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Dans l'Europe du Nord des VIIe-IXe siècles : commerce frison ou commerce franco-frison ?*

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Stéphane Lebecq*
Affiliation:
Université de Lille III

Extract

Je voudrais, dans cet exposé, tenter de répondre à trois questions. La première, qui m'est suggérée par les développements récents de l'historiographie, consiste à se demander s'il est légitime de parler d'un grand commerce frison aux viie-ixe siècles. Comme je pense que oui, je me demanderai ensuite si, l'apogée de ce grand commerce se situant vers 800 c'est-à-dire à un moment où la Frise est passée tout entière sous le joug des Carolingiens, il ne vaudrait pas mieux parler, à l'instar d'Herbert Jankuhn, d'un grand commerce francofrison plutôt que frison. Le fait étant dès lors établi que le commerce frison fut en grande partie redevable de ses succès à l'impulsion franque, il me restera à me demander quelle put bien être la part des Frisons eux-mêmes aux origines et dans les premiers développements de leur expansion marchande.

Summary

Summary

In this article, the author intends to make explicit some of the ideas put forward in his book: “ Marchands et navigateurs frisons du Haut Moyen Age” (Lille, 1983). He wants to emphasize, in particular, the need for the “great Frisian trade” in the 7th-9th centuries not to be underrated, so long as, when evoking Friesland and the Frisions, one takes into account the reference in contemporary sources to a vast territory located between the Scheldt and the Weser; this includes the Rhine's great delta, dominated by Dorestad, whose population, at this point, was experiencing both the Frankish and Frisian apogee. Consequently, it appears that, while the Frisions were backing up this expansion in trade with their maritime experience and technique, which was unequalled to start with, the Franks doted it with a pacific and prosperous hinterland (at least as long as the apogee lasted), making efforts to integrate it within the framework of a genuine Northern policy, the aim of which was to penetrate the Northern countries whose threat was becoming more and more perceptible under Charlemagne and Louis the Pious.

Type
Le Haut Moyen Âge
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1986

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Footnotes

*

Hormis quelques détails, on trouvera ici peu de faits neufs par rapport à mes Marchands et navigateurs frisons du haut Moyen Age parus à Lille à la fin de 1983. L'objet initial de cette conférence, faite à Kalamazoo (USA) en mai 1984, était en effet de faire connaître à un public majoritairement anglophone une recherche dont les résultats n'avaient guère encore été diffusés en dehors de l'Europe francophone et néerlandophone. J'ai cependant profité de l'occasion pour donner un tour plus systématique à certaines idées que j'avais développées — mais de manière plutôt diffuse — dans le livre, en particulier sur la part respective des Frisons et des Francs aux origines du développement d'un grand commerce sur les rivages de l'Europe septentrionale au début du Moyen Age.

References

Notes

1. Cf. H. Jankuhn, « Der frânkisch-friesische Handel zur Ostsee im frùhen Mittelalter », Vierteljahrschrift fur Sozial- und Wirtschaftsgeschichte, t. 40, 1953, pp. 193-243.

2. Par exemple Pirenne, H., Histoire économique de l'Occident médiéval, Paris, 1951, p. 79.Google Scholar

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7. S. Lebecq, Marchands et navigateurs…, op. cit., t. 1, Essai ; t. 2, Corpus des sources écrites (désormais cité comme Corpus).

8. Je me contente de renvoyer à Dorestad, numéro spécial du SpiegelHistoriael, avril 1978 ; au premier rapport systématique paru : W. A. Van Es et W. J. H. Verwers, Excavations at Dorestad I. The Harbour : Hoogstraat I, Amersfoort, 1980 ; et à l'article de W. A.Van ES, « Gedachten over Dorestads functie », Westerheem (bulletin de VArcheologische Werkgemeenschap voor Nederland), t. 29 (2), 1980, pp. 174-189.

