Hostname: page-component-848d4c4894-pjpqr Total loading time: 0 Render date: 2024-06-23T01:25:54.041Z Has data issue: false hasContentIssue false

Une ou plusieurs histoires ? Formations identitaires au Bengale à la fin de l’époque coloniale

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Sumit Sarkar*
Affiliation:
University of Delhi

Résumé

La vague post-moderne semble perdre du terrain et les études historiques dépassant une approche étroitement « culturaliste» ou « discursive» ne sont plus nécessairement considérées comme obsolètes. Pour ceux qui sont demeurés critiques à l’égard des tendances dominantes de la fin des années 1980 et des années 1990, le moment est peut-être venu d’effectuer une évaluation de données qui ne soit plus principalement polémique, mais prenne en compte certaines des avancées historiques récentes grâce à la remise en question d’hypothèses antérieures. Ce n’est que très récemment que le thème des castes, absent des études historiques sur l’Inde «moderne», généralement assimilée à l’Inde coloniale, est sorti de l’oubli. Celles-ci furent longtemps prisonnières du seul binôme colonialisme/anticolonialisme. Les études inspirées par un nationalisme de gauche et plus particulièrement les premiers travaux des Subaltern studies ont utilement enrichi ce modèle en s’attachant aux initiatives autonomes des paysans, des tribaux et des travailleurs et aux tensions existant entre ces poussées et le courant nationaliste dominant. Cet article s’attachera en particulier au développement des projets identitaires variés qui se multiplièrent en Inde à la fin de l’ère coloniale, en se basant sur des données concernant les trois castes actives principales, les Namasudra, les Mahishya et les Rajbansi.

Abstract

Abstract

The post-modernist wave appears to be receding a little, and histories going beyond the narrowly “culturalist” or “discursive” are no longer considered necessarily outdated. For those who have remained critical of the dominant moods of the late-1980s and ‘90s, this might be the moment for a stock-taking that would not be primarily polemical, and is able to take fuller account of some significant gains for historical understanding brought about through the recent wholesale questioning of earlier assumptions, alongside the many deeply problematic features. Caste, till very recently has a neglected theme in histories of “modern” India, studies of which have focused so far on colonial rather than postcolonial times. Such history-writing has remained stuck for a long time within a single basic, colonial/anti-colonial, binary, within which it was difficult not to evaluate caste-identities primarily in terms of their “divisive” impact on what should have been a great and united struggle for freedom from foreign subjection. Left-nationalist and, most notably, early Subaltern Studies scholarship did complicate this model in helpful ways, emphasizing the autonomous initiatives of peasants, tribals and workers and the tensions between such impulses and “mainstream” nationalism. I intend in this paper to explore the possibilities (as well as sometimes the problems) of a quest for a more differentiated vision of the past, with particular reference to caste identities in late-colonial Bengal, with some research-based material concerning the three major caste ideologies-cum-movements of Namasudras, Mahishyas, and Rajbansis.

Type
La geste indianiste. Du saint guerrier aux héros paysans
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2005

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

References

1 - Pour une analyse plus complète, se reporter à Sarkar, Sumit, Beyond nationalist frames: Postmodernism, Hindu fundamentalism, history, Bloomington-Indianapolis, Indiana University Press, 2002 Google Scholar, chap. VI, « Postmodernism and the writing of history», pp. 154-194, ainsi qu’à l’introduction de cet ouvrage. Voir également ID., Writing social history,Delhi, Oxford University Press, 1997, chap. 3, «The decline of the subaltern in SubalternStudies».

2 - Dans son sens particulier indo-anglais d’une politique identitaire religieuse agressivequi a renforcé les conflits entre groupes religieux (principalement hindous et musul-mans) en Asie du Sud au XXe et au début du XXIe siècle. Ici la « vraie» liberté est conçuecomme la libération non pas de la domination anglaise, mais de la soi-disant dominationhindoue ou musulmane. Le binôme colonial/anticolonial est remplacé par le binômehindou/musulman, mais le mode de pensée binaire persiste, souvent d’une manièreexacerbée. Une forme de communauté hindoue conservatrice, l’Hindutva, a inspiréla politique du gouvernement indien et constitue une menace très sérieuse pour lesinstitutions séculières et démocratiques du pays.

