Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
En août 1796 Jacob Pardo, modeste employé d'une vingtaine d'années, épousait secrètement Corona Luzzatto, la fille encore adolescente d'Elia Moïse Luzzatto, riche et puissant négociant de Trieste. Mais leur union fut éphémère car le père de la jeune fille y fit opposition. Il objecta que la cérémonie traditionnelle juive —le marié récitant les formules rituelles en hébreu et passant un anneau au doigt de l'épousée devant deux témoins laïques— avait, en la circonstance, violé les réformes du mariage récemment promulguées par Joseph II. Moins de deux ans plus tard, Benedetto Frizzi, médecin d'âge mûr, défenseur des Lumières, voulut épouser Relle Morschene, fille d'un autre négociant aisé. Bien que la loi juive interdît cette union — car Frizzi était kohen, descendant des anciens prêtres israélites, et Relle était divorcée — le couple soutint que les nouvelles lois d'État sur le mariage pouvaient la sanctionner.
This article considers Jewish emancipation, tradition and modernity through the issue of marriage law and family formation, specifically the effects upon Jews of the modem state's transfer of marriage from religious to civil law. From archivai and rabbinic sources, it reconstructs and analyzes the cases of two couples in late 18th century Trieste whose unusual situations precipitated struggles between the Jewish community and the state over which marriage law — Habsburg or Jewish — would effectively prevail. It explores how individuals’ choices were constrained by laws, custom, parental authority, public opinion and social class. It shows that the défense of Jewish marriage law in the face of the enlightened absolutist state also entailed redefinition of tradition and incipient secularization.
1. Sur la Ehepatent du 16 janvier 1783 voir Macartney, C. A., The Habsburg Empire 1790-1918, Londres, 1968, pp. 120–121 Google Scholar. Pour le Code civil, voir Codice ossia Collezione sistematica Di tutte le Leggi, ed Ordinanze emanate sotto il Regno di Sua Maestà Imperiale Giuseppe II, tanto in affari secolari, quanto ecclesiastici…, tr. Bartolommeo Borroni, Milan, 1787, 3 : 98-119, en particulier les sections 1, 3, 6, 29, 31, 35.
2. Pour la lettre de Joseph II du 13 mai 1781 définissant l'objectif du programme, voir Pribram, A. F., Urkunden und Akten zur Geschichte der Juden in Wien, Vienne-Leipzig, 1918, 1:440–442 Google Scholar, et Blanning, T. W. C., Joseph II and Enlightened Despotism, Londres, 1970, pp. 142–144 Google Scholar. Les mesures spécifiques comprenaient des écoles normales sous l'égide de l'État, l'usage obligatoire de l'allemand dans les affaires officielles, la conscription militaire, et la fin des ghettos fermés. Sur l'abolition des tribunaux civils juifs ainsi que d'autres systèmes de tribunaux séparés, voir A. F. Pribram, Urkunden…, op. cit., 1: 525, et Bernard, Paul P., Joseph II, New York, 1969, pp. 95–96 Google Scholar. Pour d'autres commentaires sur le programme de Tolérance, voir A. F. Pribram, Urkunden…, op. cit., 1 :442-494 ; Mahler, Raphael, A History of Moden Jewry 1780-1815, New York, 1971, pp. 229–232, 235-237, 253-258, 274-275, 330-333Google Scholar ; Karniel, Joseph, « Zur Auswirkung der Toleranzpatente für die Juden in der Habsburgermonarchie im Josephinischen Jahrzehnt », dans Barton, Peter éd., Im Zeichen der Toleranz, Studien und Texte zur Kirchengeschichte und Geschichte, 2e sér., Vienne, 1981, 8 : 203–220 Google Scholar, et pour un traité plus détaillé J. Karniel, Die Toleranzpolitik Kaiser Josephs, Gerlingen, 1986.
3. A. F. Pribram, Urkunden…, op. cit., 1 : 530 et 543-544, et 528-548 pour une approche plus générale de l'application en 1785-1786 de la Patente de Mariage aux juifs. Pour Trieste en particulier voir Ast, C. R. Gov., b. 621, 18 avril 1785, avec N. 3682 (cette copie indique de façon erronnée 1786), et b. 620, N. 3268, pour une copie imprimée de la Patente du 3 mai 1786. Pour des résumés de la législation matrimoniale des Habsbourg concernant les juifs, voir Scherer, J. G., Ûbersicht der Judengesetzgebung in Ôsterreich vom 10. Jahrhundert bis auf die Gegenwart, Vienne, 1895, p. 23 Google Scholar ; Cervani, Giulio et Buda, L., La comunità israelitica di Trieste nel sec. XVIII, Udine, 1973, pp. 60–63 Google Scholar ; Freimann, Abraham Hayim, Seder qiddouchim venesouin, Jérusalem, 1964 Google Scholar, copie offset de la 1re éd., Jérusalem, 1945, pp. 312-313 ; Graff, Gil, Separation of Church and State : Dina de-Malkhuta Dina in Jewish Law, 1750-1848, University, Ala., 1985, pp. 40–47.Google Scholar
4. A. F. Pribram, Urkunden…, op. cit., 1: 529 et 533 ; et Landau, Ezekiel, Das mosaischtalmudische Eherecht, Leipzig, 1900 Google Scholar, tr. Shenblum, Z. V., Houqei ha-ichout al pi dat Moche veha- Talmud, Munkacz, 1902-1903 Google Scholar, rééd. Jérusalem, 1968, avec Yekoutiel Aryeh Kamelhar, Mofet ha-dor, clause 6 sur les mineurs.
