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« Inter duos scopulos » Hypothèses sur la place de la sexualité dans les modèles de la représentation du monde au XIe siècle

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Marie-Claude Derouet-Besson
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L'Église est convoyeuse des âmes et des corps : sur terre, elle doit créer les conditions du salut éternel, elle a la charge des hommes depuis leur conception jusqu'à leur mort, passage vers l'essentiel, paradis ou enfer. Elle les guide à travers le visible vers l'invisible. Elle contrôle, elle police, elle étend l'empire chrétien de génération en génération. Elle ne doit rendre compte de cet officium qu'à Dieu et cette vocation universelle et directive du monde terrestre détermine son champ de réflexion et de pratique. La définition de l'organisation de la Jérusalem céleste fournit les règles sur lesquelles doit se modeler la Jérusalem terrestre. C'est en fonction de certitudes théoriques sur le salut que l'Église impose des modèles de conduite aux hommes perdus dans les contradictions de leurs actes et de leurs intentions.

Summary

Summary

What is the place of sexuality in the 11th century models of the representation of the world ? The aim of this paper is to identify the organizing paradigms of each model in order to understand its internal functioning and then to point up the contradictions between the different models and the conflicts to which they gave rise. Two principal models emerge. One is organized on the opposition “divinity” vs “humanity” and in this model only chastity is compatible with the divine mode. In the second model, organized on the opposition of good vs evil, it is possible to distinguish between positive sexuality, such as marriage, and evil sexuality, such as fornication. The same model is used by very diverse authors, and the opposition between orthodoxy and heresy does not coincide with the use of one or another of these models.

Type
L'Europe Médiévale
Information
Annales. Histoire, Sciences Sociales , Volume 36 , Issue 5 , October 1981 , pp. 922 - 945
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1981

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References

Notes

1. Duby, Georges, Les trois ordres ou l'Imaginaire duféodalisme, Paris, Gallimard, 1978, 433 p.Google Scholar

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3. Gt-Aber, Raoul, Histoires, II, 11, 22, Prou, M. éd., Paris, 1886, pp. 49–50.Google Scholar

4. Virgile, par exemple, dans les Géorgiques : « Parmi les habitudes chères aux abeilles, celle-ci vraiment est merveilleuse : elles ne s'abandonnent pas à l'accouplement, elles ne s'énervent point indolentes au service de Vénus, et ne mettent pas leurs petits au monde dans les douleurs ; mais toutes seules elles recueillent avec leur trompe les nouveau-nés issus des feuilles et des herbes suaves ;… D'après ces signes et en s'attachant à ces exemples, on a dit que les abeilles avaient en elles une parcelle de l'intelligence divine… » Texte et traduction, E. De Saint-Denis, Paris, i960, pp. 64-65. Cf. Détienne, M., « Le Mythe : Orphée au miel », Faire de l'histoire, Paris, 1974, t. III, pp. 56–75.Google Scholar D'autres hérétiques du xic siècle, ceux de Monteforte, condamnés en 1028, se réfèrent à la reproduction sans coït des abeilles : Taviani, H., « Naissance d'une hérésie en Italie du Nord au xie siècle ». Annales E.S.C., 1974, n° 5, p. 1232 Google Scholar, et notes 42, 43, 44.

5. Entrées persecreta nature les abeilles ressortent par sa bouche, inversant l'ordre biologique naturel au corps humain, elles le préparent à une tâche également contraire aux pratiques établies.

6. «… cepit venenum sue nequitie occultare… », Raoul GI.Aber, op. cit., pp. 49-50.

7. « …doctor cupiens apparere… », Raoul GI.Aber, ibidem.

8. Synodus attrebatensis, Mansi, XIX, 423-460.

8. Taviani, H., « Le mariage dans l'hérésie de l'an mil », Annales ESC, n° 6, 1977, p. 1077.Google Scholar

9. Mansi, op. cit.

10. Georges Duby, op. cit., pp. 45-53.

11. Ibid. p. 45.

12. Mansi, op. cit., 17, 460 D.

13. « Credimus autem Sanctam Ecclesiam communem omniumfidelium matrem, nullumque ad eam quae in caelis est, possepervenire, nisiper hanc quae in terris est, acquisitus fueril », Mansi, op. cit., 17, 460 A.

14. « Hae sunt enim tenebrae, quae vos infidelitatis caecitate damnatos contra sanctam Dei ecclesiam erigere… », Mansi, op. cit., 3. 436 A.

15. « Non est vox isla hominis, sed diaboli… », Mansi, op. cit., 4, 438 D.