3 - Dalit, littéralement « rivé au sol», gravement opprimé. C’est le terme par lequelpréfèrent se qualifier aujourd’hui un grand nombre de ceux qui se trouvent au plus basde l’échelle de la société de castes. On les qualifiait auparavant d’« intouchables», de« scheduled castes» (c’est encore la désignation officielle) et de «Harijan», la catégorieà laquelle appartenait Gandhi.

4 - Quelques interprétations du concept difficile, mais cependant très éclairant, de« généalogie», de Michel Foucault, peuvent s’avérer utiles dans ce contexte. Lire par exemple la description qu’en donne Jan Goldstein : «Tandis que les éléments d’unegénéalogie sont reliés à la manière d’un récit, ce récit est résolument non téléologique :les événements sont des éruptions, les conséquences sont locales et radicalement contin-gentes» (Goldstein, Jan E. (éd.), Foucault and the writing of history, Cambridge-Oxford,Basil Blackwell, 1994, p. 14).Google Scholar

5 - Les Mahishya (environ 2,5 millions selon le recensement de 1901), les Rajbansi(environ 2 millions) et les Namasudra (1,86 million) résidaient dans les régions nord,sud-ouest et centre-sud de la partie de langue bengali de la présidence du Bengale sousdomination britannique. Après la Partition de 1947, la plupart des régions habitées parles Namasudra et les Rajbansi firent alors partie du Pakistan oriental (ultérieurementle Bangladesh), bien qu’au fil des ans, un grand nombre d’entre eux émigrèrent versl’État indien du Bengale occidental.

6 - De tels processus se sont surtout manifestés en relation avec le développementdu nationalisme, à la fois anticolonial, religieux ou communautaire. Pour une analysedétaillée de cet argument, voir Datta, Pradip Kumar, Carving blocs: communal ideologyin early twentieth century Bengal, Delhi, Oxford University Press, 1999,Google Scholar chap. 1, ainsi que S. SARKAR, Writing social history, op. cit., chap. 9, « Identity and difference: caste in theformation of the ideologies of nationalism and Hindutva».

7 - Après 1947, la migration de la minorité hindoue a réduit encore l’importance de lapolitique de castes au Bangladesh à majorité musulmane, l’autre partie de la régiongéographique qu’étudie le présent article. Bon nombre des mouvements ici mentionnésse développèrent en fait surtout dans ce que l’on appelle aujourd’hui le Bangladesh.

8 - Bandopadhyay, Sekhar, Caste, politics and the Raj: Bengal, 1872-1937, Calcutta,K. P. Bagchi, 1990 Google Scholar, et ID., Caste, protest and identity in colonial India: the Namasudras of Bengal, 1872-1947, Surrey, Curzon Press, 1997. Se reporter aussi à Sanyal, Hiteshranjan, Social mobility in Bengal, Calcutta, Papyrus, 1981,Google Scholar et à Basu, Swaraj, Dynamicsof a caste movement: the Rajbansis of North Bengal, 1910-1947, Delhi, Manohar, 2003.Google Scholar

9 - « Swadeshi» (son propre pays) est le terme couramment utilisé pour décrire le boycottdes importations britanniques et la promotion de l’entreprise indigène, qui furent leséléments essentiels de la protestation de la classe moyenne contre la partition du Bengale.

10 - Ce qui précède est un résumé très bref, et donc un peu simplifié, de l’argumentessentiel de mon livre : Sarkar, Sumit, Swadeshi movement in Bengal, 1903-1908, New Delhi, People's Publishing House, 1973.Google Scholar

11 - Le terme «Bhadralok», couramment utilisé pour décrire cette élite intellectuelle,renvoie à la fois à un statut de haute caste (Brahmane, Vaidya, Kayastha) de rentier, età un style de vie de notable à qui les travaux manuels sont épargnés. Le mot caste adeux référents indigènes : varna, la classification hiérarchique – largement théorique –des hindous en quatre groupes : les Brahmanes, les Kshatriya, les Vaishya et les Sudra,plus la catégorie la plus basse des intouchables, scheduled castesou Dalits. Chaque varnacomporte de nombreuses subdivisions, souvent désignées sous le terme de jati, qui respectent les règles régissant les droits de se marier et de dîner avec les membresd’un autre groupe. Aujourd’hui, jatiest le sens le plus courant du mot caste, mais lesrevendications de statut supérieur prennent souvent la forme de demandes de recon-naissance d’appartenance à une varnasupérieure.

