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Écrire l'histoire de l'esclavage: Entre approche globale et perspective comparatiste*

Published online by Cambridge University Press:  23 August 2017

Paulin Ismard*
Affiliation:
Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne, Anhima , Umr 8210, Institut universitaire de France

Résumé

Peut-on considérer, à la suite de l'un de ses meilleurs spécialistes, Patrick Manning, que «le champ des études sur l'esclavage est devenu un modèle de comparatisme en histoire sociale et économique»? Tout dépend de ce que l'on entend sous le terme de comparatisme, qui en est venu à qualifier des démarches aussi différentes dans leur méthode que variées, voire contradictoires, dans leur finalité. Depuis la fin des années 1990, l'histoire globale de l'esclavage n'a pas manqué de souligner les naïvetés épistémologiques d'une certaine tradition comparatiste, coupable d'appréhender le fait esclavagiste sous l'angle de ses institutions, et non comme un processus dynamique résultant de conditions historiques singulières. Il convient pourtant de cerner les limites d'une telle approche lorsqu'elle prétend être seule en mesure de dire ce qu'il en est de l'esclavage à travers l'histoire. Après avoir dressé un état des lieux des enjeux théoriques qui traversent l'historiographie contemporaine de l'esclavage, l'article tente de mettre en évidence ce qu'une démarche comparatiste de type «morphologique», redéfinie dans ses échelles d'observation, ses méthodes et ses objectifs, est susceptible d'apporter à l’étude d'une société en particulier, celle d'Athènes à l’époque classique. À partir de l'examen d'une forme spécifique d'organisation du travail servile commune à de nombreuses sociétés esclavagistes – celle où un esclave attaché à l'exploitation d'une terre, d'une boutique ou d'un atelier verse une rente régulière à son maître –, il est possible de réinterroger plusieurs dimensions essentielles de l'institution esclavagiste athénienne.

Abstract

Should we consider, along with the great specialist Patrick Manning, that “the field of slavery studies has become a model of comparatism in social and economic history”? The issue depends on what we mean by the term “comparatism,” which has come to qualify approaches that are very different in their methods and sometimes even contradictory in their goals. Since the end of the 1990s, the global history of slavery has highlighted the epistemological naivety of a certain comparatist tradition, guilty of conceiving slavery exclusively under an institutionalist paradigm, and not as a dynamic process arising from specific historical conditions. It is nevertheless important to point to the limits of such a “global” approach when it claims to be the only one capable of exploring slavery throughout history. After reviewing the theoretical challenges that traverse the contemporary historiography of slavery, this article seeks to demonstrate that a “morphological” type of comparatist approach, using redefined scales of observation, methods, and goals, can contribute to the study of one particular society: Athens during the classical period. By looking at a specific organization of servile labor common to numerous slave societies, in which a slave tied to the running of a piece of land, a workshop, or a store paid a regular rent to his master, it is possible to reinterrogate some fundamental aspects of the institution of slavery in Athens.

Type
Histoire de l'esclavage
Copyright
Copyright © Éditions de l'EHESS 

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Footnotes

*

Je remercie tout particulièrement Vincent Azoulay, Romain Bertrand, Camille Lefebvre et Alberto Maffi pour leurs précieux conseils. Cet article a été en grande partie rédigé à l'Institute for Advanced Study de Princeton, que je souhaite remercier pour son soutien. Sauf mentions contraires, les textes grecs sont cités dans la Collection des universités de France (Cuf), Paris, Les Belles Lettres, et les traductions des citations modernes sont le fait de l'auteur du présent article.

References

1 Freyre, Gilberto, Maîtres et esclaves. La formation de la société brésilienne, trad. par Bastide, R., Paris, Gallimard, [1933] 1952, p. 434435 Google Scholar.

2 Wallon, Henri, Histoire de l'esclavage dans l'Antiquité, Paris, Robert Laffont, [1847] 1988, p. 56 Google Scholar.

3 Manning, Patrick, «Legacies of Slavery: Comparisons of Labour and Culture», in Dias, M. S. F. (dir.), Legacies of Slavery: Comparative Perspectives, Newcastle, Cambridge Scholars Publishing, 2007, p. 1634 Google Scholar, ici p. 21.

4 Lombardi, John V., «Comparative Slave Systems in the Americas: A Critical Review», in Graham, R. et Smith, P. H. (dir.), New Approaches to Latin American History, Austin, University of Texas Press, 1974, p. 156174 ;Google Scholar Craton, Michael, «A Cresting Wave? Recent Trends in the Historiography of Slavery, with Special Reference to the British Caribbean», Historical Reflections, 9-3, 1982, p. 403419 ;Google Scholar Annequin, Jacques, «Comparatisme/comparaisons : ressemblances et hétérogénéité des formes d'exploitation esclavagiste. Quelques réflexions», Dialogues d'histoire ancienne, 11, 1985, p. 638672 ;Google Scholar Kolchin, Peter, «Some Recent Works on Slavery Outside the United States: An American Perspective», Comparative Studies in Society and History, 28-4, 1986, p. 767777 ;Google Scholar Mörner, Magnus, «Comparing Slavery in History», in Hernæs, P. et Iversen, T. (dir.), Slavery across Time and Space: Studies in Slavery in Medieval Europe and Africa, Trondheim, Norwegian University of Science and Technology, 2002, p. 5967 Google Scholar ; Kolchin, Peter, «L'approche comparée de l’étude de l'esclavage. Problèmes et perspectives», in Cottias, M., Stella, A. et Vincent, B. (dir.), Esclavage et dépendances serviles. Histoire comparée, Paris, L'Harmattan, 2006, p. 283301 Google Scholar ; P. Manning, «Legacies of Slavery. . .», art. cit. ; Vlassopoulos, Konstantinos, «Which Comparative Histories for Ancient Historians?», Synthesis, 21, 2014, p. 3147 Google Scholar, plus précisément p. 33-35.

5 Pour s'en tenir à la production récente, voir Chatterjee, Indrani et Richard Eaton, M. (dir.), Slavery and South Asian History, Bloomington, Indiana University Press, 2006 Google Scholar ; Beswick, Stephanie et Spaulding, Jay (dir.), African Systems of Slavery, Trenton, Africa World Press, 2010 Google Scholar ; Botte, Roger et Stella, Alessandro (dir.), Couleurs de l'esclavage sur les deux rives de la Méditerranée, Moyen Âge- xx e siècle, Paris, Karthala, 2012 Google Scholar.

6 Dal Lago, Enrico et Katsari, Constantina (dir.), Slave Systems: Ancient and Modern, Cambridge, Cambridge University Press, 2008 Google Scholar ; Geary, Dick et Vlassopoulos, Kostas (dir.), no spécial «Slavery, Citizenship and the State in Classical Antiquity and the Modern Americas», European Review of History, 16-3, 2009 Google Scholar ; Hodkinson, Stephen et Geary, Dick (dir.), Slaves and Religions in Graeco-Roman Antiquity and Modern Brazil, Cambridge, Cambridge Scholars Publishing, 2012 Google Scholar ; Kleijwegt, Marc (dir.), The Faces of Freedom: The Manumission and Emancipation of Slaves in Old World and New World Slavery, Leyde, Brill, 2006 Google Scholar ; P. Hernæs et T. Iversen (dir.), Slavery across Time and Space. . ., op. cit.

7 Allain, Jean (dir.), The Legal Understanding of Slavery: From the Historical to the Contemporary, Oxford, Oxford University Press, 2012 Google Scholar ; Campbell, Gwyn et Elbourne, Elizabeth (dir.), Sex, Power, and Slavery, Athens, Ohio University Press, 2014 Google Scholar ; Christopher Brown, Leslie et Philip Morgan, D. (dir.), Arming Slaves: From Classical Times to the Modern Age, New Haven, Yale University Press, 2006 Google Scholar ; Toru, Miura et Philips, John Edward (dir.), Slave Elites in the Middle East and Africa: A Comparative Study, Londres, Kegan Paul International, 2000 Google Scholar.

8 Au fil du temps, les meilleurs spécialistes anglophones du champ (Peter Kolchin, Paul Lovejoy, Rebecca Scott, Martin Klein, Ira Berlin, Philip Morgan ou Indrani Chatterjee) les ont progressivement rejoints.

