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Vie matérielle et comportements biologiques (Bulletin n° 18) : Pour une histoire de la lessive en Nivernais au XIXe siècle

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

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Le monde actuel change très rapidement : bientôt on aura oublié les modes de vie traditionnels qui pourtant sont encore très proches de nous. La machine à laver a fait reculer dans un passé lointain la « lessive au cuveau » qui était pratiquée encore dans nos campagnes jusqu'en 1940. Déjà, il est très difficile de reconstituer le rythme exact de ces gestes traditionnels, et l'enquête orale devient délicate, tant les souvenirs se déforment rapidement.

Type
Enquêtes Ouvertes
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1969

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References

page 377 note 1. « Le inonde a moins changé depuis Jésus-Christ, notait Péguy, qu'il n'a changé depuis trente ans… Une ferme en Beauce, encore après la guerre, était infiniment plus près d'une ferme gallo-romaine ou plutôt de la même ferme gallo-romaine, pour les moeurs, pour le statut, pour le sérieux, pour la gravité, pour la structure même et l'institution (…) qu'aujourd'hui elle ne se ressemble à elle-même » (L'Argent, 1913, p. 10).

page 377 note 2. Le point de départ de cet article est, en un sens, notre incompréhension devant le tableau de Millet au Louvre représentant la lessive au cuveau. Sur les techniques du blanchissage en ville, on se reportera aux descriptions précises de Zola dans L'Assommoir, éd. Pléiade, 1961, pp. 885-387.

page 377 note 3. Il est très difficile, maintenant, de saisir exactement comment fonctionnait un bateau-lavoir et de préciser la date de diffusion des cristaux de soude.

page 377 note 4. Cf. Paul Leuilliot, « Défense et illustration de l'histoire locale », Annales, 1966. Certes les spécialiste du folklore s'intéressent à la lessive aux cendres (cf. Drouillet, , Folklore nivernais, t. I, 1959, pp. 6769 Google Scholar ; GAGNON, Le Folklore bourbonnais, t. I, 1947, p. 120), mais leur attention se borne au domaine rural, et ils ne s'intéressent pas à la période récente. Au demeurant l'histoire de la lessive touche à l'histoire des techniques (en particulier, l'évolution des appareils de blanchissage domestiques est liée à celle des techniques de blanchiment industriel des toiles), à l'histoire d'une profession artisanale, mais également à l'histoire de l'hygiène — si peu étudiée en France — et à l'histoire de la condition ouvrière : seuls les budgets précis établis par Le Play et ses disciples permettent de saisir l'importance de ce poste dans les budgets ouvriers. Sur la stabilité des prix de blanchissage, on se reportera à l'étude remarquable de G. Bienaymé, « Le coût de la vie à Paris à diverses époques, le blanchissage », Journal de la Société de Statistique, janvier-février 1903, pp. 20-30, 49-57 : « la permanence des prix pour les objets ordinaires blanchis dans chacune des deux périodes séculaires est un des rares cas de fixité prolongée parmi les articles du coût de la vie » (p. 57).

page 378 note 1. Sur cette évolution, cf. Rouget de Lisle, « Notice historique, théorique et pratique sur le blanchissage du linge de toile, de la flanelle de santé et des divers vêtements », Bulletin de la Société d'Encouragement pour l'industrie nationale (1852).

page 378 note 2. Cette « thésaurisation » du linge apparaît nettement dans les inventaires après décès.

page 378 note 3. Pour éviter les moisissures, op devait parfois étendre les draps sales dans les greniers (dans les grandes maisons, on trouvait au grenier un coffre à linge).

page 378 note 4. « Dans beaucoup de familles, la dépense de blanchissage est coûteuse, et la ménagère se contente de passer le linge de la famille dans l'eau du lavoir ou du ruisseau voisin… » (de Magnitot, De l'extinction de la mendicité, 1857, p. 154). Dans telle famille d'ouvriers de Guérigny, on se contentait vers 1900 de faire bouillir le linge avec des cristaux de soude dans un chaudron.

page 378 note 5. Nous utilisons ici les souvenirs que M. Romain BARON nous a fait l'amitié de nous confier sur la vie quotidienne à Marcy au début de ce siècle. On trouvera une description précise des méthodes en usage vers 1820 dans VEncyclopédie des Dames, La maison de campagne (1822, t. I, pp. 171-180) d'Aglaé Adakson qui vivait à Baleine, non loin de Dornes ; cf. Drouillet, Folklore nivernais, t. II, 1962, pp. 67-69, et Baron, R., « Les bourgeois de Varzy au xvue siècle », Annales de Bourgogne, 1964, p. 193 Google Scholar.