12 - «C’est un phénomène curieux que pratiquement toutes les revendications d’appar-tenance à une caste supérieure ou à des noms nouveaux et plus prétentieux proviennentdu Bengale proprement dit» (EDWARD ALBERT GAIT, Bengal census report [Census],Calcutta, Government of Bengal, 1901, p. 384).

13 - Il est intéressant de noter que la première tentative pour étendre l’approche « subal-terniste» à l’étude des castes a commencé par une critique de Louis Dumont : PARTHACHATTERJEE, «Caste and subaltern consciousness», in Guha, R. (éd.), Subaltern studies,vol. VI, Delhi, Oxford University Press, 1989, pp. 169209.Google Scholar

14 - Le simple fait d’attirer l’attention sur ces conflits est parfois interprété comme unepreuve prima facied’un penchant pro-colonialiste. On en trouvera un exemple récent,surprenant, dans la polémique de Nicholas B. Dirks avec Chris Bayley, et les recherchessur l’Asie du Sud faites à Cambridge : Castes of mind: Colonialism and the making of modernIndia, New Delhi, Permanent Black, 2001, pp. 313-316.

15 - TANIKA SARKAR, « A pre-history of rights? The age of consent debates in colonial Bengal», in ID., Hindu wife and Hindu nation: community, religion and cultural nationalism, New Delhi, Permanent Black, 2001, pp. 226-236 et 244-247.

16 - PARTHA CHATTERJEE, «The nationalist resolution of the women's question», inK. SANGARI et S. VAID (éd.), Recasting women: essays in colonial history, Delhi, Kali for women, 1989, pp. 233-253 ; lire également ID., The nation and its fragments: colonial and postcolonial histories, Delhi, Oxford University Press, 1994, chap. 6 et 7.

17 - Dans un débat paru en 1884 dans les pages d’un mensuel bengali, une demandefaite pour que les femmes obtiennent des droits égaux à ceux des hommes fut réfutéesur la base de l’argument suivant : chaque être humain a des droits spécifiques (adhikar),mais ceux-ci sont nécessairement différenciés. Sinon, un cheval aurait le droit de s’as-seoir à table, et un notable ne pourrait pas monter sur les épaules de son porteur depalanquin (Nabyabharat, mai, juin et juillet 1884).

18 - À l’exception des scheduled castesou Dalits, en faveur de qui la constitution indiennede 1950 manifestait des réserves sous forme de mesures anti-discriminatoires.

19 - Census (India), vol. I, 1, p. 538 ; Census (Bengal), vol. VI, 1, pp. 354 et 378-384. En1911, les trois hautes castes principales du Bengale, les Brahmanes, les Vaidyas et lesKayasthas avaient un taux d’alphabétisation vernaculaire de 39,9%, 53,2%, et 30,9%,respectivement (S. BANDOPADHYAY, Caste, politics and the Raj…, op. cit., p. 109). La contri-bution des indigènes à la connaissance coloniale a retenu récemment l’attention deschercheurs : lire par exemple KAPIL RAJ, «Circulation and the emergence of modernmapping: Great Britain and early colonial India, 1764-1820», inC. MARKOVITS et alii(éd.), Society and circulation, New Delhi, Permanent Black, 2003, pp. 23-54 ; Wagoner, Phillip B., « Precolonial intellectuals and the production of colonial knowledge»,Comparative studies in society and history, 45, IV, 2003, pp. 783814.Google Scholar

20 - Sur un échantillon de sept tracts Namasudra publiés entre 1909 et 1943, cinq nementionnaient pas du tout le recensement : S. SARKAR, Beyond nationalist frames, op.cit., chap. 2, « Identities and histories: some lower-caste tracts from early twentieth-century Bengal».

21 - S. BANDOPADHYAY, Caste, politics and the Raj…, op. cit.

22 - Bose, Sugata, Agrarian Bengal: economy, social structure and politics, 1919-1947,Cambridge, Cambridge University Press, 1986, pp. 46 et 6364.Google Scholar

23 - BROJENDRAKISHORERAYCHAUDHURI,Brahman Sabhay Bakrita, Calcutta, SatishchandraChattopadhyay/Bangiya/BrahmanSabha, 1911 ; CHINTAHARANCHATTOPADHYAY, Brahman,Faridpur, Chandikanta Vidyalankar, 1911. Notons que Brojendrakishore avait été unprotecteur du mouvement Swadeshi dans le district de My mensingh, à tel point qu’àun moment donné le gouvernement avait envisagé de prendre des mesures contre lui(«Government of India Home Political», février 1908, no 102-103).