9 «Editorial», Slavery and Abolition: A Journal of Slave and Post-Slave Studies, 1, 1980, p. 2.

10 Ainsi, l'ouvrage Cottias, de M., Stella, A. et Vincent, B. (dir.), Esclavage et dépendances serviles. . ., op. cit. Google Scholar, revendique en introduction de «comparer sans tabou» mais se concentre, de fait, essentiellement sur le monde atlantique et, dans une moindre mesure, sur l'Antiquité et l'Europe médiévale. Grenouilleau, Olivier (dir.), Esclaves. Une humanité en sursis, Rennes, Pur, 2012 Google Scholar, consacre sa première partie à toutes les formes de configuration possibles pour ensuite «recentrer les choses autour des modèles esclavagistes de l'Amérique coloniale moderne et contemporaine» (p. 9).

11 Frank Tannenbaum, Slave and Citizen: The Negro in the Americas, New York, Knopf, 1947, est à cet égard un travail fondateur.

12 Patterson, Orlando, Slavery and Social Death: A Comparative Study, Cambridge, Harvard University Press, 1982 Google Scholar ; Meillassoux, Claude, Anthropologie de l'esclavage. Le ventre de fer et d'argent, Paris, Puf, 1986 Google Scholar. C'est encore dans leur prolongement, non sans de nettes inflexions, que se situe le travail Testart, d'Alain, L'esclave, la dette et le pouvoir. Études de sociologie comparative, Paris, Errance, 2001 Google Scholar.

13 C. Meillassoux, Anthropologie de l'esclavage. . ., op. cit., p. 314-315.

14 C'est le refus par O. Patterson d'une définition de l'esclavage centrée sur la propriété, au profit de la notion de natal alienation, qui a suscité le plus grand nombre de discussions. Voir James E. Penner, «The Concept of Property and the Concept of Slavery», in J. Allain (dir.), The Legal Understanding of Slavery. . ., op. cit., p. 242-252, ainsi que la réponse et les amendements d'Orlando Patterson, «Trafficking, Gender, and Slavery: Past and Present», p. 322-359. Pour une position médiane, voir Klein, Martin, Slavery and Colonial Rule in French West Africa, Cambridge, Cambridge University Press, 1998, p. 15 CrossRefGoogle Scholar.

15 Ehud Toledano, R., «African Slaves in the Ottoman Eastern Mediterranean: A Case of Cultural ‘Creolization’?», in Özveren, E. et al., The Mediterranean World: The Idea, the Past and the Present, Istanbul, Iletisim Yayinlari, 2006, p. 107124 Google Scholar ; Id., «The Concept of Slavery in Ottoman and Other Muslim Societies: Dichotomy or Continuum?», in M. Toru et J. E. Philips (dir.), Slave Elites. . ., op. cit., p. 159-175, en particulier p. 163.

16 Kolchin, Peter, Unfree Labor: American Slavery and Russian Serfdom, Cambridge, Belknap Press of Harvard University Press, 1987 Google Scholar.

17 Kolchin, Peter, A Sphinx on the American Land: The Nineteenth-Century South in Comparative Perspective, Baton Rouge, Louisiana State University Press, 2003, p. 5 Google Scholar. Paulin Ismard, La démocratie contre les experts. Les esclaves publics en Grèce ancienne, Paris, Éd. du Seuil, 2015, relève de ce comparatisme de basse intensité.

18 Spécialiste de la traite négrière, Patrick Manning est à l'origine, dès 1980, d'un programme d'histoire mondiale à l'université du Wisconsin. Fondateur du World History Center de l'université de Northeastern, il est aussi l'auteur de Navigating World History: Historians Create a Global Past, New York, Palgrave Macmillan, 2003. Voir en particulier Chloé Maurel, «La World/Global History. Questions et débats», Vingtième siècle. Revue d'histoire, 104, 2009, p. 153-166.

19 Pétré-Grenouilleau, Olivier, Les traites négrières. Essai d'histoire globale, Paris, Gallimard, 2004 Google Scholar. En dépit de son titre, Olivier Grenouilleau, Qu'est-ce que l'esclavage? Une histoire globale, Paris, Gallimard, 2014, ne relève pas du tout, paradoxalement, du paradigme global que j'essaie de mettre en évidence.

20 Davis, David Brion, «Looking at Slavery from a Broader Perspectives», The American Historical Review, 105-2, 2000, p. 452466 CrossRefGoogle Scholar, ici p. 454.

21 Dans le numéro 105-2 de The American Historical Review, Rebecca J. Scott («Small-Scale Dynamics of Large-Scale Processes», p. 472-479), Peter Kolchin («The Big Picture: A Comment on David Brion Davis's ‘Looking at Slavery from Broader Perspectives’», p. 467-471) et Stanley L. Engerman («Slavery at Different Times and Places», p. 480-484) abondaient dans le sens de D. Davis, en ouvrant chacun des perspectives méthodologiques nouvelles. P. Kolchin insistait en particulier sur le fait que cette big picture ne devait pas être exclusivement focalisée sur l'espace atlantique, alors que R. Scott mettait en évidence l'intérêt d'une réflexion en termes d’échelles.

22 Pargas, Damian Alan, «Slavery as a Global and Globalizing Phenomenon: An Editorial Note», Journal of Global Slavery, 1, 2016, p. 14 CrossRefGoogle Scholar, ici p. 1.

23 Pour ne citer que quelques ouvrages de synthèse récents qui relèvent pleinement de ce global turn : Eltis, David et Stanley Engerman, L. (dir.), The Cambridge World History of Slavery, t. 3, AD 1420-AD 1804, Cambridge, Cambridge University Press, 2011 Google Scholar ; Heuman, Gad et Burnard, Trevor (dir.), The Routledge History of Slavery, New York, Routledge, 2012 Google Scholar ; Joseph Miller, C., The Problem of Slavery as History: A Global Approach, New Haven, Yale University Press, 2012 Google Scholar ; Zeuske, Michael, Handbuch Geschichte der Sklaverei. Eine Globalgeschichte von den Anfängen bis zur Gegenwart, Berlin, De Gruyter, 2013 Google Scholar.

24 Richard Allen, B., «Satisfying the ‘Want for Labouring People’: European Slave Trading in the Indian Ocean, 1500-1850», Journal of World History, 21-1, 2010, p. 4573 CrossRefGoogle Scholar.

25 Voir, en particulier, Indrani Chatterjee, «Renewed and Connected Histories: Slavery and the Historiography of South Asia», in I. Chatterjee et R. M. Eaton (dir.), Slavery and South Asian History, op. cit., p. 1-43 ; Gwyn Campbell (dir.), The Structure of Slavery in Indian Ocean Africa and Asia, Londres, Frank Cass, 2004 ; Alpers, Edward, Campbell, Gwyn et Salman, Michael (dir.), Slavery and Resistance in Africa and Asia, Londres, Routledge, 2005 Google Scholar ; Campbell, Gwyn et Stanziani, Alessandro (dir.), Bonded Labour and Debt in the Indian Ocean World, Londres, Pickering and Chatto, 2013 Google Scholar ; Médard, Henri et al. (dir.), Traites et esclavages en Afrique orientale et dans l'océan Indien, Paris, Karthala/Ciresc, 2013 Google Scholar ; Stanziani, Alessandro, Sailors, Slaves, and Immigrants: Bondage in the Indian Ocean World, 1750-1914, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2014 Google Scholar. Ce thème est évidemment présent depuis bien longtemps dans les études sur l'esclavage intérieur africain : Paul Lovejoy, E., Transformations in Slavery: A History of Slavery in Africa, Cambridge, Cambridge University Press, [1983] 2012 Google Scholar ; Martin Klein, A. (dir.), Breaking the Chains: Slavery, Bondage, and Emancipation in Modern Africa and Asia, Madison, University of Wisconsin Press, 1993 Google Scholar. Sur l'histoire globale du monde atlantique, voir Vidal, Cécile, «Pour une histoire globale du monde atlantique ou des histoires connectées dans et au-delà du monde atlantique?», Annales HSS, 67-2, 2012, p. 391413 Google Scholar.

26 Witzenrath, Christoph (dir.), Eurasian Slavery, Ransom and Abolition in World History, 1200-1860, Farnham, Ashgate, 2015 Google Scholar.