page 379 note 1. Cavité en pierre de taille ménagée sous la cheminée, que l'on retrouve dans presque toutes les maisons anciennes.

page 379 note 2. A Baleine, « on met dans le fond du cuveau trois ou quatre torchons dont on fait sortir les cornes par les goulottes ; en dessous de ces torchons et sur l'ouverture du goulot, on place l'os d'une mâchoire inférieure de brebis : elle sert à empêcher les torchons de s'affaisser et facilite le passage de l'eau qui doit filtrer doucement pendant douze à seize heures… » (Aglaé Adanson, OUV. cité, p. 177.)

page 379 note 3. R. Baron.

page 379 note 4. « Il arrive souvent, note le sous-préfet de Clamecy, que les familles malheureuses occupent en commun de petites salles basses dans lesquelles tous les effets du ménage sont lavés, séchés, repassés, ce qui produit des exhalaisons délétères, entretient l'humidité dans le logement et devient une cause de maladie et de mort » ( Marlière, , Statistique de l'arrondissement de Clamecy, 1859, p. 120 Google Scholar).

page 379 note 5. Sur les inconvénients de la méthode traditionnelle, on se reportera aux plaintes de Rouget de Lisle (Notice historique, théorique et pratique sur le blanchissage du linge, op. cit., p. 60-63) : la méthode est « longue, coûteuse, empirique, embarrassante et le plus souvent inapplicable pour les pauvres ménages, qui ne possèdent qu'une ou deux chambres » ; le linge prend une couleur jaune-brunâtre et « l'emploi répété de la lessive colore et salit de plus en plus le linge à mesure qu'on multiplie les arrosages ».

page 380 note 1. Pour renforcer l'action des cendres, on mettait sur toute la surface du linge des lamelles de savon « dans la proportion de demi-livre pour un cuvier rond de 3 pieds de diamètre » ; les bonnes ménagères coupaient les briques de savon par morceaux d'une livre : « on les fait sécher et on ne s'en sert qu'au bout de deux ans » (A. Adanson, ouv. cité, pp. 174-175).

page 380 note 2. En 1790-1794, on utilisait, d'après les tableaux du maximum par district, du savon bleu et blanc de Marseille, qui revenait à 11. 2 s. 6 d., y compris « le droit de 3 1. 10 s. qui se perçoit sur les marchandises de Marseille ». Mais le savon noir ou vert de Montauban, qu'on utilisait à Cosne et à La Charité, valait moins cher (17 s. 11 d. la livre) ; à Moulins-Engilbert, on débitait des savons de Toulouse (ARCH. NAT., F 12 1544/26). Nous ne connaissons malheureusement pas les quantités vendues.

page 380 note 3. Girard et Robin-Duvernet, Notice sur une déviation des eaux de la Loire pour l'alimentation de la ville de Paris et des villes d'Orléans, Pithiviers, Etampes, etc. Paris, 1859, pp. 21, 26.

page 380 note 4. Le savon de Marseille était souvent fraudé et contenait plus de 30-34 % d'eau, parfois même 60 % ; certains épiciers de Nevers en vendaient, en 1840, « pour compte d'ami ».

page 380 note 5. Chiffres cités par le Play, Manoeuvre agriculteur du Morvan…, Ouvriers Européens, t. V, 1878, p. 280 et de Cheverry, t Fermiers à communauté taisible du Nivernais…, d'après les renseignements recueillis sur les lieux en octobre 1860 », Ouvriers des Deux Mondes, t. V, 1875, p. 29. A noter que certaines ménagères s'ingéniaient à fabriquer elles-mêmes leur savon avec de la graisse de boeuf et des décoctions de cendres ou de saponaire : pendant la guerre de 1940-1944, on revint à de telles pratiques.

page 380 note 6. Adanson recommandait de passer tout le linge au bleu et pas seulement le linge de corps. En 1841, Mielle-Salomon, épicier à Nevers, déclarait avoir le « seul dépôt du bleu solide pour le linge » (Association, 9 décembre 1841).

