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Démons, merveilles et philosophie à l'Age classique

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Jean-Marie Goulemot*
Affiliation:
Université de Tours

Extract

Héritier et continuateur en cela des Lumières elles-mêmes, le discours sur le XVIIe siècle s'est circonscrit culturellement aux écrivains, aux sculpteurs, aux peintres et aux musiciens. Longtemps, d'ailleurs, aux seuls grands écrivains, grands peintres, grands sculpteurs et grands musiciens. Si, peu à peu, il s'est enrichi, par volonté positiviste d'épuiser le champ ou du fait de nouveaux choix idéologiques, de minores, c'est toujours dans l'espace d'une culture elitiste et minoritaire qu'il s'est constitué. Quand on sait que les plus grands succès de librairie atteignent, à la veille de la Révolution, un tirage de quelques milliers d'exemplaires, que la France lisante se réduit à quelques milliers d'hommes et de femmes, et que les visiteurs des salons, les amateurs d'art plastique, les habitués des concerts ou de l'opéra sont moins nombreux encore, il faut en conclure à la vanité des prétentions à la totalité sociale d'une telle histoire culturelle.

Summary

Summary

The appearances of the cornets in 1654 and 1680 provide an illustration of the manner in which 17th century absolutism formed a culture specific to a social elite through a process of marginalization. The formerly common culture thus became restricted to the popular masses. It became the object of a tripartite attack : that of the fashionable social elite, that of the Enlightenment and of the Church itself which denounced superstition. One finds evidence for this in the writings of Bayle, of Abbé Thiers, of Pere Lebrun, of Dom Calmet and of Lenglet Dufresnoy.

It is thus false to suppose that the rationalism of the Enlightenment destroyed popular culture. Repeated denunciations of it prove that it was still very much alive.

Analyses of the articles devoted to "The History of Superstitions" in the Encyclopédie demonstrate the ambiguity of the philosophical position. For those who know how to read them and to take into account their formulation, they translate unmistakably into what has been termed —in another context—"the return of the repressed".

Type
En France : Société et Culture
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1980

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References

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2. Voir l'utilisation qu'en fait Robert Muchembi.ed, Culture populaire et culture des élites dans la France moderne (XVe-XVIIIe siècle), Paris, 1978, p. 19.

3. Voir mon édition à paraître des Mémoiresde Jamerey Du val et plus spécialement l'introduction.

4. Sur la Bibliothèque bleue de Troyes, je renvoie aux ouvrages désormais classiques de Geneviève Bougème et Robert Mandrou.

5. R. Muchembled, op. cit., p. 353 ss.

6. E. LE Roy Ladurie, « Ethnographie rurale du xvmc siècle : Restif de La Bretonne », Ethnologie française, nos 3-4, 1972.

7. Lougee, Carolyn C., Le Paradis des femmes (Women, salons and social stratification in seventeenth century France), Princeton, 1976.Google Scholar

8. Dans la scène I de l'acte IL Pierrot décrit ainsi ses jeux à Charlotte :” Enfin donc, j'étions sur le bord de la mar, moi et le gros Lucas, et je nous amusions à batifoler avec des mottes de tarre que je nous jesquions à la tête, car, comme tu sais bian, le gros Lucas aime à batifoler, et moi parfouas, je batifole itou… » On pourrait analyser tout aussi bien le rapport d'Arlequin, figure distanciée du paysan dans le théâtre de Marivaux, à la nourriture dans La Double inconstance.Notons, enfin, que ce paysan littéraire à effet de réel, à la différence des personnages urbains, est doté d'un remarquable appétit sexuel dont il fait largement montre comme Jacob dans Le Paysan parvenu.

9. Bodin, Jean, La Démonomanie des sorciers…, Paris, 1580 Google Scholar, rééditions en 1581, 1587, 1598, 1693. traductions latines en 1581 et 1590. Un texte semblable a été publié au début du xvnc sous le titre : Le Fléau des Démons et sorciers, par J. B., Niort, 1616.

10. Bodin, Le Fléau…, op. cit., Préface.

11. Gabriel NaudÉ, Apologie pour les grands hommes soupçonnez de magie, Dernière édition, Amsterdam, 1712, p. 15 : « En effet nous voyons qu'avant que les Humanitez et les bonnes Lettres eussent été rendues communes traittables à un chacun, par la félicité de nôtre dernier siècle, tous ceux qui s'amusoient à les cultiver, estaient réputez hérétiques ; ceux qui pénétroient plus avant dans la coignoissance de la Nature passoient pour Adiaphoristes et irréligieux ; celui qui entendoit le mieux la langue Hébraïque, étoit pris pour Juif ou Maran ; et ceux qui recherchoient les Mathématiques et les sciences les moins communes, estoient soupçonnez d'estre enchanteurs et Magiciens… »