5. Le Sanhédrin, composé de juifs français et de juifs italiens sous domination française, ratifia la suprématie de l'État dans la loi sur le mariage, décrétée en 1802, quand Napoléon Bonaparte ordonna aux rabbins de ne célébrer les cérémonies religieuses de mariage qu'après les cérémonies civiles. Voir Tama, M. Diogène éd., Collection des procès-verbaux et décisions du Grand-Sanhédrin, Paris, 1807 Google Scholar ﹛Transactions of the Parisian Sanhedrim [sic], tr. F. D. Kirwan, Londres, 1807, pp. 152-154, 290) ; Schwarzfuchs, Simon, Napoleon, the Jews and the Sanhedrin, Londres-Boston-Henley, 1979, pp. 67–71 Google Scholar ; A. H. Freimann, Seder…, op. cit., pp. 325-327 ; G. Graff, Separation…, op. cit., pp. 82-85, 92 et 183, n. 86. Sur le problème, plus généralement, à l'époque moderne, voir A. H. Freimann, Seder…, op. cit., pp. 310-379, et Landman, Leo, Jewish Law in the Diaspora : Confrontation and Accommodation, Philadelphie, 1968, pp. 137–143 Google Scholar. Sur les interventions de l'État dans la loi matrimoniale juive en d'autres lieux, voir : (1) pour le Brandebourg et la Prusse, Baron, Salo W., The Jewish Community : Its History and Structure to the American Revolution, 3 vols, Philadelphie, 1964, 2 : 210–211 Google Scholar, et Katz, Jacob, Out of the Ghetto : The Social Background of Jewish Emancipation 1770-1870, Cambridge, Ma., 1973, 167 Google Scholar (Hors du ghetto, tr. J.-F. Sené, Paris, 1984, pp. 180-181) ; (2) pour l'Italie, Colorni, Vittore, Legge ebraica e leggi locali. Ricerche sull'ambito d'applicazione del diritto ebraico in Italia dall'epoca romana al secolo xix, Milan, 1945, pp. 181–197 Google Scholar, en particlier pp. 195-197 ; (3) pour l'Angleterre, Kochan, Lionel, Jews, Idols and Messiahs : The Challenge from History, Oxford-Cambridge, Ma, 1990, pp. 105–108 Google Scholar ; pour l'Egypte, Zohar, Zvi, Halakhah ou-modernizatsiyah. Darkhei hei'anout hakhmei Mitsrayim le-etgarei ha-modernizatsiyah 1822-1882, Jérusalem, 1982, pp. 125–143.Google Scholar
6. Ces thèmes ont été abordés par Katz, Jacob, « Nissouim ve-hayyei ichout be-motsai yeme ha-beinayim », Zion, 10, 1945, pp. 21–54 Google Scholar, en particulier pp. 47-54, et dans des versions abrégées en anglais « Family, Kinship and Marriage among Ashkenazic Jews : the Sixteenth to Eighteenth Centuries », Journal of Jewish Sociology, 1, 1959, pp. 4-22, et Tradition and Crisis : Jewish Society at the End ofthe Middle Ages, New York, 1971, pp. 135-148 (et 2e éd., tr. Bernard Dov Cooperman [New York, 1993]) ; Biale, David, « Love, Marriage and the Modernization of the Jews », dans Raphael, Marc Lee éd., Approaches to Modem Judaism, Brown Judaic Studies, n° 49, Chico, 1983, pp. 1–17 Google Scholar ; et Kaplan, Marion, « For Love or Money : The Marriage Stratégies of Jews in Impérial Germany », Léo Baeck Institute Yearbook, 28, 1983, pp. 263–300 Google Scholar, article repris dans Kaplan, Marion, The Making of the Jewish Middle Class : Women, Family, and Identity in Imperial Germany, New York-Oxford, 1991, pp. 85–116 Google Scholar. Certains articles dans Steven M. Cohen et Hyman, Paula E. éds, The Jewish Family : Myths and Reality, New York-Londres, 1986 Google Scholar, s'intéressent à la tradition et à la modernité mais non à l'émancipation.
7. Archivio delia Comunità di Mantova, f. 198, lettre du 6 juillet 1785 de la communauté juive de Trieste à celle de Mantoue.
8. CAHJP, HM 5804A, ff. 90v-91r, N. 463, 23 juillet 1786. Les devoirs du rabbin en ce qui concerne « naissances, décès, mariages et divorces » ainsi que stipulés par l'Etat furent inclus dans le statut suivant de la communauté en 1792 (ch. VIII, art. I) ; Zotta, Maria Fausta Maternini, L'ente comunitario ebraico. La legislazione negli ultimi due secoli, Milan, 1983, p. 256 Google Scholar. Une comparaison entre les réactions des catholiques et celles des juifs aux réformes sur le mariage de Joseph II sortirait du cadre de cet article. A propos des réticences du clergé dans les années 1780-1790, voir Maass, Ferdinand, Der Josephinismus, Vienne-Munich, 1957, vol. 4 Google Scholar, passim ; et Hasquin, Hervé, « La Tolérance et la question du mariage » dans Crahay, Roland éd., La tolérance civile, colloque international à l'Université de Mons, 2-4 septembre 1981, Bruxelles, 1982, pp. 129–138 Google Scholar (pour la Belgique). Pour Trieste, voir F. Maass, Der Josephinismus, op. cit., pp. 182-183 et Tamaro, Attilio, « Documenti di storia triestino del secolo XVIII », Atti e memorie delia società istriana di archeologia e storia patria, 41, 1929, p. 208 Google Scholar ; l'évêque Inzaghi de Trieste exprima son inquiétude au sujet des mariages entre catholiques et non catholiques, et de l'absence de toute protection légale pour les jeunes filles séduites dues à l'invalidation des promesses de mariage faites en privé.
9. Sur la limitation du nombre des mariages en d'autres lieux, voir R. Mahler, A History…, op. cit, pp. 246, 250, 323. Voir A. F. Pribram, Urkunden…, op. cit, 1: 576-577, et Ast, C. R. Gov., b. 620, N. 2556 (2 mai 1786), N. 3107 (27 mai 1786), et N. 3567 (17 juin 1786), sur le décret de 1786 imposant comme exigence la fréquentation d'une école normale d'État. Les juifs triestins en étaient dispensés parce qu'ils n'avaient nul besoin d'une autorisation de l'État pour se marier.
10. Jacob Katz utilisa pour la première fois le terme « société neutre » dans Tradition and Crisis et le modifia ensuite en « société semi-neutre » dans Out of the Ghetto (Hors du ghetto), voir ch. 4. Michael K. Silber l'appliqua à la sphère politique dans « The Enlightened Absolutist State and the Transformation of Jewish Society : State Schools, Military Conscription, and the Emergence of a Neutral Polity in the Reign of Joseph II », conférence présentée au Colloque « Tradition and Crisis Revisited : Jewish Society and Thought on the Threshold of Modernity », Harvard University, 11-12 octobre 1988, et à paraître dans les Actes du colloque.
