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Rente, famille, innovation Contribution a la sociologie du grand domaine noble au XIXe siècle*

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Alain Guillemin*
Affiliation:
EHESS/Marseille

Extract

L'historiographie du xixe siècle, du moins en ce qui concerne la France, a généralement négligé l'étude des grands domaines et, de ce fait, mal évalué le rôle que leurs possesseurs ont joué dans la transformation de l'agriculture, minimisant, d'une part, le poids économique, politique et social de la grande propriété foncière après 1830, tendant, d'autre part, à enfermer la majorité de ces grands propriétaires, en particulier les représentants de la noblesse dans le stéréotype du rentier oisif et négligent. Or, si l'on ne considère plus, a priori, les membres de l'aristocratie foncière comme de simples percepteurs de rente, on observe que, même dans les régions où leur emprise sur la terre est faible, ils se soucient fréquemment d'amélioration agricole. C'est non seulement le cas dans la France du Nord et du Nord-Ouest, mais encore dans certaines régions méridionales, comme la Provence, en dépit des succès politiques du radicalisme .

Summary

Summary

In French rural society during the first two thirds of the 19th century a number of the great aristocratic landowners, far from simply living off their rents, frequently concerned themselves with agricultural innovation. This innovative practice such as is found in la Manche, a departement in lower Normandy, is sustained by an original rationale, the examination of which is indispensible for an understanding of the connections existing between peasants and nobles. More specifically, the representatives of the landed nobility, in establishing privileged relationships with the most advanced of the superior fringe of the peasantry while opposing the excesses of liberalism in the name of a paternalistic vision of society, succeeded not only in keeping themselves in power but also in perpetuating their status as social models and in integrating themselves into the community of notables or the great rural bourgeoisie.

Type
L'Économie Rurale
Copyright
Copyright © École des hautes études en sciences sociales Paris 1985

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Footnotes

*

Cet article est une version revue et complétée de l'un des chapitres du rapport collectif sur le cas français, présenté au vme Congrès international d'histoire économique de Budapest (août 1982) dans le cadre du thème Al : « Grands domaines et petites exploitations. Seigneurs et paysans en Europe, du Moyen Age à l'Époque moderne ». Dans sa première version, il a bénéficié dans son élaboration, des remarques des membres du groupe de travail constitué par Joseph Goy, tout particulièrement J. Andreau, M. Aymard, J.-P. Desaive, R. Hubscher, G. Postel-Vinay, que je tiens ici à remercier.

References

Notes

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3. Dès le début de la monarchie de Juillet, les agriculteurs rassemblent une part notable des électeurs censitaires de la Manche ; en 1851, le pourcentage des propriétaires exploitants vivant des ressources de leurs exploitations atteint 44 % de la population active agricole masculine dans le département, alors que cette proportion, à l'exception de l'Ille-et-Vilaine, est inférieure au quart dans les départements bretons, de même que dans les autres départements normands et ceux du Maine.

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10. Alors qu'en moyenne, au niveau départemental les prairies permanentes passent, entre 1840 et 1862, de 15,8 % à 18 % du territoire agricole utile, dans les grands domaines, elles rassemblent des surfaces proportionnellement beaucoup plus importantes. Sur le domaine de Canisy, en 1859, les terres en herbe couvrent 54 % de la surface totale de l'exploitation, 61 % de celles de la réserve, à Martinvast, dès 1847, ces proportions sont respectivement de 25 et 63 %.

11. Comte de Sesmaisons, op. cit., p. 78.

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15. J.F.H. de Kergolay, op. cit., p. 20.

16. Ibid., p. 2.

17. Ibid., p. 2.

18. Comte de Sesmaisons, op. cit., p. 78.

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20. On entend ici par mode de production féodal un système économique et social à dominante agraire, aux forces productives médiocres et à commercialisation restreinte, où le prélèvement du surproduit du travail sur les petites exploitations paysannes majoritaires est assuré par une contrainte à la fois économique et extra-économique, au profit de catégories dominantes définies juridiquement. Cf. à ce sujet, Bois, G., Crise du féodalisme, Paris, Fondation nationale des Sciences politiques, 1976, p. 355;Google Scholar Kula, W., Théorie économique du système féodal. (Pour un modèle de l'économie polonaise des XVIe-XVIIIe siècles), Paris, Éditions sociales, 1967, p. 87.Google Scholar

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23. Comte de Sesmaisons, op. cit., p. 78.

24. H. de Kergolay, op. cit., p. 23.

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