page 380 note 7. En 1862, un épicier fabrique de l'eau de Javel à Nevers (Annuaire pour 1862, p. 315). En 1900, on trouve deux fabriques d’ « eau de javelle ».

page 381 note 1. Les habitants en faisaient provision. En 1794, lors des réquisitions de salpêtre : « Nous n'avons, surtout à l'entrée de l'hiver », protestent les habitants de Saint-Germain-en-Viry (à qui l'on demande de lessiver les cendres de bois), « que de très petites quantités de cendres, nécessaires absolument à chaque ménage pour le lessivage indispensable du linge. » (cité par Taverna, « Les volontaires de la Nièvre pendant la Révolution », Mémoires de la Société Académique du Nivernais, t. 42, 1940, p. 12).

page 381 note 2. Le Play, ouv. cité, pp. 280, 284 : le blanchissage revient à ce manoeuvre à 3 F (2,6 kg à 1 F, plus 0,40 pour le bleu et l'empois).

page 381 note 3. de Cheverry, ouv. cité, p. 13. La communauté de 25 personnes de Pervy (commune de Cuzy, Saône-et-Loire) dépensait pour le blanchissage 12 F de savon ; de Cheverry évalue la valeur de l'alcali des cendres de bois de chauffage à 42,05 F (76 kg).

page 381 note 4. « Châtaignier… : (ce) mot évoque une des deux maximes pratiques qui ont régi mon enfance : « ne mange pas la bouche ouverte, et ne jette jamais dans la cendre les épluchures de châtaigne 1 » C'est que la cendre, fine mouture, était promise à la lessive. Où vous-a-t-on élevés pour que vous ignoriez qu'une pelure de châtaigne, un brandon de chêne mal carbonisé, peuvent tacher toute une lessive ? » ( Colette, , Prisons et paradis, p. 110 Google Scholar).

page 381 note 5. A. Adanson, ouv. cité, p. 175.

page 381 note 6. On ajoutait du jaune d'oeuf à la décoction.

page 381 note 7. D'après les renseignements recueillis par M. Romain Baron. A Fours, on ne lavait pas le linge des enfants certains jours (le 15 août, les jours de la Bonne-Dame) et on ne lavait pas les derniers jours de la Semaine sainte, à l'octave des morts, etc. ; en mai on ne devait faire aucune lessive,! et même ne point changer ses draps (cf. S. Commeau, « Folklore de la région de Fours », Mémoires de la Société Académique du Nivernais, t. 30, 1928, pp. 65-66). Dans les Amognes, à Saint-Sulpice, les interdictions concernaient (avant 1914) la fête des Rois, la Purification de la Sainte Vierge (2 fé-vrier), la « fête des femmes » (5 février), Mardi gras, les jours des Cendres (” purification des femmes »), les jours de la Passion ; les lundi, mardi, mercredi précédant l'Ascension, la Fête-Dieu, la fête de la Bonne-Dame (8 septembre), la Sainte-Catherine et la fête de la Bonne-Dame (8 décembre) ; nous devons ces renseignements à l'amitié de M. Jean Deygout, inspecteur d'Académie. En 1840, un officier d'état-major, daps son mémoire sur les environs de Château-Chinon, note qu’ « on s'abstient de tout soin de propreté pendant certaines époques (les Rogations, etc.) et jamais dans ces moments je n'ai pu obtenir d'une lessiveuse qu'elle me nettoyât le moindre objet, souvent indispensable » (Arch. Ministère de la Guerre, Mémoires, 1277).

page 382 note 1. S. Commeau, art. cité, p. 66 et, de même, Drouiixet, ouv. cité.

page 382 note 2. Tel « jeteur de sort » de Saint-Saulge, vers 1815, réussit à faire laver son linge par ses clients « car il ne convient pas que les magiciens missent les mains à l'eau tant qu'ils soignaient les malades » ( Bouteiller, M., Sorciers et jeteurs de sort, 1958, p. 51 Google Scholar).

page 382 note 3. Journal, 23 août 1905, p. 989.

page 382 note 4. D'après le Petit guide nivernais ou almanach populaire des mille et une adresses, 1843 (une seule blanchisseuse de fin). En 1788, on relève seulement deux blanchisseuses et une laveuse de lessives ( Saint-Eloy, M., « Réflexions sur le rôle des tailles de la ville de Nevers en 1788 », Mémoires de la Société Académique du Nivernais, 1961, p. 36 Google Scholar). Sur l'apprentissage dans la blanchisserie, cf. L. Gueneau, L'organisation du travail à Nevers aux XVIIe et XVIIIe siècles (1919).