11. Sur la communauté juive de Trieste au VXIIIe siècle, voir de Antonellis Martini, Liana, Portofranco e comunità etnico-religiose nella Trieste settecentesca, Milan, 1968 Google Scholar ; Giulio Cervani, « Gli Ebrei a Trieste nella seconda metȁ del Settecento », dans Gli Ebrei a Gorizia e Trieste tra ‘Ancien Régime’ ed Emancipazione, Atti del Convegno di Gorizia, 13 Giugno 1983, éd. Pier Cesare Ioly Zorattini, Udine, 1984, pp. 13-28 ; G. Cervani, L. Buda, La Comunità…, op. cit. ; Curiel, Riccardo, « Gli ebrei dei Trieste nel secolo XVIII », RMI, 12, 1938, pp. 239–255 Google Scholar ; Stock, Mario, « Giuseppe II d'Austria e l'emancipazione ebraica », RMI, 39, 1973, pp. 369–372 Google Scholar. Les effets du programme de Joseph II à Trieste sont un des thèmes majeurs de mes travaux : voir Dubin, Lois C., « Trieste and Berlin : The Italian Rôle in the Cultural Politics of Haskalah », dans Katz, Jacob éd., Toward Modernity : The European Jewish Model, New Brunswick, NJ-Oxford, 1987, pp. 189–224 Google Scholar ; « The Ending of the Ghetto of Trieste in the Late Eighteenth Century », dans P. C. Ioly Zorattini et G. Todeschini éds, 77 mondo ebraico : Gli ebrei tra Italia nord-orientale e ITmpero absburgico dal Medio evo all'Età moderna, Pordenone, 1991, pp. 287-310 ; et mon ouvrage Enlightenment, Absolutism and the Jews of Trieste, Stanford, Stanford University Press, à paraître.
12. L'affaire Luzzatto-Pardo a déjà fait l'objet de récits, mais ceux-ci sont brefs et sans analyse : Spiegel, Guido, « Un matrimonio contestato » RMI, 8, 1933-1934, pp. 444–447 Google Scholar ; G. Cervani, L. Buda, La Comunità…, op. cit., pp. 59-62 ; Zoller, Israël, «Il Principe arcivescovo Sigismondo Hohenwart ed il suo attegiamento verso l'ebraismo », PO, 3, 1933, pp. 16–23 Google Scholar ; A. H. Freimann, Seder…, op. cit., pp. 313-320 ; G. Graff, Separation…, op. cit., pp. 48-51. Mon récit les complète en se fondant sur des sources nouvelles : (1) les épais dossiers d'archives de Trieste (Ast, C. R. Gov., b. 621, Ebrei 1791-1800, et b. 622, Ebrei 1801-1809) et de Vienne (Hofk., Kommerz rot 502, Litorale Fasz. 26/1, 1750-1797) ; (2) les responsa et correspondances manuscrites rabbiniques.
13. Le rabbin Raffael Nathan Tedesco consulta Eleazar Fleckeles de Prague, Ishmael Kohen de Modène, Abraham Jona de Venise, et les rabbins de Livourne, entre autres. Voir Fleckeles, Eleazar, Techouvah me-ahavah, Prague, 1809, 1 : n° 117 Google Scholar ; HUC, Laudadio Sacerdote [Ishmael Kohen] Collection 6/3 [Responsa, novellae, décisions], « Copy of décisions about the marriage in Trieste ».
14. Luzzatto avait été à plusieurs reprises membre du Petit Conseil [la Ristretta Consulta] de la communauté et également capo, c'est-à-dire l'un de ses trois reponsables officiels. En fait il était capo à l'époque du mariage de sa fille, mais dans l'atmosphère de crise qui s'ensuivit (” des circonstances actuelles très difficiles [exigeant le] salut des droits juifs [nazionali] »), il fut contraint de se démettre et de nouvelles élections eurent lieu. Il conserva cependant son siège au Conseil. CAHJP, HM 2/5833 : N. 67, et ff. 179, 581.
15. AST, C. R. Gov., b. 621, N. 3353, Inquisizione Politica contro Jacob Bardo [sic] e Corona figlia d'EUia Moise Luzzatto, 31 août 1796, et N. 3682, 10 novembre 1796.
16. HUC, Laudadio Sacerdote Collection 6/3, lettre de Menahem (Emanuel) Samuel Poggibonsi à Ishmael Kohen, 15 Sivan (18 juin) 1799.
17. AST, C. R. Gov., b. 621, N. 3352, 8 octobre 1796.
18. Sur Raffael Nathan fils du rabbin Isaac Tedesco (Achkenazy), c. 1750-1800, voir Ghirondi, Mordecai Samuel et Nepi, Hananel, Toledot gedolei Yisrael ou-geonei Italya… [et] Zekher tsaddiqim li-verakha, Trieste, 1853, pp. 274–276 Google Scholar ; Steinschneider, Moritz, « Die italienische Literatur der Juden », Monatsschrift für Geschichte und Wissenschaft des Judentums, 44, 1900, pp. 83–84 Google Scholar ; Sabbadini, Salvatore, I primi passi délia scuola ebraica triestina. Per nozze Levi- Morpurgo XXXI Décembre MCMXVI, Trieste, 1916 Google Scholar ; Colbi, P. S., « Teqoufat ha-zohar chel hasifrout ha-ivrit be-ir Trieste », Sinai, 83, 1978, p. 74 Google Scholar ; Zoller, Israel, « L'età d'oro nella storia délia Comunità israelitica di Trieste », Il Corriere israelitico, 52, 1913-1914, p. 143.Google Scholar
19. AST, C. R. Gov., b. 621, N. 972, Luzzatto au Gouverneur, 8 janvier 1799 ; HUC, Laudadio Sacerdote Collection 6/3 : III (5), lettre d'Abraham Jona à Ishmael Kohen, 27 EUul (27 septembre) 1799. Voir également She'elot ou-techouvot Hatam Sofer, Presbourg, 1865, Even haezer, n° 108.
20. En décembre 1800 Corona Luzzatto avait épousé un autre homme, et au début de 1801 la mère de Pardo reçut l'autorisation permettant à son fils de rentrer à Trieste ; AST, C. R. Gov., b. 622, N. 5498, 5 janvier 1801, et N. 264/167, 17 janvier 1801, et C. R. Gov., protocollo 1290 de 1800,1 mars 1801. Le testament (10 juin 1817) et les actes de décès (mort le 15 septembre 1817) de Pardo montrent qu'il s'était marié à la fin de 1802 ; AST, Archivio notarile, série Testamenti, b.12, n. 1503, et AST, Giudizio Civico e Provinciale, Atti liberi, b. 442.