16. « Scilicet aut omnes indiscrète a coniugiis exterrendo aitt omnes indiscrète ad connubia conmonendo », Mansi, op. cit., 10, 449 B.

17. Adémar De Chabannes, Chronique, III. Collection de textes pour servir à l'étude et à l'enseignement de l'histoire, XX.

18. Gesta synodi Aurelianensis, Mansi, XIX, 536-539.

19. Adémar De Chabannes, Chronique, III, 59 ; op. cit., p. 184.

20. Raoul GI.Aber, Histoires, III, 8, 26, op. cit., p. 74.

21. Anselini Gesta Episcoporum Leodiensium, 62, M.G.H., S.S., 7, 226-227.

22. JÉRÔME, Lettre 49 ; P.L. 22, 511-512.

23. Par exemple Confessio fidei, III, 24. P.L. 101, 1079 A.

24. « Cur, dominus rerum, quae deitatis imago, Parva cupis ?… Ergo tu lantus, qui tantis caetera vincis Et minor es solo cunsta créante Deo, Noli te regno peccati subdere, noli Quae citius fugiunt, ista caduca sequi. Sed satagas humiles transcendere terras, Arctumque ad coelos arripe fortis iter. Vita, salus. hominum quoque caetera, fumus et timbra est,-… Non le quae pereunt délectent infima, non te Caelestem foedit pulvere terra suo. » cité et traduit par Bultot, R., Le mépris du monde, IV-2, Louvain-Paris, 1963, pp. 50–72.Google Scholar P.L. 158, 703 C-D-704 A.

25. Ergo maritalis damnatus foedera lecti ?, R. Bultot, ibidem, p. 66, n. 43.

26. « Non, sed perfectis non damus ista viris. Conjugibus non erit fructus centesimus, autquem Reddunt per senos multiplicata decem. Nec tamen aeterni privantur lumine regni : Accipient meritis praemia digna suis. Carmen de mundi contemptu », R. Bultot, ibidem.

27. Pierre Damien, Opusculum, XVIII. 2,3. P.L. 145, 403 C.

28. Pierre Damien, Epistolae, I, 15, P.L. 144, 226 A.

29. « …vix cubitus semis reperitur in corpore, quem rerum omnium universitas nequeat satiare. Ab oculis siquidem usque ad genitalia régnant omnis humana concupiscentia ». ibidem, 230 B.

30. « Sed eu m cibis venter ac potibus intumescat, consequens est, ut alternis u trinque meatibus, et faecesperpodicem in cuniculos egerat, et humorem degenitaliconceptaculoperpudenda profundat », ibidem, 230 D.

31. « Per haec enim spiramina sensuum. infelix humana conditio, et quod salutis est, effluit ; et quod est perditionis admitlit ». ibidem. 231 A.

32. Avidité, avarice, désir charnel, ibidem, 231. B.

33. Pierre Damien, Opusculum, XVIII, II, 3, P.L. 145, 403 C.

34. » Et quis continui non compellatur sese nosse putretudinem dum tam obscaenam ortus sui considérai foeditatem », Opusculum, LVI, 9, P.L. 145, 818 D. Traduction R. Bultot, Le mépris du inonde, IV-1, p. 26.

35. « Carnali siquidem sponsae complexus viri corruptio carnis, foedus amoris, dispensium castitalis ; virginem se plerumque thalamis nuplialibus tradit, sed violata recedit », Opusculum, XXXVI, 4, Florence, éd. Brezzi, 1943, 68 ; traduction R. Bultot, ibidem, p. 104.

36. Opusculum, LVI, 4, P.L. 145, 812 D-813 A ; traduction R. Bultot, ibidem, p. 106.

37. Opusculum. XIII, 7, P.L. 145. 301 D, 302 B ; traduction R. Bultot, ibidem, pp. 108-109.

38. Comme la fornication avec l'animal est l'ultime recours devant la fornication avec un être humain, car elle ne salit qu'une seule âme. Opusculum. VII, 6., P.L. 145, 167 A.

39. « Eunuchi quippe sunt qui insolentes carnis impelus reprimunt effectumque pravae operationis abscindunt. » Opusculum, VII, 24, P.L. 145, 186 C. Traduction R. Bultot, ibidem, p. 102.

