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Familles et patries en guerre

Retisser la loyauté des combattants soviétiques (1941-1945)

Published online by Cambridge University Press:  22 December 2022

Masha Cerovic*
Affiliation:
EHESS-CERCECmasha.cerovic@ehess.fr

Résumé

L’article se penche sur les ressorts des mobilisations combattantes en URSS pendant la « Grande Guerre patriotique » de 1941-1945, en questionnant l’existence d’un patriotisme russe ou soviétique des masses en 1941. Il analyse la pluralité des discours patriotiques déployés par les acteurs ainsi que leur résonance, ou non, parmi les populations. Pour ce faire, il envisage le patriotisme comme une forme d’organisation sociopolitique et examine dans cette perspective les reconfigurations des liens sociaux, en particulier familiaux, durant la guerre. Le lien familial est appréhendé comme une ressource et un levier de mobilisation et de désengagement, dont les transformations sont consubstantielles à l’émergence de communautés imaginées en armes. La relation entre guerre et nation est ainsi interrogée à la lumière du cas de la « mère patrie » russe ou soviétique des années 1940.

Abstract

Abstract

This article explores the motives behind combat mobilizations in the Soviet Union during the “Great Patriotic War” of 1941-1945, focusing in particular on the existence of Russian or Soviet mass patriotism in 1941. It analyses the plurality of patriotic discourses formulated by various actors and their echo, or lack thereof, among the population. In so doing, it considers patriotism as a form of sociopolitical organization, then uses that prism to examine the reconfiguration of social relations, especially familial ones, during the war. Familial relations are analyzed as a resource, a lever of both mobilization and disengagement, whose transformations were essential to the emergence of imagined communities at war. The case of the Russian or Soviet “motherland” in the 1940s is thus used to interrogate more broadly the link between nation and war.

Type
Guerre, famille et violence au XXe siècle
Copyright
© Éditions de l’EHESS

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References

1 Aleksandr T. Tvardovskij, « O vojne », in Vasilij Terkin, Kniga pro bojca, in Sobranie sočineniâ v šesti tomah, t. 2, Stihotvoreniâ (1940-1945), Moscou, Hudoževestvennaâ literatura, 1977, p. 182.

2 Ilya Ehrenbourg, « O patriotizme », Pravda, 14 juin 1942. La première « guerre patriotique » évoquée ici désigne celle de 1812 contre Napoléon.

3 La langue russe a deux termes principaux pour désigner la patrie : otečestvo/otčizna (dérivé de la racine de « père », otec) et rodina (littéralement « lieu de naissance »), proches de Vaterland/Heimat en allemand. Si le premier vocable s’impose dès l’été 1941 pour parler de la « Grande Guerre patriotique », la Velikaâ otečestvennaâ vojna (le conflit germano-soviétique), c’est la rodina qui domine dans les discours et, le plus souvent, c’est lui que nous traduisons dans cet article par « patrie » ou « nation », une distinction entre le lieu d’attachement et la communauté politique qui n’est pas aussi nette en russe qu’en français. Le terme de naciâ pour « nation » et ses dérivés (national, nationalité), d’étymologie étrangère, relève avant tout du registre de la catégorisation administrative ou ethnographique ; il ne se réfère pas à une communauté politique mobilisable. La « patrie soviétique » inclut une pluralité de nations/nacii. Pour nommer le « patriotisme », le russe recourt au lexique d’origine française (patriotizm, patriot, patriotičeskij) ou à des expressions russes (« amour de la patrie », lûbov’ k rodine). « Nationalisme » et ses dérivés sont exclusivement utilisés dans le cadre d’un lexique marxiste-léniniste pour caractériser des adversaires du socialisme, spécialement les « nationalistes bourgeois », qui désignent en général les opposants au pouvoir soviétique dans les pays ayant pris leur indépendance de l’Empire russe à l’issue de la Première Guerre mondiale ; les « patriotes » sont donc souvent ceux qui soutiennent l’URSS, et les « nationalistes » ceux qui s’y opposent. En URSS même, le « chauvinisme » est le terme le plus couramment utilisé pour dénoncer ceux qui échouaient à tenir l’équilibre fluctuant entre les discours de fierté nationale et d’internationalisme socialiste.

4 Il n’est pas impossible que cette idée ait été d’autant plus facilement acceptée qu’elle faisait écho aux représentations, fortement ancrées dans les esprits, des mobilisations de 1914 et de ces départs des soldats « la fleur au fusil », qui continuent à faire l’objet de vifs débats historiographiques même après la révision en profondeur du mythe de « l’union sacrée ». Voir Jean-Jacques Becker, « ‘La fleur au fusil’. Retour sur un mythe », in C. Prochasson et A. Rasmussen (dir.), Vrai et faux dans la Grande Guerre, Paris, La Découverte, 2004, p. 152-165 ; Pierre Purseigle, Mobilisation, sacrifice et citoyenneté. Angleterre-France 1900-1918, Paris, Les Belles Lettres, 2013.