21. J. Katz, « Family… », art. cit., pp. 4-10.
22. AST, C. R. Gov., b. 621, N. 1015, 5 janvier 1797. Voir également AST, C. R. Gov., b. 621, N. 2115, 31 octobre 1796, et N. 779, 9 décembre 1796.
23. AST, C. R. Gov., b. 621, N. 1015, 5 janvier 1797.
24. AST, C. R. Gov., b. 621, N. 779, 9 décembre 1796.
25. Id.
26. Id., paraphrase dans G. Spiegel, « Un Matrimonio… », art. cit., p. 446.
27. Cf. la description de la réaction traditionaliste à cette époque que donne J. Katz dans Hors du ghetto…, op. cit., p. 170 (Out ofthe Ghetto, p. 156) : « [Les rabbins] tentèrent bien… de prévenir toute transgression de leurs coutumes mais, une fois les dispositions légales prises par les autorités, ils acceptèrent l'inévitable, et cessèrent toute résistance en attendant de trouver la façon de tourner la loi ».
28. AST, C. R. Gov., b. 621, N. 3682,15 novembre 1796, Elia Moïse Luzzatto au gouverneur Brigido.
29. Hofk., Kommerz r. 502, f. 686r, 17 janvier 1797, Elia Moïse Luzzatto au gouverneur et à l'Empereur.
30. AST, C. R. Gov., b. 621, N. 3682, Elia Moïse Luzzatto au gouverneur Brigido, 15 novembre 1796.
31. Hofk., Kommerz r. 502, f. 696v, Elia Moïse Luzzatto à l'Empereur, 17 janvier 1797. Sur le développement et le sens de ce slogan, voir Katz, Jacob, « A State within a State : The History of an Anti-Semitic Slogan », The Israël Academy of Sciences and Humanities, Proceedings, 4, 1971, pp. 32–58.Google Scholar
32. C'était l'un des capi qui signèrent, le 25 Sivan (1er juillet) 1788, la lettre des juifs de Trieste en faveur de la conscription ; CAHJP, HM 5193, f. 216, n° 1, et Ha-Measef, 4,1787-1788, pp. 386-388.
33. AST, b. 621, N. 3682, 16 décembre 1797, rapport du gouvernement de Trieste.
34. Voir, en particulier, AST, C. R. Gov., b. 621, rapports de Trieste à Vienne, N. 4105, 17 décembre 1796, et N. 108, 14 janvier 1797 (N. 108 également dans Hofk., Kommerz r. 502, ff. 709r-711v, 715v) ; et Hofk., Kommerz r. 502, décrets de Vienne, ff. 677r-678v, 16 février 1797, 82/4 (également dans AST, C. R. Gov., b. 621, N. 779, 11 mars 1797), et ff. 707r-708v, 714, 11 mai 1797 (également dans AST, C. R. Gov., b. 621, N. 1015, 3 juin 1797).
35. AST, C. R. Gov., b. 620, N. 5324, de Pittoni, chef de la police, au gouverneur, 5 août 1789. La communauté juive et le gouvernement local de Trieste correspondaient fréquemment au sujet de personnes apparentées souhaitant se marier.
36. Décret 82/4 du 16 février 1797 de Vienne dans Hofk., Kommerz r. 502, ff. 677r-678v, et dans AST, C. R. Gov., b. 621, N. 779, 11 mars 1797.
37. AST, C. R. Gov., b. 621, N. 3682,16 décembre 1797, rapport du gouvernement de Trieste à Hofkanzlei. Le gouvernement semblait ignorer qu'à Trieste même en juillet 1795 — un an avant le malheureux mariage Luzzatto-Pardo— les chefs de la communauté avaient décidé, « suivant l'exemple d'autres lieux », d'exercer un contrôle plus fort sur les mariages, à savoir d'exiger des futurs époux qu'ils sollicitent l'autorisation des capi et qu'ils donnent la preuve de moyens d'existence suffisants avant de demander au rabbin de publier les bans ; CAHJP, HM 2/5833, ff. 148-150, 26 et 31 juillet 1795. Nous ignorons si cette procédure fut appliquée et comment. Aucune des parties concernées n'en fit mention au cours de la controverse Luzzatto-Pardo. Pour les réglementations imposant des mariages publics dans d'autres communautés juives, voir A. H. Freimann, Seder…, op. cit., passim. Sur l'Italie au cours des périodes antérieures, voir ibid., pp. 222-226 ; Finkelstein, Louis, Jewish Self-Government in the Middle Ages, 2e éd. rév., New York, 1964, pp. 300–309 Google Scholar ; Bonfil, Robert, « Qavim li-demoutam ha-hevratit ve-harouhanit chel yehoudei ezor Venetsiyah be-rechit ha-meah ha-16 », Zion, 41, 1976, pp. 68–78 Google Scholar ; Toaff, Ariel, Il vino e la carne. Una comunità ebraica nel Medioevo, Bologne, 1989, pp. 34–36 Google Scholar ; Green, Yosef, « Cha'arouriyat ha-qidouchin be-Alessandria (1579) : Mekor nikhbad le-toldotehah chel ha-qehilah », Asoufot, 5, 1990-1991, pp. 267–308 Google Scholar ; et Lampronti, Isaac, Pahad Yitshak, Lyck, 1874, 10: 82a Google Scholar, « qiddouchin be-asarah ». Sur les Séfarades, y compris la communauté de Livourne, voir Yosef Kaplan, « Familia, Matrimonio y Sociedad : Los Casamientos Clandestinos en la Diaspora Sefaradi Occidental, S. XVII y XVIII », à paraître dans les actes du colloque En Torno a Sefarad, Tolède, 16-19 décembre 1991 ; et Schwarzfuchs, Simon, « Les Juifs de Bayonne au xvme siècle », Revue des Études juives, 125, 1966, pp. 356–359 Google Scholar, et Le Registre des délibérations de la Nation juive portugaise de Bordeaux (1711-1787), Paris, 1981, passim. Sur les Achkénazes, voir Esther Cohen et Horowitz, Elliott, « In Search of the Sacred : Jews, Christians, and Rituals of Marriage in the Later Middle Ages », Journal of Medieval and Renaissance Studies, 20, 1990, pp. 229–231 Google Scholar, et Gershon David Hundert, « Approaches to the History of the Jewish Family in Early Modem Poland-Lithuania », dans S. M. Cohen et P. E. Hyman, The Jewish Family…, op. cit., pp. 20-21.