page 382 note 5. Une ouvrière blanchisseuse gagnait, vers 1855, de 1 F à 1,50 F, et la durée de l'apprentissage était de deux ans. En 1856, 248 personnes travaillaient dans la blanchisserie pour tout le département, 245 en 1896, .plus 80 pour le repassage du linge (cîf Résultats du dénombrement de la population en 1856, t . IX, 1859, p . 103 e t Résultats statistiques du recensement des industries et professions, t.II, 1900, p. 232).

page 382 note 6. On discutait fort à cette date pour savoir si l'abonnement du blanchissage présentait ou non un bénéfice. Or la nourriture d'un maître d'internat était évaluée à 333 F , et les frais de chauffage à 30 F . Le blanchissage représentait donc un poste non négligeable du budget d'un collège (Sentinelle de la Nièvre, 29 mars et 1e r avril 1832). Des sondages dans les comptabilités de collèges seraient certainement très fructueux ; en 1839, les dépenses de blanchissage du collège de Nevers représentaient 1 250 F, celles de nourriture 15 860 F : le rapport est élevé (ARCH. NAT., F 17 8496).

page 383 note 1. Cf. « Pour une histoire de l'eau », Annales, janv. 1968, pp. 57-59.

page 383 note 2. Association, 2 mars 1841.

page 383 note 3. Trois étaient installés à la porte de Médine, trois vers la tour Goguin (Annuaire de la Nièvre pour 1900) ; un bateau-lavoir coula pendant la guerre de 1914 ; on en trouvait encore quatre vers 1920, trois de 1930 à 1940. Sur la forme caractéristique de ces bateaux, cf. la photographie publiée par Locquin, J., Nevers et Moulins (1913), p. 3, 5Google Scholar. Le linge était étendu sur des fils tendus sur des poteaux le long des quais de la Loire.

page 383 note 4. « Deux bateaux-lavoirs… contribuent pour leur part à la contamination du fleuve » (Comité consultatif d'hygiène, 26 novembre 1888, ARCH. NAT., F 8 199).

page 383 note 5. Nous ne possédons aucune description de ces bateaux-lavoirs, dont les patrons, au témoignage de Mlle Saint-Eloy, étaient assez pauvres. Le Dr Ranque, en 1884, protestait contre leur présence en amont de la prise d'eau de la ville, les eaux savonneuses polluant l'eau de Loire (Mémoire sur l'insalubrité des eaux de la ville de Nevers). A noter que, vers 1900, des bourgeois de Nevers faisaient bouillir chez eux la lessive et la donnaient ainsi préparée à des laveuses « abonnées » au bateau-lavoir.

page 383 note 6. de Toytot, E., « Faïenciers de Nevers », Les ouvriers des Deux Mondes, nouvelle série, t. IV, 1886, p. 207 Google Scholar. A noter que le linge de cette famille est réduit au strict nécessaire : elle ne possède que 10 paires de draps (valant 160 F), 4 nappes, 2 douzaines de torchons et de serviettes.

page 383 note 7. La dépense pour le blanchissage est de 54,50 F, contre une dépense de 130 F pour la boisson, de 292 F pour le pain, de 71 F pour le chauffage. Si la famille avait donné à laver son linge au-dehors, la dépense aurait été d'environ 135 F.

page 383 note 8. Nous n'avons retrouvé aucune indication sur le coût du blanchissage à Fourchambault : les femmes d'ouvriers ne disposaient que d'eau des puits et allaient rincer au Riot, ou à la Loire. En 1912, on dut supprimer le lavoir du Riot, dont les eaux étaient polluées.

page 384 note 1. D'après « le prix qui serait payé pour ce blanchissage, s'il était fait au dehors ».

page 384 note 2. Cf. « Pour une histoire de l'eau », art. cité. Souvent les femmes barraient les fontaines et les eaux savonneuses remontaient jusqu'à la source, ou encore « les eaux arrivaient à l'abreuvoir saturées de savon et de saletés provenant du linge, si bien que les bestiaux ne pouvaient boire que des eaux malsaines ». Sur ces multiples constructions de lavoirs dans les hameaux et bourgs et leur coût, cf. Delamarbe, Statistique de l'arrondissement de Clamecy, 1832 ; A. Massé, Le canton de Pougues, 1912, et Le canton de Nevers, 1913, pp. 68, 118, 177, 219, 371, 440, 442, 506.