5 Catherine Merridale, « Culture, Ideology and Combat in the Red Army, 1939-45 », Journal of Contemporary History, 41-2, 2006, p. 305-324 ; Amir Weiner, « Something to Die For, a Lot to Kill For: The Soviet System and the Barbarisation of Warfare, 1939-1945 », in G. Kassimeris (dir.), The Barbarisation of Warfare, New York, New York University Press, 2006, p. 101-125 ; Roger R. Reese, « Motivations to Serve: The Soviet Soldier in the Second World War », The Journal of Slavic Military Studies, 20-2, 2007, p. 263-282 ; Jochen Hellbeck, Die Stalingrad-Protokolle. Sowjetische Augenzeugen berichten aus der Schlacht, Francfort, Fischer, 2012 ; Mark Edele, « ‘What Are We Fighting For?’ Loyalty in the Soviet War Effort, 1941-1945 », International Labor and Working-Class History, 84, 2013, p. 248-268 ; Oleg Budnitskii, « The Great Patriotic War and Soviet Society: Defeatism, 1941-42 », Kritika: Explorations in Russian and Eurasian History, 15-4, 2014, p. 767-798 ; Brandon M. Schechter, The Stuff of Soldiers: A History of the Red Army in World War II through Objects, Ithaca, Cornell University Press, 2019.

6 La première approche est souvent celle des historiens, y compris de l’URSS, influencés avant tout par Benedict R. O’Gorman Anderson, Imagined Communities: Reflections on the Origin and Spread of Nationalism, New York, Verso, 1991, mais aussi par Ernest Gellner, Nations and Nationalism, Ithaca, Cornell University Press, 2008 et Eric J. Hobsbawm, Nations and Nationalism since 1780: Programme, Myth, Reality, Cambridge, Cambridge University Press, 1990 ; pour une approche microsociologique de la nation comme idéologie, voir Michael Billig, Banal Nationalism, Londres, SAGE, 1995. La réflexion s’appuie ici, en outre, sur une sociologie d’inspiration durkheimienne, qui cherche à intégrer les niveaux méso- et macro- des appareils étatiques et des idéologies au niveau microsociologique des acteurs sociaux, défendue en particulier par Siniša Malešević, « Grounding Nationalism: Randall Collins and the Sociology of Nationhood », Thesis Eleven, 154-1, 2019, p. 108-123 ; id., « Nationalism, War and Social Cohesion », Ethnic and Racial Studies, 34-1, 2011, p. 142‑161.

7 Comme l’amour maternel ou la piété filiale – ou l’amour chrétien –, l’amour de la patrie devient ainsi un ensemble d’obligations et de comportements juridiques, économiques et émotionnels attendus et exigibles indépendamment de la complexité des sentiments personnels : la nation est une organisation effective du corps politique quand elle repose non plus sur l’enthousiasme des volontaires, mais sur le devoir, même résigné.

8 Sur les différentes forces armées soviétiques étudiées, on se référera notamment, pour l’Armée rouge, à David M. Glantz, Colossus Reborn: The Red Army at War, 1941-1943, Lawrence, University Press of Kansas, 2005 ; Catherine Merridale, Ivan’s War: Life and Death in the Red Army, 1939-1945, New York, Picador, 2006 ; Anna Krylova, Soviet Women in Combat: A History of Violence on the Eastern Front, Cambridge, Cambridge University Press, 2011 ; B. M. Schechter, The Stuff of Soldiers, op. cit. Sur les partisans soviétiques, voir Kenneth Slepyan, Stalin’s Guerrillas: Soviet Partisans in World War II, Lawrence, University Press of Kansas, 2006 ; Masha Cerovic, Les enfants de Staline. La guerre des partisans soviétiques, 1941-1944, Paris, Éd. du Seuil, 2018. Sur les unités combattant aux côtés des Allemands, les recherches sont encore balbutiantes, plus pour des raisons propres aux dynamiques mémorielles et historiographiques qu’à cause de difficultés inhérentes à la base documentaire.