38. Manifestement Elia Moïse Luzzatto, qui n'était jamais à court de ressources, leur avait fourni les renseignements qu'il avait obtenus d'autres rabbins. Il s'était arrangé pour mettre la main sur une correspondance destinée au rabbin Tedesco qui semblait servir sa propre cause. D'autres rabbins italiens, en cherchant à trouver une solution qui permettrait de sortir aussi bien le jeune couple que Tedesco de ce mauvais pas, avaient discuté d'un certain nombre de possibilités théoriques dans leur correspondance. Poggibonsi avait suggéré que l'État agissait peut-être dans le champ de ses prérogatives et que Tedesco pouvait légitimement unir Corona à un autre homme sans divorce mais, devant les objections inflexibles de Tedesco et le soutien qu'apportaient à celui-ci d'autres rabbins, il ne chercha pas à imposer cette vue. Voir HUC, Laudadio Sacerdote Collection 6/3 : 1 , « anonymous rabbinic opinion » ; III (3) b, lettre d'Emanuel Samuel Poggibonsi à Ishmael Kohen, 24 Chevat (30 janvier) 1799 ; III (3) d, lettre d'Emanuel Samuel Poggibonsi, 25 Tammouz (28 juillet) 1799 ; III (4), lettre d'Abram Gur Arie Sacerdote, 24 août 1799 ; III (6) lettre de Jacob Nunes Vais à Ishmael Kohen, 6 septembre 1799 ; et HUC-JIR, MS K. 94, f. 1, lettre de Samuel Kohen.
39. AST, C. R. Gov., b. 621, N. 3126, réunion du 6 octobre 1798 qui transmit le décret de la cour du 13 septembre 1798 (15759/1767).
40. Zoller, Israel, « Monsignor Conte Hohenwart ed il rabbino R. N. Tedesco », Il Corriero Israelitico, 51, 1912, pp. 42–44 Google Scholar, et « Il Principe arcivescovo, », PO, 3, 1933, pp. 16-23.
41. HUC, Laudadio Sacerdote Collection 6/3 : lettre de Menahem (Emanuel) Samuel Poggibonsi à Ishmael Kohen, 15 Sivan (18 juin) 1799.
42. Pour des points de vue sur Luzzatto et Tedesco, voir M. S. Ghirondi, H. Neppi, Toledot…, op. cit., p. 276, et Castiglioni, Vittorio, L'istituto scolastico delia comunità hraelitica di Trieste 1786-1886, Trieste, 1886, pp. 11–12.Google Scholar
43. Sur le rabbin Abraham Eliezer fils du rabbin Tsevi Levi (c. 1755-1825), voir M. S. Ghirondi, H. Neppi, Toledot…, op. cit., pp. 268, 272, et Benayahou, Meir, « Da'at hakhmei Italyah al ha-neginah be-ougav bi tefilah, », Asoufot, 1, 1986-1987, pp. 277, 280-288, 301-303Google Scholar (et les sources citées par l'auteur). Quelques années plus tard, Abraham Eliezer Levi fut un farouche adversaire du mouvement de Réforme du judaïsme alors à ses débuts. Il était normal que cette communauté immigrée installée à un carrefour d'échanges et de communications s'adressât à divers érudits, au nombre desquels les éminents rabbins Hayim b. Joseph David Azoulai de Livourne, Hayim Isaac Moussafia de Spolète, et le Hatam Sofer à Mattersdorf. Voir A. H. Freimann, Seder…, op. cit., pp. 313-320 ; G. Graff, Séparation…, op. cit., pp. 48-51, et les sources citées dans cet ouvrage, en particulier Che'elot ou-techouvot Hatam Sofer, nos 108-109 ; et aussi HUC, Laudadio Sacerdote Collection 6/3 : IV et V (2), Abraham Eliezer Levi, opinions juridiques, 1 Av (9 juillet) 1804 et 17 Elul (24 août) 1804, et V (1), lettre d'Emanuel Samuel Poggibonsi, 16 Eloul (23 août) 1804 ; et HUC-JIR, MS K. 94, ff. 2r-6v, opinion juridique d'Abraham Eliezer Levi, et f. 7, opinions juridiques d'Azoulai et d'autres rabbins de Livourne.
44. CAHJP, HM 2/5840, ff. 184, 212, 223-224, 30 décembre 1804, 20 janvier 1805 et 7 février 1805; A. H. Freimann, Seder…, op. cit., pp. 315-318 ; V. Castiglioni, L'istituto…, op. cit., p. 12.
45. « Takkanot », dans Encyclopedia Judaica, Jérusalem, 1972, 15 : col. 726-727, « Special Trend in Family and Succession Law » ; Elon, Menahem, Ha-Michpat ha-ivri, Jérusalem, 1973, 2 : 686–711 Google Scholar ; A. H. Freimann, Seder…, op. cit., passim.
46. Lévitique 21 : 7 : « Ils [les prêtres, fils d'Aaron] ne prendront pas pour épouse […] une femme que son mari a chassée, car le prêtre est consacré à son Dieu » ; Maïmonide, Mishneh Torah, Relation Interdite 17 ; Choulhan Aroukh, Even ha-ezer, 6.
47. Pétition dans AST, C. R. Gov., b. 621, N. 3703,16 juillet 1798. Sur Frizzi (1756-1844), voir Dinaburg, B. [Dinur], « B. Z. Rafael ha-Kohen Frizzi ve-sifro “Petah enayim” ; Li-demoutah chel ‘ha-haskalah’ be-Italyah », Tarbiz, 20, 1949, pp. 241–264 Google Scholar, et une version plus courte en italien dans RMI, 16, 1950, pp. 121-129 ; Nissim, Daniele, « Modernitá di vedute in un nostro illuminista : Benedetto Frizzi e le sue opere », RMI, 34, 1968, pp. 279–291 Google Scholar ; Simonsohn, Shlomo, History of the Jews in the Duchy of Mantua, Jérusalem, 1977, pp. 711–712 Google Scholar ; G. Cervani, L. Buda, La Comunità…, op. cit., pp. 131-134 ; Robolotti, [L.], Commemorazione del Dottor Benedetto Frizzi di Ostiano, Crémone, 1878 Google Scholar ; et mon article « The Sages as Philosophes : Enlightenment and Aggadah in Northern Italy », dans Blumberg, H. et al., « Open Thou Mine Eyes » : Essays in Aggadah and Judaica presented to Rabbi William G. Braude and published in His Memory, Hoboken, NJ., 1992, pp. 61–77 Google Scholar. Frizzi avait reçu une formation générale et juive approfondie : il fut le premier juif à faire ses études au « gymnasium » de Mantoue et à l'Université de Pavie où il étudia la médecine et la philosophie. Ecrivain prolifique, il s'intéressa dans ses ouvrages à la médecine, la philosophie naturelle, les mathématiques, la musique et la littérature rabbinique et biblique. Selon les recensements de population de la communauté juive de Trieste, Relie (ou Rachele) Morschene était née au début des années 1770. En 1788, elle y figurait comme épouse de Lucio Luzzatto. J'ai consulté Acit, « Tabbela de Nazionali Ébbrei dimoranti in Trieste Famiglie e Nomi de respettivi Individui », 20 février 1788 ; je tiens à remercier Carlo Gatti de m'avoir communiqué le contenu d'autres recensements de population. Les documents de l'affaire Frizzi-Morschene citent la jeune femme tantôt sous le nom de Relle, et tantôt sous celui de Bella.