page 384 note 3. Visites aux paysans du Centre, 1921, p. 34. Non seulement les laveuses étaient exposées aux refroidissements, mais leurs mains étaient déformées par les engelures et les rhumatismes articulaires.

page 385 note 1. Nos frères farouches, Ragotte. Fayard, 1908, p. 30. Jules Renard note ailleurs que Ragotte « ne sait pas laver dans un baquet. Elle fait un voyage pour laver un torchon à la rivière, dans l'eau qui court » (Journal, 23 août 1005).

page 385 note 2. D'après M. Romain Baron. J. Renard note encore qu'une laveuse qui n'est pas nourrie a droit à une chopine par jour », mais Ragotte avait oublié de réclamer son dû (Nos frères farouches, Ragotte, 1908, p. 31.)

page 385 note 3. Ces salaires ruraux n'ont guère de signification parce qu'il n'y a pas d'emploi régulier dans les villages : « Personne (n'est exigeant) à Bussy, pas même les hommes, note Bachelin. Les femmes, dont pas une ne trouve à tirer un sou des heures qu'elles perdent par force, chacune d'elles serait enchantée de gagner dix sous par jour… « (Le Sabreur, p. 13).

page 385 note 4. Ainsi en 1892, la dépense de blanchissage montait, à l'asile d'aliénés de La Charité, à 1 388 F : 851 F de savon (dont moitié de Marseille), 210 F de cristaux de soude, 298 F de cendres, 27 F d'amidon et de bleu ; 25 femmes travaillent à la buanderie sous la direction d'une soeur, mais « les femmes aiment peu ce travail en général et il s'ensuit que le nombre nécessaire est souvent difficile à recruter, surtout dans la mauvaise saison » : pour les attirer, on devait leur donner un supplément de nourriture ! On coulait la lessive une fois par semaine, souvent deux (Conseil général de la Nièvre, 1890, p. 583 ; 1894, p. 646). En 1900, la dépense est plus forte : savon, 944 F ; savons gras, 2 015 F ; cristaux de soude, 289 F ; amidon, bleu, 96 F ; total 3 343 F , mais aucune installation automatique n'avait été faite (Conseil général, p. 212) : ce n'est qu'àjla veille de 1914 que l'on songe à installer une « buanderie mécanique » (Conseil général, 1912, p. 224). Une étude de l'évolution d'une buanderie d'établissement hospitalier serait très suggestive.

page 385 note 5. On reprochait (vers 1900) à certaines laveuses professionnelles d'user trop d'eau de javel, ce qui abrégeait la vie du linge (reproche traditionnel : cf. L'Assommoir, édition citée, p. 387).

page 385 note 6. En 1890, l'hôpital de La Charité achète pour 10 F de « lessive Phénix ». L'usage des lessives ne se répand dans les campagnes qu'après 1900, mais on ne connaît pas les marques en usage (certaines, comme Persil, annonçaient : « préparé scientifiquement, garanti sans chlore et sans acide — blanchit par l'oxygène — tremper, bouillir, rincer sans frotter, le lavage est fini »).

page 386 note 1. L'école, en introduisant des normes de propreté corporelle, avec des « visites hebdomadaires de propreté », où l'institutrice vérifie le linge de corps (et ce, au moins jusqu'en 1950), a changé certainement les pratiques anciennes — encore que l'hygiène corporelle soit demeurée très primitive en Nivernais, au moins dans les campagnes (cf. « Pour une histoire de l'eau », art. cité, p . 67, et Simon, , Statistique de Fretoy, 1886, p. 180 Google Scholar). Soulignons que les programmes du certificat d'études ne comprenaient rien (jusqu'en 1986) sur le chapitre de la lessive et que l'éducation ménagère est restée très embryonnaire jusque dans les années 40.

page 386 note 2. Sur cette évolution, cf. Dr Hekpin, « Rapport sur les concours de 1850 relatifs au perfectionnement des appareils et des procédés de blanchissage du linge », in Rouget de Lisle, Notice précitée (1852) ; Nouveau manuel complet du blanchiment, du blanchissage, nettoyage… par M. Julia de Fontenexle, corrigé par M. Rouget de Lisle (t. II , 1855) ; L. Figuier, Les merveilles de l'industrie, t. III , s.d., p . 518 e t suiv.