9 Sur la co-construction de l’institution familiale et de l’ordre social à l’époque moderne, voir Rémi Lenoir, Généalogie de la morale familiale, Paris, Éd. du Seuil, 2003. On peut penser que l’étatisation de l’institution familiale, que Rémi Lenoir considère comme l’une des caractéristiques fortes de cette histoire, est beaucoup moins marquée en URSS au milieu du xxe siècle. Les cadres juridiques et administratifs de la famille connaissent des changements brusques, radicaux et contradictoires après 1917, que l’on peut résumer comme une attaque révolutionnaire systématique contre l’institution familiale, tenue pour bourgeoise, pendant la première décennie postrévolutionnaire, suivie du retour à une politique familialiste et nataliste faisant de la famille le fondement de l’ordre social au milieu des années 1930 (restauration de l’autorité parentale, encadrement plus strict du divorce, rétablissement de l’interdiction d’avortement et de la pénalisation de l’homosexualité, etc.). Les histoires sociales de la famille ou du genre débattent des sources et des effets de ces politiques, mais uniquement dans un milieu urbain. Nous n’avons que peu d’éléments sur les transformations de la famille paysanne pendant cette période, ce qui contraste avec la période impériale tardive, pour laquelle les historiens ont exploré les recompositions de l’institution familiale en milieu rural, lieu de négociations complexes entre les habitants, les autorités villageoises et les institutions étatiques, à la suite de l’abolition du servage en 1861 qui avait levé les contraintes seigneuriales lourdes modelant jusque-là cette institution : voir Alexandre Avdeev, Alain Blum et Irina Troitskaia, « Peasant Marriage in Nineteenth-Century Russia », Population, 59-6, p. 721-764 ; Cathy A. Frierson, « Peasant Family Divisions and the Commune », in R. Bartlett (dir.), Land Commune and Peasant Community in Russia: Communal Forms in Imperial and Early Soviet Society, Londres, Palgrave Macmillan, 1990, p. 303-320.

10 Il ne faut pas entendre là une réalité ethnique ni une pratique (ni même nécessairement une culture) religieuse : la catégorie « slave orthodoxe » est à comprendre comme une catégorie sociopolitique héritée des hiérarchisations sociales et des pratiques administratives impériales, qui se définit ici avant tout par l’exclusion de ceux qui n’y appartiennent pas. Sont ainsi exclues les minorités linguistiques, religieuses et ethniques, dont les principales, dans l’aire examinée, sont les juifs et les Polonais. Le choix de ne pas discuter systématiquement dans cet article l’expérience de ces minorités vient moins de différences culturelles ou politiques qui leur seraient inhérentes que des conséquences des politiques étatiques violentes, dont les processus génocidaires nazis, qui ciblent ces groupes dans les années 1930 et 1940 et façonnent les rapports des individus aux États et leurs possibilités d’action, même lorsqu’ils ne se définissent pas personnellement comme membres d’une communauté ethnique ou religieuse, voire lorsqu’ils rejettent explicitement ces appartenances.

11 Sur le tracé complexe de ces frontières encore mouvantes dans l’entre-deux-guerres et sur la construction des républiques et des nations soviétiques, voir Terry Martin, The Affirmative Action Empire: Nations and Nationalism in the Soviet Union, 1923-1939, Ithaca, Cornell University Press, 2001 ; Francine Hirsch, Empire of Nations: Ethnographic Knowledge and the Making of the Soviet Union, Ithaca, Cornell University Press, 2005 ; Juliette Cadiot, Le laboratoire impérial. Russie-URSS, 1870-1940, Paris, CNRS Éditions, 2007 ; Sabine Dullin, La frontière épaisse. Aux origines des politiques soviétiques (1920-1940), Paris, Éd. de l’EHESS, 2014.

12 M. Cerovic, Les enfants de Staline, op. cit.

13 Le traitement le plus récent, nuancé et exhaustif sur ce point est celui d’O. Budnitskii, « The Great Patriotic War and Soviet Society », art. cit. Sur la question plus générale de « l’opinion publique » en URSS, voir Sarah Davies, Popular Opinion in Stalin’s Russia: Terror, Propaganda and Dissent, 1934-1941, Cambridge, Cambridge University Press, 1997 ; Paul Corner (dir.), Popular Opinion in Totalitarian Regimes: Fascism, Nazism, Communism, Oxford, Oxford University Press, 2009. Sur les rapports de la police politique soviétique, voir Nicolas Werth et Gaël Moullec (dir.), Rapports secrets soviétiques. La société russe dans les documents confidentiels, 1921-1991, Paris, Gallimard, 1994. L’évaluation de « l’opinion publique » ou du « moral » des populations reste un problème très controversé pour la plupart des sociétés soumises à des régimes de domination autoritaire violente pendant la guerre. On pourrait comparer ici le cas soviétique à la fois avec les débats concernant « l’opinion publique » allemande sous le nazisme ou celle des Français sous l’Occupation : voir Ian Kershaw, Popular Opinion and Political Dissent in the Third Reich, Bavaria 1933-1945, Oxford, Clarendon Press, 2002 ; Peter Longerich, « Davon haben wir nichts gewusst ! » Die Deutschen und die Judenverfolgung 1933-1945, Munich, Siedler Verlag, 2006 ; Philippe Burrin, La France à l’heure allemande. 1940-1944, Paris, Éd. du Seuil, 1995 ; Pierre Laborie, L’opinion française sous Vichy. Les Français et la crise d’identité nationale (1936-1944), Paris, Éd. du Seuil, 2001.