24 - Voir la réponse de Bangiya Brahman Sabha au questionnaire que faisait circuler laBengal Land Revenue (Floud) Commission, Report of the land revenue commission, Bengal,Alipur, 1940, vol. VI, pp. 409-433.

25 - Le premier à saisir l’importance de la contribution de Mukherji fut Kumardatta, Pradip , «Dying Hindu: production of Hindu communal commonsense in early 20thcentury Bengal», Economic and political weekly, 19, 1993, pp. 1305- 1319 ;Google Scholar ID., Carvingblocs…, op. cit., chap. 1.

26 - «Dieu, soutenait Digindranarayan, a donné les mêmes pouvoirs à tous les êtreshumains, comme il a créé le même soleil pour les Brahmanes et les Chandal» (Jatibheda,Faridpur, 1912, pp. 4-5).

27 - Caste de statut très inférieur répartie sur plusieurs districts du sud-ouest et du suddu Bengale.

28 - Nathmandal, Manindra,Bange Digindranarayan, Calcutta, Sanyasicharan Pramanik/Kalna, 1927.Google Scholar Chaitanya était un saint (bhakta)du Moyen Âge réputé pour sa sympathieenvers les castes inférieures. Le bouddhisme bien sûr rejetait la notion même de caste.La référence à Mahomet est très surprenante, car cette biographie fut publiée peu detemps après les violentes émeutes entre hindous et musulmans qui eurent lieu en 1926à Calcutta et dans plusieurs autres régions du Bengale.

29 - ID., Banghia Jana Sangha/Bengal people's association, Calcutta, 1923. Ce pamphlet,détaillant le projet de placer les groupes de basses castes du Bengale sous la protectiond’un organisme particulier, était dédié à Digindranarayan.

30 - Ghosh, Binod Lal, «What can be done for the Namasudras»,Modern review, vol. V, juin 1909, pp. 553555.Google Scholar

31 - Tagore avait soutenu avec enthousiasme la révolte Swadeshi pendant un certainnombre d’années, mais, à partir de 1907, il la combattit avec acharnement dans le doublecontexte des émeutes communautaires et de la violence terroriste révolutionnaire. Ilexprima ses critiques dans un certain nombre d’essais et deux romans célèbres, Gora(1910) et Ghare Baire(La maison et le monde, 1916), une critique extrêmement perspi-cace du nationalisme. Pour plus de détails, se reporter à S. SARKAR, Swadeshi movementin Bengal…, op. cit., chap. 2, et à ID., «Nationalism and Stri-Swadhinata: the contexts andmeanings of Rabindranath's Ghare Baire», in Beyond nationalist frames, op. cit., chap. 5.

32 - Nakazato, Nariaki, Agrarian system in eastern Bengal, c. 1870-1910, Calcutta,K. P. Bagchi, 1994.Google Scholar

33 - Train de réformes importantes, connues sous le nom d’opération Barga, prises à lafin des années 1970 et dans les années 1980 par le gouvernement du Front de gauche,dirigé par les communistes du Bengale occidental.

34 - Un rapport britannique de 1852 avait décrit les Chandal comme « des vendeursde poissons, des laboureurs, des coolies et des esclaves», mais, selon le recensement de1901, 77,94% avaient des métiers liés à l’agriculture. Ils se répartissaient ensuite enrentiers (1%), tenanciers (95,5%) et travailleurs agricoles (3,5%) (S. BANDOPADHYAY,Caste, protest and identity…, op. cit., pp. 20-21).

35 - «Report of W. L. Owen, District Superintendent of Police, to District Magistrate,Faridpur», no 66, Camp Bhanga, 18 mars 1873 ; «Government of Bengal, Judicial Pro-ceedings», mars 1873, no 173. Les Chandal protestèrent également contre la pratique officielle qui consistait à leur réserver à eux seuls la tâche de nettoyer les latrinesdans les prisons. Ceci, déclaraient-ils, allait à l’encontre de la promesse faite par legouvernement « de traiter toutes les castes en termes d’égalité». Il est intéressant devoir le conflit entre une notion émergente d’égalité des droits et l’adhikaribhedasedéclarer si tôt à un niveau très différent de celui de la société Bhadralok.