page 386 note 3. Cf. les notes de travail de Zola concernant le travail dans un lavoir, Bibl. Nat., Ms. fr. 10271, f° 180-182, qui ont été publiées par Masses, H., Comment Emile Zola composait ses romans, 1906, pp. 154155 Google Scholar.

page 386 note 4. Cf. Marlièhe, , Statistique de Varrondissement de Clamecy, 1859, pp. 120121 Google Scholar, qui déplore que les femmes utilisent ordinairement des lavoirs « qui coûtent presque toujours un prix assez élevé et dans lesquels le séchage s'effectue à l'air libre et s'opère avec une lenteur qui ne se concilie pas avec le besoin immédiat des pauvres ménages ».

page 386 note 5. « Notre personnel va rester composé de 500 ouvriers : il faut organiser à la charge et au profit des ouvriers : 1 ° le blé, la mouture et la boulangerie ; 2° la boucherie ; 8° la buanderie… » Lettre du 2 avril 1848, citée par A. THUILLIER, « L a fonderie de Fourchambault, de 1825 à 1835 », Actes du 88e Congrès des Sociétés Savantes, 1964, p . 484.

page 386 note 6. Sur le fonctionnement d'une pareille blanchisserie industrielle, on se reportera aux comptes publiés par Le Play, Les ouvriers européens, ouv. cité, Maître blanchisseur de Clichy, pp. 372-379.

page 386 note 7. Le linge sale était contenu dans des filets, fermé par un os de façon à reconnaître les sacs.

page 386 note 8. Le métier de blanchisseuse était dangereux : la moitié des décès était dûs, dans la profession, à la tuberculose, en raison du triage du linge (cf. Frois, « Hygiène et pratique du blanchissage », Annales d'hygiène publique, 1910, et Feois et Sartoby, « Les poussières organiques dans l'industrie », ibidem, 1911, pp. 537-545 et ABCH. NAT., F 22/553). En 1913, l'Inspection du Travail enquêta dans toute la France sur les conditions de travail dans la blanchisserie : désinfection préalable du linge sale, utilisation surtout pour le personnel, règlement d'ateliers, etc. Mais l'on ne retrouve malheureusement pas le rapport de l'inspecteur de la Nièvre dans la collection des rapports conservés (AECH. NAT., F 22/572), qui mériterait peut-être d'être exploitée systématiquement.

page 387 note 1. L'Impartial du Centre, 10 mai 1869 ; la fabrique d'appareils était installée, 38, rue de Chabrol (Bouillon, Piet, Bellan et Cie). Sur ces appareils, cf. Figuier, ouv. cité, p. 519.

page 387 note 2. Au témoignage de Mme Léon Branlard, de Nevers.

page 387 note 3. C'était le voeu du Dr Hebpix qui condamnait hautement le système des lavoirs publics (Rapport précité, p. X) : « Tout nous autorise à penser… qu'au lessivage en commun, toujours répugnant, s'il n'est pas invisible, on substituera le lessivage de famille ; que même chaque sorte de linge, soit de corps, de table ou de cuisine, fin ou grossier, sera trié et traité séparément d'une manière appropriée à sa nature et à ses qualités ; que les établissements de buanderie, les lavoirs publics, ne s'élèveront dans la suite que là où l'on aura à sa disposition des eaux courantes de bonne qualité et en très bonne abondance… » : les hygiénistes ont condamné très tôt les lavoirs publics comme les blanchisseries industrielles.

page 387 note 4. On trouve de tels regrets encore dans Gagnon, , Le Folklore bourbonnais, 1954, pp. 121122 Google Scholar : « Les produits chimiques maintenant utilisés, qui ont simplifié le nettoyage, ne peuvent soutenir la comparaison avec le vieux procédé. Aussi ce dernier, quoique en déclin, continue-t-il à conserver des partisans. » En fait, la rotation du linge était moins grande, ce qui créait cette illusion de durée. En outre, on utilisait de plus en plus des cotonnades, et non plus des toiles de chanvre.

page 387 note 5. La dépense en bois était également inférieure, puisque la lessiveuse pouvait être installée sur le fourneau.