27 Stanziani, Alessandro, Bondage: Labor and Rights in Eurasia from the Sixteenth to the Early Twentieth Centuries, New York, Berghahn Books, 2014 Google Scholar.

28 Flynn-Paul, Jeffrey, «Empire, Monotheism and Slavery in the Greater Mediterranean Region from Antiquity to the Early Modern Era», Past and Present, 205, 2009, p. 340 Google Scholar ; R. Botte et A. Stella (dir.), Couleurs de l'esclavage. . ., op. cit. ; Fabienne P. Guillén et Salah Trabelsi (dir.), Les esclavages en Méditerranée. Espaces et dynamiques économiques, Madrid, Casa Velázquez, 2012 ; Hanss, Stefan et Schiel, Juliane (dir.), Mediterranean Slavery Revisited (500-1800), Zurich, Chronos, 2014 Google Scholar.

29 Pour s'en tenir à l'espace atlantique : Côrtes de Oliveira, Maria Inês, «Minas et Jejes de Bahia. Qui étaient-ils en Afrique?», in Crouzet, F., Bonnichon, P. et Rolland, D. (dir.), Pour l'histoire du Brésil. Hommage à Katia de Queirós Mattoso, Paris, L'Harmattan, 2000, p. 383396 Google Scholar ; Mann, Kristin et Edna Bay, G. (dir.), Rethinking the African Diaspora: The Making of a Black Atlantic World in the Bight of Benin and Brazil, Londres, F. Cass, 2001 Google Scholar ; Behnaz Mirzai, A., Montana, Ismael Musah et Paul Lovejoy, E. (dir.), Slavery, Islam and Diaspora, Trenton, Africa World Press, 2009 Google Scholar ; Falola, Toyin et Childs, Matt (dir.), The Yoruba Diaspora in the Atlantic World, Bloomington, Indiana University Press, 2004 Google Scholar ; Falola, Toyin, The African Diaspora: Slavery, Modernity, and Globalization, Rochester, University of Rochester Press, 2013 Google Scholar.

30 Voir, par exemple, les réflexions récentes au sujet du terme de kholopstvo sous la plume d'Alessandro Stanziani, «Slavery and Bondage in Central Asia and Russia», in C. Witzenrath (dir.), Eurasian Slavery. . ., op. cit., p. 81-104, en particulier p. 84.

31 Rossi, Benedetta, «Introduction», in Rossi, B. (dir.), Reconfiguring Slavery: West African Trajectories, Liverpool, Liverpool University Press, 2009, p. 34 CrossRefGoogle Scholar.

32 D. Eltis et S. L. Engerman (dir.), The Cambridge World History of Slavery, op. cit., p. 3 : «Si l'on souhaite appréhender au mieux l'esclavage, celui-ci doit être envisagé, au sein d'un continuum de dépendances, comme occupant le pôle opposé au travail libre, dont il est séparé en outre par une série d'institutions telles que l'engagisme, le travail forcé (à la suite d'une condamnation), la servitude pour dette et le servage, pour ne mentionner que quelques catégories intermédiaires.»

33 Gwyn Campbell, «Introduction: Slavery and Other Forms of Unfree Labour in the Indian Ocean World», in G. Campbell (dir.), The Structure of Slavery. . ., op. cit., p. ix-xxxii, en particulier p. xxii.

34 P. Manning, «Legacies of Slavery. . .», art. cit., p. 26.

35 Steinfeld, Robert J., The Invention of Free Labor: The Employment Relation in English and American Law and Culture, 1350-1870, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1991 Google Scholar ; Arnoux, Mathieu, Le temps des laboureurs. Travail, ordre social et croissance en Europe, xi e- xiv e siècles, Paris, Albin Michel, 2012 Google Scholar ; Beck, Patrice, Bernardi, Philippe et Feller, Laurent (dir.), Rémunérer le travail au Moyen Âge. Pour une histoire sociale du salariat, Paris, Picard, 2014 Google Scholar.

36 Voir Lovejoy, Paul E. et Rogers, Nicholas (dir.), no spécial «Unfree Labor in the Developement of the Atlantic World», Slavery and Abolition: A Journal of Slave and Post-Slave Studies, 15-2, 1994 Google Scholar, ou, dans une perspective différente, Moulier-Boutang, Yann, De l'esclavage au salariat. Économie historique du salariat bridé, Paris, Puf, 1998 Google Scholar ; Gwyn Campbell et Edward A. Alpers, «Slavery, Forced Labour and Resistance in Indian Ocean Africa and Asia», in E. Alpers, G. Campbell et M. Salman (dir.), Slavery and Resistance. . ., op. cit., p. 1-19 ; Allen, Richard B., «Slave, Convicts, Abolitionnism and the Global Origins of the Post-Emancipation Indentured Labor System», Slavery and Abolition: A Journal of Slave and Post-Slave Studies, 35-2, 2014, p. 328348 Google Scholar ; Newman, Simon P., A New World of Labor: The Development of Plantation Slavery in the British Atlantic, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2013 Google Scholar ; et surtout l'ensemble du travail d'Alessandro Stanziani, notamment Stanziani, Alessandro (dir.), Le travail contraint en Asie et en Europe, xvii e- xx e siècles, Paris, Éd. de la Msh, 2010 Google Scholar ; Stanziani, Alessandro et Campbell, Gwyn (dir.), Debt and Slavery in the Mediterranean and the Atlantic Worlds, Londres, Pickering and Chatto, 2013 Google Scholar ; Id., Bonded Labour and Debt in the Indian Ocean World, Londres, Pickering and Chatto, 2013 ; A. Stanziani, Bondage, Labor and Rights. . ., op. cit.

37 Tomich, Dale, Through the Prism of Slavery: Labor, Capital, and World Economy, Lanham, Rowman and Littlefield, 2004 Google Scholar ; Zeuske, Michael, Sklaven und Sklaverei in den Welten des Atlantiks, 1400-1940. Umrisse, Anfänge, Akteure, Vergleichsfelder und Bibliographien, Berlin, Lit, 2006 Google Scholar ; Tomich, Dale et Zeuske, Michael, «The Second Slavery: Mass Slavery, World Economy and Comparative Micro Histories», Review: Fernand Braudel Center, 31-2, 2008, p. 91100 Google Scholar. P. Lovejoy a récemment tenté de montrer que l'esclavage des grands royaumes africains intérieurs contemporains pouvait lui aussi s'inscrire dans un tel paradigme : Lovejoy, Paul E., «Jihad and the Era of the Second Slavery», Journal of Global Slavery, 1, 2016, p. 2843 Google Scholar.

38 Voir, en particulier, Joseph C. Miller, «The Historical Contexts of Slavery in Europe», in P. Hernæs et T. Iversen (dir.), Slavery across Time and Space. . ., op. cit., p. 1-57 ; Id., The Problem of Slavery as History. . ., op. cit. ; Vlassopoulos, Kostas, «Does Slavery Have a History? The Consequences of a Global Approach», Journal of Global Slavery, 1, 2016, p. 527 CrossRefGoogle Scholar.

39 Joseph C. Miller, «A Theme in Variations: A Historical Schema of Slaving in the Atlantic and Indian Ocean Regions», in G. Campbell (dir.), The Structure of Slavery. . ., op. cit., p. 169-194.

40 Toledano, Ehud R., As If Silent and Absent: Bonds of Enslavement in the Islamic Middle East, New Haven, Yale University Press, 2007, p. 33 Google Scholar.

41 K. Vlassopoulos, «Does Slavery Have a History. . .», art. cit., p. 11. E. R. Toledano, As If Silent and Absent. . ., op. cit., peut ajouter p. 20 : «nous devons découvrir comment les esclaves eux-mêmes firent l'expérience de leur absence de pouvoir, comment ils s'orientèrent dans la jungle à laquelle ils étaient brutalement livrés, et comment ils trouvèrent les moyens de répondre à l'oppression et aux abus».

42 La référence ancienne, abondamment citée, est celle Genovese, d'Eugene D., Roll, Jordan, Roll: The World the Slaves Made, New York, Pantheon Books, 1974 Google Scholar. Sur l'importance de ce thème dans l'historiographie brésilienne, voir Hébrard, Jean, «L'esclavage au Brésil. Le débat historiographique et ses racines», in Hébrard, J. (dir.), Brésil. Quatre siècles d'esclavage. Nouvelles questions, nouvelles recherches, Paris, Karthala/Ciresc, 2012, p. 763 Google Scholar, en particulier p. 35-45, qui insiste sur l'ouvrage Lara, de Silvia Hunold, Campos de violência. Escravos e senhores na Capitania do Rio de Janeiro, 1750-1850, Rio de Janeiro, Paz e Terra, 1988 Google Scholar.

