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Destructions et vandalisme pendant la Révolution française

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

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L'histoire de la Révolution française est, depuis ses origines, une histoire polémique. Dans cette polémique, partisans et adversaires de la Révolution ont trouvé avec le vandalisme un champ particulièrement commode pour en découdre : « La plupart des écrivains qui ont abordé ou simplement effleuré l'histoire du vandalisme se sont comportés en « partisans » chargeant leurs adversaires politiques pour innocenter leurs clients. L'histoire ainsi comprise dégénère en querelle d'avocats » écrivait justement Louis Réau dans la préface de son Histoire du vandalisme. Entre les deux camps le ton est vif. A la fin du XIXe siècle par exemple, dans une France radicale qui célébrait dignement le premier centenaire de la Révolution, l'historiographie républicaine officielle s'opposait à des publications inspirées par des convictions politiques et religieuses rigoureusement contraires. Aulard dénonçait les « boniments contrerévolutionnaires » et s'indignait qu'on osât « déverser l'odieux sur la Révolution, présenter nos aïeux comme des vandales, comme des brutes ». Plus modéré, F. Benoit pensait que « l'appréciation du rôle artistique des gouvernements révolutionnaires s'est ressentie des rancunes des partisans de l'Ancien Régime, qui, depuis le jour de leur défaite, ont multiplié les récriminations exagérées et les imputations calomnieuses ».

Summary

Summary

Both the counterrevolutionaries and the revolutionary elites were scandalized by the destruction of works ofart. For the former (and their historians) the question was a simple one; it was the fault of the Revolution! For the latter, on the other hand, it was necessary to find an explanation which did not disavow the Revolution. For this purpose they invented a “complot vandale” which was all the more convenient in that itplaced the blame for the destruction on ignorant or misguided revolutionaries. The vandals were therefore the perfidious people who inspired the destruction rather than those who actually carried it out; and they existed only to the degree that they were unmasked by those who held power. This schema made possible ail kinds of manipulations, notably, after the nineth of Thermidor, the lumping together of vandalism, royalism, and Robespierrism! While this highly political notion of vandalism can scarcely account for the destruction itself which in fact derived essentially from iconoclasm among the lower classes, it did make it easierfor the new bourgeois elites to check this iconoclasm and to establish control over the artistic domain. Vandalism is thus a key episode in theprocess by which the new society took over the artistic heritage of the Ancien Regime.

Type
Idéologies et Cultures
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1978

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References

Notes

1. Réau, Louis, Histoire du vandalisme. Les monuments détruits de l'art français, Paris, Hachette, 2 vol., 1959 Google Scholar.

2. Aulard, « Boniments contre-révolutionnaires », La Révolution française, décembre 1912.

3. Benoit, F., L'Art français sous la Révolution et l'Empire. Les doctrines, les idées, les genres, Paris, L. H., May, 1897 Google Scholar.

4. Gautherot, Gustave, Le Vandalisme jacobin. Destructions administratives, d'archives, d'objets d'art, de monuments religieux à l'époque révolutionnaire d'après les documents originaux en grande partie inédits, Paris, 1914.Google Scholar

5. Robinet, P., Le Mouvement religieux à Paris pendant la Révolution, Paris, 1894/1898, 2 volGoogle Scholar. Ouvrage publié sous le patronage du Conseil municipal de Paris.

6. Vallet de Virville, dans le Moniteur universel, 4 octobre 1854. Bordier, H., Les Archives de France, ou l'histoire des archives de l'Empire, les archives des ministères, des départements, des communes, des greffes, des notaires, etc. contenant l'inventaire d'une partie de ces dépôts, Paris, Dumoulin, 1855.Google Scholar

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11. Victor Hugo, « Guerre aux démolisseurs », Revue des deux mondes, mars 1832 ; voir aussi, en réponse à cet article, Montalembert, « Du vandalisme en France, lettre à M. Victor Hugo», Revue des deux mondes, mars 1833. Sur le rôle important que Hugo joua dans la sauvegarde des monuments, voir Mallion, J., Victor Hugo et l'art architectural, Grenoble, 1962. 12 Google Scholar. Christ, Yvan, Eglises parisiennes actuelles et disparues, Paris 1947, p. 9.Google Scholar

13. Le mot vandalisme lui-même est une référence historique lointaine donc une incitation à dépasser la chronologie courte.

14. «Observations de quelques patriotes sur la nécessité de conserver les monuments de la littérature et des arts », Paris, an II, A. A. Renouard, Chardin et Charlemagne fils, 25 vendémiaire an II, p. 10.