page 388 note 1. Cette diffusion ne fut pas étrangère sans doute à la raréfaction des femmes de journée à la campagne pendant la guerre de 1914 (cf. Bachelin, Le Sabreur).

page 388 note 2. Rappelons que l'abbé de La Meilleraye avait importé des procédés anglais (roue rotative) dès 1815 (Bulletin de la Société d'Encouragement, 1815, p. 50).

page 388 note 3. Chiffres cités par J. Bonnamouk, Le Morvan, la terre et les hommes, 1966, p. 158, qui rappelle que « l'eau sur l'évier et à l'étable représente l'amélioration primordiale qui supprime les allées et venues au puits, la hantise de l'épuisement de la citerne, les lessives difficiles ». L'achat d'une machine à laver n'a pas la priorité sur celui du réfrigérateur qui sert à stocker les produits de ferme : ainsi, la moitié des grandes exploitations de 100 hectares et plus n'ont pas de machines à laver alors que toutes ont l'eau sur l'évier.

page 388 note 4. Dans les communes urbaines de moins de 10 000 habitants, 58 % des logements ont l'eau en 1946, dans les communes rurales, 11 % (” Résultats statistiques du recensement général de la population, t . IV, 1951 )», cf. « Pour une histoire de l'eau », art. cité, p. 67.

page 388 note 5. Il serait curieux de retracer les perfectionnements successifs des machines depuis vingt ans. Prenons, par exemple, telle machine à laver de 1966 : les avantages mis en avant permettent de saisir les difficultés des premiers utilisateurs : « simplicité et robustesse mécanique, aucun entretien — vidange par pompe refoulante, permettant l'écoulement des eaux de lessive dans n'importe quel évier ou lavabo — stabilité parfaite, aucun scellement nécessaire— ne nécessite qu'une quantité d'eau réduite— possibilité de choisir la température et le temps de lavage permettant de laver tous les tissus — possibilité d'essorage lent — nombreux dispositifs de sécurité, protégeant contre d'éventuelles erreurs d'utilisation : sécurité gaz, sécurité électrique, interruption de l'ouvrage en cas de mauvais chargement, arrêt automatique à l'ouverture du couvercle — niveau d'eau à cadran », la garantie accordée est d'un an et l'on offre parfois de reprendre l'ancienne machine. Il serait important de savoir quel est le montant des achats à crédits dans ce domaine. A noter l'apparition, en 1965, de « boules à laver », d'origine japonaise, qui sont utilisées pour les petits lavages.

page 389 note 1. L'on estime actuellement qu'un tiers des ventes de machines à laver est destiné au renouvellement des machines. Il est vraisemblable que le coût du blanchissage a sensiblement augmenté depuis vingt ans, compte tenu de l'amortissement du matériel, mais le travail féminin a été très nettement allégé (cf. Saktin, P., La promotion des femmes, 1964, pp. 9495 Google Scholar).

page 389 note 2. Notons toutefois que la réfection des lavoirs des hameaux demeure une préoccupation des conseils municipaux (ainsi à Lormes, Journal du Centre, 9 septembre 1966, à Planchez, 1 e r août 1966, à Saint-Benin-d'Azy, 14 février 1966, etc.) ; à Cruxla- Ville, les lavoirs de Forcy, Menetreuil, des Maisons du Bois doivent être refaits, « et les plateaux de bois seront progressivement remplacés par des plateaux de ciment, plus durables et d'un coût moins élevé » (ibidem, 23 mai 1966).

page 389 note 3. Les résidus blancs flottent sur la Loire au débouché des égouts de Nevers et polluent l'eau de façon définitive.

page 389 note 4. La diffusion du nylon à partir de 1950-1955 a changé en un certain sens les conditions du lavage domestique, comme la diffusion du coton au XIXe siècle. A noter également le développement — très rapide — du linge en papier (mouchoirs, nappes, serviettes).

page 389 note 5. La machine à laver a désormais sa place dans les « salles d'eau », ou les cuisines, des nouveaux logements ; des séchoirs à l'air libre sont prévus dans les normes H.L.M. et même, fait caractéristique, certains appartements modestes (logements du type F 4) possèdent des « séchoirs électriques pour le linge » (Journal du Centre, 7 septembre 1966). Il est très difficile de repérer les changements de mentalité et d'habitudes qu'impliquent de telles modifications de l'habitat (rappelons que, traditionnellement, dans les villes, le linge était suspendu sur un fil dans les cuisines — ce qui entretenait l'humidité et dégradait les murs — ou aux fenêtres…).