43 Bertrand, Romain, «Un continent de possibles oubliés. Les relations économiques Europe-Asie à l’époque moderne», Esprit, 12, 2013, p. 3345 Google Scholar, ici p. 44. Voir aussi les remarques Minard, de Philippe, «Globale, connectée ou transnationale : les échelles de l'histoire», Esprit, 12, 2013, p. 2032 Google Scholar, en particulier p. 24-25, et de Boucheron, Patrick, «Les boucles du monde : contours du xv e siècle», in Boucheron, P. (dir.), Histoire du monde au xv e siècle, Paris, Fayard, 2009, p. 930 Google Scholar.

44 Ce qui ne signifie pas, bien sûr, qu'un droit (ou des droits) musulman(s) de l'esclavage n'existe(nt) pas, ni, bien évidemment, que des sociétés de religion musulmane ne furent pas esclavagistes. Voir Oualdi, M'hamed, «D'Europe et d'Orient, les approches de l'esclavage des chrétiens en terres d'Islam», Annales HSS, 63-4, 2008, p. 829843 Google Scholar.

45 Hébrard, Jean et Scott, Rebecca (dir.), Freedom Papers: An Atlantic Odyssey in the Age of Emancipation, Cambridge, Harvard University Press, 2012 Google Scholar ; Vidal, Cécile (dir.), Louisiana: Crossroads of the Atlantic World, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2013 Google Scholar.

46 Si l’Anthropologie de l'esclavage de C. Meillassoux (1986), traduit en anglais dès 1991, est encore au centre des discussions, il est frappant d'observer que l'ouvrage collectif qu'il initia et dirigea, Meillassoux, Claude (dir.), L'esclavage en Afrique précoloniale, Paris, F. Maspero, 1975 Google Scholar, et qui en constitua pourtant la base empirique, est désormais oublié dans la plupart des bibliographies, comme si l’étude de l'esclavage africain intérieur avait commencé avec Miers, Suzanne et Kopytoff, Igor (dir.), Slavery in Africa: Historical and Anthropological Perspectives, Madison, University of Wisconsin Press, 1977 Google Scholar. Dans la mesure où ce livre n'a jamais fait l'objet d'une réédition et n'a pas d'existence numérique, combien de temps encore demeurera-t-il dans le champ scientifique? Dans quarante ans, qui lira l’étude – irremplacée – de Michel Izard, «Les captifs royaux dans l'ancien Yatenga», in C. Meillassoux (dir.), L'esclavage en Afrique précoloniale, op. cit., p. 281-296?

47 Il est bien question ici d'une quasi-morale, au sens où Luc Boltanski peut évoquer la «quasi-morale» se réclamant du pragmatisme : «Elle oppose d'un côté le mauvais structuralisme, macro, holiste, totalisant (voire totalitaire), entaché de ‘juridisme’, ignorant l'humanité des êtres humains et les modalités de leur engagement dans l'action, et, de l'autre, le bon pragmatisme, respectueux des personnes et des situations où elles interagissent, ‘ici et maintenant’, dans lesquelles elles mettent leurs capacités d'invention, d'expérimentation et d'interprétation au service de la recherche d'un ‘vivre ensemble’.» Voir Boltanski, Luc, De la critique. Précis de sociologie de l’émancipation, Paris, Gallimard, 2009, p. 87 Google Scholar. Sur la critique de l’agency dans les études sur l'esclavage, voir Johnson, Walter, «On Agency», Journal of Social History, 37-1, 2003, p. 113124 Google Scholar, qui va jusqu’à écrire p. 120 : «J'ai l'impression que la proposition de ‘rendre [aux esclaves] leur agentivité’ (give them back their agency) est une adresse, blanche dans sa formulation (white form of address), dont la vocation originelle consistait à faire admettre celui qui l’énonçait au sein d'une conversation ‘noire’ (‘Black’ conversation)

48 À l’été 1822, à Charleston en Caroline du Sud, un esclave du nom de Denmark Vesey aurait été à l'origine d'une révolte de grande envergure. C'est du moins ce que plusieurs historiens, qui ont consacré depuis la fin des années 1990 livres et articles à ce «héros oublié», ont cru identifier dans les archives judiciaires. Le dossier repose en réalité sur une série de dénonciations plus ou moins problématiques, si bien que l'existence même de cette révolte pose question. Voir Johnson, Michael P., «Denmark Vesey and His Co-Conspirators», The William and Mary Quarterly, 58-4, 2001, p. 915976 CrossRefGoogle Scholar. Le paradoxe est que l'historien, pour mieux célébrer une révolte servile, en vient à adopter le point de vue de ceux qui la répriment. Voir Robert A. Gross, dossier «The Making of a Slave Conspiracy: Part 2», The William and Mary Quarterly, 59-1, 2002, p. 135-202.

49 Claude Chevaleyre, «Recherches sur l'institution servile dans la Chine des Ming et des Qing», thèse de doctorat, Ehess, 2015 ; E. R. Toledano, As If Silent and Absent. . ., op. cit.

50 Davis, David Brion, The Problem of Slavery in Western Culture, Ithaca, Cornell University Press, 1966 Google Scholar ; Patterson, O., Slavery and Social Death. . ., op. cit., p. x ; Id., Freedom, vol. 1, Freedom in the Making of Western Culture, Londres, I. B. Tauris, 1991 Google Scholar.

51 J. C. Miller, The Problem of Slavery as History. . ., op. cit., p. 59-63.

52 P. Ismard, La démocratie contre les experts. . ., op. cit., chap. 3. Dans l’Éthique à Nicomaque, VIII, 1159b et 1161a-b, Aristote établit ainsi qu'un maître et son esclave ne sauraient partager le lien d'amitié (philia) nécessaire à l'existence de toute communauté (koinônia).

53 Claude Meillassoux, «Introduction», in C. Meillassoux (dir.), L'esclavage en Afrique. . ., op. cit., p. 19-20, reconnaissait le caractère insatisfaisant de toute définition rigoureuse, à l'instar de Moses I. Finley, Esclavage antique et idéologie moderne, trad. par D. Fourgous, Paris, Éd. de Minuit, [1980] 1981, p. 89-90, mais, aux yeux de ce dernier, la notion de propriété distinguait justement l'esclavage de toute autre forme de travail involontaire. Voir Orlando Patterson, «Slavery, Gender, and Work in the Pre-modern World and Early Greece: A Cross-Cultural Analysis», in E. Dal Lago et C. Katsari (dir.), Slave Systems. . ., op. cit., p. 32-69, en particulier p. 33, et, dans le même sens, O. Grenouilleau, Qu'est-ce que l'esclavage?. . ., op. cit.

54 Finley, Moses I., «Slavery», in Shils, D. L. (dir.), International Encyclopedia of Social Sciences, New York, Macmillan, 1968 Google Scholar, vol. 14, p. 307-313, ici p. 310. M. Finley insistait par ailleurs sur la dimension démographique de la question, tout en restant assez flou.

55 P. E. Lovejoy, Transformations in Slavery. . ., op. cit., p. 24 et 120-123.

56 Contra K. Vlassopoulos, «Does Slavery Have a History. . .», art. cit., p. 7.

57 Andreau, Jean et Descat, Raymond, Esclave en Grèce et à Rome, Paris, Hachette, 2009, p. 23 Google Scholar, ont proposé d'amender la définition finleyenne en considérant qu'une société esclavagiste supposait un nombre important d'esclaves régulièrement renouvelés, l'existence d'un droit et d'institutions nécessaires pour assurer la domination esclavagiste, ainsi qu' une forme de polarité libres/esclaves, ces derniers formant «l'autre face de la société, celle par rapport à laquelle se définissent les hommes et femmes libres». Définies en ces termes, les sociétés esclavagistes demeureraient finalement très peu nombreuses. O. Grenouilleau, Qu'est-ce que l'esclavage?. . ., op. cit., p. 306-312, a de son côté insisté sur l'institutionalisation de la domination esclavagiste. Notre définition, assez proche, réfute néanmoins l'idée selon laquelle l'ampleur de la diffusion du fait esclavagiste dans l'organisation sociale puisse constituer un critère clair d'une part, pertinent d'autre part.