36 - Les codes brahmaniques acceptèrent ce type d’union comme plus respectable quele mariage d’une femme de haute caste qui aurait des relations avec un homme debasse caste : c’est là une preuve intéressante de doubles standards et de corrélationentre caste et ordre patriarcal. D’après un texte brahmanique ancien qui faisait autorité,le Manusamhita, les Chandal étaient nés de l’union illicite d’une femme Brahmane etd’un homme Sudra.

37 - Je dois cette observation à P. K. DATTA, Carving blocs…, op. cit., p. 161.

38 - TARAKCHANDRA SARKAR, Sri Harileelamrita, Faridpur, 1916, et Khulna, 1924 ; et MAHANANDA HALDAR, Guruchand Carit, Khulna, 1943 ; SEKHAR BANDOPADHYAY fut lepremier à entreprendre une étude historique des Matua (” Popular religion and socialmobility in colonial Bengal: the Matua sect and the Namasudras», inR. K. RAY (éd.),Mind, body and society: life and mentality in colonial Bengal, Calcutta, Oxford UniversityPress, 1995, pp. 152-192, et ID., Caste, protest and identity…, op. cit.). J’ai essayé de faireune analyse plus détaillée de ces écrits et de ceux d’autres basses castes dans Beyondnationalist frames, op. cit., chap. 2.

39 - La formule souvent répétée est « hate kam mukhe nam” (travaille et récite le saintnom). Celle-ci était anticipée dans certains passages du texte précédent, mais la phrasesupplémentaire alors utilisée, « bhakti-ee prabal» (la dévotion est toute puissante), n’y figure plus.

40 - T. SARKAR, Sri Harileelamrita, op. cit., pp. 49-51 ; M. HALDAR, Guruchand Carit, op.cit., p. 100.

41 - Ibid., pp. 140-146 et 173-174.

42 - La référence principale est J. C. JACK,Bakarganj settlement report, 1900-1908, Calcutta,1915, Appendix G. Ce rapport contient toute la correspondance entre Jack et ses supé-rieurs à propos du changement du mode de règlement des fermages, une questionqui lui avait valu d’être désavoué par eux. Voir aussi Barisal Hitaishi, 3 août, 17 août,7 septembre 1908 : certains passages sont traduits dans les «Report of Native news-papers (Eastern Bengal and Assam)» de cette période. Pour un récit plus détaillé decet épisode, voir S. SARKAR, Beyond nationalist frames, op. cit., chap. 3, « Intimations of Hindutva: ideologies, caste and class in post-swadeshi Bengal».

43 - Report of land revenue commission…, op. cit., vol. II, pp. 17-18. D’autres associationsne prirent pas la peine de répondre, telles la All Bengal Scheduled Caste Federationet la Muslim League, bien qu’elles fussent toutes classées par la commission parmi les” associations concernées par la condition des tenanciers».

44 - Pour plus de détails, voir S. BANDOPADHYAY, « Popular religion and social mobi-lity…», art. cit., et ID., Caste, protest and identity…, op. cit., chap. 2

45 - Les Namasudra n’appréciaient pas qu’on les qualifie de Chandal, mais ils ne sescindèrent pas en deux groupes dont l’un aurait été désigné sous cette appellationpéjorative.

46 - L. S. S. O’MALLEY,Midnapur district gazetteer, Calcutta, 1911, p. 58. Les chiffres desrecensements de 1911 et de 1931 doivent être considérés avec prudence, car il fautprendre en compte non seulement de possibles erreurs de classification, mais aussi lefait que, dans la société rurale préindustrielle, les catégories tendaient à se recouper.Par exemple, il était assez courant que, pour survivre, un petit tenancier dut aussitravailler comme métayer ou comme ouvrier agricole.

47 - Dans Pather Panchali(1955), Satyajit Ray montre un misérable villageois brahmane,Harihar, qui tente de survivre en donnant à des hommes de basses castes le cordonsacré qui est le principal signe du statut de haute caste, de « deux fois né».

48 - Sept des quinze tracts Mahishya relèvent de cette catégorie.

