les diverses communautés musulmanes réparties dans l’empire. Au moment de la crise de l’empire, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, les identités objectives produites par le pouvoir impérial ont fourni une ressource disponible pour la construction d’identités nationales et ont nourri les mouvements nationalistes.