58 Sur l'histoire de la notion de slave society, voir Barry W. Higman, «The Invention of Slave Society», in Moore, B. L. et al. (dir.), Slavery, Freedom and Gender: The Dynamics of Caribbean Society, Kingston, University of the West Indies Press, 2001, p. 5775 Google Scholar.

59 Fitzhugh, George, Cannibals All or Slaves without Masters, éd. par C. Vann Woodward, Cambridge, Belknap Press of Harvard University Press, [1857] 1960 Google Scholar.

60 F. Tannenbaum, Slave and Citizen. . ., op. cit., p. 117-128 ; Goveia, Elsa V., Slave Society in the British Leeward Islands at the End of the Eighteenth Century, New Haven, Yale University Press, 1965 Google Scholar.

61 F. Tannenbaum, Slave and Citizen. . ., op. cit., p. 116-117.

62 C'est dans un sens très proche que Tomlins, Christopher, Freedom Bound: Law, Labor, and Civic Identity in Colonizing English America, 1580-1865, Cambridge, Cambridge University Press, 2010, p. 417 CrossRefGoogle Scholar, n. 58, a avancé la notion de société à esclavage qui, à la différence d'une société avec esclaves, qualifierait une société au sein de laquelle la présence des esclaves ferait l'objet d'un choix conscient et délibéré : «Bien entendu, les esclaves sont présents dans une société avec esclaves (society with slaves) mais leur présence en tant que telle est pour ainsi dire sans conséquence sur le développement de la société à moins que – et jusqu’à ce que – l'esclavage soit consciemment instauré comme une institution et que la société se soit engagée à sa perpétuation. C'est cette décision qui en fait une société à esclavage (society with slavery).» L'essentiel tient ici à la notion d'institution.

63 Yates, Robin D. S., «Slavery in Early China: A Socio-Cultural Approach», Journal of East Asian Archaeology, 3, 2001, p. 283331 CrossRefGoogle Scholar. Pour une présentation générale de l'historiographie chinoise de l'institution servile à l’époque des Ming et des Qing, longtemps centrée sur les cas de révoltes des dépendants, voir C. Chevaleyre, «Recherches sur l'institution servile. . .», op. cit., p. 25-29.

64 P. Kolchin, «The Big Picture. . .», art. cit., et P. Manning, «Legacies of Slavery. . .», art. cit., p. 25, font de l'approche globale le prolongement naturel du comparatisme, sans pour autant expliciter en quoi, et sous quelles modalités, les deux approches peuvent se rencontrer. Voir Bertrand, Romain, L'histoire à parts égales. Récits d'une rencontre Orient-Occident, xvi e- xvii e siècle, Paris, Éd. du Seuil, 2011 Google Scholar, en particulier p. 347-374, mais aussi, déjà, Ginzburg, Carlo, Les batailles nocturnes. Sorcelleries et rituels agraires aux xvi e et xvii e siècles, trad. par Charuty, G., Paris, Flammarion, [1966] 2010 Google Scholar.

65 Bloch, Marc, «Pour une histoire comparée des sociétés européennes», Revue de synthèse historique, 46, 1928, p. 1550 Google Scholar, ici p. 18 et 19.

66 Chartier, Roger, «La conscience de la globalité (commentaire)», Annales HSS, 56-1, 2001, p. 119123 CrossRefGoogle Scholar. Ce comparatisme peut aussi être qualifié d'isomorphique.

67 M. Bloch, «Pour une histoire comparée. . .», art. cit., p. 31.

68 Valensi, Lucette, «Retour d'Orient. De quelques usages du comparatisme en histoire», in Atsma, H. et Burguière, A. (dir.), Marc Bloch aujourd'hui. Histoire comparée et sciences sociales, Paris, Éd. de l'Ehess, 1990, p. 307316 Google Scholar.

69 Detienne, Marcel, Comparer l'incomparable, Paris, Éd. du Seuil, 2000, p. 4243 Google Scholar.

70 Anheim, Étienne et Grévin, Benoît, «‘Choc des civilisations’ ou choc des disciplines? Les sciences sociales et le comparatisme», Revue d'histoire moderne et contemporaine, 49-4, 2002, p. 122146 CrossRefGoogle Scholar.

71 Voir, notamment, Christian Jacob (dir.), Lieux de savoir, Paris, Albin Michel, 2007, et le travail de Claude Calame, en particulier «Interprétation et traduction des cultures. Les catégories de la pensée et du discours anthropologiques», L'Homme, 163, 2002, p. 51-78, ainsi que Calame, Claude et Lincoln, Bruce (dir.), Comparer en histoire des religions antiques. Controverses et propositions, Liège, Presses universitaires de Liège, 2012 Google Scholar.

72 Cerutti, Simona et Grangaud, Isabelle, «Comparer par cas. Esquisse d'un projet comparatiste», in Lilti, A. et al. (dir.), L'expérience historiographique. Autour de Jacques Revel, Paris, Éd. de l'Ehess, 2016, p. 151162 Google Scholar.

73 M. Detienne, Comparer l'incomparable, op. cit., p. 47 et 50.

74 Sur la distinction entre spécifique et singulier, et sur l'histoire comme description de ce qui est spécifique, voir Veyne, Paul, Comment on écrit l'histoire. Essai d’épistémologie, Paris, Éd. du Seuil, 1971, p. 76 Google Scholar : «Est historique ce qui n'est pas universel et ce qui n'est pas singulier. Pour que ce ne soit pas universel, il faut qu'il y ait différence ; pour que ce ne soit pas singulier, il faut que ce soit spécifique [. . .]. L'historien est le naturaliste des événements ; il veut connaître pour connaître, or il n'y a pas de science de la singularité.»

75 En particulier, C. Calame, «Interprétation et traduction des cultures. . .», art. cit, met en garde contre un comparatisme «d'en haut» qui ne réfléchirait pas ses propres catégories d'analyse. On sait comment le structuralisme lévi-straussien résolvait la question : par la structure elle-même, qui constituait le cadre préalable définissant les entités livrées au travail comparatiste.

76 L. Valensi, «Retour d'Orient. . .», art. cit., p. 312, note, pour expliquer l’échec du programme comparatiste, que la diversité des expériences historiques «s'accommode mal de l’échelle macroscopique où se situerait l'histoire comparée. Car elle fait perdre en compréhension ce qu'on gagne en extension, et conduit irrésistiblement à ces taxinomies et ces typologies où la riche texture des sociétés se voit réduite à de pauvres étiquettes.» Voir aussi Gisèle Sapiro, «Comparaison et échanges culturels. Le cas des traductions», in O. Remaud, J.-F. Schaub et I. Thireau (dir.), Faire des sciences sociales, vol. 2, Comparer, Paris, Éd. de l'Ehess, 2012, p. 193-221.

77 Ginzburg, Carlo, «Représentation. Le mot, l'idée, la chose» [1991], À distance. Neuf essais sur le point de vue en histoire, trad. par Fabre, P.-A., Paris, Gallimard, 2001, p. 7388 Google Scholar.

78 Cette configuration du travail servile relève de la catégorie de l'esclavage «casé» tel que C. Meillassoux, Anthropologie de l'esclavage. . ., op. cit., p. 118-119, l'avait mis en évidence ; en revanche, on ne peut l'associer par principe à un mode de vie qui «prend les apparences de la conjugalité et de la famille».

79 Lovejoy, Paul E., «Murgu: The Wages of Slavery in the Sokoto Caliphate», Slavery and Abolition: A Journal of Slave and Post-Slave Studies, 14-1, 1993, p. 168185 CrossRefGoogle Scholar. L'institution doit être distinguée de celle du wuri. Alors que le murgu est une rente régulière, d'un montant toujours identique, versée chaque année, chaque mois ou chaque semaine, le wuri correspond à une part proportionnelle de l'activité (un taux, notamment lorsque l'esclave est à la tête d'une boutique).