49 - Biswas, Krishnabhabini (éd.),Mahishya-Mahila, Calcutta, Damodar Biswas/Kumari/Nadia, 1911, vol. I, pp. 68.Google Scholar

50 - Jameson, A. K., Final report on the survey and settlement operations in the district ofMidnapur, 1911 to 1917, Calcutta, Government of Bengal, 1918, pp. 51-56 et 113.Google Scholar

51 - Nihar, 19 janvier, 6 avril et 20 avril 1909, etc. : la série continua pendant plus de sixmois, jusqu’en juillet 1909. Se reporter, pour cette période, aux Government of Bengalreports on Native newspaper. Notons de plus que l’obtention de tels documents par lesmétayers était au cœur de réformes importantes, connues sous le nom d’opération Barga(voir n. 33).

52 - Les recherches historiques sur ce sujet sont très nombreuses et incluent notammentla plupart des études subalternistes à leurs débuts. Pour une vue générale soulignantces limites, voir Sarkar, Sumit, Modern India, 1885-1947, New Delhi, Macmillan, 1983.Google Scholar

53 - SUMIT SARKAR, «The conditions and nature of subaltern militancy: Bengal fromSwadesi to non-cooperation, c. 1905-1922», inR. GUHA (éd.), Subaltern studies, Delhi, Oxford University Press, 1984, vol. 3, pp. 271-320 ; HITESHRANJAN SANYAL, «The quitIndia movement in Medinipur district», inG. PANDEY (éd.), The Indian nation in 1942,Calcutta, K. P. Bagchi, 1988, pp. 88-115 ; ID., Swarajer Pathe, Calcutta, Papyrus, 1994.H. Sanyal a été l’un des premiers à entreprendre des recherches sur la populationgandhienne rurale dans le Midnapur et quelques autres districts du Bengale occidental,fondées sur des entretiens répartis sur plusieurs années, à l’échelle des villages. Sontravail a malheureusement été interrompu par sa mort prématurée.

54 - Selon le recensement de 1931, on ne comptait que 35 Brahmanes, Kayastha etVaidya par kilomètre carré à Rangpur, 18 à Dinajpur ainsi qu’à Jalpaiguri. Cette densitéétait considérablement inférieure, même à celle du Midnapur.

55 - Adhikari, Harakishore, Rajbansi Kulapradip, Calcutta, 1908.Google Scholar

56 - Basu, Swaraj, Dynamics of a caste movement: the Rajbansis of North Bengal, 1910-1947,Delhi, Manohar, 2003,Google Scholar est l’étude la plus détaillée à ce jour. Voir aussi Sgupta, Ranajitda, Economy, society, and politics in Bengal: Jalpaiguri, 1869-1947, Delhi, Oxford University Press, 1992, pp. 8792.Google Scholar

57 - Ibid., p. 48.

58 - P. K. DATTA, « Abductions and the constellation of a Hindu communal bloc inBengal of the 1920s», Studies in history, XIV, 1, 1998 ; ID., Carving blocs…, op. cit., chap. 4.Comme dans le cas de la panique démographique de 1909 causée par U. N. MUKHERJI,qui prétendait que les musulmans se reproduisaient plus vite que les hindous, l’imagede l’homme musulman violant les jeunes filles hindoues demeure chez les hindous unstéréotype répandu.

59 - R. DASGUPTA, Economy, society…, op. cit., pp. 126-128 ; P. K. DATTA, Carving blocs…,op. cit., p. 158.

60 - Ibid., chap. 6 ; K. SARKAR, «Conditions and nature…», art. cit.

61 - R. DASGUPTA, Economy, society…, op. cit., chap. 9-10 ; Sen, Sunil, Agrarian struggle inBengal, 1946-1947, New Delhi, Peoples’ Publishing House, 1972;Google Scholar Lahiri, Abani, Postwarrevolt of the rural poor in Bengal: memoirs of a communist activist, Calcutta, Seagull, 2001.Google Scholar

62 - Ce texte a été rédigé avant les élections générales de mai 2004, qui ont vu la défaitede la droite hindoue et le retour au pouvoir du Parti du Congrès (Ndlr).

63 - WALTER BENJAMIN, «Theses on the philosophy of history», in Arendt, H. (éd.),Illuminations, New York, Schocken Books, 1968, p. 255.Google Scholar W. Benjamin n’essayait pasde fournir un modèle d’approche historiographique universitaire, mais poursuivait uneméditation philosophique, parsemée d’appels à l’action révolutionnaire en un momentde crise extrême.

64 - Je m’appuie ici sur les analyses d’un important essai récent, PRADIP KUMAR DATTA,«Hindutva and its “mhystory”», Seminar, 522, « Rewriting History», février 2003,pp. 42-46.