40. Epistolae, 1,15, P.L. 144, 232 D-233 A.

41. Ibidem, 231 D, « …libéra libidinis frena laxantur… »

42. Ibidem, 232 A ; traduction R. Bultot, op. cit., pp. 101-102.

43. Opusculum, VII, 24, P.L. 145, 186 C : traduction R. Bultot, op. cit., p. 103.

44. Epistolae, I, 15, P.L. 144, 232 D. « Pecoribus itaquesumma concumbendipartus, hominibus vera summa gignendi concubitus. »

45. « …ita quodammodo naturae coactus imperio, nolle se, atque erubescere quod agit ostendat », ibidem, 232 C.

46. « Vultures pariunt, cum se percoitum non corrumpant », ibidem 232 D.

47. « Sic et hoc expérimenta dignoscitur, quia si rabidus canis hominem forte momerderit, tanta vi rabies ejus in viscera protinus humana transfunditur, ut mox ipso urinae conceptaculo catuli generentur. Quod nimirum hoc evidenti comprobatur indicio, quia si is, qui canino morsu correptus est, canlalenas, quod muscarum genus est, in aqua tritas ebiberit, mox cum urina simul non sine magni doloris gemitu catulosfundit. Et certe non centemmenda res digna spectacula, qualiter ex sicco dentium osse soboles gignitur, in quo videlicet humor seminis non habetur et quod per génitale membrum facile natura non poterat, per traducem dentium similem in diverso génère speciem formai», Epistolae, I, 15, P.L. 144, 228 D.

48. « Sicut lumbar intimum est humano corpori, et arclius adhaeret quant relinquae vestes, ita clericalis ordo familiarius divinis agglutinatur obsequiis, quam caeteris homines… », Opusculum, XVIII, Contra intempérantes clericos. P.L. 145, 394 B.

49. » Plane sicut concipienti Deificae Virgini non virile semen influxit, sed virlus Sanctus Spiritus obumbravit : ila nunc in altaripositum sacramentum eadem Sancti Spiritus virtus est, quae vivificat : et necesse est, ut hoc pudica manus et impolluta coniingal », ibidem, 388 A.

50. » Et ita fit, ut lex Ecclesiae quam clericalis ordo constituisse dignoscitur, per eumdem rursus ordinem e contrario destruatur… ita quodemmodo spurius fratres legitimos perimunt, cum ii que se solo nomine clericos profitentur, Sanctorum Patrum judicia destruunt », ibidem, 388 D.

51. Découvert par D. de Bruyne dans un manuscrit du xue siècle provenant de l'abbaye de Saint- Trond. Il date sans doute du pontificat de Grégoire VII car les lois sur le célibat y sont présentées comme nouvelles. Bruyne, D. de éd., « Un traité inédit contre le mariage des prêtres », Revue Bénédictine, 35 (1923) pp. 246–254.CrossRefGoogle Scholar

52. » …cui vestrum amplius placuerit indebita feminarum familiaritus quant sacri ministerii puritas, habeat quod elegerit, quia in simul et sacri ministerii puritatem et inmundi contubernii non potestis habere impuritatem », D. de Bruyne éd., op. cit., lignes 35-38, p. 250. L'érudition ne retrouve pas la référence de cette citation.

53. Gryson, R., Les origines du célibat ecclésiastique, Gembloux 1970, pp. 127–201.Google Scholar En particulier, p. 153 : JÉRÔME : « Un laïc, un fidèle ordinaire, ne peut pas prier, s'il ne s'abstient de l'acte conjugal. Or, le prêtre qui doit toujours offrir des sacrifices pour le peuple, doit toujours prier. S'il doit toujours prier, il devra donc s'abstenir toujours du mariage », Contra Jovinien, I. 34, P.L. 23, 268 A, traduction R. Gryson.

54. » Haec a te non multum abludit imago. Nom quamdiu carnalis, vêtus es nier : gratia autern suscepta, si carnalis es et carnaliter vivis, rumperis sicut vêtus uter », D. De Bruyne, op. cit., lignes 144-146, p. 253.

55. II Qui terrae incubant et coelestia non cogitant… », D. De Bruyne, op. cit., p. 254.

56. a Abbates igitur et monachos, vasa decoris integri, tetigimus melius quant lu et auditu persensimus quod non crepuerunt, nec tam maie résonant, nec ita factori suo coniradicunt, ut a gratia eius qualemcumque hominem repellant, praesertim cum ille ex una massa et ex (e) odem lulo universa humani generis vasa finxerit et pro omnibus mortuus sit », D. De Bruyne, op. cit., lignes 175-180, p. 253.