80 Dans le cas du murgu, l'affranchissement suppose le versement parallèle d'une somme qualifiée de fansa. Voir P. E. Lovejoy, «Murgu. . .», art. cit., p. 170, et Id., «Muslim Freedmen in the Atlantic World: Images of Manumission and Self-Redemption», in P. E. Lovejoy (dir.), Slavery on the Frontiers of Islam, Princeton, Markus Wiener Publishers, 2004, p. 233-262, en particulier p. 260. Sur la nature du muhataba dans l'histoire longue du droit musulman, voir Jonathan Brockopp, E., Early Mālikī Law: Ibn ’Abd al-Hakam and his Major Compendium of Jurisprudence, Leyde, Brill, 2000, p. 165192 Google Scholar.

81 Sur le muhataba ottoman, voir Sahillioğlu, Halil, «Slaves in the Social and Economic Life of Bursa in the Late 15th and Early 16th Centuries», Turcica. Revue d’études turques, 17, 1985, p. 43112 Google Scholar, en particulier p. 53-57 ; İnalcik, Halil, The Middle East and the Balkans under Ottoman Empire, Bloomington, Indiana University Press, 1993, p. 182183 Google Scholar ; Sobers-Khan, Nur, Slaves without Shackles: Forced Labour and Manumission in the Galata Court Registers, 1560-1572, Berlin, K. Schwarz, 2014 Google Scholar.

82 Soares, Luis Carlos, O ‘Povo de Cam’ na capital do Brasil. A escravidão urbana no Rio de Janeiro do século xix , Rio de Janeiro, Fundação de amparo à pesquisa do Estado do Rio de Janeiro, 2007, p. 123141 Google Scholar. À Rio, entre 1851 et 1879, quelque 2 868 esclaves obtiennent la licence pour travailler dans la rue comme escravos de ganho.

83 Eduardo França Paiva, «Revendications de droits coutumiers et actions en justice des esclaves dans le Minas Gerais du xviii e siècle», in J. Hébrard (dir.), Brésil. . ., op. cit., p. 115-131. L'institution de la coartaçao est déjà mentionnée dans les Siete Partidas du xiii e siècle. Elle prend de fait une forme différente dans l'ensemble des territoires coloniaux hispaniques : Laird Bergad, W., Iglesias García, Fe et Barcia, María del Carmen, «Coartación and Letters of Freedom», The Cuban Slave Market, 1790-1880, Cambridge, Cambridge University Press, 1995, p. 122142 CrossRefGoogle Scholar.

84 La question de l’éventuelle origine pré-islamique du contrat de muhataba a fait débat : Crone, Patricia, Roman, Provincial, and Islamic Law: The Origins of the Islamic Patronate, Cambridge, Cambridge University Press, 1987, p. 6476 CrossRefGoogle Scholar, avait tenté de faire le lien avec la pratique grecque de la paramonê, ce qui paraît problématique : alors que la paramonê s'applique à un affranchi, l'esclave qui passe le contrat de muhataba avec son maître reste un esclave. Le lien entre la coartaçao brésilienne et le murgu pourrait éventuellement s'expliquer par la présence importante sur le sol brésilien d'esclaves de Sokoto (P. E. Lovejoy, «Muslim Freedmen in the Atlantic World. . .», art. cit.), mais l'hypothèse est très incertaine.

85 P. E. Lovejoy, «Murgu. . .», art. cit., p. 181-182.

86 Ibid., p. 170 ; Id., «Muslim Freedmen in the Atlantic World. . .», art. cit., p. 260.

87 N. Sobers-Khan, Slaves without Shackles. . ., op. cit., p. 172-173 ; E. França Paiva, «Revendications de droits coutumiers. . .», art. cit., p. 122-123 ; à Cuba, les coartados étaient bel et bien entendus par la justice comme des esclaves : L. W. Bergad, F. Iglesias García et M. Barcia, «Coartación and Letters of Freedom», art. cit., p. 122-123.

88 Pseudo Xénophon, La Constitution des Athéniens, 11 ; Xénophon, Poroi, 4, 14 ; Andocide, Sur les Mystères, (1), 38 ; Eschine, Contre Timarque, (1), 97 ; Théophraste, Caractères, 30, 15 ; Ménandre, Epitrepontes, v. 378-380. Il ne faut pas les confondre avec les cas, particulièrement nombreux – et réclamant là aussi une étude à part entière –, d'esclaves loués par leur maître. Au sujet de l'esclavage et du salariat dans l'Antiquité, voir Raymond Descat, «Max Weber et l’économie de l'esclavage antique», Cahiers du Centre de recherches historiques, 34, 2004, https://ccrh.revues.org/225.

89 Contra Perotti, Elena, «Contribution à l’étude d'une autre catégorie d'esclaves attiques : les ἀνδράποδα μισθοφοροῦντα», in Actes du colloque 1973 sur l'esclavage, Paris, Les Belles Lettres, 1976, p. 181194 Google Scholar. Il faut distinguer clairement le cas de ces esclaves de celui des chôris oikountes, qui sont probablement des affranchis : Kazakévich, Emily Grace, «Were the χωρὶς οἰκοῦντες Slaves?», Greek, Roman, and Byzantine Studies, 48-2, [1960] 2008, p. 343380 Google Scholar ; Canevaro, Mirko et Lewis, David, « Khoris oikountes and the Obligations of Freedmen in Late Classical and Early Hellenistic Athens», Incidenza dell'Antico, 12, 2014, p. 91121 Google Scholar.

90 Dans la banque, voir Isocrate, Trapézitique, (17), 12 ; Démosthène, Contre Timothée, 17, 33, 42 ; Démosthène, [Contre Stéphanos], I (45), 33 ; sur une exploitation minière, voir Démosthène, Contre Panténétos, (37), 25 ; au sujet de prostitués, voir Eschine, Contre Timarque, (1), 40 et 74 ; Isée, La succession de Philoktemon, (6), 19 ; Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes illustres, II, 31. Les esclaves de l'Agora qui apparaissent dans les tablettes de malédiction ou bien sur la stèle des Hermocopides sont très certainement des esclaves kathêmenoi ; voir par exemple DTA 87 (Richard Wünsch, Inscriptiones Graecae, vol. 3, Defixionum tabellae Atticae, Berlin, 1897) et IG I3 426, l. 10-16 et 24-28 (Inscriptiones Graecae. Inscriptiones Atticae Euclidis Anno Posteriores, éd. par J. Kirchner, Berlin, W. de Gruyter, 1913-1940). Dans La tondue de Ménandre, un étrange dialogue entre un maître, Moschion, et son esclave, Daos, décrit bien ce type d'arrangement. Daos réclame d’être littéralement placé à la tête d'une boutique : «C'est en tant qu’épicier que je veux être placé, Moschion, ou marchand de fromage, au marché. Je le jure, je n'ai pas envie d’être riche. C'est conforme à ma condition, le petit commerce, et cela me plaît davantage» (v. 283-286). Alain Blanchard, dans la Collection des universités de France, traduit le participe kathêmenos par «bien assis», or c'est ne pas voir qu'il s'agit bien d'un acte précis de la part du maître.

91 Démosthène, Contre Panténétos, 25 (trad. Cuf légèrement modifiée).

92 Démosthène, Pour Phormion, (36), 13-14. Parmi les quatre esclaves, Euphraios travaillait déjà dans la banque de Pasion en 373 (Démosthène, Contre Timothée, (49), 44), alors même que la location n'est conclue qu'en 364/363.

93 Démosthène, Pour Phormion, (36), 37 : «En fait de loyers, durant les huit ans que Phormion a été le fermier de la banque, il a touché annuellement 80 mines, la moitié du total : soit 10 talents et 40 mines ; pour les dix années suivantes, où les deux frères eurent pour fermiers Xénon, Euphraios, Euphron et Callistratos, un talent par an.»

94 On peut rapprocher leur cas de celui d'un certain Eumathès, connu par les fragments d'un plaidoyer d'Isée, cité par Denys d'Halicarnasse à l'occasion d'un procès pour revendication en liberté : Isée, fragment VIII.

95 Xénophon, Mémorables, II, 5, 2 : «On dit que Nicias, le fils de Nicératos, acheta au prix d'un talent un épistatês pour ses mines d'argent.» Xénophon, Poroi, 14 : «Nous savons que Nicias, fils de Nicératos, occupa dans les mines mille ouvriers loués par lui à Sosias de Thrace (οὓς ἐκεῖνος Σωσίᾳ τῷ Θρᾳκὶ ἐξεμίσθωσεν), devant produire chacun, tous frais payés, une obole par jour, et sous condition de fournir toujours le même nombre d'hommes.»