9. Formulé par R. Hodges à propos des débuts de l'expansion marchande des Frisons dans Dark Age Economies, p. 88.

10. Edith Ennen, Die europàische Stadt des Mittelalters, Gôttingen, 1975, p. 47, et Jan Dhondt, Dos friihe Mittelalter, Francfort-sur-le-Main, 1968 ; ou édition française revue par Michel Rovcse, Le Haut Moyen Age (VIIIe-XIe siècles), Paris, 1976, p. 165.

11. Cf. S. Lebecq, Corpus, p. 109.

12. Idem, p. 23.

13. Addyman, , « Excavations in York 1973-1974. Second Intérim Report », brochure éditée par le York Archaeological Trust, York, 1976, p. 29.Google Scholar

14. Dolley, « New Light on the pre-1760 Coney Street (York) Find of Coins of the Duurstede Mint », Jaarboek voor Munt- en Penningkunde, t. 52-53, 1965-1966, pp. 1-7.

15. Il s'agit en particulier de l'apparition quasi simultanée d'un nouveau caractère pour le son st. Cf. R. W. V. Elliott, Runes, 3e éd., Cambridge, 1980, pp. 37-38. N'oublions pas que les runes purent avoir de nombreux emplois profanes : L. Musset, avec la collaboration de Mossé, F., Introduction à la runologie, Paris, 1965, p. 156.Google Scholar Que ces modifications pussent devoir quelque chose aux échanges commerciaux serait particulièrement intéressant pour l'histoire des premières techniques marchandes dans l'Europe septentrionale.

16. Je renvoie naturellement à Hodges, The Hamwih Pottery.

17. D'après les diplômes royaux en faveur de l'abbaye de Saint-Denis : cf. mon Corpus, pp. 400-405.

18. Voir n. 5.

19. H. Steuer, Die Sùdsiedlung von Haithabu, Neumùnster, 1974 ; et la dernière (6e) édition de H. Jankuhn, Haithabu. Ein Handelsplatz der Wikingerzeit, Neumùnster, 1976, pp. 108-110.

20. Cf. n. 1 ; et H. Jankuhn, Haithabu, pp. 17-46.

21. Voir Corpus, pp. 132-135 ; et pour le commentaire, le vol. 1 de mes Marchands et navigateurs, pp. 31-32 et 266.

22. Corpus, p. 422 ; et commentaire dans le t. 1 de mes Marchands et navigateurs, p. 12.

23. Corpus, pp. 37-39 ; et commentaire, op. cit., t. 1, p. 11.

24. Sur ces questions, qui doivent beaucoup aux travaux de P. C. J. A. Boeles, de A. Russchen, de H. Kuhn, de D. P. Blok, H. Halbertsma et de W. A.van Es, voir, pour simplifier, les résumés de S. Lebecq : « De la protohistoire au haut Moyen Age : le paysage des terpen le long des côtes de la mer du Nord, spécialement dans l'ancienne Frise », dans Le paysage rural. Réalités et représentations, Revue du Nord, t. 62, 1980, pp. 125-154 ; et Marchands et navigateurs, t. 1, pp. 106-107 et 126-129.

25. D. P. Blok, DeFranken in Nederland, 2e éd., Bussum, 1974, qui dispense de recourir aux nombreuses études de l'auteur.

26. Blok, ibid., en part. pp. 41-60 ; et Lebecq, S., « Francs contre Frisons. vie-vme siècle », dans La guerre et la paix au Moyen Age, Paris, 1978, pp. 5371.Google Scholar

