1. Sur les relations entre la psychanalyse et les autres sciences sociales, on nous permettra de renvoyer au classique Sociologie et Psychanalyse de R. Bastide (Paris, 1950) ; à la mise au point récente qu'il a donné au Traité de Sociologie de G. Gurvitch (Paris, 1960, t. II, p. 402-420) ; au recueil Psychoanalysis and Social Sciences, edited by M. Ruiteenbeek, New York, 1962 ; au recueil Psychoanalysis and Contemporary Tkought, par D. N. Winnicott, J. Balby, Londres, 1958 ; au numéro spécial de La Psychanalyse, 1957, n° 3. Cf. aussi R. De Saussure, « Psychoanalysis and History », dans Psychoanalysis and Social Sciences, d3 Geza Roheim, II, New York, 1950.

2. Van den Berg, J. H., Metabletica ou la Pst/chologie historique. Traduit du hollandais par Van Scherpenzeel, N., Paris, 1962, 359 p.Google Scholar

1. Il y a beaucoup de thèmes communs à Metabletica et à Escape front Freedom, d'Erich Fromm, paru à New York en 1941.

2. Le livre de Ph. Ariès fournit, du côté de l'histoire, une illustration symétrique de l'avantage qu'il y a à conjuguer histoire et psychologie. L'histoire est plus sommaire dans Van den Berg, mais la psychologie de l'enfance plus plate dans Ariès. J.-L. Flandrin fait ici un compte rendu détaillé d'Ariès. Il se montre aussi sensible que moi aux qualités éminentes de cette enquête vraiment pionnière, mais comme moi, il y remarque un certain impressionnisme. C'est, pense-t-il, parce qu'Ariès a négligé les méthodes d'analyse quantitative. Pour ma part, j'incriminerai plutôt la négligence des curiosités de la psychologie moderne. Car l'enfant : ce n'est pas seulement le costume, les jeux, l'école, ni même le sentiment de l'enfance, c'est une personne, un développement, une histoire que les psychologues essaient de reconstituer. Rien ne leur serait plus utile qu'un terme de comparaison. Mais le livre d'Ariès ne le donne qu'imparfait et indirect. Et ce n'est pas parce que les documents n'étaient pas assez nombreux, mais parce que son entraînement psychologique n'était pas suffisant pour qu'il y lût tout ce que les psychologues auraient aimé qu'il y lise. Ce qui compte, ce n'est pas l'abondance des textes, mais le regard jeté sur eux. La devise de l'historien pourrait être l'aphorisme de Swift : « La vision est l'art de voir les choses invisibles ».

1. Comme le notait A. Dupront, « Problèmes et méthodes d'une histoire de la psychologie collective », Annales E.S.C., 1961, n° 1.

2. L'Histoire de la Folie, de Michel Foucault, n'est pas histoire de la Folie, mais de la limite mouvante où elle est enfermée, du regard jeté sur elle, d'une procédure sociale d'exclusion. L'outil psychanalytique pouvait peut-être se montrer utilisable pour explorer la relation chargée d'affectivité de l'homme au raisonnable et au déraisonnable. Mais Foucault le rejette expressément, comme n'en ayant pas l'usage, t Aucun des concepts de la psycho-pathologie ne devra, même et surtout dans le jeu implicite des rétrospections, exercer de rôle organisateur » (préface). Sur Freud, il semble hésiter. Freud aurait aboli le silence et le regard qui, depuis Pinel, enferme le malade dans un monologue sans réciprocité, et, en même temps, il aurait reporté sur le personnage de l'analyste, dans la situation analytique, tous les pouvoirs de la situation asilaire : « Le Regard absolu, le Silence pur et toujours retenu, … Le Juge qui punit et récompense dans un jugement qui ne condescend même pas jusqu'au langage. » (p. 611). C'est pourquoi, dit Foucault : « La psychanalyse ne peut pas, ne pourra pas entendre les voix de la déraison, ni déchiffrer pour eux-mêmes les signes de l'insensé » (p. 612). Ainsi, Michel Foucault historise Freud, formule une critique de principe de la validité thérapeutique de la psychanalyse. Mais il ne se soucie pas de présenter un fait historique qui infirme ou confirme une proposition quelconque de la psychanalyse. S'il y a prise à partie, c'est sur le terrain de la théorie médicale. Ces remarques ne sont pas pour attaquer un livre extrêmement riche, mais pour justifier l'assertion qu'entre l'histoire et la psychanalyse il n'y a pas encore eu de dialogue, qui va du «pathologique » au « normal » pour re viser ces deux notions, qui remonte de la limite vers l'intérieur d'une culture, est parallèle à celle de Freud. Mais un tel livre, riche de tant de résonances, mérite un débat à lui tout seul. ce qui suppose langage commun et acceptation provisoire, aux fins de vérification, des propositions de l'interlocuteur. En fait, l'Histoire de la Folie a un rapport indirect avec le sujet, que nous voudrions très étroit, de la présente note. Sa démarche,