96 Voir en particulier Cohen, Edward E., The Athenian Nation, Princeton, Princeton University Press, 2000 Google Scholar ; Id., «Juridical Implications of Athenian Slaves’ Commercial Activity», in Symposion 2011. Études d'histoire du droit grec et hellénistique, Vienne, Österreichischen Akademie der Wissenschaften, 2012, p. 213-223 ; Stolfi, Emanuele, «La soggettività commerciale dello schiavo nel mondo antico : soluzioni greche e romane», Teoria e storia del diritto private, 2, 2009, p. 159 Google Scholar. Gernet, Louis, «Aspects du droit athénien de l'esclavage», Droit et société dans la Grèce ancienne, Paris, Sirey, 1955, p. 155172 Google Scholar, ici p. 163, y voit la reconnaissance d'une capacité contractuelle sans en dire davantage sur son contenu juridique.

97 Trevett, Jeremy, Apollodoros, the Son of Pasion, Oxford, Clarendon Press, 1992, p. 38 Google Scholar, n. 22 ; Gauthier, Philippe, Un commentaire historique des Poroi de Xénophon, Genève, Droz, 1976, p. 141142 Google Scholar : «La misthôsis suppose la capacité de contracter, donc la liberté» ; «Il faut que Nicias ait affranchi Sosias avant de pouvoir traiter avec lui.» Todd, Voir aussi Stephen, «Status and Contract in Fourth-Century Athens», in Thür, G. (dir.), Symposion 1993. Vorträge zur griechischen und hellenistischen Rechtsgeschichte, Cologne, Böhlau, 1994, p. 125140 Google Scholar.

98 Le lien entre Xénophon, Mémorables, II, 5, 2, et Xénophon, Poroi, 14, assure qu'il s'agit bien du même individu acheté par Nicias.

99 Sur la construction historique de cette polarité, voir R. J. Steinfeld, The Invention of Free Labor. . ., op. cit.

100 Supiot, Alain, Homo juridicus. Essai sur la fonction anthropologique du droit, Paris, Éd. du Seuil, 2005, p. 136 Google Scholar. L'ensemble des travaux portant sur les relations entre travail libre et travail contraint ou sur l'engagisme montrent assez qu'il s'agit d'une croyance. Voir notamment A. Stanziani (dir.), Le travail contraint en Asie et en Europe. . ., op. cit.

101 M. Bloch, «Pour une histoire comparée. . .», art. cit., p. 18.

102 Un passage de l’Économique d'Aristote (1344b15) laisse envisager l'existence de ces formes d'accord entre maître et esclave. Les testaments des philosophes transmis par Diogène Laërce permettent en outre d'identifier des formes d'affranchissement différées et conditionnelles relevant d'un modèle bien plus complexe que celui du contrat de paramonê à l’œuvre dans les actes d’époque hellénistique. Voir en particulier, dans le testament de Lycon, les cas de Démétrios, de Criton de Chalcédoine et de Syros (Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes illustres, V, 72-73) ; dans celui de Théophraste, les cas de Manès et de Callias, pour lesquels il faut comprendre que l'affranchissement ne sera effectif qu'au terme d'une obligation de service (Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes illustres, V, 55).

103 Notre connaissance du droit athénien rend tout à fait improbable l'existence d'une procédure qui aurait cette finalité. En ce sens, je rejoins partiellement Maffi, Alberto, «Economia e diritto nell'Atene del iv secolo», in Symposion 2007. Vorträge zur griechischen und hellenistischen Rechtsgeschichte, Vienne, Österreichische Akademie der Wissenschaften, 2008, p. 203222 Google Scholar, en particulier p. 213, qui, tout en reconnaissant l'importance du texte de Démosthène, refuse de conférer une importance démesurée au terme de misthôsis : il ne s'agirait là que d'un arrangement strictement interne à la relation entre le maître et son esclave. Le cas de Phormion relève d'une logique quelque peu différente, puisque la misthôsis qu'il aurait conclue avec Pasion aurait été postérieure à son affranchissement (Démosthène, Pour Phormion, (36), 4). L'expression utilisée par Démosthène (καθ᾽ ἑαυτὸν ὄντι) est néanmoins équivoque ; surtout, la chronologie des événements laisse entendre que, à la suite de cette convention, Pasion demeurait le seul responsable légal des activités de la banque (Démosthène, Contre Callipos, (52), 3-16), comme si la misthôsis n'avait pas légalement engagé Phormion jusqu’à la mort de son ancien maître.

104 Hooker, Michael B. (dir.), Readings in Malay Adat Law, Singapour, Singapore University Press, 1970 Google Scholar.

105 Kempe, John E. et Winstedt, Richard O., «A Malay Legal Digest: Compiled for ‘Abd al-Ghafur Muhaiyu'd-din Shah, Sultan of Pahang, 1592-1614 A. D., with Undated Additions», Journal of the Malayan Branch of the Royal Asiatic Society, 21-1, 1948, p. 167 Google Scholar, en particulier p. 8 ; William, E. Maxwell, «The Law Relating to Slavery among the Malays», Journal of the Straits Branch of the Royal Asiatic Society, 22, 1890, p. 247297 Google Scholar, notamment p. 262-263, présente une traduction légèrement différente.

106 Le droit thaï jadis étudié par Robert Lingat laisse entrevoir une configuration assez similaire : pour qu'un emprunt effectué par un esclave engage son maître, un accord écrit est nécessaire. Un emprunt conclu par l'esclave à l'insu de son maître ne saurait l'engager ; dans un tel cas de figure, l'esclave est responsable sur les biens qu'il possède en propre. Voir Lingat, Robert, L'esclavage privé dans le vieux droit siamois. Avec une traduction des anciennes lois siamoises sur l'esclavage, Paris, Domat-Montchrestien, 1931, p. 197203 Google Scholar.

107 Abdul Rahman, Noor Aisha, Colonial Image of Malay Adat Laws: A Critical Appraisal of Studies on Adat Laws in the Malay Peninsula during the Colonial Era and Some Continuities, Leyde, Brill, 2006, p. 5180 Google Scholar.

108 Lydon, Ghislaine, «Islamic Legal Culture and Slave-Ownership Contests in Nineteenth-Century Sahara», The International Journal of African Historical Studies, 40-3, 2007, p. 391439 Google Scholar, en particulier p. 414-415 ; Chouki El Hamel, Black Morocco: A History of Slavery, Race, and Islam, Cambridge, Cambridge University Press, 2013, p. 51-56 ; sur l'adaptation de la tradition malikite au contexte des sociétés sahariennes, voir Ismail Warscheid, «Traduire le social en normatif. La justice islamique dans le grand Touat (Sahara algérien) au xviii e siècle», thèse de doctorat, Ehess, 2014.

109 Marmon, Shaun Elizabeth, «Domestic Slavery in the Mamluk Empire: A Preliminary Sketch», in Marmon, S. E. (dir.), Slavery in the Islamic Middle East, Princeton, Markus Wiener Publishers, 1999, p. 123 Google Scholar, en particulier p. 6-7. Dans le contexte, très différent, du monde saharien et des esclaves agents qui le parcourent, voir Hall, Bruce S., «How Slaves Used Islam: The Letters of Enslaved Muslim Commercial Agents in the Nineteeenth-Century Niger Bend and Central Sahara», The Journal of African History, 52-3, 2011, p. 279297 Google Scholar, notamment p. 288-289 ; Lefebvre, Camille, «Un esclave a vu le monde. Se déplacer en tant qu'esclave au Soudan central (xix e siècle)», Locus. Revista de história, 35-2, 2012, p. 105143 Google Scholar, en particulier p. 132-134.

110 Sur la préposition, voir Andreau, Jean, «Les esclaves ‘hommes d'affaires’ et la gestion des ateliers et commerces», in Andreau, J., France, J. et Pittia, S. (dir.), Mentalités et choix économiques des Romains, Bordeaux, Ausonius, 2004, p. 111126 Google Scholar ; Tran, Nicolas, «Les statuts de travail des esclaves et des affranchis dans les grands ports du monde romain (i er siècle av. J.-C.-ii e siècle apr. J.-C.)», Annales HSS, 68-4, 2013, p. 9991026 Google Scholar, notamment p. 1015.