14 Sur la commission Minc et les possibilités et les difficultés que pose l’exploitation de ses archives, voir J. Hellbeck, Die Stalingrad-Protokolle, op. cit. ; Oleg Budnitskii, « A Harvard Project in Reverse: Materials of the Commission of the USSR Academy of Sciences on the History of the Great Patriotic War, Publications and Interpretations », Kritika: Explorations in Russian and Eurasian History, 19-1, 2018, p. 175-202.

15 Voir notamment Alexander Werth, Russia at War, 1941-1945, New York, Dutton, 1964 ; Richard J. Overy, Russia’s War: Blood upon the Snow, New York, TV Books, 1997 ; David Brandenberger, National Bolshevism: Stalinist Mass Culture and the Formation of Modern Russian National Identity, 1931-1956, Cambridge, Harvard University Press, 2002 ; Geoffrey Hosking, « The Second World War and Russian National Consciousness », Past & Present, 175, 2002, p. 162-187 ; Karel C. Berkhoff, Motherland in Danger: Soviet Propaganda during World War II, Cambridge, Harvard University Press, 2012. Pour une discussion plus détaillée des discours patriotiques déployés et des limites de leur réception, voir Masha Cerovic, « Des patriotismes sans patriotes ? Les Soviétiques dans la Deuxième Guerre mondiale », Guerres mondiales et conflits contemporains, 281-1, 2021, p. 23-36.

16 Oleg Budnitskii, « Izobretaâ Otečestvo. Istoriâ vojny s Napoleonom v sovetskoj propagande 1941-1945 godov », Rossijskaâ Istoriâ, 6, 2012, p. 157-169.

17 Joshua A. Sanborn, Drafting the Russian Nation: Military Conscription, Total War, and Mass Politics, 1905-1925, DeKalb, Northern Illinois University Press, 2011.

18 Richard Stites (dir.), Culture and Entertainment in Wartime Russia, Bloomington, Indiana University Press, 1995 ; D. Brandenberger, National Bolshevism, op. cit. ; G. Hosking, « The Second World War and Russian National Consciousness », art. cit. ; Aleksandr Livšin et Igor’ Orlov (dir.), Sovetskaâ propaganda v gody Velikoj Otečestvennoj vojny. « Kommunikaciâ ubeždeniâ » i mobilizacionnye mehanizmy, Moscou, ROSSPEN, 2007 ; K. C. Berkhoff, Motherland in Danger, op. cit. ; Serhy Yekelchyk, « Stalinist Patriotism as Imperial Discourse: Reconciling the Ukrainian and Russian ‘Heroic Pasts’, 1939-1945 », Kritika: Explorations in Russian and Eurasian History, 3-1, 2002, p. 51-80 ; Brandon M. Schechter, « ‘The People’s Instructions’: Indigenizing the Great Patriotic War Among ‘Non-Russians’ », Ab Imperio, 3, 2012, p. 109-133 ; Moritz Florin, « Becoming Soviet through War: The Kyrgyz and the Great Fatherland War », Kritika: Explorations in Russian and Eurasian History, 17-3, 2016, p. 495-516.

19 Mark Edele, « Paper Soldiers: The World of the Soldier Hero According to Soviet Wartime Posters », Jahrbücher für Geschichte Osteuropas, 47-1, 1999, p. 89-108, ici p. 100. Voir aussi Lisa A. Kirschenbaum, « ‘Our City, Our Hearths, Our Families’: Local Loyalties and Private Life in Soviet World War II Propaganda », Slavic Review: Interdisciplinary Quarterly of Russian, Eurasian, and East European Studies, 59-4, 2000, p. 825-847.

20 Ilya Ehrenbourg, « Ubej ! », Krasnaâ Zvezda, 24 juill. 1942.

21 Ortwin Buchbender, Das tönende Erz. Deutsche Propaganda gegen die Rote Armee im Zweiten Weltkrieg, Stuttgart, Seewald Verlag, 1978. Voir aussi M. Cerovic, « Des patriotismes sans patriotes ? », art. cit.

22 Bernhard Chiari, Alltag hinter der Front. Besatzung, Kollaboration und Widerstand in Weissrussland 1941-1944, Düsseldorf, Droste Verlag, 1998, notamment p. 130-131 et 171 ; Babette Quinkert, Propaganda und Terror in Weißrußland 1941-1944. Die deutsche « geistige » Kriegführung gegen Zivilbevölkerung und Partisanen, Paderborn, Schöningh, 2009.