27. Corpus, pp. 438-441 ; et Siems, H., Studien zurLexFrisionum, Ebelsbach, 1980.Google Scholar

28. Corpus, p. 324.

29. Idem, p. 206 et 208.

30. Idem, pp. 318-319.

31. Idem.pp. 313-314.

32. Idem, p. 310.

33. Idem, p. 99.

34. Idem, p. 335.

35. Dans la Vita Anskahi de la seconde moitié du ixe siècle : cf. Corpus, p. 132.

36. Cf. la Passio Friderici écrite par Odbert au début du xie siècle : Corpus, p. 117.

37. D'après un diplôme en faveur de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés : Corpus, p. 419.

38. D'après les diplômes en faveur de l'église d'Utrecht : Corpus, pp. 411-413.

39. Gelder, Enno Van, « De Karolingische Muntslag te Duurstede », Jaarboek voorMunt- en Penningkunde, t. 48, 1961, pp. 1542 Google Scholar ; Morrison, et Grunthal, , Carolingian Coinage, New York, 1967, pp. 9091, 126-128, 160-162Google Scholar ; et S. Lebecq, Marchands et navigateurs, t. 1, pp. 60- 66.

40. Malmer, B., Nordiska Mynt fôre ar 1000, Bonn-Lund, 1966, pp. 6063 et 204-209.Google Scholar

41. Dans l'Historiaecclesiastica, l.v, ch. 10 : cf. Lebecq, Corpus, p. 234.

42. Grâce aux fameux homines franci. Cf., d'après les nombreux travaux de J. F. Niermeyer, D. P. Blok, A. Verhulst, la synthèse de D. P. Blok, De Franken in Nederland (citée n. 25), pp. 43-46.

43. Corpus, pp. 313-314.

44. D'après un poème d'Alcuin : Corpus, p. 21.

45. D'après la Vita Anskarii : Corpus, pp. 132-135.

46. D'après les diplômes de 777 et 815 en faveur de l'église d'Utrecht : Corpus, pp. 409-412.

47. D'après un diplôme en faveur de cette abbaye : Corpus, p. 419.

48. D'après le Précepte des Marchands de 828 (Corpus, p. 437) ; et d'après un diplôme du 6 juin 831, édité par Dom Bouquet (Recueil des Historiens des Gaules et de la France, t. vi, pp. 572-573, n° Clxx), et évoqué par K. F. Werner dans Les origines (t. 1 de L'Histoire de France dirigée par J. Favier), Paris, 1984, p. 427.

49.Lebecq,, Marchands et navigateurs, t. 1, en particulier pp. 226-227.

50. De cette croissance agricole et de sa connexion sur les grands échanges, le meilleur témoignage est fourni par un fameux poème d'Ermold le Noir : cf. mon Corpus, pp. 26-30 ; mais on pourrait en citer d'autres, par exemple le recueil des Miracula sancti Goaris, passionnant pour l'histoire de la viticulture et de la navigation dans la moyenne Rhénanie de la première moitié du ixe siècle : Corpus, pp. 148-155. Pour une vue générale, voir Eugen Ewig, Friihes Mittelalter. Die Rheinlande in Frànkischer Zeit (451-919/31), 2e vol. du t. 1 de la Rheinische Geschichte, Diisseldorf, 1980 ; et pour le cas particulier de l'animation créée par les hommes de l'abbaye de Prüm, voir J.-P. Devroey, « Les services de transport à l'abbaye de Prùm au ixe siècle », Revue du Nord, t. 61, 1979, pp. 543-569.

51. Voir en particulier les Annales royales et les Annales de Lorsch : Lebecq, Corpus, p. 295 et pp. 301-302.

52. D'après l'interprétation très plausible d'un passage des Annales de Metz, Corpus, pp. 330- 331.

53. Comme Alfred le Grand utiliserait plus tard les informations recueillies auprès des marchands Ottar et Wulfstan. Cf. Corpus, pp. 211-217.