1. The Pursuit of the Millennium. Trad. sous le titre Les fanatiques de l'Apocalypse, Paris, 1962.

2. P. 70-80, p. 179-80.

1. Ce schéma a l'intérêt, notons-le en passant, de répondre à l'objection que formulait R. Bastide à l'encontre de la théorie pathologique (d'ailleurs préfreudienne) de la vie mystique. Cf. Problèmes de la vie mystique, Paris, 1948.

2. Talcott Parsons, « Psychoanalysis and the Social Structure », The Psychoanalytic Quaterley, vol. XIX, n° 3, 1950.

3. Par exemple The People of Great Russia, de Gorer et Rickman, 1949, New York. La « Swaddlùig Hypothesis » est certainement inacceptable pour l'historien, mais il ne peut que constater que Gorer a fondé sur elle la meilleure description de la psychologie russe. Les techniques d'emmaillotage ne peuvent bien sûr être retenues comme la cause des traits originaux de la civilisation russe, mais sont peut-être, comme le dit l'auteur dans la postface où il répond aux critiques, la clef d'une description, l'accès commode à un système. Erikson, dans le remarquable chapitre X de Childhood and Society (New York, 1950), les compare à « un circuit amplificateur ».

1. Cf. par exemple Psychopathologie de l'échec du Dr Laforgue, Paris, 1950, ou son Talleyrand, Lausanne, 1947, intéressants, mais dont la problématique historique paraît curieusement archaïque. Mais Laforgue a le grand mérite d'aborder le problème de la culpabilité « collective ». Une biographie peut être analytique et historique à la fois. Je n'ai pu lire malheureusement le Young Man Luther d'Erikson.

2. Exemple : « Et in Arcadia ego », in Meaning in The Visual Arts, New York, 1055.

1. Intervention au Congrès International des Sciences historiques, de Stockholm. Annales, E.S.C., 1961, n° 1.

2. Pour y faire allusion : le conflit de l'instinct de vie et de l'instinct de mort ; le retour du refoulé dans la civilisation ; peut être la compulsion de répétition, etc. t L'eros refoulé est l'énergie de l'histoire ». Norman Brown, Eros et Thanatos, p. 82.

1. Ibidem.

2. Marcuse, H., Eros and Civilization, New York, Vintage books, 1962.Google Scholar i Le but de cet essai est de contribuer à la philosophie de la psychanalyse — non à la psychanalyse elle-même. Il se tient exclusivement sur le terrain de la théorie et reste à l'écart de la discipline technique que la psychanalyse est devenue », p. 7. N. Brown, Life against Death ; trad. française : Erôs et Thanatos, Paris, 1960.

8. Apparemment tout au moins. Mais je n'aurais garde d'introduire ici la théorie psychanalytique de l'argent et de la mentalité capitaliste.

1. La distinction est de M. Ruiteenbeek, Psychoanalysis and Social Science, op. cit., page xx.

2. Alexander Herzen and the Birth of Russian Socialism, Harvard, 1961. L'histoire russe semble, aux États-Unis, le terrain favori de la collaboration des historiens et des psychologues. Sans doute parce que l'histoire russe, plus évidemment qu'aucune autre, n'obéit pas à l'élémentaire mécanique mentale sur laquelle on fait encore parfois reposer l'histoire des hommes d'Occident. Les Slavophiles et Dostoïevsky l'avaient dit depuis longtemps. De là les enquêtes si fécondes de Kluckhohn, Gorer, Erikson, Marcuse et bien d'autres. Le « mystère russe », c'était peut-être le signe de l'impossibilité de mordre sur ce pays avec les catégories classiques.