23 A. Werth, Russia at War, 1941-1945, op. cit. ; C. Merridale, Ivan’s War, op. cit. ; Roger D. Markwick et Euridice C. Cardona, Soviet Women on the Frontline in the Second World War, New York, Palgrave Macmillan, 2012, p. 32 sq. ; O. Budnitskii, « The Great Patriotic War and Soviet Society », art. cit. ; Serhii Plokhy, « The Call of Blood: Government Propaganda and Public Response to the Soviet Entry into World War II », Cahiers du monde russe. Russie, Empire russe, URSS, États indépendants, 52-2/3, 2011, p. 293-319.

24 Mihail M. Gorinov, Moskva voennaâ, 1941-1945. Memuary i arhivnye dokumenty, Moscou, Izdatel’stvo ob”edineniâ Mosgorarhiv, 1995, p. 118, rapport du responsable du Commissariat du peuple aux Affaires intérieures (NKVD) de la ville et de la région de Moscou sur la réaction de la population à l’approche de l’ennemi de la capitale, 18 oct. 1941.

25 Ibid., p. 160, aperçu de la correspondance examinée par la censure militaire dans la ville et la région de Moscou du 1er au 15 novembre 1941.

26 Ibid., p. 552, rapport du gouverneur militaire de Moscou sur la mise en œuvre par les autorités militaires du décret du Comité de défense d’État « sur l’introduction de l’état de siège à Moscou » pour la période octobre 1941-juillet 1942, 9 août 1942. Elles arrêtent aussi 10 610 hommes pour désertion et 24 651 pour insoumission. Ces statistiques sont indicatives et n’incluent pas les personnes arrêtées par d’autres autorités.

27 Mihail Prišvin, Dnevniki. 1940-1941, Moscou, ROSSPEN, 2012, p. 577, entrée du 10 sept. 1941. Le même jour, l’auteur notait aussi son inconfort face à un lecteur juif qui lui avait dit son enthousiasme pour son œuvre : « ainsi, il en va qu’en tant que citoyen, je les hais [les juifs], mais en tant qu’écrivain, je ne peux vivre en Russie sans eux. […] Où qu’on se tourne, à Moscou de nos jours, on tombe partout sur un juif ». Plus généralement, sur le « défaitisme » en URSS au début de la guerre, voir O. Budnitskii, « The Great Patriotic War and Soviet Society », art. cit.

28 D’après Grigorij Krivošeev, « O dezertirstve v Krasnoj Armii », Voenno-istoričeskij žurnal, 6, 2001, p. 94, 1,5 million de personnes auraient été arrêtées pour désertion pendant la guerre. Selon R. R. Reese, « Motivations to Serve », art. cit., p. 270, au moins 4,4 millions de Soviétiques ont, d’une manière ou d’une autre, essayé de se soustraire au service militaire pendant la guerre.

29 Près de 6 millions d’hommes mobilisables restent en territoire occupé d’après Vasilij Starosel’skij, « Komplektovanie Krasnoj Armii râdovym i seržantskim sostavom v gody Velikoj Otečestvennoj vojny », Voenno-istoričeskij žurnal, 3, 2002, p. 6-12. Nous ne disposons pas de chiffres fiables à un niveau régional : il est impossible de savoir combien cette non-mobilisation varie selon des lignes nationales, ne serait-ce qu’entre la Biélorussie, l’Ukraine orientale et les régions de Russie occidentale occupées dans la foulée.

30 M. Cerovic, Les enfants de Staline, op. cit., p. 22-33.

31 Mark Edele, Stalin’s Defectors: How Red Army Soldiers Became Hitler’s Collaborators, 1941-1945, Oxford, Oxford University Press, 2017, p. 111 sq.

32 Nicolas Werth, « Rumeurs défaitistes et apocalyptiques dans l’URSS des années 1920 et 1930 », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 71, 2001, p. 25-35. L’auteur note que « le discours apocalyptique [apparaît] comme une ‘variante’ radicale, tout particulièrement présente dans les campagnes, et à certains moments de crise aiguë entre le régime et la société, du discours ‘défaitiste’ » (ibid., p. 26), confirmant en creux que la politisation, indéniablement très forte, de la société rurale soviétique s’articulait encore, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, hors de la grammaire idéologique nationale moderne.

33 M. Edele, Stalin’s Defectors, op. cit., p. 104.

34 Moscou, Rossijskij Gosudarstvennyj Arhiv Social’lno-Političeskoj Istorii (ci-après RGASPI), f. 69, op. 1, d. 28, entretien du capitaine Seregin, commandant partisan, avec un représentant de l’état-major central du mouvement partisan à propos de l’attitude des prisonniers de guerre en 1941 à Minsk, 21 oct. 1942, p. 166.