57. Pseudo Udalrici epislola de continentia clericorum, M.G.H. Libelli de Lite, I, Paris, 1937, p. 2.

58. Concilium Romanum, canon 3 ; Mansi, XIX, 897.

59. La nullité du mariage des prêtres n'est clairement affirmée que dans les canons 7 et 8 du concile de Latran II de 1 139 ; Mansi, XIX, 523. Chiovaro, F., Histoire vécue du peuple chrétien, Paris, 1979, p. 226.Google Scholar

60. Il cite Jérôme à propos des « vierges qui vantent leur pudeur et font parade de leur chasteté » (Commentarium in Ieremiam, II. 7, P.L. 24, 729-736)

61. Op. cit., M.G.H.. Libetli de Lite, I, 259.

62. Tractants pro clericorum connubio, M.G.H. Libelli de Lite. III, 588-596.

63. Omnis vero clericus aut continent, erit aut coniugatus, aut fornicarius, ibidem, 591.

64. » Non duo mala sunt conubium et fornicatio, quorum alterum sit peins ; sed duo bona sunt conubium et continentia quorum alterum est melius », ibidem, p. 591.

65. « Qui estum luxurie devitare cupit… incontinentiam suam legitimo refrenet coniugio et salvabitur anima eius », ibidem, p. 591.

66. Ibidem, p. 596.

67. a Si enim reprehendi sunt, immo quia reprehendi, reprehendantur disciplina regulari, non errore populari coerceantur, ecclesiastica censura non vulgari protervia feriantur, canonum sententia, non laïcorum insania… », ibidem, pp. 593-594.

68. Pour la datation, voir Fliche, , La réforme grégorienne, III, Paris, 1937, p. 21.Google Scholar

69. Duemmler, E. éd., « Eine Steitschrift fur Priesterehe », dans Sitzungsberichte der koeniglichpreussischen Akademie der Wissenschaften, Berlin, 1902, I, pp. 418–441.Google Scholar

70. Fliche a établi par de nombreuses concordances que son argumentation est inspirée d'Anselme de Cantorbury, et, en particulier, du chapitre m de la IIIC partie du De concordia praescientiae et praedestinationis necnon gratiae Dei cum tibero arbitrio, voir A. Fliche, op. cit., III, p. 22.

71. « …castitatis vidualis… », op. cit., p. 431.

72. «Sunt enim multi qui, dum infirmitatem suam non considérant et, dum maiora se apprehendere conantur, ipsa praecipilalione retroacti in détériora labuntur, quia, dum maiora inconsultius ambiunt, minora, quae tenere videbantur, amittunt », ibidem, p. 431.

73. «Cur nos qui ex eodem massa sumus et carnem peccati ex carne Adae peccatricem traximus… uxores habere non permittimur », ibidem, p. 434.

74. «Tempus dominicarum dierum quando sacerdotes debent sacra missarum sollemnia celehrare… tempus sacrorum ieiuniorum, sive quadragesimalium, sive ceterarum ecclesiaticarum vel vigiliarum venerabilium solemnitatum… », ibidem, p. 435.

75. «… Non conditione, qua pares, sed auctoritate, qua superiores sunt », ibidem, p. 430.

76. «… violenta exactione homines vivere cogeret ritu angelorum et dum consuetum sursum naturae negaret… », Lamberti Annales, anno 1074, M.G.H. SS, 7, 218.

77. Georges Duby, op. cit., pp. 88-91 et 95-98.

78. Georges Duby, ibidem, p. 96.

79. Il les compare aux renards que Samson lâcha, la queue en feu dans les récoltes des Philistins. Opusculum, XVIII, op. cit., 419.

80. «Plurimas in tuis litteris, frater, excusabiles, et quantum ad humanum spectat judicium validas protulisti rationes. Nec nobis quoque viderentur infirmae, si hujusmodi possent in divino nos examine excusare », Registrum, III, EP. IV ; P.L. 148, 431.

81. «Nam in ipso tant perniciose adepto episcopatu nuptiis publiée celebratis, scortum potius quant sponsam ducere non erubuit, ex qua et.filios procreavit, ut qui jam spirilum suum animarum corruptori per Simoniaca commercia prostituerai, per foedae libidinis incestum corpus suum in contumeliam diabolo consecraret, et sic in eo nullus locus superesset conditori, quem intus exteriusque obligatum totum sibi adversarius non vindicasset. Epistolae contra registrum vacantes, n° XXVIII, anno 1076, au roi Guillaume d'Angleterre, P.L. 148, 674-675.

82. Devereux, Georges, Ethnopsychanalyse complémentariste, Paris, Flammarion, 1972, 285 p.Google Scholar Essais d'ethnopsychiatrie générale, Paris, Gallimard, 1970, 398 p.