48. AST, C. R. Gov., b. 621, N. 3268, une enquête faisant partie du décret du gouverneur, 6 août 1798, et déposition des capi et du rabbin, 30 août 1798 ; N. 3703, rapport du gouvernement de Trieste, 7 septembre 1798.
49. AST, C. R. Gov., b. 621, Frizzi à l'Empereur, 17 septembre 1798.
50. Deutéronome 24: 1 : « Soit un homme qui a pris une femme et consommé un mariage ; mais cette femme n'a pas trouvé grâce à ses yeux…, il a donc rédigé pour elle un acte de répudiation et le lui a remis, puis il l'a renvoyée de chez lui ».
51. Bien qu'il ne la citât pas explicitement, Frizzi s'inspirait clairement de la distinction établie par Montesquieu entre répudiation et divorce dans L'Esprit des lois, XVI : 15. En ce qui concernait les rabbins et le divorce, Frizzi pensait probablement à « l'ordonnance de rabbenou Gerchom » du xe ou xie siècle qui faisait du consentement de la femme un élément essentiel du divorce juif ; voir Falk, Z. W., Jewish Matrimonial Law in the Middle Ages, Oxford, 1966, pp. 113–143 Google Scholar. Dans sa lettre, Frizzi justifiait à la fois l'interdit mosaïque contre les femmes répudiées et ce qu'il nommait l'invention rabbinique du divorce. Il affirmait que la raison pour laquelle les prêtres n'étaient pas autorisés à épouser des femmes répudiées était le mauvais caractère de ces femmes qui apporteraient le déshonneur à leur époux, ce qui aurait pour conséquence un manque de révérence à l'égard de la prêtrise ; par contraste les femmes divorcées ne représentaient pas le même danger car on ne pouvait soupçonner leur caractère d'une semblable imperfection. Les rabbins avaient été sages, selon Frizzi, d'inventer le divorce car ils avaient ainsi réduit la « tyrannie des hommes » dans cette « nation consacrée à Dieu ».
52. AST, C. R. Gov., b. 621, Frizzi à l'Empereur, 17 septembre 1798 ; paraphrase dans N. 2825, du conseiller Capuano au gouverneur, 6 octobre 1798, et N. 4380/921, réunion du 11 octobre 1800.
53. Personnages bibliques dans AST, C. R. Gov., b. 621, Frizzi à l'Empereur, 17 septembre 1798. Frizzi mentionna Maïmonide (pensant sans doute à sa Michneh Torah, Mariage 3: 3-4) dans AST, C. R. Gov., b. 621, N. 2825, du conseiller Capuano au gouverneur, 6 octobre 1800. Frizzi songeait probablement aux fiançailles par chetar, c'est-à-dire par engagement écrit ou contrat, l'une des trois formes de fiançailles décrites par les rabbins dans le Talmud, Qiddouchin 2a, 9a.
54. AST, C. R. Gov., b. 621, avec N. 2568, 20 novembre 1799.
55. AST, C. R. Gov., b. 621, N. 3974/470, 20 mars 1800.
56. AST, C. R. Gov., b. 621, N. 2825, rapport du 6 octobre 1800 et N. 4380, décision du 11 octobre 1800.
57. AST, C. R. Gov., b. 621,4643/972 dans N. 4683, Cologna au gouverneur, 24 octobre 1800 ; CAHJP, HM 2/5836, N. 23, ff. 69r-71v, 26 octobre 1800, et N. 24, f. 81, 27 octobre 1800.
58. AST, C. R. Gov., b. 621, N. 4717, des capi au gouverneur, 29 octobre 1800. L'une des prérogatives d'un kohen est d'être appelé le premier à réciter la bénédiction sur la Torah quand elle est lue dans la synagogue au cours d'un service religieux.
59. J'adapte ici le terme « individualisme affectif » que Lawrence Stone utilise pour décrire l'idéologie du libre choix du futur conjoint dans l'amour romantique ; voir son ouvrage, The Family, Sex and Marriage in England 1500-1800, Londres, 1977. Par individualisme interprétatif, je veux parler de l'idéologie du libre choix de l'interprétation.
60. AST, C. R. Gov., b. 621, N. 4717, réunion du 8 novembre 1800.
61. AST, C. R. Gov., des Capi au gouverneur, 20 novembre 1800.
62. CAHJP, HM 2/5858, 4 décembre 1800, réaction négative de Finzi à l'offre de Trieste.
63. AST, C. R. Gov., b. 622, N. 257/52, Frizzi au gouverneur, 2 janvier 1801, pour l'adhésion de Frizzi à l'individualisme affectif (cf. n. 59 supra). Pour la défense du sentiment et du libre choix dans le mariage chez les écrivains français des Lumières, voir Traer, James F., Marriage and the Family in Eighteenth-Century France, Ithaca-Londres, 1980, pp. 48–78 Google Scholar, en particulier pp. 70-78, 134-136, 192-197. Sur l'idéologie de l'amour romantique et du libre choix chez les juifs, voir les travaux de J. Katz, D. Biale et M. Kaplan cités supra à la n. 6.