35 Berlin, Bundesarchiv (ci-après BA), R 58/215, Ereignismeldungen UdSSR, 1er et 9 août 1941, p. 132, 135 et 235-236.

36 BA, R 58/216, Ereignismeldungen UdSSR, 29 août 1941, p. 221 ; voir aussi BA, R 58/215, p. 163 (5 août 1941) et 268 (12 août 1941) pour des rapports similaires, notamment sur l’absence d’« activisme » des habitants de Biélorussie contre les juifs.

37 Masha Cerovic, « La question agraire en Biélorussie durant l’occupation allemande (1941-1944) », Hypothèses 2010, 14-1, 2011, p. 219-228 ; Seth Bernstein, « Rural Russia on the Edges of Authority: Bezvlastie in Wartime Riazan’, November-December 1941 », Slavic Review, 75-3, 2016, p. 560-582.

38 Minsk, Nacional’nyj Arhiv Respubliki Belarus’ (ci-après NARB), f. 750, op. 1, d. 121, été 1944, p. 81. Les déclarations de ce type sont d’autant plus remarquables qu’elles constituent, du point de vue des autorités soviétiques, un aveu de désertion, passible de peines très lourdes, ce dont tous les contemporains sont parfaitement conscients.

39 Karel C. Berkhoff, Harvest of Despair: Life and Death in Ukraine under Nazi Rule, Cambridge, Harvard University Press, 2004, fait, au chapitre 9 (« Ethnic Identity and Political Loyalties »), un constat similaire d’absence de sentiment national chez les paysans d’Ukraine orientale, y compris lorsque des nationalistes venus d’Ukraine occidentale essaient de susciter une solidarité nationale ukrainienne, et ce malgré le souvenir très vif de la grande famine de 1932-1933 et de l’hostilité générale au régime stalinien.

40 Le texte intégral de l’ordre a été rendu public pour la première fois en 1988 : Voenno-istoričeskij žurnal, 9, 1988, p. 26-28.

41 Décret du Comité Central du Parti communiste (bolchevique) d’Union soviétique, « Sur les mesures pour améliorer le travail des organes soviétiques et des organisations locales du Parti pour aider les familles de soldats », 22 janv. 1943. Le montant des pensions que touchaient les familles de soldats avait été fixé par les décrets du Præsidium du Soviet suprême du 26 juin 1941 et du 19 juillet 1942. Sur les plaintes de soldats concernant l’insuffisance du soutien à leurs familles par les autorités, voir Catherine Merridale, Ivan’s War, op. cit., p. 234‑235. L’aide liée au service d’un homme de la famille est en effet souvent essentielle, mais insuffisante pour pallier les immenses difficultés des civils soviétiques pendant la guerre, soumis à des conditions de vie très dures et à des pénuries massives, en particulier alimentaires.

42 B. M. Schechter, The Stuff of Soldiers, op. cit., p. 69.

43 La place des correspondances dans les relations entre le front et l’arrière, entre les soldats et leurs familles, l’interpénétration des sphères intimes et collectives qu’elles révèlent et l’importance de ces « démonstrations de l’attachement » pour le consentement des hommes au combat ont été analysées dans le contexte de la Première Guerre mondiale en Europe de l’Ouest, en particulier par Clémentine Vidal-Naquet, Couples dans la Grande Guerre. Le tragique et l’ordinaire du lien conjugal, Paris, Les Belles Lettres, 2014.

44 Jochen Hellbeck, « ‘The Diaries of Fritzes and the Letters of Gretchens’: Personal Writings from the German-Soviet War and Their Readers », Kritika: Explorations in Russian and Eurasian History, 10-3, 2009, p. 571-606 ; B. M. Schechter, The Stuff of Soldiers, op. cit. ; Larissa Zakharova, De Moscou aux terres les plus lointaines. Communications, politique et société en URSS, Paris, Éd. de l’EHESS, 2020, p. 267-285.

45 Cité dans L. Zakharova, De Moscou aux terres les plus lointaines, op. cit., p. 268. Ce poème, rédigé en 1941, est l’un des plus célèbres de la guerre : « Attends-moi, et je reviendrai. Mais attends fort, attends quand les pluies jaunes inspirent la tristesse, attends quand les neiges virevoltent, attends quand la chaleur pèse, attends quand on n’attend plus les autres, qu’hier est oublié. Attends quand des terres lointaines, les lettres n’arrivent pas, attends quand en ont déjà assez tous ceux qui attendent avec toi. Attends-moi, et je reviendrai, ne remercie pas tous ceux qui savent pour sûr qu’il est temps d’oublier. Que fils et mère croient que je ne suis plus, que les amis se lassent d’attendre, qu’ils s’assoient au coin du feu, qu’ils boivent un vin amer à ma mémoire… Attends. Et ne te presse pas de boire avec eux. Attends-moi et je reviendrai, au diable toutes les morts. Que celui qui ne m’a pas attendu, dise : – Il a eu de la chance. Ils ne peuvent pas comprendre, eux qui n’ont pas attendu, comment par ton attente, tu m’as sauvé sous le feu. Comment j’ai survécu, seuls toi et moi le saurons – c’est simplement que tu savais attendre comme aucune autre. »

