1. On tâchera de ne pas tomber dans le paradoxe de faire le compte rendu plus long que le livre. Pour une discussion critique plus centrée sur les usages de la notion dans l'analyse politique, cf. Ponton, R., « Une histoire des sociabilités politiques » (à propos de Agulhon, M., Le Cercle dans la France bourgeoise, 1810-1848, Paris, A. Colin, 1977)Google Scholar, Annales E.S.C., n° 6, 1980, pp. 1269-1280.

2. On se souvient des critiques de Simiand contre les objections historiennes ou historicistes qu'il qualifiait de « plaisanteries nominalistes » (l'Église, la famille n'existent pas, mais seulement le clergé, les membres de la famille, etc.), « Méthode historique et sciences sociales », Revue de Synthèse historique, 1903, p. 11.

3. L'étude de la politisation, formation de la conscience de classe, de l'organisation de son expression politique, suppose une analyse sociologique de l'intégration des classes (échanges sociaux, mécanismes assurant l'intégration morale et intellectuelle, conditions de la formation d'attitudes et d'opinions politiques partagées). Les traditions de disciplines, sens communs savants, reposent souvent sur des abstractions complémentaires et complices (que, du coup, elles entretiennent). Il en est ainsi pour la double abstraction de la vie publique et de la politique officielle d'un côté, de la vie quotidienne et privée, qui en est le double fantasmagorique ; hyper-politique d'un côté, dans l'empyrée, infra-politique de la vie privée de l'autre sur le sol faussement concret de l'existence individuelle.

4. Gusfoeld, J., Symbolic Crusade, Urbana, University of Illinois Press, 1963 Google Scholar. Peut-être aussi certaines études des appareils d'encadrement religieux et scolaires de la classe ouvrière, menées par des spécialistes de l'éducation ou de l'histoire religieuse (cf. par exemple notre compte rendu de Laqueur, T. W., Religion and Respectability. Sunday-Schools and Working- Class Culture, 1780-1850, dans Annales ES. C, n° 6, 1979, pp. 1268–1275)Google Scholar.

5. Cf. la note critique de R. Ponton, loc. cit.

6. Parmi les groupes porteurs de cette vision, on peut citer pêle-mêle une couche d'entrepreneurs agricoles, de jeunes paysans ayant à innover pour se reproduire (vision aiguisée par les conflits de génération et les luttes pour la définition du moment de la succesion) ; des technocrates organisant l'industrialisation de l'agriculture et la planification de la production agricole, le passage à un nouveau stade de l'économie de marché ; des conseillers modernisateurs, agents d'encadrement divers liés à cette politique ; des experts internationaux et américains dans la phase de reconstruction de l'immédiat après-guerre. Peut-on considérer — hypothèse provisoire — les sociologues ruraux comme intellectuels organiques, pour parler comme Gramsci, de tel ou tel de ces groupes ? Ce n'est pas disqualifier la problématique de la modernisation que de dire qu'elle est contemporaine du plan Marshall ; mais on ne peut non plus récuser la mise en relation en faisant valoir que le rapport est lointain.

7. Il faudrait ajouter à ces diverses raisons celles, plus théoriques, qui tiennent à la problématique implicite des modèles d'analyse : présupposés évolutionnistes et holistes des études d'acculturation, et des études de diffusion des innovations, deux références majeures pour les études de sociologie rurale. On pourait analyser ainsi l'étude de H. Mendras sur l'introduction du maïs hybride au Béarn (tension entre une logique culturaliste — fidélité aux valeurs traditionnelles — et une logique économique — conditions économiques et sociales de l'intérêt pour et à l'innovation ; tension entre un schème d'analyse renvoyant à l'opposition progrès/ routine, et l'attention aux conditions, économiques et culturelles de l'adaptation et de l'adaptabilité ; tension entre une représentation holiste et unanimiste de la communauté rurale et une analyse des divisions et des contradictions d'intérêt à l'intérieur de la société rurale, et de leur relation avec les divisions de la société urbaine environnante ; cf. La Fin des paysans, Paris, A. Colin, 1970 (1^re éd. 1967), pp. 121- 155.

8. Pour des suggestions plus précises de périodisation et quelques justifications, cf. mes articles, « Les usages urbains de l'espace rural : du moyen de production au lieu de récréation », Revue française de Sociologie, XXI, 1, 1980, pp. 97-119, et (pour la relation entre l'histoire sociale et l'histoire culturelle du symbole paysan), « L'image du paysan dans l'œuvre de J.-F. Millet : dénonciation de la misère du prolétariat agricole ou morale du labeur », ronéo, E.N.S./E.H.E.S.S., 1977, 2^e version dans Actes de la Recherche en Sciences sociales, n° 17-18, 1977, pp. 6-28.

9. Ce n'est pas seulement en sociologie rurale que se rencontre l'explication par le besoin de sociabilité. J'ai proposé, dans une étude menée en collaboration avec M. Lemaire, et en prenant aussi, dans ce cas, à la différence de la critique pure avancée ici, le risque de la construction d'une autre explication, une analyse des effets de l'explication des relations sociales par le besoin de sociabilité en sociologie urbaine (” Proximité spatiale et distance sociale : les grands ensembles et leur peuplement », Revue française de Sociologie, XI, 1, 1970, pp. 3-33).

10. Les travaux de Redfield doivent beaucoup, il semble, à la problématique des études urbaines de l'École de Chicago, contexte intellectuel de formation et contexte académique d'exercice de R. Redfield. En deçà, c'est Simmel qu'il faudrait interroger sur la constitution de ces couples d'oppositions ; en deçà encore Tönnies ; ainsi que — pourquoi pas ? — les structures mythiques de certaines représentations populaires (par exemple l'opposition du paysan et du Juif errant). (Sur Simmel et l'École de Chicago, cf. Grafmeyer, Y. et Joseph, I., édition et présentation, L'École de Chicago, Paris, Le Champ urbain, 1979 Google Scholar.)