64. Malheureusement les documents sont très incomplets. Je n'ai trouvé aucun procès-verbal de la comparution devant les arbitres le 17 décembre 1800 ou de leur décision du 24 décembre 1800, ni aucun document concernant la pétition du 27 mars 1801 qui déclencha l'affaire judiciaire qui commença officiellement le 26 mai 1801. Nous avons connaissance de tous ces faits grâce au refus initial des autorités de modifier la décision arbitrale, dans AST, C. R. Gov., b. 622, N. 453/96, réunion du 31 janvier 1801, et l'hypothétique « Sentenza tra il D[ottor]e Benedetto Frizzi e tra Relie Morschene, 26 janvier 1802 », dans AST, Giudizio Civico e Provinciale, 1767-1850, Atti Civili, b.21, N. 101.
65. Les actes de mariage et de décès d'Anna Frizzi de la Communauté de Trieste montrent qu'elle était la fille de Benedetto née en 1801. Je suis reconnaissante à Carlo Gatti de m'avoir signalé que Rachele Morschene donna naissance à sa fille le 5 mai 1801 (sans mention du nom du père), et d'avoir discuté avec moi de la nature de ces archives. Je remercie également Giuseppe Mineri, Vittore Colorni, et le Secrétariat de la Communauté juive de Trieste pour m'avoir envoyé les actes de mariage. Sur la fille de Frizzi, voir également Samuel David Luz- Zatto, « Toledot Chadal », Ha-Maggid, vol. 7, n° 10 (5 mars 1863), 77.
66. Je remercie le rabbin Elia Richetti d'avoir examiné pour moi les registres de mariage, et Carlo Gatti pour les renseignements sur le recensement de 1830. Il est possible, bien qu'improbable, que le couple se soit marié ailleurs, en un lieu où l'on aurait ignoré les détails précis de leurs statuts de kohen et de divorcée. Si tel avait été le cas, ce mariage interdit aurait néanmoins été considéré valide post-facto par la loi juive.
67. Pour ses vues antérieures sur le mariage des prêtres et sur les femmes divorcées, voir sa Dissertazione di Polizia Medica sul Pentateuco in riguardo alle leggi, e stato del matrimonio, Pavie, 1788, pp. 40-42, dans laquelle il justifiait l'interdit visant le mariage d'un prêtre avec « une femme qui avait divorcé » : il n'était pas « raisonnable » qu'un prêtre qui devait se consacrer entièrement au service divin fût marqué d'une telle imperfection physique ou morale. Dix ans plus tard, il justifiait cet interdit uniquement pour les femmes répudiées, et non divorcées, et il niait que les femmes divorcées fussent même concernées par l'interdit biblique ! (cf. n. 51 supra). Manifestement les circonstances particulières de la vie privée de Frizzi — cet homme de quarante-deux ans avait enfin trouvé la femme qu'il souhaitait épouser— l'amenaient à défendre une position différente de celle théorique adoptée précédemment. S'ils avaient connu son ouvrage de 1788, les chefs de la communauté juive de Trieste auraient pu le citer contre lui !
68. Entre 1787 et 1790, avant son arrivée à Trieste, il avait publié un ouvrage en six volumes intitulé Dissertazione di Polizia Medica sul Pentateuco (Dissertation sur la réglementation médicale publique dans le Pentateuque) dans lequel il appliquait des vues médicales, sociales et philosophiques aux lois et aux enseignements bibliques concernant des sujets tels que les aliments, le mariage, la prime enfance, les rites funéraires et les pratiques d'inhumation, l'hygiène des lieux publics, la prêtrise et les sacrifices, et l'agriculture : Frizzi, Benedetto, Dissertazione di Polizia Medica sopr'alcuni alimenti proibiti nel Pentateuco, Pavie, 1787 Google Scholar ; Dissertazione di Polizia Medica sul Pentateuco in riguardo alle leggi, e stato del matrimonio, Pavie, 1788 ; Dissertazione di Polizia Medica sul Pentateuco in riguardo alle leggi spettanti alla gravidanza, al parto, puerperio, all'educazione délla fanciullezza, ed ai patemi di animo, Pavie, 1788 ; Dissertazione seconda di Polizia Medica sul Pentateuco in riguardo ai cibi proibite, e altre cose a essi relative, Crémone, 1788 ; Dissertazione di Polizia Medica sul Pentateuco sopra le leggi, eformalità ebraiche in istato di malattia, e ceremonie funebri, e sepolcrali, Pavie, 1789 ; Dissertazione di Polizia Medica sul Pentateuco in riguardo alle pulizie delle strade e case, formalità sacerdotali, e leggi di agricoltura, Crémone, 1790.
69. Bonfil, Reouven, « Chetem esreh iggerot me-et R. Eliyahou b. R. Chelomo Rafael ha-Levi (De Veali) » Sinai 71, 1972, p. 189 Google Scholar ; Luzzatto, Samuel David, Kinnor naim, Varsovie, 1873, 2 :123, n. 1 Google Scholar ; et S. Simonsohn, History…, op. cit., pp. 711-712. Luzzato rapporta que Frizzi avait été chassé de Mantoue à cause des écrits sur les coutumes juives qu'il avait commencé à faire paraître en 1787. Étant donné la date de publication, et la longueur de l'ouvrage mentionné dans les lettres citées par S. Simonsohn, il ne peut s'agir que de la Dissertazione di Polizia Medica.
70. Sur l'intérêt pour l'Antiquité païenne au Siècle des lumières, voir Gay, Peter, The Enlightenment : An Interpretation, 2 vols, New York, 1966 Google Scholar et 1969, en particulier le volume premier sous-titré The Rise of Modem Paganism.
71. CAHJP, HM 5191, f. 212, n°s 31, 18 mai 1787 ; voir également S. Simonsohn, History…, op. cit., p. 711. Dans cette lettre de 1787, Frizzi déclarait que dans l'un de ses ouvrages —probablement sa Dissertazione di Polizia Medica — il avait proposé certains changements dans « la simple pratique, mais non dans l'esprit de la religion, ni dans les instructions rabbiniques ». En fait, en dépit de son mosaïsme, il arrivait à Frizzi d'accorder parfois de la valeur aux œuvres rabbiniques. Même dans ses arguments concernant le mariage des prêtres et le mariage civil, Frizzi se référait au Code de Maïmonide et, dans certains ouvrages, en particulier dans Petah enayim, œuvre plus tardive (voir n. 76 infra), il s'intéressa de manière approfondie aux textes rabbiniques.