15. Le discours sur le vandalisme est bien sûr contenu dans les divers rapports de Grégoire, en particulier dans ses trois rapports sur le vandalisme rédigés à la demande du comité d'Instruction publique de la Convention — Instruction publique. Rapport sur les destructions opérées par le vandalisme et sur les moyen de le réprimer, séance du 14 fructidor an II, suivi du décret de la Convention nationale, 28 p. : Instruction publique. Second rapport sur le vandalisme, 8 brumaire an III, suivi du décret de la Convention nationale, 12 p. : Instruction publique. Troisième rapport sur le vandalisme, 24 frimaire an III, 21 p. On peut y joindre deux autres rapports de Grégoire présentés antérieurement : celui sur la bibliographie lue à la Convention nationale le 22 germinal an II, 16 p., qui servit d'ébauche à celui du 14 fructidor ; celui sur les inscriptions des monuments publics, 22 nivôse an II, 14 p. où fut employé pour la première fois le mot vandalisme. Sur la genèse des rapports de Grégoire voir : J. Guillaume, « Grégoire et le vandalisme », Études révolutionnaires, Ie série P, pp. 12-33 : « Le vandalisme de Chaumette » ; Études révolutionnaires, V série, pp. 348-424, «Grégoire et le vandalisme», Paris, 1908. Ces rapports de Grégoire ne sont ni le fait d'un isolé, ni celui d'un précurseur. Ce n'est nullement Grégoire qui prit l'initiative des mesures protectrices. Le décret de la Convention voté à la suite du rapport du 14 fructidor, est bien moins détaillé que le décret du troisième jour du deuxième mois an II rendu par la Convention sur le rapport de Romme (P. V. du comité d'Instruction publique de la Convention nationale, t. II, p. 659). Ce décret contenait déjà toutes les dispositions pratiques propres à sauvegarder livres, manuscrits, gravures, objets d'art… Le très intéressant rapport de Romme condamne avec énergie les destructions. Sur le mot vandalisme lui-même, voir Frey, Max, Les Transformations du vocabulaire français à l'époque de la Révolution, Paris, P.U.F., 1925 Google Scholar ; F. Brunot, Histoire de la langue française, t. IX, La Révolution et l'Empire.

16. Grégoire, , Troisième rapport sur le vandalisme, p. 16.Google Scholar

17. Barère, 26 messidor an II, Rapport fait au comité de salut public sur l'état de la fabrication révolutionnaire du salpêtre et de la poudre et sur la nécessité de supprimer l'agence nationale ci-devant régie des poudres et salpêtres, p. 5.

18. A.N. F 17 * 13, frimaire an III, Verdun.Meuse. Cf. aussi Grégoire, Troisième rapport…, p. 9.

19. A.N. F 17 1255 a, Lettre du directoire de la Commission temporaire des arts à l'administration de Vitry-sur-Marne, 17 pluviôse an III.

20. A.N. T 17 a 1255-1256, minutes de la correspondance de la Commission temporaire des arts, aux administrations des départements et des districts. Dans sa justification, le citoyen Deschamp qualifie ce Christ de : « figure de bois mal taillée et d'aucun mérite en fait d'art ».

21. Réponse de Blaney-Laisné, bibliographe de Gaillac (Tarn), aux accusations de vandalisme du comité d'Instruction publique. Cité par Riberette, P., Les Bibliothèques françaises pendant la Révolution 1789-1795, Paris, 1970, pp. 8384 Google Scholar.

22. P.V. du Comité d'instruction publique, t. VI, p. 749, séance du 14 vendémiaire an IV. Cette coïncidence entre vandalisme et robespierrisme se suit très bien dans les dictionnaires qui, à la fin de la Révolution, font le point sur les transformations du vocabulaire. Le Néologiste français, 1796, anonyme, B.N. X14335, écrit à l'article vandalisme : « c'est ainsi qu'on a appelé l'état de la France sous Robespierre ».

23. A.N. F 17 1255, Lettre du directoire de la Commission temporaire des arts à l'administration de Senlis, 12 nivôse an III.

24. A.N. F 17 1255, Lettre du directoire de la Commission temporaire des arts au commissaire artiste du district de Carpentras (Var), 27 fructidor an III.

25. Sur Troyes voir Babeau, A., Histoire de Troyes pendant la Révolution, Paris, Dumoulin, 1873-1874, 2 tomes, notamment t. H, chap. XXXIIIGoogle Scholar ; Prévost, A., Histoire du diocèse de Troyes pendant la Révolution, 3 tomes, Troyes, 1904Google Scholar ; A.N. F 17 1037, et les P.V. de la Commission temporaire des arts.