46 La Wehrmacht s’appuyait aussi sur l’immixtion très forte des administrations de l’Allemagne nazie dans le lien familial des soldats, y compris par la violence : voir Robert Loeffel, Family Punishment in Nazi Germany: Sippenhaft, Terror and Myth, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2012 ; Christian Packheiser, Heimaturlaub. Soldaten zwischen Front, Familie und NS-Regime, Göttingen, Wallstein Verlag, 2020. Pour une histoire croisée de l’intimité, de l’institution familiale et de la guerre, de l’armée et de la violence de masse dans l’Allemagne nazie, voir Hester Vaizey, Surviving Hitler’s War: Family Life in Germany, 1939-48, New York, Palgrave Macmillan, 2010 ; Elissa Mailänder, Amour, mariage, sexualité. Une histoire intime du nazisme (1930-1950), Paris, Éd. du Seuil, 2021. Sarah J. Zimmerman a montré comment les sphères « civiles » et « militaires » sont co-construites par les acteurs, et comment l’institution familiale même est inextricablement liée à l’institution militaire, dans le contexte colonial français qu’elle étudie, et probablement bien au-delà : Sarah J. Zimmerman, Militarizing Marriage: West African Soldiers’ Conjugal Traditions in Modern French Empire, Athens, Ohio University Press, 2020.

47 NARB, f. 750, op. 1, d. 116, p. 43, entretien de Minaj Šmyrev avec la commission Minc, 6 sept. 1942. Sur la figure de Šmyrev, voir M. Cerovic, Les enfants de Staline, op. cit., chap. 1.

48 Masha Cerovic, « ‘Au chien, une mort de chien’. Les partisans face aux ‘traîtres à la Patrie’ », Cahiers du monde russe. Russie, Empire russe, URSS, États indépendants, 49-2/3, 2008, p. 239-262. L’homologie relative des pratiques et l’absence de toute possibilité de chiffrer les victimes ne doivent toutefois pas masquer les différences fondamentales avec l’échelle et les logiques des violences de masse déployées par les occupants.

49 Fribourg-en-Brisgau, Bundesarchiv-Militärarchiv (ci-après BA-MA), RH-22/230, rapport mensuel pour janvier 1942 du commandant de la zone arrière Centre à l’état-major, 5 févr. 1942.

50 RGASPI, f. 69, op. 1, d. 28, p. 57, à propos du bourgmestre de Navlâ : « celui-là, il a fallu le liquider avec sa racine, et on a pas mal réussi ».

51 NARB, f. 750, op. 1, d. 116, 11 mars 1943, p. 148.

52 Cité dans John A. Armstrong (dir.), Soviet Partisans in World War II, Madison, University of Wisconsin Press, 1964, p. 751‑752.

53 NARB, f. 1450, op. 4, d. 166, ordre no 144 du 29 juill. 1943 de la brigade Železnâk. Un mois plus tôt, les hommes de la brigade ont déjà exécuté huit civils, dont un nourrisson, en application de cette logique : voir RGASPI, f. 69, op. 1, d. 748, p. 105, cité dans Bogdan Musial, Sowjetische Partisanen 1941-1944: Mythos und Wirklichkeit, Paderborn, Schöningh, 2009, p. 198. La plupart des exécutions de civils ne sont pas ou mal documentées, leurs victimes étant tout au plus notées comme « pertes ennemies », quels que soient les perpétrateurs.

54 Kiev, Central’nij deržavnij arhiv gromad’skih ob’èdnan’ Ukraïni, f. 63, op. 1, d. 99, p. 2, lettre d’un villageois adressée au commandement de l’unité de partisans de Sidor Kovpak, 2 mars 1942.

55 NARB, f. 1450, op. 4, d. 24, 4 févr. 1942, p. 1.

56 BA-MA, RH-21-2/500, rapport du 7 juin 1943.

57 RGASPI, f. 69, op. 1, d. 746, rapport de renseignement, 15 juill. 1942, p. 112.

58 Littéralement un « ancien », responsable administratif de la communauté villageoise à l’époque tsariste et sous l’occupation nazie (les villes sont administrées par des « bourgmestres »).

59 NARB, f. 1405, op. 1, d. 847, n. d., p. 29.

60 NARB, f. 1450, op. 2, d. 1326, n. d., p. 26.

61 NARB, f. 1450, op. 1, d. 847, 23 mars 1944, p. 34.

62 Malgré son indéniable sympathie pour son objet, la meilleure histoire, fragmentaire, de la « république de Lokot’ » est celle écrite par Igor’ Ermolov, Istoriâ Lokotskogo okruga i Russkoj Osvoboditel’noj Narodnoj Armii, in Istorii russkoj provincii. Istoriko-prosvetitel’skij žurnal, 41, Orel, s. n., 2008.

