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De la stabilité de l’État en Afghanistan

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Olivier Roy*
Affiliation:
EHESS

Résumé

Les événements en Afghanistan consécutifs à l’intervention militaire américaine d’octobre 2001 sont perçus par nombre de commentateurs et de journalistes dans une continuité historique et à l’aide d’une grille d’analyse prête à l’emploi : celle de tribus indociles contestant un État central faible dont le contrôle ne s’étendrait guère au-delà de la capitale. Deux régimes auraient tenté de briser cette continuité en imposant un État central fort parce qu’idéologique : les communistes, de 1978 à 1992, et les Taliban, de 1996 à 2001. Mais l’Afghanistan serait retourné à ses vieux démons : ceux des « seigneurs de la guerre», des tribus rebelles et des conflits ethniques. Or cette vision, qui fait quelque peu partie du sens commun sur un pays brièvement très médiatisé, n’est pas corroborée par une analyse de l’histoire du XXe siècle. Aucun Afghan ne conteste aujourd’hui le fait de l’État central ; mais l’État afghan reste très tributaire de l’aide internationale, et l’accroissement spectaculaire du trafic de drogue peut bouleverser la donne, en créant une masse de ressources en dehors du contrôle de l’État, et qui pourrait, dès 2005, dépasser le budget de l’État.

Abstract

Abstract

The events which followed the American military intervention of October 2001 in Afghanistan are perceived by many commentators and journalists as being in keeping with historical continuity and they are approached from a readily available perspective : that of unruly tribes protesting against a weak central state the control of which does not extend beyond the capital city. Two regimes would have attempted to break this continuity by imposing a central state with a strong ideology: the Communists from 1978 to 1992 and the Taliban from 1996 to 2001. But Afghanistan would have gone back to its old demons: the “war lords”, rebellious tribes and ethnic conflicts. This commonly held vision of a country which was briefly the focus of the media is not supported by an analysis of 20th century history. No Afghan person today contests the reality of the central State; but the Afghan state remains very dependent on international aid and the spectacular increase of drug trade could drastically change the situation by creating a mass of resources escaping state control and possibly exceeding its budget.

Type
Enjeux contemporains
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2004

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References

1 - La meilleure source sur l’histoire de l’Afghanistan moderne est Gregorian, Vartan, The emergence of modern Afghanistan, Stanford, Stanford University Press, 1969.Google Scholar

2 - – Voir Barry, Michael, Le royaume de l’insolence - L’Afghanistan, 1504-2001, Paris, Flam- marion, 2001.Google Scholar

3 - Sans rentrer trop dans les détails, nous pouvons reprendre l’analyse que nous avions développée dans Roy, Olivier, L’Afghanistan, Islam et modernité politique, Paris, Le Seuil, 1985.Google Scholar

4 - Comme dans beaucoup d’États musulmans du Moyen-Orient, la nationalité est de droit pour tous ceux qui habitaient le pays au moment de l’indépendance (à condition qu’ils renoncent à toute autre nationalité), mais elle se transmet ensuite par droit du sang (et en général par ligne patrilinéaire) ; ce qui veut dire qu’il y a une sorte d’année zéro, point de départ d’un nouveau peuple.

5 - Toqian, Aziz, Hazarajat, Tarikh-e melli-ye hazara-yé moghol(Hazarajat, histoire du Hazara-Mongol), Quetta, 1980,Google Scholar adaptation en persan d’un livre du soviétique Temirkhanov, L., Khazarejcy, Moscou, 1972.Google Scholar L’ouvrage est publié par l’« Organisation de la nouvelle génération des Hazaras Moghols». Cet épisode démontre que les théories ethnicistes sont en fait symétriques, malgré les divergences politiques et idéologiques de leurs promoteurs. Cela montre aussi que, comme pour les Kurdes de Turquie, la mise en oeuvre par l’État d’une matrice ethnique entraîne l’ethnicisation des opposants sur la même base conceptuelle (un peuple, une langue, une histoire, un territoire, un État).

6 - Lors de ma première rencontre avec un cadre islamiste de la résistance intérieure (alors que je me présentais au nom d’une organisation humanitaire médicale française en 1981), sa première question fut : « Pourquoi nous aidez-vous ?» Il ne s’agissait ni d’orgueil mal placé ni d’idéologie, mais il importait de poser la question de la relation de pouvoir et de légitimité (donc politique) qui s’établit entre le donneur et le receveur. Message jamais compris par les ONG, qui se prétendent toujours apolitiques et désintéressées, ce qui peut être vrai mais ne change rien au problème.