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Sur le pouvoir symbolique

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

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Né de l'effort pour présenter le bilan d'un ensemble de recherches sur le symbolisme dans une situation scolaire d'un type particulier, celle de la conférence dans une université étrangère (Chicago, avril 1973), ce texte ne doit pas être lu comme une histoire, même scolaire, des théories du symbolisme, ni surtout comme une sorte de reconstruction pseudo-hégélienne de la démarche qui aurait conduit, par dépassements successifs, vers la « théorie finale ».

Si « l'immigration des idées », comme dit Marx, se fait rarement sans dommage, c'est qu'elle sépare les productions culturelles du système de repères théoriques par rapport auxquels elles se sont définies, consciemment ou inconsciemment, c'est-à-dire du champ de production balisé par des noms propres ou des concepts en -isme qu'elles contribuent toujours moins à définir qu'il ne les définit.

Summary

Summary

This text attempts to identify the theoretical landmarks which are necessary to the elaboration of a theory of symbolic power. First, the neo-Kantian tradition (Humbolt-Cassirer or its American variant, Sapir-Whorf) which treats the various “symbolic forms” (myth, language, art, science) as means of understanding and structuring the world, that is, as “structuring structures” (structure structurée). Second, structural analysis, which tries to grasp the logic specific to each of these symbolic products. This can be seen, for example, in the conception which Saussure, founder of this tradition, had of language as a “structured structure” (structure structurée). Finally, the last two traditions: the Durkheimian tradition which sees symbolic forms as instruments providing logical and social integration which contribute to the reproduction of the social order, and the Marxist tradition which reveals that systems of symbols function politically as instruments of domination. Symbolic power, which can only be analyzed in terms of the division of labor among the different agencies of domination, is a dominated power. It makes its own contribution to social order by representing the other forms of power (economic and political) in a form which is disguised and therefore seen as legitimate.

Type
Inter-Sciences
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1977

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References

Notes

1. On pense au sens étymologique de katègoreisthai tel que le rappelle Heidegger : accuser publiquement ; et du même coup à la terminologie de la parenté, exemple par excellence de catégories sociales (termes d'adresse).

2. La tradition néo-phénoménologique (Schütz, Peter Berger) et certaines formes de l'ethnométhodologie acceptent les mêmes présupposés par le seul fait d'omettre la question des conditions sociales de possibilité de l'expérience doxique (Husserl) du monde (et en particulier du monde social), c'est-à-dire de l'expérience du monde social comme allant de soi (taken for granted, comme dit Schütz).

3. Les prises de position idéologiques des dominants sont des stratégies de reproduction tendant à renforcer dans la classe et hors de la classe la croyance dans la légitimité de la domination de la classe.

4. L'existence d'un champ de production spécialisé est la condition de l'apparition d'une lutte entre l'orthodoxie et l'hétérodoxie qui ont en commun de se distinguer de la doxa, c'est-à-dire de l'indiscuté.

5. C'est échapper aussi à l'ethnologisme (visible en particulier dans l'analyse de la pensée archaïque) qui consiste à traiter les idéologies comme des mythes, c'est-à-dire comme des produits, indifférenciés d'un travail collectif, et de passer ainsi sous silence tout ce qu'elles doivent aux caractéristiques du champ de production (e.g. dans la tradition grecque, les réinterprétations ésotériques des traditions mythiques).

6. Les symboles du pouvoir (vêtements, sceptre, etc.) ne sont que du capital symbolique objectivé et leur efficacité est soumise aux mêmes conditions.

7. La destruction de ce pouvoir d'imposition symbolique fondé sur la méconnaissance suppose la prise de conscience de l'arbitraire, c'est-à-dire le dévoilement de la vérité objective et l'anéantissement de la croyance : c'est dans la mesure où il détruit les fausses évidences de l'orthodoxie, restauration fictive de la doxa, et en neutralise le pouvoir de démobilisation, que le discours hétérodoxe enferme un pouvoir symbolique de mobilisation et de subversion, pouvoir d'actualiser le pouvoir potentiel des classes dominées.