63 Sur les évacuations, voir Rebecca Manley, To the Tashkent Station: Evacuation and Survival in the Soviet Union at War, Ithaca, Cornell University Press, 2009. Sur les déportations, voir Pavel Polian, Against Their Will: The History and Geography of Forced Migrations in the USSR, Budapest, Central European University Press, 2003, p. 115-164 et Pavel Polian, Žertvy dvuh diktatur. Sovetskie voennoplennye i ostarbajtery v Tret’em rejhe i ih repatriaciâ, Moscou, Naš Vybor, 1996.

64 Dieter Pohl, Die Herrschaft der Wehrmacht. Deutsche Militärbesatzung und einheimische Bevölkerung in der Sowjetunion 1941-1944, Munich, Oldenbourg, 2008, p. 322-328.

65 NARB, f. 750, op. 1, d. 120, entretien d’Ivan Andreevič Mal’cev avec la commission Minc, 29 déc. 1942, p. 86.

66 Pour une analyse du rôle des réseaux familiaux et de leur reconfiguration dans la survie des juifs en Galicie orientale, voir Natalia Aleksiun, « Daily Survival: Social History of Jews in Family Bunkers in Eastern Galicia », in W. Lower et L. Faulkner Rossi (dir.), Lessons and Legacies, vol. 12, New Directions in Holocaust Research and Education, Evanston, Northwestern University Press, 2017, p. 304-331. Pour une réflexion d’ensemble, voir Dalia Ofer, « Cohesion and Rupture: The Jewish Family in East European Ghettos during the Holocaust », Studies in Contemporary Jewry, 14, 1998, p. 143-165.

67 Voir notamment Olga Kucherenko, Little Soldiers: How Soviet Children Went to War, 1941-1945, Oxford, Oxford University Press, 2011 ; Anika Walke, Pioneers and Partisans: An Oral History of Nazi Genocide in Belorussia, Oxford, Oxford University Press, 2018 ; Alexis Peri, The War Within: Diaries from the Siege of Leningrad, Cambridge, Harvard University Press, 2017.

68 Moscou, Naučnyj Arhiv Instituta Rossijskoj Istorii Rossijskoj Akademii Nauk, f. 2, r. III, op. 1, d. 7, l. 20, entretien du major A. Lužbin avec la commission Minc, cité dans B. M. Schechter, The Stuff of Soldiers, op. cit., p. 140.

69 Voir Oleg Budnitskii, « Mužčiny i ženščiny v Krasnoj Armii (1941-1945) », Cahiers du monde russe. Russie, Empire russe, URSS, États indépendants, 52-2/3, 2011, p. 767-797 ; Brandon M. Schechter, « ‘Girls’ and ‘Women’: Love, Sex, Duty and Sexual Harassment in the Ranks of the Red Army 1941-1945 », The Journal ofh Power Institutions in Post-Soviet Societies, 17, 2016, https://doi.org/10.4000/pipss.4202 ; A. Krylova, Soviet Women in Combat, op. cit. ; Svetlana Alexievitch, La guerre n’a pas un visage de femme, trad. par G. Ackerman et P. Lequesne, Paris, Presses de la Renaissance, [1985] 2004 ; O. Kucherenko, Little Soldiers, op. cit.

70 Thomas Kühne, The Rise and Fall of Comradeship: Hitler’s Soldiers, Male Bonding and Mass Violence in the Twentieth Century, Cambridge, Cambridge University Press, 2017, analyse la construction de la « famille » militaire dans la Wehrmacht, lieu d’affirmation, souvent coercitive, d’une masculinité militaire définie entre autres par le rejet des familles civiles, qui relèvent de la féminité et de la domesticité.

71 Malgré les différences radicales de contexte, on ne peut qu’être frappé par les similitudes avec les processus de transformation de l’autorité dans l’armée française pendant la Première Guerre mondiale, même si la valorisation du lien affectif hiérarchique ne semble pas entraîner de « maternalisation » dans l’Armée rouge et bien que les études manquent pour pouvoir le confirmer : voir Emmanuel Saint-Fuscien, À vos ordres ? La relation d’autorité dans l’armée française de la Grande Guerre, Paris, Éd. de l’EHESS, 2011. Thomas Kühne a montré un phénomène semblable d’autorité « maternelle » dans l’armée allemande pendant la Seconde Guerre mondiale : T. Kühne, The Rise and Fall of Comradeship, op. cit.

72 B. M. Schechter, The Stuff of Soldiers, op. cit.

73 Chanson « Vragi sožgli rodnuû hatu », texte de Mihail Isakovskij, musique de Matvej Blanter, 1945 ; premier enregistrement en 1946.