54. Corpus, pp. 128-129, ou encore 136.

55. Cf., d'après les travaux des numismates, Lebecq, S., Marchands et navigateurs, t. 1, pp. 5053.Google Scholar

56. S. Lebecq, Marchands et navigateurs, t. 1, en particulier pp. 165-166.

57. Voir en particulier A. Roes, « Les trouvailles de Domburg (Zélande) », Berichten van de Rijksdienst voorhet OudheidkundigBodemonderzoek, t. 5, 1954, pp. 65-69, et t. 6,1955, pp. 79- 85 ; Jankuhn, H., « Die frûhmittelalterlichen Seehandelsplâtze im Nord- und Ostseeraum », dans Studien zu den Anfàngen des europàischen Stadtewesens. Reichenau-Vortràge 1955-1956, Lindau- Constance, 1958, pp. 464472 Google Scholar ; ou encore S. Lebecq, Marchands et navigateurs, t. 1, pp. 142- 144.

58. Sur les Handelsterpen, voir, pour simplifier, S. Lebecq, Marchands et navigateurs, t. 1, pp. 139-141.

59. Car, il convient d'insister, il s'agit de Dorestad, et non de Dorestadt : le suffixe n'est pas d'origine germanique. Cf. les travaux fondamentaux de Gysseling et Blok, Studies over de oudste plaatsnamen van Holland en Utrecht, Amsterdam, 1959, p. 7 ; et Blok et Koch, « De naam Wijk bij Duurstede in verband met de ligging der stad », Mededelingen van de Vereniging voorNaamkunde, t. 40, 1964, pp. 34-51.

60. Zadoks-Josephus-Jitta, A. N., « De eerste muntslag te Duurstede », Jaarboek voor Munt en Penningkunde, t. 48, 1961, pp. 114, en particulier les pp. 8-10Google Scholar ; et J. Lafaurie, « Découvertes nouvelles de trémisses de Dorestad », Bulletin de la Société française de Numismatique, t. 22, 1967, pp. 197-198.

61. J. Lafaurie, art. cit. n. 60, p. 198.

62. D'après VHistoriaecclesiastica, l.IV, ch. 22 : cf. mon Corpus, p. 232.

63. Mme Zadoks-J.-Jitta dit dans son article (cité ci-dessus, n. 60), p. 10, que « ces prétendus sceattas sont en fait des deniers ou des pennies » ; et M. Dolley, « The coins » (dans The Archaeology of Anglo-Saxon England, dir. par D. M. Wilson, Cambridge, 1976), parle, p. 352, de « proto-pennies ».

64. Voir en particulier la conclusion de W. A. Van Es et W. J. H. Verwers dans Excavations at Dorestad 1, pp. 294-303

65. Pour la chronologie précise des événements, voir les travaux cités n. 26. On ne peut en l'occurrence se contenter d'approximations et laisser entendre que « l'établissement date du dernier quart du vne siècle, peut-être des années 680, c'est-à-dire de l'époque à laquelle Pépin est censé avoir reconquis cette zone », comme dit Richard Hodges, Dark Age Economies…, op. cit., (n. 6), p. 75.

66. Je pense volontiers avec Richard Hodges (Dark Age Economies, p. 88 et p. 90) que Wilfrid débarqua à Dorestad, quoique la Vita écrite par Eddius Stephanus ne se fasse pas aussi précise (cf. Corpus, pp. 58-59).

67. Ainsi dans la Chronique du pseudo-Frédégaire en 695 et dans les Annales de Metz à l'année 697 : Corpus, pp. 257 et 328.

68. Selon la suggestion de W. A. Van ES, dans « Gedachten… » (cité n. 8), p. 181 ; reprise par A. Verhulst, Algemene Geschiedenis der Nederlanden, t. 1, Haarlem-Bussum, 1981, p. 204.

69. Voir ci-dessus, note 29.

70. Dans un diplôme pour Saint-Germain-des-Prés : Corpus, p. 419.

71. Sous la plume de Liudger dans la Vita Gregorii : Corpus, p. 99.

72. Dans les Annales de Saint-Bertin : Corpus, p. 307.

73. Van ES et Verwers, Excavations at Dorestad I, p. 303.

74. Suivant la confrontation des Annales Royales (Corpus, pp. 303-304) et de la fouille de l'établissement central d'Haithabu (cf. Jankuhn, Halthabu).