72. AST, C. R. Gov., b. 621, N. 2568, Frizzi au gouverneur, 10 juin 1800.
73. CAHJP, HM 2/5838, ff. 43r, 54, 23 janvier 1803.
74. Nissim, « Modernità », 280, et CAHJP, HM 2/6277, 9 novembre 1807.
75. Luzzatto, Samuel David, Autobiographia!, Padoue, 1878, pp. 56–57 Google Scholar ; Iggerot Chadal, éd. Eisig Graeber, Przemysl, 1881, 1: 83 ; Kinnor naim, Vienne, 1825, pp. 131-134 ; « Toledot Chadal », Ha-Maggid, vol. 7, n° 10 (5 mars 1863), 77, et 9, no. 1 (4 janvier 1865), 5.
76. Frizzi, Ben Zion Rafael Ha-Kohen, Petah enayim (Oculus Israelitici Populi), vols 1–3, Leghorn, 1815-1825 Google Scholar ; 2e éd., vols 1-7, Leghorn, 1878-1881. Voir B. Dinaburg, « B. Z. Rafael », art. cit., et mon article « Sages as Philosophes » cité plus haut. Sur l'ouvrage comme livre scolaire, voir CAHJP, HM 2/5849, ff. 513, 523-530.
77. La communauté de Trieste se fit, en particulier, remarquer pour le soutien qu'elle apporta à deux politiques — les écoles normales contrôlées par l'État et la conscription militaire — auxquelles de nombreuses autres communautés juives de l'Empire s'opposèrent en tant qu'intrusions non justifiables dans la vie traditionnelle juive. Sur les écoles, voir mon article « Trieste and Berlin », art. cit. ; sur la conscription, voir n. 32 supra.
78. Paragraphe introductif de l'ordonnance de 1805, CAHJP, HM 2/5840, f. 224r, 7 février 1805. Il est significatif qu'en 1798 les chefs laïques de la communauté aient écarté l'idée de déclarer par avance et sous leur propre autorité la nullité des mariages pour lesquels il n'y avait pas de consentement parental (protocole de la réunion de la Ristretta Consulta du 18 octobre 1798 dans AST, C. R. Gov., b. 621, N. 4994, 28 février 1799). L'implication et l'autorité des rabbins jouèrent un rôle dans l'ordonnance qu'ils décrétèrent en 1805.
79. Paradoxalement ce processus entraînait pour les juifs une cléricalisation, car l'État faisait dépendre le mariage de la participation des rabbins, ceux-ci jouant le rôle de membres du clergé et de simples clercs en administrant ce sacrement et en l'enregistrant pour l'État. La transformation des rabbins en fonctionnaires de l'État est une évolution générale et significative de l'histoire juive moderne.
80. Sur la théorie et la pratique chrétiennes au Moyen Age, voir Duby, Georges, Mediéval Marriage : Two Models from Twelfth-Century France, Baltimore, 1978 Google Scholar ; Donahue, Charles Jr., « The Canon Law on the Formation of Marriage and Social Practice in the Later Middle Ages » Journal of Family History, 8, 1983, pp. 144–158 Google Scholar ; Cohen, E. et Horowitz, E., « In Search of the Sacred », art. cit. ; et Gottlieb, Beatrice, « The Meaning of Clandestine Marriage », dans Wheaton, Robert et Hareven, Tamara K. éds, Family and Sexuality in French History, Philadelphie, 1980, pp. 49–83 Google Scholar. Sur la loi protestante du mariage et les décrets Tametsi du concile de Trente, voir Ozment, Steven, When Fathers Ruled : Family Life in Reformation Europe, Cambridge, Ma.-Londres, 1983, pp. 25–48 Google Scholar ; Roper, Lyndal, « “Going to Church and Street” : Weddings in Reformation Augsburg », Past and Present, 106, 1985, pp. 62–101, en particulier pp. 64-70 et 93-98Google Scholar ; J. F. Traer, Marriage and the Family…, op. cit., pp. 27-31 ; Flandrin, Jean-Louis, Families in Former Times : Kinship, Household and Sexuality, tr. Southern, Richard, Cambridge, 1979, pp. 130–139 Google Scholar ﹛Familles .parenté, maison, sexualité dans l'ancienne société, Paris, 1976). Pour un aperçu plus récent, voir Gottlieb, Beatrice, The Family in the Western World from the Black Death to the Industriel Age, New York-Oxford, 1993, pp. 68–88, 104-109.Google Scholar
81. Les anthropologues des systèmes juridiques ont mis en évidence, dans divers lieux, les efforts des individus pour exploiter la confusion provoquée par l'intrusion de l'État dans un domaine nouveau, domaine qui, auparavant, était en marge du champ de compétences de l'État et était soumis au contrôle de groupes locaux, en partie autonomes. Voir dans Disputes and Settlements : Law and Human Relations in the West, John Bossy éd., Cambridge, 1983, les articles de Simon Roberts, « The Study of Dispute : Anthropological Perspectives », en particulier pp. 5-6, et Nicole Castan, « The Arbitration of Disputes under the “Ancien Régime” », en particulier pp. 258-260.
82. J'adapte ici le terme « pacte famille-État » utilisé par Sarah Hanley, « Family and State in Early Modem France : The Marriage Pact », dans Connecting Spheres : Women in the Western World, 1500 to the Present, Marilyn J. Boxer et Jean H. Quataert éds, New York- Oxford, 1987, pp. 53-63. Voir également son article « Engendering the State : Family Formation and State Building in Early Modem France », French Historical Studies, 16, 1989, pp. 4-27 ; cf. J. F. Traer, Marriage and the Family…, op. cit., pp. 31-47.
83. Cf. l'analyse de la formation de la famille dans l'introduction de R. Wheaton à Family and Sexuality…, op. cit., R. Wheaton et T. K. Hareven éds, pp. 9-12, qui définit cinq parties logiquement en conflit dans le cadre de la formation du couple matrimonial : les futurs époux, leurs parents proches, l'Église (ici la communauté juive), l'Etat et l'opinion publique. Il semble que le sexe n'ait pas joué un rôle déterminant dans les affaires Luzzatto-Pardo et Frizzi-Morschene car, dans chaque cas, l'homme et la femme furent affectés de semblable façon par l'affirmation par l'État de son contrôle sur les mariages. Malheureusement nous ne disposons d'aucun document écrit par les deux femmes elles-mêmes.
84. Sur la législation révolutionnaire française, voir J. F. Traer, Marriage and the Family…, op. cit, pp. 79-165.