111 Aubert, Jean-Jacques, Business Managers in Ancient Rome: A Social and Economic Study of Institores, 200 B. C.-A. D. 250, Leyde, Brill, 1994, p. 7891 Google Scholar, a proposé l'ordre suivant : actiones quod iussu – actiones exercitoria/institoria – actiones de peculio/de in rem verso – actio tributoria ; voir la discussion entre De Ligt, LuukLegal History and Economic History: The Case of the actiones adiecticiae qualitatis », Revue d'histoire du droit, 67-3, 1999, p. 205226 Google Scholar, en particulier p. 205-226) et Aubert, Jean-JacquesL’économie romaine et le droit de la représentation indirecte sous la République», in Cascione, C. et Masi Doria, C. (dir.), Fides, Humanitas, Ius. Studi in onore di Luigi Labruna, Naples, Editoriale scientifica, 2007, vol. 1, p. 215230)Google Scholar.

112 Sur l’actio de peculio, voir Aubert, Jean-Jacques, « Dumtaxat de Peculio: What's in a Peculium, or Establishing the Extent of the Principal's Liability», in P. J. du Plessis (dir.), New Frontiers: Law and Society in the Roman World, Édimbourg, Edinburgh University Press, 2014, p. 192206 Google Scholar.

113 Ulpien, Digeste, 15, 1, 5, 4. Certes, les esclaves athéniens pouvaient sans doute parfois disposer d'un fonds, mais cette possession n'avait aucune valeur légale. Voir Kamen, Deborah, «Manumission and Slave-Allowances in Classical Athens», Historia, 65-4, 2016, p. 413426 Google Scholar.

114 Hypéride, Contre Athénogénès, 10.

115 Hypéride, Contre Athénogénès, 15, 19, 21.

116 Dans le même sens, voir Harris, Edward, « Were there Business Agents in Classical Greece? The Evidence of Some Lead Letters», in Yiftach-Firanko, U. (dir.), The Letter: Law, State, Society and the Epistolary Form in the Ancient World, Wiesbaden, Harrassowitz, 2013, p. 105124 Google Scholar ; A. Maffi, «Economia e diritto. . .», art. cit., p. 211-214 ; Athina Dimopoulou, «Le rôle des esclaves dans l’économie athénienne : réponse à Edward Cohen», in Symposion 2011. . ., op. cit., p. 225-236 ; J.-J. Aubert, «L’économie romaine. . .», art. cit. ; contra E. Cohen, «Juridical Implications. . .», art. cit. Le contraste est évident entre la liberté commerciale de l'esclave, capable d'accumuler des dettes, et la façon dont le droit résout le problème en les imputant au maître ; L. Gernet, «Aspects du droit athénien de l'esclavage», art. cit., p. 160, évoquait ainsi «l'infériorité technique du droit athénien».

117 Hypéride, Contre Athénogénès, 21-22.

118 Démosthène, Contre Panténétos, 51 ; voir aussi Démosthène, Contre Calliclès, 31.

119 Comme l'avait noté Perdrizet, Paul, «D'une fiction de droit privé attique», Comptes rendus des séances de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, 52, 1908, p. 448450 Google Scholar, la procédure trouve un éclairage concret à la lumière du célèbre Papyrus de Lille, qui transcrit sans doute une loi alexandrine de la fin du iv e siècle av. J.-C. : Δούλων ἐπίκλησις καὶ τοῖς καταδικα-/σαμένοις πρᾶξις ὃς ἂν ἐγκαλῆι / ὑπὸ δούλου ἢ δούλης ἀδικεῖσθαι / λέγων τὸ ἀδίκημα τῶι κυρίωι / ἐναντίον μὴ ἔλασσον ἢ δύο μαρ/τύρων, ἀπογραφέσθω πρὸς τοὺς / [νο]μοφύλακας καὶ ἀπαγορευέτω (Reinhold Scholl, Corpus der ptolemäischen Sklaventexte, Stuttgart, F. Steiner, 1990, vol. 1, no 1, p. 1) : «Accusation portée contre les esclaves et exécution contre les personnes condamnées. Celui qui intente une action pour avoir subi une injustice de la part d'un esclave ou d'une esclave devra, après avoir dénoncé le délit au maître en présence de deux témoins, se faire enregistrer auprès des nomophylaques, et il lui est interdit [. . .]». La loi établit ainsi une nette distinction entre celui contre lequel est lancée l'action (l'esclave) et celui sur qui pèse l'exécution (le maître). Reinhold Scholl, «Zum ptolemäischen Sklavenrecht», in M. Geller et H. Maehler (dir.), Legal Documents of the Hellenistic World, Londres, Warburg Institute, 1995, p. 149-172, ici p. 159, y voit la reconnaissance de l'esclave en tant que sujet de droit – ce qui me semble erroné. L'expression de capacité juridique limitée («beschränkte Prozessfähigkeit»), utilisée par Heinen, Heinz, «Zur Sklaverei in der hellenistischen Welt (II)», Ancient Society, 8, 1977, p. 121154 Google Scholar, ici p. 127, me semble pareillement exagérée.

120 Elle est au cœur, par exemple, du plaidoyer de Démosthène, Contre Olympiodore.

121 Hofmann, Hasso, Repräsentation. Studien zur Wort- und Begriffsgeschichte von der Antike bis in 19. Jahrhundert, Berlin, Duncker und Humblot, 1974 Google Scholar. Ce dernier a mis en évidence l'incommensurabilité entre l'usage de repraesentare chez les juristes romains et sa réinterprétation médiévale. Il a surtout clairement distingué deux conceptions concurrentes de représentation qui s’épanouissent parallèlement entre le xi e et le xv e siècle : la représentation-mandat (Stellvertretung), qui suppose la délégation d'un pouvoir ou d'une autorité, et la représentation-identité (Repräsentation), dont le droit corporatif aurait constitué le noyau et par laquelle l'existence même du représentant fait exister ce qui est représenté – et qui prend aussi le nom de représentation organique. Sur cette dualité, voir Yves Sintomer, «Le sens de la représentation politique : usages et mésusages d'une notion», Raisons politiques, 50, 2013, p. 13-34 ; Beaud, Olivier, «‘Repräsentation’ et ‘Stellvertretung’. Sur une distinction de Carl Schmitt», Droits. Revue française de théorie, de philosophie et de cultures juridiques, 6, 1987, p. 1120 Google Scholar.

122 Legendre, Pierre, Sur la question dogmatique en Occident, Paris, Fayard, 1999, p. 26 Google Scholar.

123 Id., «Du droit privé au droit public. Nouvelles observations sur le mandat chez les canonistes classiques», Mémoires de la Société pour l'histoire du droit et des institutions des anciens pays bourguignons, comtois et romands, 30e fasc., 1970-1971, p. 7-35 ; Mayali, Laurent, «Procureurs et représentation en droit canonique médiéval», Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge, 114-1, 2002, p. 4157 Google Scholar.

124 Thomas, Yan, «La construction de l'unité civique. Choses publiques, choses communes, choses n'appartenant à personne et représentation», Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge, 114-1, 2002, p. 739, ici p. 32Google Scholar.

125 J.-J. Aubert, Business Managers in Ancient Rome. . ., op. cit., p. 41-44 ; Id., «L’économie romaine. . .», art. cit.

126 Voir les remarques Schiavone, d'Aldo, Ius, l'invention du droit en Occident, trad. par G. et Bouffartigue, J., Paris, Belin, [2005] 2008, p. 271 Google Scholar.

127 Voir les réflexions autour de la notion de «statut de travail» de N. Tran, «Les statuts de travail des esclaves. . .», art. cit., p. 1003.

128 [Démosthène], Contre Stéphanos, II, (46), 7 : «Quant au témoignage par ouï-dire, la loi l'interdit, à moins que l'auteur du propos ne soit décédé ; le témoignage des impotents ou de ceux qui résident à l’étranger doit être recueilli par écrit, et on peut attaquer suivant la même procédure et la déposition et le témoignage de ceux qui la rapportent : de la sorte, si le premier témoin accepte la responsabilité, c'est lui qui sera poursuivi pour faux témoignage ; sinon, ceux qui ont attesté qu'il avait ainsi déposé.»

129 P. Ismard, La démocratie contre les experts. . ., op. cit.