26. Réponse du comité de sûreté générale à la lettre du représentant en mission Albert, 23 mai 1795.

27. Rapport de Jacquin à la Commission temporaire des arts à propos de la situation à Metz, A.N. F 17 1253 an III.

28. Ibid., Jacquin établit une liste de 14 accusations contre le district!

29. Administration du département de police de la municipalité de Paris A.N., M 666, dossier S.

30. Cf. les délibérations de la Commission temporaire des arts du 25 prairial an II (P.V. C.T.A. 1.1, pp. 225-226). Picault et Varon, membres de la Commission, font un rapport de Versailles sur un portrait du fils Capet provenant de Saint-Cloud : « Ils proposent (et la C.T.A. arrête) que tous les tableaux et portraits représentant des individus de la race Capet seront inventoriés et réunis dans un même dépôt et que, conformément à l'inventaire, on procédera à leur destruction complète et totale, afin que la superstition royaliste ne puisse en recueillir aucun. » Cet arrêté est transmis au Comité d'instruction publique (P.V. CI.P., C.N., t. IV, p. 654) malgré l'observation d'un membre « que quelques-uns des tableaux ou portraits pourraient contenir des traits de génie et d'originalité qu'il serait utile de conserver pour l'instruction et les arts ». L'arrêté reçut sans difficulté l'approbation du Comité. Grégoire était présent à la séance.

31. A.N. F 17 A 1035, Liasse B lettre de Sergent à la Convention nationale datée de Rambouillet, 3 août 1793.

32. Réimpression de l'ancien Moniteur, t. 18, p. 170, 29 vendémiaire an II.

33. Ibid., t. 18, 1 frimaire an II.

34. Les Révolutions de Paris, n°211, 20 juillet-3 août 1793.

35. P.V. Convention nationale, t. 20, p. 134.

36. Philippe Baert, Mémoire au sujet de la destruction des tombeaux de quelques rois et reines de France qui existaient dans l'abbaye de Saint-Germain-des-prés à Paris en 1791 (7 mai 1791), A.N. F 17 1036 A.

37. Réimp. anc. Moniteur, t. 18, p. 209.

38. P.V. de la commune générale des arts de peinture, sculpture architecture et gravure, — 18 juillet 1793, tridi de la I” décade du deuxième mois de l'an II — et de la société populaire et républicaine des arts — 3 nivôse an II, 28 floréal an III. Édit. par H. Lapauze, Paris, 1903.

39. L. Tuetey, P.V. de la Commission des monuments, Paris, 1901/1902, 2 tomes ; P.V. de la Commission temporaire des arts, Paris, 1912, 2 tomes. A.N. F 17 1034, dossier 11, organisation et fonctionnement du conseil de conservation des objets de sciences et d'art, an VI-VIII.

40. A.N. F 13 212, Lettre du ministre de l'Intérieur du 15 pluviôse an II à propos de l'exécution de la loi du 4 juillet 1793.

41. Décret de la Convention nationale du 3 brumaire an II, pris à la suite du rapport Romme. Article 2 : Les monuments publics transportables, intéressant les arts et l'histoire, qui portent quelques-uns des signes proscrits, que l'on ne pourrait faire disparaître sans causer un dommage réel, seront transportés dans le musée le plus voisin pour y être conservés pour l'instruction nationale.

42. Le « Muséum national » fut ouvert le 10 août 1793, il connut un certain succès d'affluence si l'on en croit la Décade philosophique t. IV, n° 28, 10 pluviôse an III, p. 215 : « Le muséum est ouvert au public les trois derniers jours seulement de la décade : les autres jours les artistes seuls y sont admis et y peignent ou dessinent. Nous avons vu avec bien de l'intérêt le peuple s'y porter en foule : il observe avec une curiosité avide, demande des explications, admire ou blâme, souvent avec justesse. Bientôt le muséum sera la plus fréquentée des promenades. »

43. A.N. M 666, dossier 9, Lettre de l'architecte de la municipalité Poyet du 15 mai 1793.

44. Rapport Andrieux sur l'arrivée des objets d'Italie, Classe de littérature et beaux-arts de l'Institut national des sciences et arts, 7e séance, 4 brumaire an VI. C'est un retour à des pratiques fréquentes sous l'Ancien Régime.

45. Opinion sur les musées où se trouvent retenus tous les objets d'art qui sont la propriété des temples consacrés de la religion catholique, par Deseine, Paris, Baudoin, floréal an XI, 65 p. Ce n'est pas le seul mémoire de l'ancien statuaire du prince de Condé (cf. Tourneux, M., Bibliogra phie de l'histoire de Paris pendant la Révolution française, Paris, 1890-1913, t. IIIGoogle Scholar, nos 16299 à 16301). Ils furent rédigés dans le cadre de la querelle lancée par la pétition qui suivait l'ouvrage de Quatremère de Quincy — Lettres sur le préjudice qu ‘occasionnerait à la science le déplacement des monuments de l'art en Italie — à laquelle répondait le 12 vendémiaire an V une lettre publiée dans le Moniteur. Sous le Consulat, Deseine s'opposa vivement à A. Lenoir, fondateur du Musée des monuments français.

46. Rapport de Chalgrin au conseil des bâtiments, sur les monuments qui décorent la commune de Paris ou qui sont destinés pour servir à l'exercice du culte. A.N. F 17 772, ministère de l'Intérieur, 16 germinal an V. C'est tout le problème de la «bande noire».