page 389 note 6. Deux sociétés se partagèrent le marché, mais une maison de Fourchambault, installée à la Guerche dans le Cher, continue à avoir ses clients fidèles à Nevers ; la concurrence reste encore vive dans ce secteur ; les blanchisseuses artisanales ont quasi disparu.

page 389 note 7. Les laveries self-services offrent divers avantages en milieu urbain (elles fonctionnent de 7 h 30 à 19 h 30 sans interruption). Les magasins Gro ont installé des laveries-pressing en self-service dans leurs « superettes » à Nevers, aux Montots, à Varennes… Les laveries libre-service représentent, paraît-il, une spéculation intéressante pour des capitaux à la recherche de placement, ainsi qu'en témoigne la multiplication, à Paris, des laveries Washmatic dépendant des établissements Compain (Le Monde, 2 et 9 septembre 1966).

page 389 note 8. On notera le soin pris par l'administration pour bloquer les prix de certaines catégories de linge lavé seulement, et tel arrêté préfectoral entre dans le détail de la pratique des laveries. Ainsi un arrêté du préfet de la Nièvre, en janvier 1967, bloque les tarifs de blanchissage pour les draps non teints, « non ouvragés, mais pouvant comporter un jour » et les blouses de travail, blanc ou couleur, combinaisons de travail, bleus de travail (les deux pièces), ainsi que le prix du lavage du lipge au poids « pesé sec » par 4 kg minimum, le prix variant suivant qu'il est effectué à huitaine ou dans les quarante-huit heures, que le linge est lavé et essoré en filets individuels ou en machine individuelle ; en cas de ramassage ou de livraison à domicile, les prix peuvent être majorés de 10 % « avec maximum de 1,50 F » ; l'emballage ne peut être effectué qu'à la demande expresse de la clientèle et le supplément de prix « ne peut excéder le prix de revient de l'emballage », etc.

page 390 note 1. Aucune histoire de travail domestique n'existe. Pourtant ce travail quotidien des femmes a une importance économique non négligeable (cf. P. Sabtin, ouv. cité) ; le budget-temps de la femme est une préoccupation actuelle des économistes et même des planificateurs (cf. Rapport de ta Commission de la main-d'oeuvre du Ve Plan, 1966, pp. 85-86).

page 390 note 2. La lessive qui souvent était un événement dans l'année, l'occasion de réunions familiales, est devenue chose banale, quasi quotidienne ; cependant l'achat d'une machine à laver reprend certaine solennité, il est lié à telle mutation importante de la vie familiale (naissance, achat d'un appartement, arrivée de l'eau dans la ferme».).

page 390 note 3. lies comptabilités analytiques d'exploitations mises en place depuis 1955 donnent une documentation abondante pour les établissements hospitaliers.

page 390 note 4. Sans doute certains peuvent penser que l'histoire de la lessive n'est pas matière à histoire, qu'il ne s'agit que de folklore : mais aujourd'hui— comme hier— la lessive est un élément du coût de la vie, et la Direction des prix, en bloquant les tarifs du blanchissage au niveau de 1963, sait fort bien qu'elle pèse ainsi sur un des postes non négligeables des « dépenses de services ». De plus, l'équipement des ménages en machines à laver est devenu un critère du développement économique d'une région : des taux d'équipement ont été calculés régulièrement par grandes régions,,'non par départements (cf. Projet de loi de finances pour 1967, Annexe, Régionalisation du budget d'équipement…, t . DU, 1966, p. 475, avec carte) ; les statisticiens font remarquer d'ailleurs que « la définition de machine à laver n'est pas identique d'une région à l'autre et que les statistiques et les cartes doivent être « interprétées » avec prudence » (ibidem). Des taux de possession selon la catégorie de revenu et la taille du ménage, également selon la catégorie socio-professionnelle, ont été récemment obtenus pour l'agglomération bordelaise, lors d'une enquête qui ouvre des voies nouvelles à la recherche (cf. Pierre BACHOC, La consommation et l'équipement des ménages : l'exemple de l'agglomération bordelaise, 1967, pp. 162-169, 236-242).