12. Pintard, René, Le libertinage érudit dans la première moitié du XVIIe siècle, 2 vols, Paris, 1943, chap. ix.Google Scholar

13. On verra tous les détails dans la préface à Bayle, Pierre, Pensées diverses sur la Comète, 2 vols. Paris, 1911-1912. par A. Prat.Google Scholar

14. Le traité de Petit est de 1654. et celui de Comiers de 1665.

15. Cité par A. Prat, dans Bayi.E, Pensées diverses, op. cit., p. vu.

16. Id., p. xi.

17. Id., p. vin.

18. Id., p. ix.

19. Id., p. x.

20. Id., p. 67 ss.

21. Id., p. 75 ss.

22. Bakhtine, Mikhaïl, L'oeuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Age et sous la Renaissance, traduction française, Paris, 1970.Google Scholar

23. Mes références au Romain Comiquerenvoient à l'édition des Romans du XVIIe sièclede J. Truchet de la Bibliothèque de la Pléiade.

24. Laporte, Daniel, Histoire de la Merde, Paris, 1978.Google Scholar

25. Daniel Roche, op. cit., p. 29.

26. Scarron, Le Romant Comique, éd. cit., p. 536 ss, p. 568 ss.

27. Id., IIe partie, chap. 7.

28. Id., Ire partie, chap. 9.

29. Au moment où commence le récit de Y Amante Invisible, Scarron écrit : « Vous allez avoir cette histoire dans le suivant chapitre, non telle que la conta Ragotin, mais comme je la pourray conter d'après un des auditeurs qui me l'a apprise. Ce n'est pas Ragotin qui parle, c'est moy », p. 551.

30. Par exemple dans le chapitre 2 de la Irc partie, une plaisanterie sur La Mariannede Tristan ne peut être comprise que par les habitués du théâtre. De même chap. 10… 31. Je pense à toute une littérature de la dérision et du burlesque, les Virgile et les Télémaque travestis.

32. La seconde édition de l'ouvrage de Jean-Baptiste Thiers est de 1697-1703 et comporte 4 volumes.

33. L'ouvrage de Lebrun date de 1702. Dans cette première édition, il ne comporte qu'un volume. La deuxième édition de 1732-1737 est en 4 volumes. L'ouvrage de DomCalmet est de 1746 ; celui de Lenglet Dufresnoy est de 1751 en 4 volumes. Nos références renvoient à l'édition de Thiers de 1697-1703, Paris, 4 vols ; à celle de Lebrun de Paris, 1732-1737. Signalons enfin qu'est paru en 1733-1736 à Amsterdam l'ouvrage suivant: Superstitions anciennes et modernes, préjugés vulgaires qui ont induit le peuple à des usages et à des pratiques contraires à la religiondont les auteurs sont Lebrun et l'abbé Thiers, publié par les soins de j . Beiion DE Saint-Quentin et J. F. Bernard.

34. Muchembi.ED, dans La sorcière au village, Paris, 1979, a montré le rôle des démonologues dans la construction de la figure de la sorcière, p. 77 ss.

35. Lebrun, op. cit., éd. cit., p. 25, t. I.

36. Dom Cailmet, op. cit., préface III.

37. Id., p. 11.

38. Id., p. 157.

39. Id., p. 178.

40. Id., p. 196.

41. Id., p. 200.

42. Id., p. 102 ss.

43. Bernard Groethuysen, Origines de l'esprit bourgeois en France, Paris, 1927.

44. Thiers, op. cit., préface.

45. Ibid.

46. Ibid.

47. Lengi.et Dufresnoy, op. cit., Avertissement.

48. Id., préface, p. cv.

49. Ibid.

50. Ibid., préface, p. i.xx ss.

51. Méthode pour étudier l'histoire…, de l'abbé Lengi.et Dufresnoy, Paris. 1713, 2 vols.

52. Gennep, Arnold van, Manuel de folklore français contemporain, Paris, 1937-1958, t. 1 à 4 en 9 vols (tome 2 non paru).Google Scholar

53. Muchembi.ED, op. cit., p. 19.

54. Voir, de Jacques Proust, Diderot et la diseuse de bonne aventure, communication présentée au Congrès international des Lumières de Pise, août 1979.

55. Ibid.

56. Vivre dans la rue à Paris au XVIIIe siècle, présenté par Ariette Farce, Paris, Gallimard, « Archives », 1979.

57. Sur Jamerey Duval. on verra mon édition sous le titre Enfance et éducation paysannes au XVIIIe siècle, à paraître aux Éditions du Sycomore.

58. Muchembi.ED, op. cit., 1rc partie.

59. Thiers, op. cit., t. I, livre V, qui traite des Phylactères, p. 320 ss.

60. Thiers, op. cit., t. I, p. 343.

61. Thiers les définit ainsi : « Certains remèdes superstitieux que Ton lie ou que l'on attache au cou, aux bras, aux mains, aux pieds, aux jambes, ou a quelques autres parties du corps des hommes et des bêtes pour chasser certaines maladies, ou pour détourner certains accidens. C'est de là qu'ils appellent aussi ligatures, à cause qu'on les lie », t. I, p. 328.