65 - «Tout ce que nous pouvons faire, c’est contempler avec émerveillement la diversitéde l’espèce discursive, demême que nous contemplons la diversité des espèces animalesou végétales» (Lyotard, Jean-François, The postmodern condition: a report on knowledge,Manchester, Manchester University Press, [1984] 1992, p. 26).Google Scholar Pour des critiques telsque Seyla Benhabib, cette position est inacceptable, car elle réduit d’autres cultures et/ou d’autres époques passées au statut de pièces de musées ethnologiques et supposeune absence de tensions internes et de potentiels de changement (SEYLA BENHABIB,” Feminism and postmodernism», in ID. et alii, Feminist contentions: A philosophicalexchange, New York-Londres, Routledge, 1995, pp. 17-34). On trouvera une autre cri-tique forte dans Moody-Adams, Michelle, Fieldwork in familiar places: morality, cultureand philosophy, Cambridge, Harvard University Press, 1997,Google Scholar « Introduction» et «Theuse and abuse of history».

66 - Rien, naturellement, n’aurait pu être plus étranger à la teneur prédominante de lapensée de Benjamin, avec son rejet radical de l’unilinéarité. Les Thèses, rappelons-le,suggèrent que « rien n’avait corrompu la classe ouvrière allemande autant que la notionqu’elle évoluait avec le courant» et soulignait le besoin de « détruire le continuumde l’histoire».

67 - Foucault, Michel, «Nietzsche, genealogy, history», in Rabinow, P. (éd.), The Fou-cault reader, New York, Penguin, 1984, pp. 8788.Google Scholar

68 - Deux exemples supplémentaires. La solidarité de caste fut remplacée par la solida-rité de classe alors que la sabhaKshatriya Rajbansi opposée à l’élite s’effondrait face aumouvement Tebhaga au milieu des années 1940 ; pourtant, celle-ci a récemment connuun certain renouveau grâce à un mouvement Kantapur en faveur de l’autonomie régio-nale. Le réformisme lié au genre a été marginalisé par le nationalisme dans sa phaseextrémiste, mais j’ai soutenu dans un récent article qu’il y a eu un renouveau considé-rable, et même un prolongement de ces préoccupations après le déclin Swadeshi (SUMITSARKAR, «Nationalism and Stri-Swadhinata: The contexts and meanings of Rabindra-nath's Ghaire Baire», in ID., Beyond nationalist frames, op. cit.).

69 - Gramsci, Antonio, Selections from the prison notebooks, édité par Quintin Hoare et Geoffrey Nowell-Smith, New York, International Publishers, 1971, p. 323.Google Scholar

70 - J. C. Jack, l’administrateur de Gaurnadi dont les supérieurs avaient fait échouer lestentatives de changement du mode de règlement des fermages, fait explicitement cetteremarque lorsqu’il décrit ses fonctions dans le district voisin : Jack, J. C. (éd.), Faridpursettlement report, Calcutta, Government of Bengal, 1916.Google Scholar

71 - Sarkar, Tanika, Bengal 1928-1934: the politics of protest, Delhi, Oxford University Press, 1987, pp. 4041.Google Scholar

72 - On lira CHARLES TAYLOR, «The politics of identity», in Gutman, A. (éd.),Multicultu-ralism: examining the politics of identity, Princeton, Princeton University Press, [1992] 1994,pp. 2573.Google Scholar

73 - Il serait peut-être utile de rappeler certains chiffres et textes qui sont presquetombés dans l’oubli. Que faire ?, de Lénine, a opposé l’hégémonie à l’économisme, lesocialisme à la conscience des syndicats, et a appelé les sociaux-démocrates à devenir lestribuns du peuple. Gramsci a affiné cette distinction en parlant de moments économico-corporatistes et hégémoniques. Plus récemment, les analyses de l’hégémonie se sontplutôt attachées à la question du pouvoir ne s’exerçant pas seulement par simple coercition, mais par la production efficace d’un consentement intériorisé, fait de persuasion :soit Gramsci, vu à travers Althusser et Foucault. Pour prendre un seul exemple, lepremier sens du mot hégémonie est pratiquement omis dans Hawthorn, Jeremy, Aglossary of contemporary literary theory, Londres, Edward Arnold, 1992,Google Scholar en général si utile.

74 - Cf. Moody-Adams, M., Fieldwork in familiar places…, op. cit., p. 21.Google Scholar