62. Id., p. 360.

63. Pour vaincre l'orage, p. 347 ; pour préserver des maladies, p. 362 ; pour éteindre les incendies, p. 368 ; pour guérir les animaux, p. 370 ; pour un bon accouchement, p. 374…

64. Voir en particulier ce qui concerne les pratiques pour dénouer l'aiguillette, t. IV, livre X, chap. 7.

65. Thiers. op. cit., t. IV, p. 586.

66. Id., p. 588.

67. Lengi.et Dufresnoy, op. cit., t. II, « Description d'un signe et miracle, qui a été vu au Ciel le 5 jour de Décembre dernier, en la ville d'Altorff, au pays de Wirtemberg », p. 11.

68. Id., t. III, « La vision publique d'un horrible et très épouvantable démon sur l'Église de Quimper Corentin en Bretagne », p. 112.

69. Id., p. 113.

70. Voir Muchembi.ed, La sorcière au village, op. cit., p. 107 ss.

71. Lebrun, op. cit., éd. cit.. t. II, p. 561.

72. Balthasar Bekker, Le Monde enchanté ou examen des communs seniimens touchant les esprits, leur nature, leur pouvoir, leur administration et leurs opérations et touchant les effets que les hommes sont capables de produire par leur communication et leur vertu, traduit du hollandais. Amsterdam. 1694. 4 vols. Préface.

73. Lengi.et Dufresnoy, op. cit., t. I, préface, p. i.xx ss.

74. Id., t. I, chap. 9 de la première relation.

75. Id., t. 3, p. 97.

76. Id., t. 3, p. 71.

77. Foucault, Michel. Histoire de la sexualité. La volonté de savoir, Paris, 1977 Google Scholar.

78. Mandrou, Robert, Magistrats et sorciers en France au XVIIe siècle. Une analyse de psychologie historique, Paris. 1968 Google Scholar.

79. Robert Muchembi.ED, op. cit., Deuxième partie.

80. Le traité de Laurent Joubert aura des éditions en 1578, 1579, 1586. Sous un autre titre : Erreurs populaires et propos vulgaires touchant la médecineen 1580, 1608, 1600-1601…

81. Voltaire, Lettres philosophiques.Lettre xi.

82. Rétif de la Bretonne, le personnage du berger conteur dans la première époque de Monsieur Nicolas.Voir aussi le Roy Ladurie. art. cit.

83. Ce texte est repris en 1754 et en 1789 ; à cette date dans la série des Voyages Imaginaires et romans cabalistiques, vol. 1 que publie l'avocat Garnier.

84. Publié à Paris en 1689.

85. J'ai pris en compte pour l'essentiel les articles suivants : Apparition, Astre, Astrogalomanie. Astrologie, Astrologue, Charme, Enchantement, Fascination, Fée, Incubes, Lycanthrope. Ligature. Loup-garou, Lutin. Magiciens. Magie. Maléfice, Médecine magique. Mélancolie, Pierre philosophale. Préjugé, Préservatif, Remède. Sabbat. Sorcellerie. Sorcier, Sortilège, Succubes, Superstitions, Vampires.

86. Par exemple dans le Dictionnaire philosophiqueou L'Essai sur les moeursde Voltaire ou encore La Contagion sacréede d'Holbach.

87. Dans l'édition de 1771 du Dictionnaire de Trévoux, on trouve les définitions suivantes : Astrologie judiciaire :Art chimérique… art de filou, science fausse, téméraire et abusive, science vaine et incertaine… Astrologue:Faiseurs d'almanachs. devins, charlatans… Sorcier .On nomme ainsi celui ou celle qui, dans l'opinion du peuple.a fait un pacte exprès avec le diable pour opérer par son secours des prodiges et des maléfices… Sorcellerie: Les ignorants attribuent à la sorcellerie tous les effets dont ils ne peuvent pénétrer les causes. Magie: (…) Le peuple a toujours cru et croit encore à la magie ; la Religion condamne cet art discutable également illusoire et méprisable… On pourrait multiplier les références en citant « Loup-garou », « incubes ». « succubes », « vampire »…

88. Il y a l'ébauche d'un procès de responsabilité des tenants des Lumières qui auraient négligé leur rôle de gardiens de la raison dans les rubriques de Y Encyclopédie.L'idée est évidente dans l'article « Astre ».

89. Cette étude a été présentée au Colloque international des Lumières en août 1979 à Pise. Des fragments en ont été publiés dans II Manifestadu 2 septembre 1979. Un résumé sera publié dans les actes du colloque : Studies on Voltaire and the eighteenth century.